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Transcription : Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Déplacements liés au changement climatique au Canada
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Arjun Vinodrai : Bonjour et bienvenue à toutes et à tous à notre événement d'aujourd'hui sur les déplacements liés au climat au Canada, le deuxième d'une série en quatre parties intitulée Le changement climatique et les migrations humaines. Je m'appelle Arjun Vinodrai et je suis directeur principal de l'élaboration de politiques et programmes au Secteur de la gestion des urgences et des programmes de Sécurité publique Canada.
Avant d'aller plus loin, je tiens à signaler que je vous parle aujourd'hui depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anichinabé. Je souhaite exprimer ma gratitude aux générations passées et présentes d'Algonquins, qui sont les gardiennes et les gardiens originaux de l'espace que j'occupe. Je suis très reconnaissant d'être ici. Je suis conscient que les participants se joignent à nous à partir de divers endroits au pays, ce qui signifie que vous travaillez peut-être dans un territoire autochtone différent. Je vous encourage à réfléchir pendant quelques instants au territoire dans lequel vous vous trouvez.
Je tiens aussi à mentionner que nous répondrons aux questions tout au long de l'événement d'aujourd'hui. Pour poser vos questions, cliquez sur l'icône de la main levée dans le coin supérieur droit de votre écran. Nous tenterons de répondre à autant de questions que nous le pouvons avec le temps qui nous est accordé aujourd'hui et vous encourageons à participer dans la langue de votre choix.
Donc, nous vous encourageons de participer dans la langue de votre choix.
J'invite maintenant Robert McLeman, le cocréateur de la série, à faire des observations liminaires sur l'événement d'aujourd'hui.
[00:01:28 Robert McLeman apparaît dans un affichage distinct du vidéoclavardage.]
Robert McLeman est professeur au département de Géographie et d'Études environnementales à l'Université Wilfrid Laurier, où il se spécialise en recherche sur les aspects humains des changements environnementaux. Il est aussi un auteur principal coordonnateur du groupe de travail sur les conséquences, la vulnérabilité et l'adaptation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Avant d'enseigner, M. McLeman était agent du service extérieur canadien et a travaillé pour des missions diplomatiques canadiennes à Belgrade, à Hong Kong, à New Delhi, à Seattle et à Vienne. Au cours des dernières années, il a conseillé des organismes des Nations Unies, la Banque mondiale ainsi que des gouvernements au Canada, aux États-Unis et en Europe sur des questions touchant les changements climatiques, les migrations et la sécurité.
Bienvenue, Robert, la parole est à vous.
Robert McLeman : Merci beaucoup, Arjun.
Merci beaucoup à tout le monde. C'est vraiment un plaisir pour moi d'être ici avec vous par Zoom.
Je vais parler en anglais maintenant et je vous remercie une fois de plus de vous joindre à nous pour le deuxième volet de cette série. Il s'agit d'une excellente occasion pour nous de parler directement aux représentants et aux fonctionnaires canadiens qui réfléchissent à la population et aux collectivités canadiennes qui composent avec un éventail de risques liés aux événements météorologiques extrêmes, aux changements climatiques et aux phénomènes connexes, les aident et, de façon générale, travaillent avec elles.
À mon avis, nous avons généralement une très bonne idée des dangers auxquels les collectivités canadiennes sont confrontées actuellement : inondations, tempêtes, vagues de chaleur, feux de forêt, et nous en apprenons même de nouveaux, comme les rivières atmosphériques, les bombes météorologiques et d'autres termes que bon nombre d'entre nous ne connaissaient peut-être pas il y a cinq, voire dix ans. Il subsiste toutefois une grande incertitude en ce qui concerne les changements dans la fréquence, la gravité et la répartition géographique de ces événements, et la question consistant à savoir s'ils se produiront progressivement, et de façon prévisible ou imprévisible.
Je pense à la semaine dernière à peine, où un ouragan important de catégorie 5 a frappé Acapulco, au Mexique, et causé d'immenses souffrances humaines. Ce qui est terrifiant au sujet de cet ouragan, c'est qu'il est passé d'une banale tempête tropicale à un ouragan de catégorie 5 en quelques heures à peine et ce sont ces genres de phénomènes imprévus avec lesquels nous devrons malheureusement composer dans un climat en évolution. Cela signifie donc que notre expérience passée n'est parfois pas un bon indicateur de ce qui nous attend.
Par exemple, nous savons que de nombreuses régions du Canada sont à risque d'inondations et de feux de forêt, mais quelqu'un aurait-il vraiment pu prédire la saison de feux de forêt que nous avons connue l'été dernier? Elle était tout simplement d'une ampleur beaucoup plus grande que ce que nous n'avions jamais vu. Quelqu'un aurait-il pu penser qu'en 2021, les températures dans la portion intérieure de la Colombie-Britannique friseraient les 50 degrés Celsius? Le climat change donc de nombreuses façons et nous devons être encore plus prêts que nous l'avons été par le passé pour gérer ces répercussions. Non seulement le climat change, mais nous devons aussi adapter et modifier la façon dont nous nous préparons aux phénomènes météorologiques extrêmes et dont nous intervenons face à ceux-ci ici au Canada.
L'un des défis importants, bien entendu, réside dans le fait que les collectivités canadiennes ont des caractéristiques physiques, sociales, économiques et culturelles très hétérogènes. Aujourd'hui, je me trouve à Cambridge, en Ontario, et à 30 minutes d'ici en voiture, on trouve Hamilton, toujours en Ontario, deux villes qui ont un éventail de risques de phénomènes météorologiques extrêmes avec lesquelles elles doivent composer de temps à autre. Cependant, les caractéristiques de nos collectivités sont très différentes. C'est donc un point important à prendre en considération. Je suis conscient que de nombreuses personnes qui participent à cette discussion connaissent bien ces genres de contextes, mais en même temps, c'est une bonne mise à jour pour nous tous.
Aujourd'hui, nous parlerons des communautés des Premières Nations qui sont souvent très exposées aux risques climatiques, tout simplement à cause de la géographie où un grand nombre de ces communautés sont situées au Canada. Elles ont souvent une capacité remarquable de s'ajuster et de s'adapter aux changements environnementaux, mais, souvent, cette capacité d'adaptation et d'ajustement est limitée par des arrangements institutionnels avec d'autres ordres de gouvernement qui ne relèvent peut-être pas de leur contrôle. Et même si toutes les collectivités canadiennes ont des traits communs, nous devons penser aux contextes locaux et aussi penser au contexte de la gouvernance et des gouvernements au Canada. Nous devons être en mesure d'assurer une meilleure coordination entre de multiples ordres de gouvernement, parfois deux, trois, quatre, voire cinq ordres de gouvernement et accepter le fait qu'au Canada, nous avons une expérience mitigée de la coopération entre différents ordres de gouvernement et nous devons nous améliorer à cet égard.
Donc, aujourd'hui, dans cette série de conférences et pendant cet événement, nous mettrons l'accent sur le rôle de la fonction publique fédérale, et pourtant, nous devons penser en même temps, encore une fois, aux autres ordres de gouvernement au Canada et à la façon dont nous pouvons mieux travailler à l'échelle du gouvernement fédéral et avec d'autres organismes du pays. Notre objectif aujourd'hui est donc de stimuler les participants pour qu'ils commencent à réfléchir aux façons de faire de la planification proactive afin de mieux prévenir les phénomènes météorologiques extrêmes et les conditions climatiques en constante évolution et d'en atténuer les méfaits, aux façons de permettre en priorité à nos collectivités d'être plus résilientes et davantage en mesure de composer avec, soyons honnêtes, appelons-les « des surprises climatiques », parce que c'est ce qui nous attend, et d'intervenir face à celles-ci.
Nous devons faire une meilleure planification, non seulement pour nous préparer à ce genre d'événements, mais aussi à ce qui se produit inévitablement après qu'ils surviennent. Nous devons mieux apprendre de nos expériences, même au cours de la dernière année, notamment en ce qui concerne les évacuations à Yellowknife et dans d'autres collectivités des Territoires du Nord-Ouest. Que pouvons-nous mieux faire la prochaine fois et comment pouvons-nous mieux préparer nos collectivités après les événements afin de les aider à rebâtir et à se rétablir? Comment aidons-nous les personnes déplacées à court, à moyen et à long terme afin qu'elles retrouvent leurs moyens de subsistance et leur bien-être?
Donc, au cours de la discussion d'aujourd'hui, nous apprendrons, comme je l'ai mentionné, des expériences des communautés des Premières Nations au Canada. Nous apprendrons aussi de l'expérience des organismes humanitaires à qui il incombe souvent d'être cette première vague d'intervenants qui lancent les activités de reconstruction et de rétablissement. Nous examinerons en outre d'autres secteurs, comme ceux des finances et de l'assurance, qui jouent aussi un rôle important pour rendre le Canada plus résilient face à ces risques liés aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux changements climatiques, qui peuvent, dans des circonstances plus graves, mener au déplacement et au déracinement des personnes de leurs collectivités.
Sur ce, je vous remercie tous une fois de plus, merci beaucoup et je cède la parole à Arjun. Merci.
Arjun Vinodrai : Merci, Robert, et merci de mettre en contexte la conversation que nous avons aujourd'hui et les divers points de vue que nous entendrons dans le groupe de discussion.
J'aimerais maintenant vous présenter Sarah Kamal.
[00:08:23 Sarah Kamal apparaît dans un affichage distinct du vidéoclavardage.]
Sarah est une spécialiste en déplacements causés par une catastrophe et en mobilisation communautaire, qui dirige également le projet « appel à tous » de Wow-um avec la bande indienne de Kanaka Bar. Sarah parlera de son rapport Out of Harm's Way, (En sécurité) de 2021, qui a été produit dans le cadre du programme de chercheurs-boursiers en durabilité et de l'initiative de planification des déplacements causés par le climat de l'Université de la Colombie-Britannique.
Sarah, nous avons très hâte d'en apprendre davantage sur vos recherches sur un sujet aussi important. À vous la parole.
Sarah Kamal : Bonjour à tous, Salut. (S'exprime dans une langue autochtone.) Je m'appelle Sarah et je suis une immigrante sino-iranienne de première génération au Canada. Je me trouve sur le territoire des Musqueam à l'Université de la Colombie-Britannique, où je fais des études de cycle supérieur au département des études en sciences et en technologie.
Avant de commencer, je tiens à reconnaître que sept guerres importantes font rage actuellement à l'échelle mondiale et que bon nombre de nos pensées accompagnent ceux et celles qui sont touchés. Je souhaite seulement que l'application du droit international donne lieu à une paix durable.
Aujourd'hui, cependant, nous parlerons d'une autre préoccupation à l'échelle mondiale, soit la migration humaine grandissante dans le contexte des changements climatiques. Nous commençons déjà à voir comment l'évolution du climat mène à des catastrophes liées aux phénomènes météorologiques qui sont davantage imprévisibles, dispendieuses, mortelles, perturbatrices, fréquentes et extrêmes. En 2021, par exemple, la Colombie-Britannique a battu le record de chaleur du pendant trois jours consécutifs avec un dôme de chaleur qui a causé 700 décès de plus. Il s'agissait du phénomène météorologique le plus mortel de l'histoire du Canada, soit un événement qui ne survient qu'une fois par millénaire.
