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Transcription : Série sur les nouveaux enjeux économiques : La propriété intellectuelle
Mark Schaan : Bienvenue à tous. J'ai le plaisir de vous présenter cette troisième activité de la série « Nouvelle économie », sur la propriété intellectuelle. Il s'agit d'un partenariat entre l'École de la fonction publique du Canada et le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI). Je m'appelle Mark Schaan. Je suis sous-ministre adjoint délégué du Secteur des stratégies et politiques d'innovation du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada. Dans ce rôle de direction, j'ai le grand plaisir de travailler avec certains des meilleurs professionnels de la propriété intellectuelle au pays, dont quatre que vous allez entendre aujourd'hui, pour votre grand bonheur à tous. Je suis très heureux d'avoir ce rôle aujourd'hui et d'animer notre discussion qui porte sur la nature changeante de la propriété intellectuelle et son incidence sur l'économie canadienne et notre écosystème d'innovation.
Depuis le moment où j'ai commencé à interagir avec le milieu de la propriété intellectuelle, il y a plus de dix ans, en travaillant sur des questions liées aux sciences de la vie, je n'ai cessé de voir l'importance de la propriété intellectuelle et des biens incorporels prendre de l'ampleur dans nos perspectives économiques générales et dans la course mondiale à la compétitivité. J'ai vu les biens incorporels devenir une fonction essentielle de nos politiques économiques globales et de celles de nos concurrents, ce qui soulève des questions incroyablement importantes concernant la mise en commun, la complexité et le coût des renseignements ainsi que la question à savoir si les entreprises et les économies seront, comme certains aiment à le dire, des émetteurs de chèques ou des encaisseurs de chèques dans un monde de biens incorporels qui continuent à offrir des privilèges et un accès à ceux qui sont capables de protéger leurs idées de façon pertinente dans l'économie mondiale.
Vous allez en apprendre beaucoup plus à ce sujet au cours de la séance d'aujourd'hui. J'ai le grand plaisir d'avoir avec moi des invités du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, Aaron Shull ainsi que Myra Tawfik, Natalie Raffoul et Karima Bawa, des professionnels exceptionnels dans ce domaine qui mènent le bal pour que le Canada joue un rôle de premier plan dans l'économie des biens immatériels. Quelques points d'ordre administratif pour cette séance : la traduction simultanée est offerte dans la langue de votre choix sur le portail. Des instructions vous ont été envoyées avec votre lien de webdiffusion. Les participants sont invités à soumettre des questions pour la période de questions et réponses animée qui aura lieu vers la fin de l'activité. Pour ce faire, les participants peuvent cliquer sur l'icône de la personne à la main levée en haut à droite de leur écran. Vous pouvez poser vos questions dans les deux langues officielles. Sachez que vous êtes accompagnés de trois spécialistes en PI qui mettront chacun à profit leur expertise pour discuter de l'importance de la propriété intellectuelle dans la fonction publique. Et c'est vraiment un grand plaisir d'avoir des panélistes parmi nous aujourd'hui, trois professionnels dans le monde de la propriété intellectuelle.
Pour commencer, j'aimerais vous présenter Aaron Shull, directeur général et avocat général du CIGI. Aaron va ouvrir la séance et présenter le CIGI et les trois panélistes. À vous, Aaron.
Aaron Shull : Excellent. Merci beaucoup, Mark. C'est bien apprécié. C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être avec vous aujourd'hui. Comme Mark l'a indiqué, il s'agit d'un partenariat entre le CIGI, ou le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, et l'École de la fonction publique du Canada. C'est un véritable partenariat. Je m'en voudrais de ne pas commencer par un mot de remerciement au président de l'École de la fonction publique du Canada, Taki Sarantakis, pour sa vision et pour avoir mis tout cela sur pied. Les avancées technologiques rapides, combinées à l'importance croissante de la propriété intellectuelle et des données, bouleversent les structures établies dans tous les secteurs de l'économie et de la société canadiennes. Le module d'aujourd'hui traitera des possibilités et des problématiques de la propriété intellectuelle et de ceux qu'elle présente au Canada. Il s'agira de déterminer comment la fonction publique peut aider au mieux les entrepreneurs et les innovateurs canadiens à s'y retrouver dans ce nouveau monde merveilleux, un environnement axé sur la technologie, afin de garantir le plus grand avantage économique et concurrentiel possible pour le Canada, de sorte que nous puissions bâtir un avenir de prospérité nationale.
Quelques mots sur le CIGI. Le CIGI est un institut de recherche sur les politiques publiques, souvent considéré comme un groupe de réflexion. En établissant ce partenariat avec l'École de la fonction publique du Canada, nous espérions réunir certains des plus grands leaders d'opinion au monde afin de soutenir la croissance et le perfectionnement des aptitudes stratégiques et des compétences fondées sur le savoir des fonctionnaires, afin de mieux servir les Canadiens dans cette nouvelle économie en évolution rapide, tumultueuse et incertaine. J'espère que cette séance vous plaira, parce qu'à bien y penser, si la nouvelle économie était une maison, la propriété intellectuelle en serait la fondation. Je ne vois pas quel sujet est plus important ni qui est mieux placé pour en traiter que nos trois expertes.
