Transcription
Transcription : La conduite des affaires de l'État à l'ère numérique : moments importants
Le 25 mai 2022, l'École de la fonction publique du Canada a organisé un panel mettant en vedette Fergus Hanson, Farhaan Ladhani et Joe Wang. Ils ont donné un aperçu de la façon dont les États font évoluer l'utilisation des outils numériques pour s'engager avec détermination et faire avancer leurs intérêts lorsqu'ils s'adressent aux populations, aux parties prenantes et aux gouvernements du monde entier.
Thème 1 : L'ère numérique
[Le panel de Fergus remplit l'écran. Pendant qu'il parle, une carte titre apparaît, indiquant "Fergus Hanson, Directeur, Centre international de politique cybernétique à l'Australian Strategic Policy Insitute (ASPI)"].
Fergus Hanson : À mon avis, l'ère numérique doit servir d'outil pour atteindre des objectifs. Tout comme nous avons connu l'époque du télécopieur, des navires à vapeur, de l'imprimerie, maintenant nous vivons l'ère numérique. D'une part, une nouvelle façon de mener les activités ne devrait pas trop nous affoler. D'autre part, on constate que les différences sont nombreuses. La différence radicale par rapport aux époques que nous avons connues précédemment réside sans aucun doute dans le rythme du changement. À mon avis, plonger dans certaines complexités de l'ère numérique relève davantage de l'expertise. Il me semble que nous devrions tous nous faire à l'idée que nous traversons une période de transition où certaines personnes dans leur devenir n'ont pas eu à composer avec ces complexités – elles comptaient sur leur côté intuitif dans leur façon de vivre. Puis, je remarque également cette convergence totale entre ce qui est en ligne et ce qui est hors ligne.
Thème 2 : Les défis de l'ère numérique
[Le panel de Farhaan remplit l'écran. Pendant qu'il parle, une carte titre apparaît, indiquant "Farhaan Ladhani, PDG, Digital Public Square"].
Farhaan Ladhani : Il nous faut reconnaître que certaines questions nous posent problème. En voici une : en ce qui a trait à la gouvernance et à la rapidité de réaction, offrons-nous à nos sociétés la valeur que nous affirmons à répétition vouloir leur offrir? Et j'aimerais que nous examinions très attentivement la question de la rapidité de réaction. Il est évident qu'aujourd'hui, dans bien des choses, vous avez plus d'attentes qu'auparavant en ce qui a trait à la rapidité de réaction. Vous vous attendez à ce que le temps de réponse à un courriel professionnel soit de l'ordre de deux heures, et de deux minutes pour un message texte provenant d'un ami. Ainsi, dans la prestation de services aux citoyens, lorsque nous communiquons avec eux et essayons de comprendre leurs griefs et leurs difficultés, il faut de toute évidence améliorer notre capacité à écouter et à répondre pour s'harmoniser avec les exigences de la société actuelle. Le cycle de rétroaction en résulte écourté. Mais, si vous parvenez à harmoniser vos capacités et à adopter le cycle de rétroaction approprié à une société ouverte, eh bien, vous êtes tout à coup mieux positionnés pour renforcer la confiance des citoyens. Ainsi, à mon avis, l'accélération de la mise en œuvre des technologies dans la sphère des défis qui se posent est une des choses auxquelles nous sommes confrontés. Je pense que la technologie a réellement progressé dans la sphère de la rapidité de réaction en ce qui concerne les activités commerciales. La question qui demeure est de savoir si la technologie a réellement progressé dans la sphère de la gouvernance, car, à cet égard, le rythme d'innovation dans nos sociétés ne semble pas suivre de près les défis qui se posent.
[Le panel de Joe remplit l'écran. Pendant qu'il parle, une carte titre apparaît, indiquant "Joe Wang, Chef de la politique étrangère, Projet spécial d'études concurrentielles"].
Joe Wang : Notre façon de composer avec les campagnes de désinformation malveillantes d'origine étrangère doit sans doute être différente à l'égard de la chambre d'écho interne dans notre pays. En réalité, pour contrecarrer les différentes campagnes de désinformation, nous devons élaborer un discours sur notre façon de nous tenir debout après être tombés. Encore une fois, je pense que dans le cadre du gouvernement, un des problèmes réside dans la rapidité avec laquelle nous élaborons ce discours. Nous ne pouvons tout simplement pas mentir. Le discours que nous formulons doit être véridique; ainsi, une partie du savoir-faire qu'il nous faut perfectionner consiste à trouver la manière de diffuser plus rapidement un message plus positif et de nous assurer que les gens sont au courant de nos agissements.
Fergus Hanson : Nous en avons un exemple clair dans la crise en Ukraine. Volodymyr Zelensky s'en est si bien sorti parce qu'il a diffusé un flux constant de messages sur l'Ukraine, ce qui a étouffé toute tentative de la part des Russes de nous lancer des messages. En tant que démocraties, nous avons tendance à être un peu hésitants dans nos communications, et nous pensons que nous devrions prendre la parole seulement lorsque nous avons quelque chose d'important à transmettre et qu'autrement nous devrions nous contenter de garder le silence. L'environnement de l'information est ainsi déterminé par rapport à la mésinformation et à la désinformation. À mon avis, nous devons donc surmonter notre réticence à communiquer et avoir tendance de façon beaucoup plus proactive en tant que société à communiquer avec notre public ainsi qu'à l'échelle internationale. Je ne suis pas en train de vous dire de suivre la voie qui consiste à inventer des histoires et à répandre la désinformation, mais de faire preuve de proactivité en diffusant des messages positifs, efficaces, qui font comprendre nos points et non pas de simplement céder du terrain.