Cette année-là, le dôme de chaleur et les sécheresses ont alimenté les feux hors de contrôle dans la portion intérieure de la Colombie-Britannique qui ont brûlé la ville de Lytton et donné lieu à l'évacuation de milliers de personnes. Ils ont été suivis quelques mois plus tard par la rivière atmosphérique, la catastrophe naturelle la plus dispendieuse de l'histoire du pays, qui a détruit des ponts, des voies ferrées et des routes, en plus de couper l'accès à de nombreuses collectivités. Il y a ensuite eu un hiver extrême. Tout cela s'est passé en six mois. L'intérieur de la Colombie-Britannique a ensuite connu deux saisons des feux difficiles : en 2022, la ville de Lytton a de nouveau brûlé, et, en 2023, c'est West Kelowna qui a été la proie des flammes. Comme le chef à la retraite Patrick Michel, de la bande indienne de Kanaka Bar, l'a déclaré, nous ne planifions plus en vue d'événements futurs : nous les vivons.
Je présenterai certains termes tirés du rapport Out of Harm's Way, je ferai ensuite ressortir certains problèmes clés et j'exposerai des réflexions sur notre capacité de nous en sortir en tant que société. L'une des principales questions que nous garderons en tête, je l'espère, est de savoir comment passer d'une infrastructure qui repose sur un mode de vie sédentaire prévisible à une nouvelle normalité de nomadisme flexible où les gens peuvent se sauver du danger en toute sécurité, puis revenir et rebâtir, ou rebâtir ailleurs. Ou, autrement dit, comment pouvons-nous nous permettre de suivre les vagues de catastrophes?
Voyons d'abord quelques termes. Les principaux termes liés aux changements climatiques et aux migrations humaines ne sont pas encore tout à fait établis. Le déplacement climatique, les migrations climatiques, le déplacement à la suite d'une catastrophe ou la mobilité humaine dans le contexte des changements climatiques sont tous des termes adoptés par différentes organisations pour faire référence à différentes nuances du même concept, plus ou moins ce que l'Organisation internationale pour les migrations appelle la « migration environnementale ». Les migrants environnementaux sont, et je cite, des personnes ou des groupes de personnes qui, de façon prédominante, en raison d'un changement soudain ou progressif dans l'environnement qui a une incidence négative sur leur vie ou sur leurs conditions de vie, sont contraints de quitter leur domicile habituel ou choisissent de le faire de façon temporaire ou permanente, et déménagent dans leur pays ou à l'étranger, fin de la citation.
Premièrement, il faut savoir que les gens déménagent habituellement pour une matrice complexe de raisons, mais dans ce genre de cas, l'environnement est le facteur le plus important. Deuxièmement, un terme moins accepté est « réfugié climatique », car les méfaits causés par les changements climatiques ne constituent pas une forme valable de persécution comme il est reconnu par la loi pour obtenir le statut de réfugié en vertu du droit international. Troisièmement, la définition mentionne un changement soudain ou progressif dans l'environnement. Cela s'explique parce que les catastrophes liées au climat qui peuvent déclencher un déménagement sont souvent catégorisées comme des événements d'apparition soudaine ou à évolution lente.
Parmi les événements d'apparition soudaine, notons les fortes tempêtes, les inondations, les phénomènes météorologiques extrêmes et les feux de forêt. Les gens doivent peut-être évacuer, trouver un logement temporaire et revenir une fois la catastrophe terminée et que leur maison est sécuritaire ou reconstruite. Il arrive parfois que les personnes déplacées ne puissent retourner et restent dans les limbes pendant des mois, voire des années, et déménagent de nombreuses fois avant de s'intégrer à une situation finale qui leur convient. Les événements à évolution lente, quant à eux, se produisent progressivement au fil de nombreuses années et rendent un lieu inhabitable. À titre d'exemple, pensons à la désertification ou à l'augmentation du niveau de la mer. En outre, les événements répétés d'apparition soudaine comme les inondations récurrentes peuvent entraîner des pertes répétitives et forcer les gens à se relocaliser. Il peut s'écouler des décennies avant que l'on constate l'incidence complète des événements à évolution lente.
Finalement, les termes qui désignent ce que les personnes déplacées à cause du climat font quand elles sont confrontées à ces catastrophes ne sont pas définis. Les gens peuvent être évacués. Ils peuvent être déplacés. Ils peuvent se relocaliser, battre en retraite, procéder à des rachats, migrer ou se réinstaller. Ce sont toutes des stratégies que nous pouvons adopter lorsque nous sommes confrontés à ces types de catastrophes. On ne sait pas trop encore où l'une commence et où l'autre finit et, souvent, elles se chevauchent. Par exemple, une évacuation, qui est considérée comme un déménagement temporaire, peut devenir une relocalisation si la personne n'est pas en mesure de retourner à son domicile original.
Ce qu'il faut retenir ici, c'est que les gens déménagent en réponse à des catastrophes aggravées par les changements climatiques de nombreuses façons différentes, et nous n'avons pas encore une terminologie claire à cet égard. Néanmoins, il y a des choses que nous pouvons faire pour assurer la sécurité et l'autonomie des personnes à mesure qu'elles se déplacent et se cherchent un abri.
J'aimerais présenter brièvement certaines questions. Les déplacements causés par une catastrophe durent plus longtemps que ce que nous croyons. Une étude menée récemment en Colombie-Britannique, par exemple, montre que plutôt que l'évacuation de trois jours ou 72 heures que nous avons en tête et à laquelle nous nous préparons, les gens sont évacués pendant 22 jours en moyenne. En outre, les personnes qui perdent leur maison peuvent souvent se retrouver sans domicile et être incapables de retourner chez elles pendant une décennie. On trouve aussi un ensemble grandissant de recherches qui traitent du droit de déménager et du droit de rester. Dans certains cas, ce n'est pas toujours la meilleure idée de déménager.
Nous pouvons aussi apprendre certaines choses des différents cas qui se sont produits un peu partout au Canada. Par exemple, des catastrophes en cascade peuvent causer des traumatismes aggravés. À certains endroits, il y a un cycle de mode d'intervention constant dans lequel des personnes sont prises et qui cause beaucoup de cas d'épuisement. À l'heure actuelle, les saisons des feux de forêt sont plus intenses et plus longues dans certaines régions du monde. En fait, elles durent toute l'année. Et une catastrophe peut être suivie d'autres. Par exemple, les jeunes qui vivent en milieu rural peuvent être exposés aux drogues des milieux urbains au lieu où ils sont évacués, ce qui peut mener à une augmentation des taux de dépendance, de meurtres et de violence à leur retour à la maison.
Enfin, la planification de la réinstallation peut prendre des décennies, ce qui est difficile étant donné les différents gouvernements et les engagements politiques qui évoluent au fil du temps. L'une des choses que nous comprenons toutefois, c'est que les solutions doivent tenir compte de l'aspect local, car elles sont étroitement liées à la géographie et aux besoins de collectivités données, mais la capacité d'intervention peut être inégale. Ce qui se produit, c'est qu'après une catastrophe, les gens apprennent davantage et ont une meilleure capacité d'intervenir face à la prochaine catastrophe. Cependant, leurs bassins d'adaptation peuvent eux aussi s'épuiser.
J'aimerais parler de certains défis d'ordre pragmatique. L'un d'eux est la confusion entre les administrations. Il faut parfois que cinq ordres de gouvernement soient à la table afin de collaborer sur un problème particulier lié au déplacement des personnes. Il est très difficile de travailler en vase clos. Il peut être assez accablant de réunir différents types de domaines et leur faire parler le même langage pour en arriver à une compréhension commune.
Par exemple, dans la situation des feux de forêt, la participation de la santé, de la gestion des urgences, des services de lutte aux incendies de forêt, du ministère des Forêts, du ministère des Transports, pour parler des autoroutes, suppose différentes autorités régionales qui dessinent les cartes différemment. Ainsi, une collectivité voisine peut relever de cette autorité et d'une autre autorité pour ce ministère, tandis que la situation sera entièrement différente pour la collectivité voisine, mais elles doivent tout de même collaborer.
Il peut-être très difficile de plaider en faveur de l'investissement ou de la préparation des décideurs pour les événements imprévus et j'en suis consciente. La règle générale ici est qu'un dollar de préparation permet d'économiser dix dollars en intervention d'urgence. En même temps, il peut être difficile de trouver la volonté politique de comprendre si la planification en vue d'une catastrophe qui ne surviendra jamais est une bonne chose. Il peut être difficile de trouver un équilibre entre un financement flexible et la responsabilisation financière dans le brouillard de l'intervention en cas de catastrophe.
L'un des principaux enseignements, particulièrement dans les situations de rétablissement du logement, c'est qu'un financement initial rapide peut jouer un rôle très important dans l'atténuation d'autres méfaits. Par exemple, cette entrée d'argent initial rapide pourrait être nécessaire pour les maisons inondées afin de régler des problèmes comme la moisissure avant qu'ils n'empirent. En même temps, si les fonds disparaissent dans une collectivité, la confiance des habitants peut s'éroder à long terme. Nous pouvons réduire les autres expositions. Nous pouvons, par exemple, mettre à jour les codes du bâtiment afin de tenir compte des matériaux résilients aux catastrophes et des pratiques à la fine pointe. Nous voulons que le public sache qu'il faut adopter une approche pansociétale à l'égard de la résilience, en n'oubliant pas, bien entendu, que les collectivités qui ont fait preuve de résilience sont lasses de se faire demander d'être résilientes.
Nous pouvons aussi comprendre que plus nous restons en sécurité et, dans la mesure du possible, nous prenons soin les uns des autres à l'échelle locale, moins le fardeau imposé aux équipes de gestion des urgences est lourd. Nous pouvons élaborer des plans régionaux, établir des relations et créer des centres de gestion de l'excédent sûrs afin de faciliter les déplacements lorsqu'ils doivent être faits rapidement et d'atténuer la détresse dans ce genre de situation. Nous pouvons coordonner la collecte de données et veiller à offrir des schématisations des risques et des outils à l'échelle communautaire afin de permettre aux collectivités d'élaborer des plans et de garantir des rôles bien définis dans l'intervention en cas d'urgence.
Nous ne planifions plus en vue d'événements futurs : nous les vivons. Comme le chef à la retraite Patrick Michel l'a déclaré, de l'action découle l'espoir. Nous avons constaté que notre capacité, en tant que société, à faire face à la pandémie a exigé à notre système de santé d'imposer des limites rigides. Si l'on applique cette logique à l'intervention en cas de catastrophe, la prémisse est claire. Notre capacité de composer avec les déplacements causés par le climat dépendra des investissements, de la planification, des mesures de protection et du niveau de redondance que nous instillons dans nos institutions d'intervention en cas de catastrophe. Cela dépendra aussi de communications proactives et d'un partenariat avec le public.
La mise en œuvre de tous ces éléments est une lourde tâche, qui peut sembler dantesque. Il faut savoir que nous l'avons déjà fait. Pensez aux efforts déployés à l'échelle mondiale sur le bogue de l'an 2000 ou aux façons dont nous avons repoussé les limites comme nous n'avions jamais pensé le faire pendant la pandémie. Nous pouvons de nouveau le faire. Nous pouvons avoir l'attitude suivante : c'est ce que nous devons faire. Le nomadisme était un mode de vie pour plusieurs et le demeure pour certains. Nous pouvons en apprendre de personnes qui sont prêtes à transmettre leurs enseignements sur la migration au Canada et ailleurs.
