Transcription
Transcription : Comment survivre comme cadre, saison 1, épisode 1 : Diriger son équipe à distance en situation de crise, avec Pablo Sobrino
Il faut accepter que c'était un changement important. Ça va être un changement qu'on ne sait pas où ça va finir, mais il faut accepter ça. Avec cette acceptation, on peut passer à trouver comment est-ce qu'on va travailler dans ce « nouveau ».
Annie Therriault : Bonjour! Ici Annie Therriault, bienvenue à votre balado pour cadres. Notre objectif, c'est de vous permettre d'apprendre et d'être inspirés par les histoires, les conseils et même les échecs de nos invités qui, comme vous, sont cadres au sein de la fonction publique du Canada. Que vous soyez entre deux rendez-vous, en voiture en attente de votre enfant ou bien assis et concentré, je suis ravie de vous accueillir pour cet épisode de la série Comment survivre comme cadre, qui est produite par l'École de la fonction publique du Canada.
Aujourd'hui, j'accueille Pablo Sobrino, un fonctionnaire retraité qui, au cours de ses 38 ans de carrière, est passé d'officier de navigation à sous-ministre adjoint. En conversation, on va explorer ensemble ses meilleures pratiques pour traverser une crise comme celle de la pandémie de la COVID-19. Préparez-vous à prendre des notes et allons rejoindre notre invité.
Bonjour Pablo!
Pablo Sobrino : Bonjour Annie!
Annie Therriault : Bienvenue et vraiment, un gros merci d'être avec nous aujourd'hui. Comme tu le sais, on vit dans un temps extraordinaire avec la pandémie du COVID-19. C'est un temps sans précédent. Puis, la fonction publique s'est vraiment mobilisée pour offrir du soutien aux Canadiens. Je ne sais pas pour toi, mais moi, j'ai entendu plusieurs histoires de succès extraordinaires. Tu sais, on a été dans des crises, déjà par le passé, on a connu des contextes difficiles. Mais peux-tu nous parler un peu du contexte de la crise actuelle? En quoi c'est différent?
Pablo Sobrino : Pour moi, je n'ai jamais vécu quelque chose comme ça, une urgence nationale comme la pandémie actuelle.
J'imagine que tout le monde s'est trouvé un peu désorienté. Il y avait le déni que c'était quelque chose de gros, qu'il fallait changer. La semaine après, on commençait vraiment à accepter qu'il y avait quelque chose de nouveau à faire. Je dirais que comme cadre, j'aurais commencé à connecter avec mes rapports directs pour regarder un peu le travail qu'il fallait faire, les priorités sur lesquelles on travaillait et quel était le temps pour livrer ces choses-là. Alors j'imagine que la première, la deuxième et la troisième semaine, il fallait faire cette réflexion, de commencer à connecter avec nos gens et aussi de gérer un peu le rythme à la maison.
Annie Therriault : Donc, une fois qu'on a validé notre nouvelle réalité en mode télétravail, comme les collègues, les amis... Qu'est-ce qui se passe ensuite?
Pablo Sobrino : On se demande quand ça va terminer, comment l'avenir va être dans les prochaines semaines, les prochains mois et quel est l'avenir de mon travail, de ma vie?
Annie Therriault : Oui, c'est vrai que plusieurs s'interrogeaient sur la suite des choses. Il y avait beaucoup de questions.
Pablo Sobrino : Il y a un autre volet dont j'aimerais parler un peu, c'est vraiment ceux qui étaient là, impliqués dans la réponse gouvernementale. Eux, ils étaient passés à l'action.
Vous étiez vraiment concentré sur les tâches à faire et vous aviez beaucoup de demandes de vos équipes pour monter les grands programmes que le gouvernement a mis en place, mais après cette première semaine de travail comme ça, cette pression-là, vous aurez aussi senti l'anxiété à la maison, la pression des enfants à la maison... Que faites-vous avec vos copains, vos copines? Il y a certainement des groupes dans vos équipes qui n'était pas dans votre mire directe. Alors eux, ils étaient abandonnés un peu et vous étiez fatigués, j'imagine. Puis, on commence à se demander « c'est quoi l'avenir? », « ça veut dire quoi "dans le futur"? », « dans mon avenir, la vie que j'ai, qu'est-ce qui va se passer? », « c'est quoi le "nouveau normal"? », comme on dit maintenant.
Annie Therriault : Oui, exactement, et d'avoir été mis en confinement à la maison sans trop savoir exactement combien de temps ça allait durer, c'est quand même assez déstabilisant pour tout le monde, il faudrait le dire. Tu as parlé tantôt, Pablo, au point de vue des livrables. Quand on est gestionnaire dans une situation comme ça, surtout comme EX, on reste quand même imputable de la situation. Comment on compose avec ça? En quoi ça affecte notre façon de prioriser en tant que gestionnaire?
Pablo Sobrino : Il faut examiner quand même, quelles sont les priorités que vous avez? Quelles sont les tâches à accomplir dans votre travail? Quelles sont les choses plus importantes et comment puis-je accomplir ces tâches-là? Comment est-ce que je vais impliquer mon équipe pour livrer tout ça? Il faut être gentil avec notre monde pour bien comprendre et avoir de l'empathie envers eux. Bien comprendre qu'eux aussi vivent quelque chose de nouveau, quelque chose de déstabilisant. Il faut gérer l'anxiété dont vous êtes en train de souffrir. Il faut aussi bien comprendre qu'on ne va pas livrer ce qu'on voulait.
Annie Therriault : Oui, l'anxiété est présente. On peut vraiment la ressentir. As-tu des trucs à partager pour gérer ça?