Thème 3 : Les différences entre les démocraties et les États autoritaires à l'ère numérique
Farhaan Ladhani : Je pense que la façon de fonctionner de nos sociétés ouvertes se distingue tout particulièrement par la gouvernance qui encadre la mise en œuvre des outils et des technologies, et également par la manière de mettre en place des mécanismes de surveillance, par la façon qui nous permet d'amener le public à utiliser certains types d'outils et de technologies et la façon d'écouter réellement les citoyens. Il me semble que, dans le cadre de cette question, la sécurité publique est une composante qui peut facilement être manipulée et mise à profit pour identifier des personnes et les éliminer. Et voilà que cette même technologie qui a des incidences positives en certaines circonstances comporte des répercussions dans d'autres. Mais ce qui nous différencie est notre désir de trouver des méthodes de surveillance et d'examen – la prise en compte du déploiement de ces technologies, la sensibilisation du public à leur utilisation et les raisons qui nous motivent à nous en servir –, et c'est exactement avec cette façon très ouverte et très transparente que nous bâtissons la confiance.
Joe Wang : Je pense qu'il y a encore quelque chose qui nous démarque en tant que sociétés démocratiques ouvertes, par rapport aux autocraties comme la Chine et la Russie. Dans le monde, les personnes ne songent pas à prendre la nationalité chinoise. Elles ne rêvent pas de devenir des citoyennes russes. Mais ce qui les fait encore rêver est d'obtenir la nationalité d'un pays occidental, de devenir Américaines ou Canadiennes. Nous devons bien cerner la recette secrète qui fait en sorte que des personnes de partout attribuent une telle importance à nos sociétés. Et les éléments liés au pouvoir de contraindre ne sont pas les seuls à entrer en ligne de compte. Il faudra travailler beaucoup plus sur les éléments liés au pouvoir de convaincre et s'assurer ainsi de continuer à être une source d'inspiration pour des personnes à l'échelle internationale, afin qu'elles nous perçoivent comme le modèle non seulement pour les deux types de gouvernements, mais également pour la vie à laquelle elles aspirent.
Thème 4 : La compétition entre les démocraties et les États autoritaires à l'ère numérique
Fergus Hanson : Nous devons être très tranchants sans avoir peur de nous engager dans certains des défis un peu plus difficiles que nous posent les États autoritaires. Il nous faut porter une réflexion beaucoup plus dynamique sur les messages, par exemple ceux qui proviennent des diplomates et des fonctionnaires chinois lorsqu'ils propagent délibérément des théories du complot et publient ouvertement des mensonges. Nous devons réfléchir aux façons de contrer l'ingérence étrangère dans nos systèmes démocratiques et faire en sorte qu'il soit plus difficile de mener des opérations de manipulation clandestines dans l'environnement hors ligne, puis de transférer tout cela dans l'environnement en ligne. Pour ce faire, il faut se positionner sans complaisance par rapport à ces questions et en parler lors de nos débats publics. Nous ne devrions pas simplement faire semblant, parce qu'on ne veut pas que nous abordions certaines questions, et nous taire en quelque sorte. Nous devons faire preuve de transparence avec le public, définir le problème dans les discussions et déterminer la marche à suivre pour le résoudre.
Farhaan Ladhani : Dans les sociétés des États autoritaires, mieux vaut se taire. Il n'en est pas de même ici, et il faut qu'il en soit autrement. En fait, la capacité d'amener les gens à vous parler et à vous en dire un peu plus sur ce qui les contrarie et ce qui améliorerait leur vie constitue un atout très puissant que vous pouvez utiliser tous les jours. Vous avez la possibilité de mobiliser tout un ensemble de partenaires et d'intervenants potentiels après avoir vraiment compris ce qui dérange les personnes, les préoccupe, après avoir cerné leurs problèmes dans le cadre des services ou des politiques et des programmes. Ensuite, vous pouvez leur donner les moyens de se doter réellement de documents et d'outils appropriés en vue de les partager avec la communauté qui leur fait confiance. Ainsi, vous commencez à étendre davantage les liens de confiance entre votre institution et un large éventail de personnes qui autrement ne sauraient pas ce que vous faites pour servir les Canadiens, ou de personnes pour qui vos services ne sont pas tout à fait adaptés, ce qui vous permet de les améliorer. On peut tous s'y mettre dès demain.
Joe Wang : En réalité, personne d'entre nous ne peut y parvenir seul. Je réitère que la raison à cela réside, d'une part, dans l'ampleur du défi que nous observons en Chine et, d'autre part, dans l'importance de l'investissement économique pouvant être consacré par cet État à de telles fins, étant donné la façon dont son système fonctionne. Ainsi, vous savez sans doute que nous avons formulé un certain nombre de recommandations. Nous parlons abondamment de la façon de mettre en place cet ordre technologique favorable à l'échelle planétaire et nous constatons que beaucoup d'entre nous l'ont déjà fait. Les États-Unis déploient beaucoup d'efforts par l'entremise de l'OTAN, qui a publié l'an dernier sa stratégie en matière d'intelligence artificielle (ou IA). L'OTAN a investi dans un certain nombre d'initiatives liées aux technologies pour le compte de l'ensemble de l'alliance. À la réunion du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (ou Quad), qui a eu lieu cette semaine, les dirigeants se sont réunis afin d'annoncer leur collaboration pour investir dans diverses technologies dont nous avons besoin pour affronter la concurrence à l'échelle mondiale. Une autre idée que j'apprécie tout particulièrement concerne simplement le besoin d'approfondir les rapports interpersonnels qui existent entre les démocraties.
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