Notre mission, si je puis la résumer ainsi, est de rendre la migration de nouveau ennuyante. Nous pouvons le faire, parce que, comme le chef à la retraite Patrick le dit, nos enfants et petits-enfants valent l'investissement. Merci.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup, Sarah. Vous nous avez présenté tant de matière à réflexion, y compris vos commentaires sur les défis pragmatiques et les façons dont nous pouvons réduire les autres expositions, et fait ressortir un certain nombre de problèmes qui, je le sais, font l'objet de discussions dans le contexte de l'adaptation aux changements climatiques et de la réduction des risques de catastrophe par un éventail d'intervenants et d'administrations.
[00:22:15 Joanne Eyquem apparaît dans un affichage distinct du vidéoclavardage.]
Notre prochaine conférencière est Joanna Eyquem, directrice générale, Infrastructures résilientes au climat du Centre Intact d'adaptation au climat à l'Université de Waterloo. Joanna se spécialise dans la recherche sur les mesures d'atténuation des risques liés aux inondations, aux feux de forêt et à la chaleur extrême. Joanna possède aussi 20 d'expérience professionnelle dans les services-conseils en environnement au Canada et au Royaume-Uni, et est membre de plusieurs comités consultatifs, y compris la Table consultative sur l'infrastructure naturelle et bâtie résiliente pour la Stratégie nationale d'adaptation du Canada.
Joanna, bienvenue. La parole est à vous.
Joanna Eyquem : Merci beaucoup, je suis vraiment ravie d'être avec vous aujourd'hui afin de parler de ces mesures importantes qui me passionnent réellement. J'espère donc que c'est ce qui ressortira de ma présentation.
Effectivement, comme vous l'avez mentionné, dans le cadre de mon travail au Centre Intact, je cherche à déterminer la façon dont nous pouvons réduire les déplacements liés au climat grâce à des mesures prises avant qu'un danger se manifeste, afin que nous n'ayons pas ce problème pour commencer, qu'il s'agisse d'une inondation, d'érosion côtière, d'un feu de forêt ou de la chaleur extrême. Nous tentons réellement d'accélérer l'état de préparation dont Sarah a parlé en fournissant des outils pratiques aux résidents, aux collectivités, aux gouvernements et au secteur financier, entre autres. Je ne vais pas tout couvrir, mais je tiens à mettre l'accent sur deux points clés, pendant mon mot d'ouverture, avant la discussion afin que les gens puissent, je l'espère, y réfléchir et penser à ce sur quoi nous devons nous concentrer.
Mon premier point est qu'à l'heure actuelle, le public sait peu de choses sur les risques liés au climat. Ce n'est que lorsque les personnes sont personnellement touchées qu'elles en prennent conscience. Par exemple, 94 % des Canadiens qui habitent dans des zones à risque élevé d'inondation ignorent encore qu'ils s'exposent à un risque d'inondation. La sensibilisation du public est donc un fondement essentiel de l'approche pansociétale demandée pour la stratégie nationale d'adaptation. Il est donc vraiment fondamental d'informer les gens sur les risques et, en même temps, sur ce qu'ils peuvent faire pour se préparer physiquement et mentalement à composer avec ces risques liés au climat. Cela aiderait aussi à mobiliser l'appui du public aux investissements requis pour adapter notre infrastructure.
La bonne nouvelle, c'est que nous avons déjà des outils pour le faire. Le Centre Intact, par exemple, a travaillé d'arrache-pied pour préparer un ensemble d'infographies que de nombreuses organisations, comme la Croix-Rouge, l'Autorité de la santé des Premières Nations et des municipalités, utilisent déjà afin d'informer essentiellement les gens des mesures qu'ils peuvent prendre autour de leur maison afin de se préparer pour ce qui s'en vient, et je crois que nous ne communiquons pas vraiment ces mesures avec un sentiment d'urgence aux gens. En fait, la pandémie de COVID-19 a montré que nous pouvons être très efficaces en matière de communications publiques à l'échelle du pays, mais les répercussions des changements climatiques ne sont pas encore perçues comme suffisamment urgentes pour faire l'objet d'une campagne de sensibilisation. Il s'agit là, à mon avis, d'un domaine à améliorer.
Je crois aussi que le fait d'agir, comme Sarah l'a mentionné, peut en fait aider les gens à réduire l'anxiété que bon nombre éprouvent à l'égard des changements climatiques, et que l'action engendre l'espoir. J'aime beaucoup cette citation. Il s'agit donc d'une façon dont les gens peuvent agir eux-mêmes et peut-être que cela atténuera cette anxiété dans une certaine mesure.
Mon deuxième point est que la clé de notre résilience réside aussi dans notre travail avec la nature. Notre environnement bâti est établi dans la nature et il n'en est pas distinct. Ainsi, les risques naturels sont effectivement des processus naturels qui évoluent et les changements climatiques ne sont pas la seule cause. Ainsi, la détérioration de nos écosystèmes a en fait réduit la résilience naturelle. Cela laisse les gens plus vulnérables aux inondations, à l'érosion et aux feux. Par exemple, dans le cadre d'une démonstration à l'échelle de l'Amérique du Nord, on a en fait conclu que les inondations et les sécheresses sont pires dans les bassins versants gérés par l'humain. Là où nous sommes intervenus, ces risques sont en fait pires.
Le paradigme que nous voyons dans l'adaptation aux changements climatiques a donc réellement changé à l'échelle mondiale : nous sommes passés de l'idée selon laquelle nous pouvons contrôler les catastrophes naturelles à une approche plus souple, comme le recours au zonage axé sur la terre ou des solutions fondées sur la nature qui cherchent à restaurer et à valoriser les services que fournit la nature pour assurer la résilience aux changements climatiques et plus. Nous connaissons sans doute mieux le carbone en tant que valeur de solution fondée sur le climat, mais la valeur de ces services va bien au-delà de cela. Donc, la collaboration avec la nature nous permet en fait de réduire les déplacements causés par le climat, en intégrant cette résilience naturelle aux risques liés au climat et je crois que c'est ce que fait ressortir le cadre mondial pour la biodiversité et particulièrement son objectif 11, si vous voulez aller le lire, qui fait référence au fait de rétablir les services que la nature fournit aux personnes.
Il y a donc des endroits où il sera de plus en plus dangereux de vivre à cause de l'évolution des catastrophes naturelles et je crois que les discussions sur le fait de se mettre à l'abri avant une catastrophe prévisible sont très délicates, mais il est nécessaire d'avoir ces conversations avec les collectivités afin de présenter différentes options et de pouvoir prendre des décisions communautaires éclairées à mesure que le risque augmente. Les catastrophes sont déjà graves et elles ne feront qu'empirer; nous devons donc nous y préparer mentalement aussi et il est préférable d'avoir un plan de gestion proactive au lieu de faire une gestion réactive une fois qu'un événement frappe et que les gens perdent leurs moyens de subsistance et leurs maisons.
C'est ce que je voulais apporter à la conversation, cette mobilisation du public et de la nature, et, à mon avis, si nous avons une combinaison de ces deux éléments, nous serons vraiment bien placés pour nous préparer à faire face aux risques liés au climat de demain.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup, Joanna, et merci de votre présentation.
[00:28:24 Melanie Soler apparaît dans un affichage distinct du vidéoclavardage.]
Notre prochaine invitée est Melanie Soler, vice-présidente de la Gestion des urgences à la Croix-Rouge canadienne. Melanie possède une riche expérience du travail de gestion des catastrophes pour des catastrophes importantes et récentes survenues au pays et à l'étranger. Elle a dirigé les opérations de la Croix-Rouge pendant le rétablissement à la suite des inondations de 2013 dans le sud de l'Alberta, des feux de forêt de 2016 à Fort McMurray et des feux de forêt en Colombie-Britannique, et a conseillé Israël et les Bahamas sur la planification du rétablissement à la suite d'un événement grave. Melanie exerce un leadership dans les opérations d'urgence canadiennes et internationales de la Croix-Rouge afin d'élaborer et de mettre en œuvre de nouvelles solutions novatrices pour lutter contre la COVID-19.
Merci de vous joindre à nous Melanie. La parole est à vous.
Melanie Soler : Merci, Arjun, et merci à mes collègues qui ont parlé avant moi. Vous avez donné tout un contexte et je tenterai de faire fond sur bon nombre des exemples que vous nous avez déjà présentés.
Donc, comme Arjun l'a mentionné, le travail à la Croix-Rouge canadienne en intervention d'urgence au pays depuis plus de dix ans et, avant les événements de 2013, si vous aviez demandé aux Canadiennes et Canadiens ce pour quoi la Croix-Rouge canadienne était la plus reconnue, on vous aurait répondu que c'est l'intervention en cas de catastrophe à l'échelle internationale. Fait intéressant à noter, au cours des dix dernières années, nous avons mené des interventions dans le cadre de plus de 60 catastrophes importantes au pays. Vous pouvez donc constater que, ce que nous considérions au pays comme un événement qui ne se produit qu'une fois par siècle est maintenant chose courante et que des événements cycliques, comme nous l'avons entendu, par exemple, les crues printanières, les feux et les ouragans, se font davantage sentir sur les collectivités.
Sarah nous a dit qu'il s'agissait d'événements en cascade. Je les considère comme une accumulation d'événements et nous pouvons voir, par exemple (inaudible), que ceux qui ont vécu des évacuations et subi des pertes dans la vallée du Fraser ressentent encore les répercussions des services qu'ils ont perdus dans la région de Lytton. Nous pouvons aussi voir qu'en Nouvelle-Écosse, les gens doivent encore composer avec les répercussions de l'ouragan Fiona, qui ont été rapidement suivies de crues soudaines et d'un feu de forêt au croisement de la zone urbaine.
Donc, du point de vue de la Croix-Rouge canadienne, notre mandat ici est exécuté en partenariat avec les autorités et, bien entendu, avec nos partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux, municipaux et régionaux, puis, bien sûr, avec les dirigeants autochtones. Comme on peut le voir, et nous avons dit que plus de cinq ordres de gouvernements travaillent sur ces événements, nous ajoutons ensuite la matrice parfois complexe, qui porte peut-être à confusion, des organismes à but non lucratif, des organismes non gouvernementaux et même des acteurs du secteur privé à ces autorités. Ainsi, même s'il devient de plus en plus évident que nous sommes en plein cœur d'événements liés au climat, ensemble, nous ne maîtrisons pas encore l'intervention en cas d'urgence selon la taille, l'ampleur et la fréquence de ce que nous voyons actuellement au Canada et de ce à quoi nous pouvons nous attendre à l'avenir.