Pablo Sobrino : Pour moi, c'est se concentrer sur la méditation et l'exercice, des choses pour prendre soin de soi et aussi, n'utilisez pas les sources des médias sociaux. Trouvez les faits qu'il faut avoir pour bien comprendre la situation et pour que vous puissiez partager ça avec vos équipes. Il faut accepter que c'était un changement important. Ça va être un changement qu'on ne sait pas où ça va finir, mais accepter ça et avec cette acceptation, on peut passer à trouver comment est-ce qu'on va travailler dans ce « nouveau ».
Annie Therriault : Alors Pablo, tout à l'heure, tu parlais des communications, comment est-ce qu'on rejoint les employés, comment est-ce qu'on prend contact avec eux, mais c'est un défi particulier en termes de communication en ce moment. Tous les ministères n'étaient pas équipés de la même façon pour entrer dans cette phase de travail à la maison. Certains avaient des enjeux au niveau de la bande passante et d'autres au niveau de la sécurité des différents logiciels pour connecter ensemble. Comment est-ce qu'on fait pour relever tous ces défis-là?
Pablo Sobrino : Je dirais que dans beaucoup de cas, c'est un appel au téléphone. C'est de trouver la manière de communiquer directement entre vous et votre équipe. Une fois que tout le monde est là, que vous avez établi cette communication, on peut décider comment aller vers l'avant. Moi, des inquiétudes que j'aurais autour de tout ça, c'est ceux qui sont seuls à la maison, parce qu'eux, ils sont isolés. Ils n'ont pas le même rythme social avec leurs collègues au travail. Il y a beaucoup de gens qui trouvent que leur connexion sociale se fait à travers leur travail et s'ils perdent ça, c'est vraiment difficile.
Annie Therriault : En effet, avec le temps qui passe aussi, j'imagine qu'on va vraiment regarder les leçons apprises et essayer de voir où est ce qu'on a bien fait et où est ce qu'on aurait pu s'améliorer, mais qu'est-ce qu'on a appris jusqu'à présent en tant que leaders? Qu'est-ce qu'on peut déjà soutirer et qu'est-ce qu'on a déjà appris de la situation actuelle?
Pablo Sobrino : On regarde ce qu'on a fait avec la Prestation canadienne d'urgence qui a été lancé par l'Agence du revenu du Canada et le travail qui a été fait en deux ou trois semaines. C'est un exemple de ce qu'on peut faire, nous autres, comme Canadiens, pour servir les Canadiens et comme des fonctionnaires au Canada. Pour moi, c'est vraiment une grande leçon apprise : c'est possible de livrer ça. C'était possible de regarder nos processus, de changer la manière de faire quelque chose qui prend souvent deux ans à préparer. Ils l'ont fait en deux ou trois semaines.
Annie Therriault : Oui, en effet, il y a beaucoup de questions à se poser en tant qu'organisations, mais quand on regarde à un niveau plus personnel, en tant que cadres, en tant que personnes, comment est-ce que la situation peut nous aider à grandir?
Pablo Sobrino : On peut commencer déjà à regarder comment on fait notre travail, comment on sert les Canadiens. Qu'est-ce qu'on fait avec nos programmes, nos services et comment est-ce qu'on ajuste ça? Comment est-ce qu'on démontre notre empathie envers les Canadiens? Je pense que c'est un questionnaire personnel qu'on peut mettre devant tout le monde et on peut commencer cette réflexion. La dernière chose que j'ajouterais, c'est « est-ce que j'ai appris quelque chose sur moi, ma capacité de gérer les inquiétudes, l'anxiété dont on est en train de souffrir? » et « comment est-ce qu'on va démontrer aussi l'empathie envers nos équipes? ».
Annie Therriault : D'accord, merci Pablo. En terminant, cette série est à propos de comment est-ce qu'on peut survivre en tant que EX. Qu'est-ce qui serait une chose, selon toi, qu'on peut faire, comme EX, pour nous aider à survivre à la situation actuelle?
Pablo Sobrino : Comme cadre, d'apprendre à prendre soin de soi et d'avoir un regard à votre propre bien-être. Parce que c'est ça qui est un élément important pour que vous puissiez gérer à travers cette période d'incertitude et pour vous donner la confiance de faire le travail avec vos équipes. La deuxième chose, c'est de bâtir ou rebâtir, ou continuer à connecter à travers vos réseaux professionnels. Vos collègues sont encore vos collègues, mais il faut communiquer avec eux d'une autre manière. C'est aussi de faire vos appels et de partager vos histoires. La dernière chose que je demanderais gens c'est que si vous êtes en train de souffrir, il faut demander de l'aide. On a beaucoup de programmes d'aide au sein du gouvernement. Prenez avantage de tout ça.
Annie Therriault : Super. Merci beaucoup, Pablo, pour ça. Donc vraiment, ce que je retiens, c'est que maintenant, ce n'est pas à propos de ce qu'on doit faire, mais un peu à propos de ce qu'on peut faire. Rester bien connectés, faire attention aux autres et à soi dans ces temps difficiles et puis s'accrocher jusqu'à temps qu'on passe à travers. Je te remercie infiniment pour ta sagesse, pour tes conseils et pour cette expérience que tu as pu partager avec nous aujourd'hui.
Pablo Sobrino : Merci Annie, prends soin de toi.
Annie Therriault : Merci d'avoir passé ce temps avec nous. On vous invite à continuer la conversation et à partager ce balado, peut-être à le partager avec votre communauté via les médias sociaux. Si vous aimeriez participer ou nous proposer des invités, communiquez directement avec nous. Portez-vous bien. Prenez bien soin de vous. Vous êtes importants.