J'aimerais donc vous présenter des exemples dans deux domaines d'intérêt. Nous pouvons assurément examiner les répercussions récurrentes sur les communautés autochtones. Au moment où nous surveillions les évacuations cet été, à de nombreuses reprises, la seule population touchée par les évacuations et les relocalisations était celle des Autochtones, et ces évacuations étaient souvent récurrentes et, encore une fois, s'accumulaient parmi tous les types d'événements. Nous pouvons ensuite penser à ce que j'appelle des pertes catastrophiques, qui sont liées en quelque sorte à un événement du genre de Fiona, où on constate de lourdes pertes et un rétablissement catastrophique pour les familles et les infrastructures communautaires et, habituellement, selon moi, ce genre d'événements porte atteinte aux mesures de protection que sont l'assurance et d'autres soutiens financiers d'urgence.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien la Croix-Rouge canadienne, le rôle qu'elle joue dans l'intervention en cas de catastrophe se concentre principalement sur les répercussions humaines. Au pays, nous fournissons donc des services liés aux déplacements de personnes, un soutien d'urgence et une aide au rétablissement à long terme. Ainsi, dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui, la façon dont nous y arrivons, à la lumière de notre expérience, par exemple, au cours des 60 événements pour lesquels nous avons fourni des services, et il ne s'agit que d'événements importants – et j'ignore comment nous calculons l'ensemble de l'intervention liée à la COVID-19 –, nous nous attarderons aux catastrophes naturelles.
Comme il a été mentionné, selon nous, la meilleure façon, c'est de se préparer. Nous voulons donc encourager une planification accrue d'intervention en cas d'urgence afin de cerner différents types de scénarios. Nous voulons planifier des mécanismes de coordination, au-delà des centres de coordination du gouvernement traditionnels en place, et élargir cette idée d'être plus inclusifs et de faire une planification plus détaillée. À la lumière de tous ces événements, nous pouvons fournir des données historiques sur les avantages et les risques de différentes modalités d'intervention, et nous pouvons fournir des commentaires sur les risques liés à différents choix et ainsi permettre aux dirigeants communautaires et aux acteurs de soutien d'être mieux outillés pour prendre des décisions éclairées le moment venu.
Nous voulons aussi comprendre les conséquences liées au choix de certaines destinations en ce qui concerne les relocalisations. Ainsi, nous voyons souvent, dans certaines administrations, qu'il existe des communautés d'accueil prédéfinies, qui sont sélectionnées en fonction de leur volonté de lever la main en premier, essentiellement. Nous constatons aussi qu'il existe des accords d'assistance mutuelle entre les provinces et les territoires, et certains d'entre eux sont plus détaillés que d'autres. Certains sont très précis à l'avance, tandis que d'autres ne font qu'énoncer une disposition à ouvrir la porte le moment venu.
Nous voulons encourager un plus grand nombre de destinations déterminées par la collectivité. Nous voulons explorer davantage d'options d'abri sur place ou particulièrement dans les communautés autochtones, aider les communautés à se déplacer à l'avance vers les territoires traditionnels qu'elles connaissent déjà. Pendant l'activation, nous voulons garantir que ces mécanismes de coordination sont activés et que des ressources et un effectif sont disponibles. Nous voulons aussi que la collectivité qui est en pleine évacuation et que les autorités connaissent bien ces ressources, qui peuvent essentiellement activer et tirer les leviers nécessaires le moment venu.
Une autre chose que nous voulons examiner de près pendant l'évacuation et l'activation, c'est de garantir que nous mettons en œuvre l'équité sur le terrain. En fait, dans un rapport récent présenté aujourd'hui, pardonnez-moi, la semaine dernière, et l'ombud y a fait écho, on indiquait que cela y était mêlé en Colombie-Britannique. On y décrivait l'intégration de l'équité sur le terrain, et cela signifie pour nous d'intégrer un programme de sécurité culturelle et, à l'extérieur des communautés autochtones, de veiller à ce que la conception tienne compte de la diversité et de l'inclusion. Comme Robert l'a mentionné, nous formons un pays diversifié, composé de toutes sortes de communautés différentes. C'est ce que nous voulons respecter dans la conception et la mise en œuvre de notre activation.
La Croix-Rouge canadienne est également un ardent défenseur de l'autonomie de choix en ce qui concerne les Services d'aide aux personnes sinistrées. Il s'agit donc de la pratique de comprendre la modalité et le caractère adéquat pour la collectivité en ce qui concerne les besoins de base de la population en cas d'urgence. Cela pourrait donc être aussi simple que de comprendre la modalité choisie par la collectivité pour l'hébergement d'urgence ou pour la nourriture, de déterminer si l'argent comptant constitue une modalité appropriée ou pas et, encore une fois, de veiller à ce que ces modalités soient accessibles et inclusives à cet égard. Par exemple, nous savons que, dans bon nombre de cas, comme aux Territoires du Nord-Ouest, nous avons joué un rôle actif à Edmonton, abritant plus de 2 000 familles dans des hôtels et les prolongations étaient continues et parfois annoncées à la dernière minute. Nous devions donc pouvoir offrir une modalité qui permettrait aux gens de se présenter en personne ou d'appeler. De nombreuses personnes n'avaient pas la capacité de tolérer aucun temps d'attente ou aucune file d'attente. Dans ce genre de cas, on veut donc pouvoir offrir les options de service les plus souples.
Comme l'a mentionné Sarah, la période de déplacement de 72 heures à laquelle il faut être prêt a certainement été violée. Nous avons donc entendu parlé de l'exemple en Colombie-Britannique et nous pouvons aussi examiner celui de la Première Nation de Peguis, une communauté elle aussi touchée par des catastrophes cycliques et de plus en plus graves en 2009, 2011, 2014 et 2022, la pire, et nous hébergeons encore des familles à Winnipeg qui sont incapables de retourner à la maison presque un an et demi plus tard.
Ainsi, ces relocalisations à long terme signifient que nous devons concevoir une opération de rétablissement où une relocalisation à long terme signifie des soutiens à long terme, et à mesure que ces familles grossissent et évoluent pendant un an et demi, leur situation change. Donc, les besoins de bases qu'elles ont cernés dans les premiers jours de l'évacuation ont, bien entendu, évolué eux aussi, à mesure qu'elles grandissent. Nous examinons donc les pratiques exemplaires au cours des premiers jours de la relocalisation, particulièrement lorsque des collectivités arrivent dans des collectivités d'accueil, afin d'essayer de jumeler les services et les acteurs de service que la collectivité connaît au lieu d'évacuation. Ainsi, l'une des pratiques exemplaires qui nous vient du Manitoba est la suivante : l'Université du Manitoba est transformée en centre de réception de la collectivité, qui présente des acteurs et des lieux communautaires connus, où les gens peuvent continuer de recevoir des services de fournisseurs connus ou indiquer que de nouveaux services sont requis.
En ce qui concerne l'événement de (inaudible) et la relocalisation à long terme, nous savons que même ceux qui sont entièrement assurés peuvent engager des coûts de 60 000 $ et plus en moyenne. Et, l'industrie de l'assurance est réellement bien construite pour les incendies résidentiels, mais peut-être pas pour d'autres types de risques et mesures d'atténuation. Encore une fois, cela revient à la façon dont les soutiens fournis par l'intermédiaire de la gestion de cas peuvent commencer à recueillir des données, à défendre les intérêts des personnes touchées et à influencer la conception de programmes futurs. Souvent, les gens qui vivent ces événements qui s'accumulent deviennent inadmissibles aux programmes qui auraient pu être offerts précédemment si l'empreinte de leur propriété n'avait pas été désignée comme plus viable, essentiellement.
Sur ce, je suis ravie de participer à la conversation qui suivra et de travailler à l'élaboration de meilleures solutions à l'avenir. Merci.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup, Melanie, et merci de votre présentation sur le rôle de la Croix-Rouge canadienne dans l'intervention face aux catastrophes causées par le climat ainsi qu'à la relocalisation et aux évacuations de personnes. J'aime vraiment obtenir les points de vue des opérations quotidiennes pendant les urgences. Merci à tous nos conférenciers des divers points de vue qui ont été présentés aujourd'hui, qui représentent assurément, comme je l'ai mentionné, diverses conservations qui ont lieu sur la gestion des urgences, l'atténuation des risques liés aux catastrophes et l'adaptation aux changements climatiques.
Nous sommes maintenant rendus à la partie discussion de groupe de l'événement. Nous prendrons donc les 20 prochaines minutes environ pour répondre à quelques questions avec le groupe d'experts et j'en profite pour rappeler au public qu'une séance de questions et réponses aura lieu après cette discussion. Si vous voulez poser une question, cliquez sur l'icône de la main levée dans le coin supérieur droit de votre écran et nous vous encourageons à participer dans la langue de votre choix.
Donc, vous pouvez participer dans la langue de votre choix.
Je vais passer à la discussion de groupe et avant de commencer, je sais qu'on m'a demandé de parler un peu du fonctionnement de l'intervention en cas d'urgence au Canada, y compris le rôle des gouvernements respectifs. Nous parlerons de ce sujet pendant quelques minutes et je pendrai ensuite deux questions portant sur les pratiques exemplaires, les lacunes et d'autres éléments à prendre en considération que je poserai à des membres du groupe précis. Si les autres membres souhaitent contribuer, je les invite à le faire pour animer la conversation et pour ajouter de nouveaux aspects.
Alors, pour parler un peu du fonctionnement de l'intervention d'urgence au Canada, je ferai d'abord remarquer qu'au Canada, en ce qui concerne la gestion des urgences, l'opération d'intervention incombe principalement aux gouvernements provinciaux et territoriaux. En outre, étant donné que la plupart des urgences sont de nature locale de prime abord, ce sont donc les autorités locales, et je crois que c'est aussi ressorti dans certains des commentaires également, qui participent de très près aux urgences en tant que premiers intervenants.
Le gouvernement fédéral exerce un leadership à l'échelle nationale en gestion des urgences en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et d'autres intervenants, et il est aussi responsable des administrations, des terres et des biens sous sa tutelle. L'un des principaux aspects du travail que le gouvernement fédéral fait en gestion des urgences est lié à la coordination entre tous les partenaires en cause et, lorsque les provinces et les territoires le lui demandent, lorsque les ressources ont été utilisées au maximum de leur capacité dans une administration donnée, car on sait que l'intervention en cas d'urgence peut être très exigeante en ressources, de leur fournir une aide, dans les cas où les coûts du rétablissement dépassent certains seuils, par l'intermédiaire des accords d'aide financière en cas de catastrophe.
En plus des responsabilités des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral, et comme nous le voyons très bien dans notre groupe de discussion d'aujourd'hui, lorsqu'il est question de la gestion des urgences, il existe une multitude d'autres partenaires de la gestion des urgences, comme les peuples et gouvernements autochtones, les municipalités, les bénévoles, les organismes non gouvernementaux, le secteur privé, les propriétaires et exploitants d'infrastructures critiques et le milieu universitaire. C'est pourquoi, dans les discussions sur les politiques de gestion des urgences, on entend généralement des termes comme « pansociétal », car on reconnaît un effort collectif à l'échelle du système auquel participent de nombreux intervenants. Et c'est sans aucun doute pourquoi des discussions comme celle-ci, particulièrement lorsque nous explorons des questions liées à la réduction des risques de catastrophe, sont importantes lorsque nous réunissons les divers points de vue afin de comprendre comment améliorer l'intervention en cas de catastrophe et notre résilience collective face aux urgences.
Enfin, je tiens à mentionner que l'un des principaux éléments pour faire avancer les discussions sur la gestion des urgences et sur la résilience est la Stratégie de protection civile pour le Canada, qui établit les priorités fédérales-provinciales-territoriales (FPT) pour renforcer la résilience du Canada d'ici 2030. Cette stratégie vise aussi à guider les gouvernements FPT et leurs partenaires respectifs de la gestion des urgences à atteindre les priorités qui visent à renforcer la capacité du Canada à évaluer les risques et à prévenir les catastrophes, les atténuer, s'y préparer, intervenir face à celles-ci et s'en rétablir. Tout cela soutient un leadership solide des gouvernements FPT et des responsables de la gestion des urgences dans leurs rôles et responsabilités respectifs, ainsi que les travaux collectifs qui visent à améliorer l'intervention en cas d'urgence au Canada.
À ce jour, les produits livrables de la stratégie ont porté sur le soutien d'initiatives liées à la cartographie des zones inondables, à la présentation de meilleurs renseignements sur le risque d'inondation aux Canadiens, et à l'examen des options sur la façon d'améliorer la couverture d'assurance et de réduire le risque pour ceux qui habitent dans les régions les plus à risque d'être inondées. Les produits livrables de la stratégie comprennent aussi un soutien afin d'accroître la sensibilisation du public, ce qui est sans contredit un thème que nous avons entendu dans le groupe d'aujourd'hui, et des initiatives comme le rapport sur le Profil national des risques, présenté plus tôt cette année, qui fait effectivement mieux connaître le risque dans le cadre de la première évaluation des risques nationale du Canada sur les risques et capacités liés aux catastrophes dans notre système de gestion des urgences.
Et, selon moi, afin de parler de la perspective à l'échelle du système, je vais passer au groupe de discussion et commencer à discuter du processus et des rôles, et je serai certainement ravi d'entendre les points de vue des panélistes également. Je parlerai d'abord de certains points de vue concernant les lacunes. Melanie, je vais vous céder la parole et vous demander, selon vous, comme l'intervention en cas de catastrophe est touchée par l'ampleur des catastrophes climatiques et la nécessité d'avoir une intervention, à la lumière des relocalisations liées au climat avec lesquelles le Canada doit maintenant composer.
Melanie Soler : D'accord. Je dirais qu'il s'agit davantage d'un défi que d'une lacune, mais les deux termes pourraient être des synonymes. Je crois que ce que nous avons vu cet été en était un bon exemple partout en Colombie-Britannique et en Alberta, où il y avait ces ordonnances d'évacuation continues, ce qui est très différent d'un événement isolé, par exemple, à Fort McMurray, ou même avec l'ouragan Fiona, qui est un événement établi dans le temps, pour lequel on peut cerner une limite et déterminer une charge de travail.
Cependant, lorsque l'on a affaire à ce genre d'événement continu, il devient très difficile pour les gouvernements de cibler l'aide comme ils l'ont fait par le passé pour certains groupes. Donc, par le passé, les gens recevaient de l'aide s'ils étaient absents pendant dix jours et plus ou qu'ils étaient visés par une ordonnance d'évacuation pendant plus de cinq jours ou, de façon cumulative, pendant plus d'un nombre défini de jours. Ensuite, il y avait aussi l'incidence inconnue de la capacité de la population, ce qui signifie qu'il n'y a aucun coefficient de multiplication en ce qui concerne les ressources financières. On s'engage donc à fournir de l'aide à ceux qui vivent ces catastrophes continues, mais le coefficient de multiplication peut atteindre des niveaux astronomiques, comme nous l'avons vu avec Fiona. Le coefficient de multiplication pour les personnes touchées par Fiona a augmenté de façon exponentielle et nous étions incapables d'avoir les données d'entreprises d'électricité ou autres, pour savoir exactement qui est la population cible.
C'est donc les lacunes les plus importantes. C'est très simple lorsqu'il s'agit de l'évacuation d'une communauté autochtone. Là-bas, nous sommes allées davantage dans le domaine de l'administration et nous ignorions quand les membres de la collectivité pourraient rentrer. Cependant, lors de ces catastrophes importantes que nous avons vues en Alberta et en Colombie-Britannique, qui ont littéralement eu lieu de mai à août, il était très difficile de définir la charge de travail.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup de vos commentaires, Melanie, et je suis d'accord avec vous. Il est aussi utile de penser aux défis et aux possibilités d'action à l'avenir.
Je poserai ma prochaine question à Joanna, puis à Sarah. Elle porte réellement sur les points de vue liés aux défis auxquels les institutions publiques sont confrontées, et je sais qu'un certain nombre de rapports ont été présentés récemment et que plusieurs des panélistes ont fait référence à divers rapports. Personnellement, je pense au rapport récent d'un groupe consultatif d'experts de Sécurité publique Canada sur les Accords d'aide en cas de catastrophe, qui cernait des domaines clés à renforcer, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la coordination et de l'alignement entre les partenaires du programme, le renforcement des capacités d'évaluation des risques et des outils d'aide à la prise de décision à utiliser par différents secteurs, ainsi que les communautés autochtones et le public en général.
La question, je crois, et je la poserai d'abord à Joanna, est la suivante : selon vous, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les institutions publiques en ce qui concerne la planification et la mise en œuvre de stratégies pour gérer les relocalisations liées au climat?
Joanna Eyquem : Oui, la coordination m'interpelle définitivement. Je me préparais en vue d'une présentation à la Chambre des communes. À un moment donné, j'ai cherché à savoir combien de ministères participaient à l'adaptation aux changements climatiques. Lorsque l'on examine les lettres de mandat de différentes fonctions au gouvernement, on compte en fait 15 ministères différents. Donc, même si tout le monde peut agir, il n'existe aucun rôle centralisé fondamental chargé de surveiller nos progrès au chapitre de l'adaptation et de la préparation. À mon avis, le fait que plusieurs ministères participent sans qu'il y ait de coordination de base a nui à notre progression et en ce qui concerne les limites d'ordre gouvernementales dont vous avez parlé, je crois que les provinces ont des approches extrêmement différentes à l'égard d'éléments comme la gestion des bassins versants, ce qui est très important du point de vue de la gestion des risques d'inondation des rivières. Nous tentons de remédier à ces différences et à ce manque d'uniformité et d'approches en fournissant des normes et une orientation nationales que les personnes utiliseront, mais elles sont essentiellement de nature volontaire et nous constatons donc des approches disparates à l'échelle du pays.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup de votre réponse, Joanna. Sarah, à vous la parole.
Sarah Kamal : Je crois que cela m'interpelle beaucoup, comme Joanna, du point de vue de la coordination. Ce qui me frappe, c'est que souvent, les lacunes sont difficiles à voir, sauf quand les gens commencent à s'en apercevoir, et à dire, « attendez un instant, nous prenons soin des Autochtones qui habitent dans les réserves, mais ceux qui habitent hors réserve tombent entre deux chaises ». Il y a aussi d'autres vulnérabilités, comme pour les locataires, par exemple, parce qu'un grand nombre de politiques sont liées à la propriété. Souvent, les locataires n'obtiennent aucun aide pendant des années. En fait, et même après qu'un événement se soit produit, il est parfois important de mentionner que l'assurance, par exemple, peut être trop coûteuse dans les régions rurales. Donc, le genre de couverture auquel nous pourrions nous attendre, d'un autre point de vue, n'existe peut-être pas en fait.
Ainsi, lorsque nous pensons aux façons d'agir et de s'organiser ensemble, le problème que nous avons réside en partie dans le fait que nous n'avons pas vraiment de bons modèles pour savoir comment gérer la relocalisation à long terme. Nous gérons relativement bien les évacuations à court terme, mais nous ignorons ce qu'il faut faire quand les gens perdent leur maison, et souvent, on leur dit qu'ils retourneront dans deux ans environ, mais c'est en fait quatre ans plus tard, parce qu'il fallait décontaminer la maison, et ces délais estimés ne cessent d'être prolongés. Ainsi, pour ceux qui se trouvent dans ces situations traumatisantes, l'incertitude ne fait qu'ajouter aux difficultés qu'ils connaissent déjà.
Après avoir accompagné des collectivités dans leur processus de rétablissement au cours des deux dernières années, je pense entre autres que l'épuisement causé par l'exécution du travail par rapport aux tentatives de coordination avec d'autres peut être accablant. Souvent, comme l'a fait remarquer Melanie, c'est de ne pas savoir qui l'on est censé appeler, qui est la personne-ressource qui réglera le problème pour vous. Il peut souvent y avoir ce cycle horrible où l'on vous dit de parler à telle personne, non, à telle personne, et tout le monde se renvoie la balle. À mon avis, c'est vraiment un problème clé qu'il faut résoudre en ce qui concerne l'élément de coordination.
Parmi les autres éléments qui sont ressortis, et cela revient beaucoup dans la conversation sur la Colombie-Britannique, notons la création de tables régionales afin de bâtir des relations entre collectivités voisines. De nombreuses collectivités disent qu'il est très difficile de faire le travail seules. Ainsi, le fait d'avoir ce soutien aux infrastructures habilitant pour pouvoir avoir ce genre de conversations et à tout le moins parler de coordination permet d'avoir les noms, les ressources et la capacité collective requis avant qu'un événement se produise, ce qui peut changer les choses.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup, Sarah, je fais assurément écho à ce que vous dites, rien qu'à penser à mon travail en gestion des urgences et en intervention en cas d'urgence jusqu'à la coordination, et à ce que nous faisons pour garantir que les gens sont connectés avant que l'événement ne se produise, espérons-le. Tous ces éléments en constituent un aspect très important et sont sans aucun doute un point de mire appréciable. Je pense aussi aux activités entre toutes les administrations et divers partenaires également.
Avant de parler un peu des pratiques exemplaires, je voulais obtenir les points de vue de Melanie et de Robert sur cette dernière question et sur ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter sur ce point de discussion avant que nous passions au sujet suivant? Melanie, je vous demanderais de répondre en premier.
Melanie Soler : Oui, absolument. Je crois qu'il semble très souhaitable de défendre les intérêts et de faire comprendre aux gens les connaissances que chaque intervenant possède et, comme il a été indiqué, de présenter collectivement ces éléments à la table. À mon avis, l'un des défis que nous constatons, particulièrement en période de restrictions budgétaires, réside dans l'octroi de services dans le cadre d'un processus concurrentiel, car ceux-ci devraient être payés avec des fonds publics. Cependant, le soumissionnaire qui offre le prix le moins élevé et la personne ou l'organisation retenue qui est responsable de l'opération de rétablissement ou de toute autre opération, ne possède peut-être pas les connaissances institutionnelles ou l'expérience requise pour comprendre comment le concevoir collectivement. Encore une fois, il s'agit de mettre les connaissances collectives à la disposition de l'organisme responsable, peu importe qui il est, dans un esprit de collaboration, en quelque sorte, et de choisir ensuite les soutiens complémentaires au-delà de ce que le soumissionnaire offrant le coût le moins élevé aurait pu proposer pour le service.
Arjun Vinodrai : Merci, Melanie, et je cède la parole à Robert, s'il a quoi que ce soit à ajouter à ce sujet.
Robert McLeman : Eh bien, je crois que mon expertise est tellement minime par rapport à celle des autres panélistes, mais je vois se dégager un thème récurrent : plus nous sommes prêts et plus nous nous coordonnons, mieux ce sera, en étant conscients que ce genre d'événement se produira encore et encore. Selon moi, les responsables de la planification communautaire et le grand public ont toujours espéré que les urgences ne surviennent pas aussi souvent qu'elles le font. Je crois que nous espérons tous que cela ne nous arrivera plus. Je pense à la collectivité de Peterborough, en Ontario, et à une catastrophe qu'elle a vécue, bien, il a presque 20 ans. Elle a été frappée par une inondation que l'on ne voit qu'une fois par siècle. Après coup, les gens se sont en quelque sorte dit qu'ils avaient encore 99 ans avant la prochaine, mais l'inondation suivante s'est produite deux ans plus tard.
Je pense donc que le défi, particulièrement pour les participants à cet appel qui travaillent à la fonction publique fédérale, est entre autres de continuer, au sein du gouvernement et avec leurs interlocuteurs d'autres ordres de gouvernement et des collectivités où ils travaillent, de rappeler aux gens, même au risque de sembler insistants, que nous devons continuer de nous préparer parce que les risques ne disparaîtront pas. Ils ne deviendront que plus importants. Donc, où je veux en venir, c'est que l'argent bien dépensé est l'argent dépensé avant une catastrophe.
Arjun Vinodrai : Absolument, et je tiens à remercier les panélistes de ces commentaires. Nous parlons beaucoup de préparation et d'exercices, afin d'être prêts, de savoir quoi faire et de savoir qui appeler, quand les événements surviennent. Je crois que c'est aussi l'un des points que j'ai entendus et, en ce qui concerne cet élément de coordination, je sais très bien, à la lumière des nombreuses conversations que j'ai eues, y compris lorsque nous faisons des exercices, que nous commençons souvent par parler de la gouvernance, et qui fait quoi. En fait, nous cherchons évidemment à comprendre les rôles au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et, de façon plus élargie, de la société dans son ensemble également. Je sais qu'il s'agit d'un élément important, voire très fondamental, et, comme il a été mentionné, en ce qui concerne la progression de la préparation.
Je veux passer à la question suivante et avant de parler des pratiques exemplaires, j'aimerais continuer d'inviter les membres du public à utiliser l'icône de la main levée pour soumettre leurs questions pour la période de questions et réponses. Cependant, à mesure que nous recevons ces questions, j'aimerais en savoir un peu plus sur les pratiques exemplaires et je dirais d'abord que de nombreuses collectivités au Canada et à l'étranger élaborent des stratégies afin de réduire au minimum les répercussions des catastrophes futures, et je sais que les points de vue sont différents au sein de ce groupe de discussion. J'aimerais demander aux panélistes s'ils peuvent donner des exemples de pratiques exemplaires qu'ils ont vues et qui permettent aux collectivités de se remettre physiquement des catastrophes et de renforcer leur résilience générale à la suite d'une catastrophe. Je demanderai à Sarah et à Melanie de répondre en premier, et je leur demanderai particulièrement de mettre l'accent sur les pratiques exemplaires de municipalités et de communautés autochtones et, bien entendu, d'ajouter tout ce que vous voulez aussi. Sarah, nous vous écouterons d'abord.
Sarah Kamal : À la suite d'une catastrophe, l'une des difficultés est de veiller à ce que les soutiens à la santé mentale et les soutiens psychologiques soient disponibles et souvent, cet élément est oublié. J'aimerais donc parler du Dancing Deer Disaster Recovery Centre, mis sur pied par l'ancienne chef Darlene Yellow Old Woman-Munro de la Première Nation de Siksika. Pendant deux ans, elle a obtenu un financement afin de créer une équipe de soutien psychosocial composée d'un membre du personnel infirmier, d'une conseillère ou d'un conseiller et d'un certain nombre de personnes différentes dans un éventail de domaines de soutien et de travail social, qui sont allés frapper aux portes de tous les membres de la communauté. Ces personnes avaient leur liste, étaient en mesure de parler les langues dont les gens avaient besoin et ont veillé à ce que les gens soient aussi bien que possible, en plus de défendre leurs intérêts. En particulier, comme Melanie le disait, dans le cas où les membres de la communauté étaient loin de chez eux, comme dans cette situation, je crois même que certains ont passé neuf ans loin de chez eux, et que certains d'entre eux ont aussi habité dans cinq refuges temporaires, ils ont vu que les enfants n'avaient rien à faire et ils ont plaidé en faveur d'un terrain de jeu, par exemple. Ce sont les genres de choses qui peuvent être fondamentales pour comprendre les besoins d'une communauté dans ces moments de stress extrême.
J'aimerais aussi parler de l'importance d'avoir un plan collectif et une vision à long terme. Le chef tribal Tyrone McNeil parle de l'EPS, je crois que c'est ainsi qu'il l'appelle, et je ne me souviens malheureusement plus de ce que signifie cet acronyme, mais il s'agit de réunir 31 communautés côtières et de travailler ensemble afin de comprendre ce qui est nécessaire pour assurer la durabilité et la préparation, entre autres, en matière de gestion des urgences. Cela leur a donné une façon de défendre leurs intérêts de dire ce qu'il fallait faire pour que leurs collectivités soient prêtes à faire face aux catastrophes. À mon avis, le fait de redonner un pouvoir décisionnel au niveau du pays aux Premières Nations pourrait être l'une de ces pratiques exemplaires.
Une autre chose à laquelle je pense à l'échelle municipale, c'est la façon dont certaines collectivités se convertissent en destinations climatiques. Des villes comme Buffalo, New York, Duluth, au Minnesota, parfois même de la région du Grand Toronto, à cause de l'abri que fournit le Bouclier canadien et de la disponibilité d'eau douce, peuvent être considérées comme des destinations où vont les gens. En ce qui concerne ce que les planificateurs peuvent faire dans une municipalité individuelle, il est possible de créer des modèles de déplacements futurs et de se préparer au fait que peut-être 50 000 personnes de plus vont arriver dans la collectivité au cours des 20 prochaines années. Je pense aussi au tissu social et à la façon de se préparer sur le plan de l'infrastructure, mais aussi au niveau humain, pour garantir un état de préparation culturel en fonction de certaines hypothèses concernant les idées et les modèles liés à la façon dont les gens se déplaceront à l'avenir.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Sarah; Melanie, à vous de répondre.
Melanie Soler : Oui, beaucoup de choses ont été dites et je suis d'accord avec tout cela. Il n'a toutefois pas été question des moyens de subsistance. Donc, je mentionnerai brièvement que lorsque nous parlons des collectivités, nous devons aussi comprendre que des gens vivent et habitent dans celles-ci. Souvent, nous parlons de façons de soutenir les petites entreprises ou de créer des programmes de formation. L'un de mes programmes favoris sur lesquels nous avons travaillé après l'incendie de Fort McMurray visait à aider les gens à rebâtir l'infrastructure sur leur territoire de piégeage. Encore une fois, il ne s'agissait pas vraiment d'un programme qualifié pour nos petites entreprises, mais un programme de formation que nous avons pu créer en partenariat avec le gouvernement de l'Alberta et d'autres acteurs afin de garantir que les gens qui subviennent aux besoins de leurs familles de différentes façons sont aussi en mesure de se rétablir et de devenir eux aussi plus résilients. Nous voyons donc, encore une fois, un autre aspect de cette approche collective. Lorsque les gens retournent, ils doivent avoir des garanties qu'ils trouveront un endroit où ils seront en sécurité, au chaud et au sec, comme je le dis toujours, qu'ils ont les soutiens à la santé et à l'éducation pour leur famille et qu'ils ont une façon de subvenir à leurs besoins grâce à leurs moyens de subsistance.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup de votre réponse, Melanie. Joanna, je vais vous céder la parole. Je pense à certains travaux que vous avez faits récemment, particulièrement en ce qui concerne les collectivités côtières, et je sais qu'il est quelque peu question de pratiques exemplaires dans le travail que vous avez examiné. Je sais aussi que vous avez rédigé une étude en 2021 sur les menaces côtières au Canada en raison des inondations causées par le climat, qui se penche aussi sur plusieurs répercussions des mesures d'atténuation des inondations côtières utilisées à l'étranger. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces interventions internationales et faire ressortir certaines pratiques exemplaires?
Je crois que vous êtes en mode sourdine.
Joanna Eyquem : Je savais que ce serait à mon tour. Je suis désolée. Donc, le rapport Mers montantes et sables mouvants visait réellement à faire ressortir le fait que nous pouvons combiner des solutions d'infrastructure grise et naturelle pour gérer les risques côtiers et cela met en évidence ce que nous avons vu en Europe, aux Pays-Bas et à d'autres endroits, à savoir cette idée selon laquelle la restauration de la résilience naturelle peut faire partie des outils que nous avons à notre disposition lorsque nous cherchons à savoir comment gérer les inondations et l'érosion sur les côtes.
L'autre élément, selon moi, était la nécessité d'avoir une approche axée sur les systèmes, qui fonctionne avec les processus naturels, parce que l'érosion côtière est en fait un processus naturel et si l'on arrête l'érosion à un endroit, on pourrait aggraver les choses en aval, parce que les sédiments érodés à un endroit se déposent ensuite ailleurs. Donc, on prive en fait peut-être quelqu'un de son matériel de plage. C'est un thème courant qui ressort de notre travail actuel, qui porte sur une planification plus stratégique de la gestion de la ligne côtière. Ressources naturelles Canada a aussi lancé un appel visant des approches régionales aux collectivités côtières pour se pencher sur cette question et savoir comment, par exemple, les municipalités devraient collaborer davantage à l'échelle du système naturel pour définir cette vision à long terme pour nos côtes, parce qu'à l'heure actuelle, les petites solutions à court terme et temporaires, à ce niveau (inaudible) ou au niveau municipal, ne sont pas vraiment adéquates pour régler les problèmes côtiers.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup d'avoir pris la parole, Joanna. Et assurément, le point selon lequel il faut adopter une approche à l'échelle des systèmes ressort aussi d'un certain nombre de discussions avec divers partenaires. Avant de passer aux éléments à prendre en considération, je vois que mes collègues de l'École m'indiquent qu'une question du public a aussi été posée et, à mon avis, elle fait vraiment fond sur certains des thèmes dont nous parlons jusqu'à présent. Si j'examine notre conversation jusqu'à maintenant sur les défis et les pratiques exemplaires, je sais que nous avons beaucoup parlé de résilience et je crois qu'il s'agit d'un thème qui revient dans les diverses présentations, cette capacité de rebondir à la suite d'événements, ou la force de la collectivité. Et je sais sans aucun doute qu'à Sécurité publique, nous parlons de résilience dans de nombreux contextes, y compris celui de la protection civile.
Le public demande donc si les panélistes peuvent parler un peu plus de résilience communautaire. Que peut-on faire pour renforcer la résilience à l'échelle communautaire et quels sont les défis et les lacunes? Je demanderai à Joanna de répondre en premier, pour voir si vous voulez donner votre point de vue sur ce sujet aussi, parce que je crois que cela s'appuie donc sur la conversation que nous avons jusqu'à présent.
Joanna Eyquem : Ouais. Je suis géographe. Je suis géomorphologue de profession. Je pense souvent selon différentes échelles spatiales. Je vois donc un genre d'approche multidimensionnelle ou de type « pelure d'oignon » à l'égard de la résilience, formée des particuliers, des bâtiments, des collectivités et des bassins versants ou des unités côtières, et nous devons vraiment travailler à tous ces niveaux. Nous devons donc mobiliser le public à (inaudible) et les gestionnaires d'immeubles, mais le niveau communautaire, et la planification communautaire, sont aussi très importants. Je crois que nous observons aussi beaucoup, au niveau communautaire, que certains des risques sont liés, car nous nous sentons parfois obligés d'examiner un risque à la fois, mais nous devrions en fait examiner tous les différents risques ensemble. En ce qui concerne les inondations et la chaleur extrême, disons que la plupart des solutions peuvent être complémentaires, particulièrement lorsque nous travaillons avec l'infrastructure naturelle. Donc, si nous élargissons la couverture végétale, nous consommons en fait plus d'eau et nos villes deviennent plus spongieuses, mais, en même temps, nous réduisons l'effet d'îlot de chaleur ou nous offrons aux gens des endroits plus frais où se mettre à l'abri lorsqu'il fait très chaud grâce au couvert forestier.
Donc, certaines mesures vont de pair. D'autres mesures, par exemple, en ce qui concerne les feux de forêt, lorsque nous cherchons à éliminer les matériaux combustibles des maisons afin de réduire le risque d'embrasement, vont moins bien avec d'autres approches pour la chaleur, par exemple. On élimine peut-être des (inaudible) naturels, ce qui rend en fait ces régions plus chaudes que les régions voisines. À mon avis, il faut examiner des dangers multiples et se pencher sur ces compromis entre les différents risques parce que nous avons eu tendance à mettre l'accent sur les incendies et les inondations parce qu'ils causent des dommages (inaudible), mais la chaleur extrême cause le plus de décès et se fait directement sentir sur notre santé. Je crois donc que ce point est devenu plus important depuis l'épisode du dôme de chaleur, et il est très important de garder à l'esprit ces croisements lorsque nous (inaudible) de résilience communautaire.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Joanna. Je pense qu'il est très intéressant que vous ayez fait ressortir que l'une des premières mesures est de comprendre les risques et que l'aspect de la sensibilisation du public éclaire ensuite les mesures d'atténuation. J'ai certainement retenu ce que vous avez dit aussi sur le fait de penser à tous les risques, ce que l'on appelle parfois l'approche tous risques, et donc penser, non seulement aux inondations et aux incendies, mais à tous les événements dont nous semblons de plus en plus entendre parler dans l'actualité à l'échelle du pays également. Sur ce, j'invite Sarah à répondre aussi à la question et à nous faire part de ses points de vue sur la résilience communautaire, de ce qui peut être fait pour le renforcement au niveau communautaire et quels sont les défis et les lacunes qu'elle constate.
Sarah Kamal : L'un des principaux éléments est d'avoir des listes de données à jour qui indiquent réellement qui se trouve ici, qui fait quoi et quels sont les besoins précis, qu'ils soient liés à la santé ou à toute autre chose, comme la mobilité par exemple. Je suis d'accord avec Melanie pour dire que la gestion du carburant ou les pratiques culturelles qui, du point de vue des Premières Nations, existent depuis longtemps en ce qui concerne l'intendance de l'environnement et le fait de garantir la sécurité de la communauté, doivent être mises en œuvre et permises dans certaines situations. En fait, les gens ne peuvent pas mener ces activités sur les terres de la Couronne, par exemple, qui sont situées aux limites de leur territoire, ce qui est une considération importante. À mon avis, il est très important d'avoir une infrastructure d'abri sur place. Dans la bande indienne de Kanaka Bar, on construit des espaces qui peuvent, par exemple, produire de l'énergie solaire. On tente de construire des sources d'électricité de rechange.
L'une des principales inquiétudes dans tout ce qui s'est passé dans la région de Lytton était la perte de communication et d'électricité, parce que ce brasier déchaîné brûlait tout. Donc, le fait de ne pas pouvoir communiquer et de ne pas avoir d'électricité a évidemment nui à notre capacité d'intervention. Le fait d'avoir des protocoles d'ententes avec différentes entreprises, qu'il s'agisse d'ententes de transport avec des autobus de sorte que ces modes de transport soient disponibles au besoin pendant une catastrophe ou d'avoir des hôtels qui garantissent qu'un hébergement sera offert. Par exemple, beaucoup de gens ont dû quitter à plusieurs reprises différents hôtels à mesure que la relocalisation se prolongeait, parce qu'une conférence importante ou un autre événement avait lieu, ce qui n'a fait qu'ajouter au sentiment d'éclatement. À mon avis, tous ces éléments peuvent faire partie du renforcement de la résilience au fil du temps.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Sarah. Melanie?
Melanie Soler : Oui, ce sont tous d'excellents points et je ne suis pas l'experte de notre organisation en résilience communautaire, mais je vois ma collègue Sarah Sargent le faire depuis longtemps. Encore une fois, le public le plus facile à captiver en ce qui concerne la résilience comprend les personnes qui ont déjà connu une catastrophe. Parmi nos pratiques exemplaires, nous réservons une partie de notre attrait ou des fonds de nos donateurs pour mener des projets d'adaptation aux changements climatiques ou de réduction des risques liés aux changements climatiques, et ces projets sont cernés dans la communauté à ce moment-là pour voir ce qui pourrait être utile, dans son contexte, pour renforcer la résilience. Comme vous le savez et comme vous l'avez déjà dit, Arjun, il faut connaître ses risques et savoir quelles sont les mesures concrètes et pratiques que nous pouvons prendre, au niveau des ménages, sans aucun doute, mais aussi au niveau communautaire, et ensuite organiser des événements de renforcement communautaire.
L'une des choses que nous lançons immédiatement pendant les interventions, ce sont les programmes de subventions ou les programmes d'événements communautaires afin de réunir la communauté de nouveau en offrant des soutiens psychosociaux, comme Sarah l'a mentionné, ce qui ne devrait jamais passer en deuxième. C'est ainsi que nous le faisons avec les publics captifs. Encore une fois, le gouvernement offre davantage de subventions aux collectivités côtières dans le cadre de programmes de technologie de pointe très bien élaborés. Donc, nous plaidons en faveur d'un financement de ce genre accru pour les collectivités afin de pouvoir s'allier à des partenaires qui sont bien outillés pour être au courant de ces programmes d'adaptation aux changements climatiques et qui savent comment transmettre de façon accessible ce savoir à la collectivité.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Melanie, et merci à tous les panélistes de leurs réponses et points de vue sur cette question très utile.
Je crois que cela nous mène à une autre question que nous avons reçue, qui porte sur un aspect de la résilience dont nous avons parlé, soit le fait de connaître le risque et les mesures d'atténuation que l'on peut prendre, et de penser à tous les risques. Il s'agit aussi de comprendre comment les répercussions sont différentes d'une collectivité à l'autre, y compris, dans certains cas, disproportionnées pour certaines collectivités également, ce qui peut comprendre un certain nombre de groupes, y compris des communautés autochtones.
J'aimerais donc que le groupe de discussion prenne quelques instants pour réfléchir à des exemples d'intégration de justice et d'équité à la relocalisation planifiée, particulièrement lorsqu'il s'agit de populations vulnérables. Quelles sont les vulnérabilités qui ont été mises en évidence au cours des récentes interventions d'urgence, y compris les vulnérabilités dans les régions urbaines, rurales et du Nord? Joanna, je vous invite à répondre en premier.
Joanna Eyquem : Super! En ce qui concerne les vulnérabilités, j'ai fait beaucoup de travaux sur la chaleur extrême et l'élaboration de directives nationales sur les mesures pratiques à prendre pour réduire le risque de chaleur extrême, et la vulnérabilité est un élément tellement important des facteurs prédéterminants de la santé et des conditions sociales. Par exemple, les personnes isolées sur le plan social ou qui vivent seules ou encore qui sont âgées et ont des troubles médicaux existants sont plus vulnérables à la chaleur extrême, tout simplement parce que nous ne savons pas qu'il y a un problème à cause de l'incendie de forêt et (inaudible) c'est assez évident que le problème réside dans la chaleur, mais nous ne savons pas nécessairement d'avance, si nous ne sommes pas préparés, où se trouvent ces problèmes. À mon avis, en ce qui concerne la chaleur, il est particulièrement flagrant de voir à quel point l'inégalité sociale cible réellement ces collectivités mal desservies.
Il y a toutefois de bonnes nouvelles : par exemple, à Montréal, où j'habite, on utilise certaines dimensions des données environnementales sur la verdure en milieu urbain afin de cibler la fourniture d'une infrastructure naturelle aux collectivités mal desservies qui n'ont pas accès à des espaces verts pour l'instant et on utilise les données de très grande qualité qui proviennent du gouvernement fédéral. Il s'agit à mon avis d'un excellent exemple de la façon dont les gouvernements peuvent collaborer pour assurer l'égalité, en ce qui concerne l'équité d'accès aux espaces verts, ce qui est vraiment important pour gérer la chaleur et les inondations dans nos villes.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Joanna. Melanie, je vous demanderai de répondre à votre tour.
Melanie Soler : Merci. Lorsque je pense à l'équité dans mon univers, je pense à l'équité et à l'accès au service, et cela ne signifie pas un service égal pour tous. Cela signifie que les gens ont un accès équitable aux services qui respectent leur dignité et leurs besoins fondamentaux. Par exemple, cet été, nous avions des personnes à évacuer et l'Agence de gestion des urgences de l'Alberta a été très généreuse et les a emmenées en Alberta et nous avons constaté que chaque municipalité offrait en quelque sorte sa propre recette de service, en faisant ce qu'elle pouvait avec les ressources à sa disposition. Encore une fois, de mon point de vue, on voyait parfois des gens aller d'une municipalité à l'autre afin de déterminer celle qui offrait les meilleurs services. Encore une fois, une communication et une collaboration améliorées peuvent aider à expliquer comment le service est équitable. Il faut d'abord indiquer aux gens où ils peuvent obtenir des services et dans quelle mesure ceux-ci sont offerts.
En ce qui concerne l'équité, dans notre milieu, nous le constatons souvent dans les communautés autochtones, et je crois que cela a été mentionné plus tôt, probablement par Sarah, c'est le fait qu'un ministère prenne en charge les membres d'une Nation et leur offre des services, tandis qu'un établissement métis situé à l'extérieur n'a peut-être pas accès aux services. J'irai même plus loin : on voit parfois des familles où une ou un membre d'une nation est admissible à un service, mais sa ou son partenaire ne l'est pas pour une raison quelconque. Nous ne le voyons pas seulement au Canada, nous l'avons vu beaucoup en Ukraine aussi, où des familles ukrainiennes qui se présentaient étaient formées d'une ou un Ukrainien marié à une ou un Russe. Encore une fois, la réponse est complexe et il est difficile d'appliquer des normes de service claires et nettes.
Arjun Vinodrai : Merci pour votre réponse, Melanie. Sarah?
Sarah Kamal : Je crois qu'en ce qui concerne les vulnérabilités, je dirais que les collectivités éloignées et rurales ont des vulnérabilités particulières, comme l'accès coupé aux routes en raison de glissement de débris et les ravinements qui se poursuivent après la catastrophe ne reçoivent pas beaucoup d'attention. Par exemple, si un incendie crée les conditions qui donnent lieu à ce genre de situation, et c'est certainement ce qui se passe depuis deux ans, le simple fait de se balader en voiture peut déclencher une crise chez bon nombre de personnes. Comme je l'ai indiqué plus tôt, si l'infrastructure de communications et d'électricité tombe en panne, cela peut mener à toutes sortes de choses, à des catastrophes supplémentaires comme la putréfaction de la nourriture et la présence d'asticots, et il faut ensuite retirer les réfrigérateurs de la collectivité. Souvent, dans ces collectivités, la capacité actuelle d'intervention des services de gestion des urgences n'est pas extraordinaire. Ainsi, dans la communauté avec laquelle j'ai travaillé, une ambulance peut seulement répondre aux urgences graves et il lui faut 45 minutes pour joindre certaines collectivités, voire deux ou trois heures, s'il s'agit d'un événement non extrême. La plupart d'entre nous sont habitués à un délai d'intervention de quatre minutes, mais ce n'est pas le cas pour tous. Ainsi, comme Melanie l'a mentionné, lorsqu'il y a une perte de services parce qu'une communauté n'est pas disponible et qu'il n'y en a plus aucune autre, cela peut imposer une grande pression à la région dans son ensemble.
En ce qui concerne les vulnérabilités propres aux Premières Nations, des histoires passées dans la gouvernance ont donné lieu à des relocalisations forcées ou ont parfois contraint des communautés à s'établir à des endroits au lieu de pouvoir migrer de façon saisonnière. Le risque augmente de certaines façons à cause des endroits où l'on a forcé une communauté à s'établir, ce qui a mené de nombreuses communautés à parler d'une catastrophe non naturelle, ou d'origine humaine, dans leur cas lorsque des événements surviennent. En outre, le fait qu'elles sont celles qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète et aux changements climatiques que nous constatons, et qui se sont même défendues contre ceux-ci, qui sont les communautés les plus touchées, non seulement en ce qui concerne les chiffres, mais aussi les pertes les plus lourdes qu'elles ont aussi subies parce que les types de catastrophes qui touchent les Premières Nations, par exemple, ont une incidence sur leur mode de vie, leurs relations et leurs affinités avec les arbres et les ours. En fait, on m'a dit que des ours à qui l'on a donné un nom ne viennent plus et les gens s'inquiètent. Cela touche donc aussi leur mode de vie culturel. Donc, lorsque nous parlons de vulnérabilités, il est important de comprendre que ces formes de pertes sont bien plus importantes pour ceux qui sont disproportionnellement touchés.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Sarah.
Je vois que le public a posé d'autres questions au groupe de discussion et je l'en remercie. Je vais être créatif et en combiner deux et je crois que cela va fonctionner. En ce qui concerne la première question, Melanie a fait remarquer que souvent, les gens qui vivent des catastrophes peuvent devenir inadmissibles à certains programmes. La question est donc la suivante : que peuvent faire les programmes gouvernementaux pour être plus souples et plus favorables? Melanie, je vous demanderai de répondre en premier et j'inviterai ensuite Sarah et Joanna à ajouter des éléments si elles le souhaitent.
Je vous invite aussi à couvrir une question supplémentaire dans votre réponse, Melanie, en tant que représentante de la Croix-Rouge canadienne, et de parler des stratégies que vous avez mises en œuvre avec succès dans votre travail à l'étranger et qui pourraient être utilisées ou qui ont été couronnées de succès au Canada également. Je vous demande donc de faire part de vos points de vue sur la façon dont les programmes des gouvernements peuvent être plus flexibles et plus favorables, et de faire ressortir toute pratique exemplaire internationale que vous jugez à propos. Melanie, à vous la parole.
Melanie Soler : Merci. Oh là là, la deuxième question est assez complexe, compte tenu de nos 190 partenaires à l'étranger. Il y a beaucoup de différences ici. En ce qui concerne la première question, à savoir ce que les partenaires du gouvernement peuvent faire, la raison pour laquelle les gens deviennent inadmissibles, c'est en fait dans un esprit de sécurité. Je crois que (inaudible) un exemple très simple, après les inondations dans le sud de l'Alberta, si vous n'installiez pas une valve de refoulement dans le sous-sol de votre maison, ce qui correspond à un très petit investissement, la fois suivante, vous deveniez inadmissible au programme de rétablissement en cas de catastrophe. Encore une fois, à moins que les gens sachent que c'était le cas et qu'ils comprennent… vous savez, peut-être y avait-il des personnes âgées qui n'avaient pas la capacité d'embaucher un plombier? Donc, les restrictions sont imposées du point de vue de la sécurité publique, que ce soit que vous êtes non assurable parce qu'il est certain que cette pente va glisser, donc à moins que vous puissiez construire ce mur de soutènement de 170 000 $, vous devriez déménager et nous ne vous assurerons pas. Encore une fois, il s'agit de trouver un équilibre entre le fait d'encourager les gens et de leur donner des moyens financiers de prendre les mesures d'adaptation ou de les aider à se relocaliser. Il s'agit donc de trouver un équilibre délicat, le tout afin de permettre aux gens de garantir que leurs logements familiaux sont sécuritaires. Pour ce faire, encore une fois, il faut adopter une autre approche pansociétale, établir un équilibre entre l'économie et la santé mentale, ainsi que les aspects économiques associés à la mise en place d'une politique.
Arjun Vinodrai : Merci de votre réponse, Melanie, et j'aimerais demander à Sarah et à Joanna si elles ont quoi que ce soit à ajouter pour répondre à cette question. Joanna, avez-vous quelque chose à dire?
Joanna Eyquem : Ouais. L'un des éléments sur lesquels j'ai fait des commentaires, c'est d'essayer de mobiliser le financement du secteur privé pour l'adaptation, parce que même si nous disons que nous avons des fonds pour le climat, ils sont destinés à 90 % à l'atténuation des changements climatiques et à la réduction des gaz à effet de serre, tandis que seulement 10 % vont à l'adaptation. Je sais que nous avons exploré avec la Banque de l'infrastructure du Canada, par exemple, des façons d'élargir le programme d'infrastructures vertes afin d'inclure la résilience et la nature dans certains de ces investissements. Peut-être y a-t-il aussi des partenariats public-privé et comment pouvons-nous reconnaître les coûts évités avec un peu plus de créativité à l'avenir en tant que flux de revenus, parce qu'il s'agit de choses pour lesquelles nous n'aurons pas à dépenser à l'avenir si nous pouvons apporter des changements dès le départ. C'était l'un des éléments.
L'autre élément, c'est que je tiens aussi à mentionner qu'il n'y a pas que le gouvernement fédéral. Il y a aussi les gouvernements provinciaux et les programmes de financement équivalent. À mon avis, il est souvent assez facile de formuler des conseils et de tenter de défendre des intérêts auprès du gouvernement fédéral afin d'obtenir du financement, mais en fin de compte, celui-ci n'a pas la compétence pour mettre ces éléments en place et pour cela, il faut établir des partenariats et des relations. De toute évidence, la façon dont nous créons certains des programmes de financement encourage effectivement les mesures que nous voulons. Cependant, nous devrions peut-être être un peu plus stratégiques parfois et ne pas seulement compter sur les municipalités, qui ont besoin de fonds pour mettre les mesures en œuvre, sans compter que certaines n'ont peut-être pas non plus les ressources requises pour présenter une demande. Ainsi, au lieu d'attribuer le financement en fonction du bien-fondé, il faudra l'affecter en fonction du risque.
Arjun Vinodrai : Excellent. Merci pour votre réponse. Sarah, avez-vous quelque chose à ajouter pour répondre à cette question?
Sarah Kamal : J'aimerais parler brièvement de l'aspect lié au soutien. À mon avis, l'essentiel, c'est de donner l'autonomie nécessaire à ceux qui sont touchés par une catastrophe et de maintenir une souplesse. Par exemple, sur le terrain, le fait de devoir retourner et obtenir plus de coupons pour obtenir un hébergement, de la nourriture et ainsi de suite, réveillait de nouveau des traumatismes chez les gens. Il y a eu certains problèmes, je sais que c'est un problème de (inaudible), mais je dirais que le fait d'avoir un navigateur communautaire, affirmant qu'il prendra en charge un nombre donné de familles et qu'il fera une réinscription de masse et que les familles recevront ces avantages était vraiment très important pour la communauté. Il est aussi important de mentionner que souvent, les personnes qui jouent ces rôles sont des bénévoles. Ce sont parfois les personnes responsables de la gestion des urgences qui n'occupent ce poste que depuis peu de temps. Donc, si j'avais une baguette magique, j'aimerais bien avoir ce que l'on trouve à l'échelle provinciale avec ces lignes infosanté où les gens peuvent parler à un membre du personnel infirmier pour savoir quoi faire dans une situation donnée. Oui, ça serait génial d'avoir un genre de ligne d'écoute accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, afin d'expliquer aux gens ce qu'ils doivent faire et les procédures qu'ils doivent suivre s'ils sont un professionnel ou un membre du grand public. Dans ces situations comme celle-ci, je crois que c'est l'incertitude qui ajoute réellement au fardeau.
Arjun Vinodrai : Merci beaucoup de votre réponse, Sarah, et merci aussi à tous les panélistes d'avoir présenté leurs points de vue. Je vois que nous sommes arrivés à la fin de l'événement. Je tiens à remercier tout le monde de cette conversation qui a été des plus utiles. Je crois qu'elle a touché un certain nombre de questions liées à la connaissance du risque, à la résilience, à l'expérience des collectivités et au rôle des administrations. Elle a été vraiment utile pour notre réflexion collective sur l'intervention en cas d'urgence au Canada et pour obtenir des points de vue à l'échelle de la société.
Sur ce, au nom de l'École, je tiens à remercier Robert, Sarah, Melanie et Joanna, ainsi que tous les membres du public de partout au pays d'avoir participé à la discussion d'aujourd'hui et aussi des questions utiles qui ont été posées. Je tiens à mentionner que l'École offre d'autres événements et cours. Le 6 novembre, l'École organise un événement sur les changements climatiques expliqués aux fonctionnaires, où vous pourrez en apprendre plus sur le nouvel ensemble de cours sur les changements climatiques expliqués aux fonctionnaires conçus par Environnement et Changement climatique Canada.
Les prochains événements de cette série auront lieu en février et mars 2024. Le prochain événement portera sur les changements climatiques à Tuktoyaktuk, un hameau inuvialuit situé à la pointe des Territoires du Nord-Ouest. Le quatrième événement, qui aura lieu en mars, portera sur l'intégration des connaissances autochtones aux décisions sur la migration liée aux changements climatiques également. Surveillez le site Web et le bulletin d'information de l'École pour en savoir plus sur ces événements au cours des prochains mois.
Encore une fois, merci à tous de vous être joints à nous aujourd'hui et merci à nos conférencières et conférenciers, présentatrices et présentateurs et bonne journée à tous. Merci. Merci.
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