Avant de commencer, permettez-moi de vous les présenter. Tout d'abord, Karima Bawa est chercheuse principale au CIGI et possède une expertise en commercialisation de la recherche et développement universitaires et en renforcement des capacités d'élaboration de stratégies relatives à la propriété intellectuelle pour les innovateurs canadiens. Au cours des dernières années, Karima a participé à diverses initiatives visant à aider les organisations à mieux protéger et exploiter leurs droits de propriété intellectuelle (PI). Plus récemment, elle a rejoint le Comité technique du Conseil canadien des normes à titre d'experte, où elle représente les intérêts du Canada dans la future norme de gestion de la PI. Karima est également membre de plusieurs conseils d'administration et formule des recommandations à l'intention d'entreprises en démarrage et d'entreprises technologiques en expansion. Elle est chercheuse en résidence au Law and Technology Lab de l'Université de Windsor, où elle a participé à des études interdisciplinaires sur la connaissance de la PI. Elle était auparavant directrice juridique et directrice des affaires juridiques de Research in Motion (BlackBerry).
Myra Tawfik est chercheuse principale au CIGI, où elle apporte son expertise sur les stratégies de renforcement des connaissances en PI et de services juridiques en PI offrant un bon rapport coût-efficacité pour les entreprises en démarrage et les entrepreneurs. Myra est professeure de droit et a récemment été promue professeure universitaire émérite à l'Université de Windsor. Elle a fondé et dirigé un certain nombre de programmes cliniques et expérientiels visant à soutenir l'innovation, notamment le Centre for Enterprise and Law, un projet multidisciplinaire dans le cadre duquel elle a conseillé des entreprises dirigées par des étudiants et apporté un soutien juridique aux entreprises en démarrage et aux entrepreneurs locaux de 2010 à 2013. En 2016, elle a été nommée professeure de stratégie et de commercialisation de PI, EPICentre, à l'Université de Windsor afin de poursuivre ses recherches et ses initiatives de sensibilisation pour le renforcement des connaissances. En 2018, elle a reçu un prix de l'Université de Windsor pour l'excellence de ses activités de sensibilisation communautaire, de transfert et de mobilisation du savoir, et comme chercheuse en technologie de l'année par le centre d'innovation régional WEtech Alliance en 2019. La province de l'Ontario l'a nommée spécialiste au sein du groupe d'experts sur la commercialisation de la PI dans le secteur public, et elle est actuellement membre de l'équipe provinciale spéciale de mise en œuvre en matière de PI. Elle et Karima Bawa sont coauteures du livre intitulé The Intellectual Property Guide : IP Literacy and Strategy Basics for Supporting Innovation et d'un cours en ligne sur la PI et les stratégies relatives à la PI que le CIGI a contribué à créer.
La dernière et non la moindre est Nathalie Raffoul. Natalie est partenaire gestionnaire à Brion Raffoul LLP et est spécialiste du brevetage de logiciels, de méthodes commerciales, d'intelligence artificielle et d'apprentissage automatique ainsi que des questions juridiques entourant ce sujet. Elle est classée parmi les plus grands spécialistes du domaine des brevets selon le guide IAM Patent 100 : The World Leading Patent Professional chaque année depuis 2014, et elle a été nommée parmi les sept procureurs de brevets les plus hautement recommandés au Canada en 2017, puis de nouveau en 2019. En 2018, elle a été reconnue par Who's Who Legal comme une experte de premier plan à l'échelle mondiale pour les brevets au Canada et par Acquisition International, The Voice of Corporate Finance, comme la femme la plus influente en droit des brevets et des marques à Ottawa. En 2015, Natalie a été reconnue par Lawyer Monthly dans le cadre des prix « Woman in Law » comme la meilleure avocate en brevet au Canada, et par Corporate LiveWire, comme l'avocate en brevet de l'année au Canada.
En fait, Mark, quand j'ai parcouru les biographies de nos invitées, j'ai dû les abréger considérablement. J'espère que les gens ont une idée du véritable niveau d'expertise auquel nous avons affaire, parce que ce n'était qu'un aperçu de ce que ces femmes ont accompli. Mark, la parole est à toi.
Mark : Merci beaucoup, Aaron. Je suis entièrement d'accord. Nous sommes gâtés. Cet après-midi, nous aurons l'occasion de mieux comprendre la propriété intellectuelle et les raisons pour lesquelles elle est essentielle pour stimuler la croissance économique. Aujourd'hui, plus que jamais, elle fait partie de la boîte à outils fondamentale de toute nation avancée. Le Canada est entré dans ce club avec sa propre stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle, il y a deux ans, et il prend des mesures énergiques pour que la propriété intellectuelle soit un outil économique important pour sa croissance économique. Je suis intéressé et très enthousiaste à l'idée d'entendre nos invitées nous expliquer comment nous pouvons faire mieux et faire plus en continuant à l'intégrer à notre stratégie. Pour démarrer cette matinée, nos intervenantes vont nous présenter certains des éléments essentiels à prendre en compte en matière de propriété intellectuelle. Sur ce, je cède la parole à Myra Tawfik, qui va amorcer cette présentation.
Myra Tawfik : Bonjour. Merci beaucoup tout le monde de me recevoir. Voilà, Aaron a terminé ses présentations, et moi, je me débrouille plutôt mal avec la technologie. Je suis censée afficher une diapositive en ce moment, et je dois la chercher parce qu'elle a disparu de mon écran. Quel début prometteur. Je n'ai aucune idée de ce qui s'est produit. D'accord. Je vous prie de patienter un peu. Voilà. D'accord. Je vous remercie. Je vous remercie de votre patience. Je suis désolée. Bonjour à tous. C'est vraiment un plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui pour parler d'un sujet qui me passionne, à savoir le domaine de la propriété intellectuelle. Karima, Natalie et moi avons préparé une petite série de diapositives que nous allons parcourir pour mettre en contexte l'origine de la propriété intellectuelle et les raisons de son importance. Ensuite, nous serons très heureuses de répondre à vos questions et commentaires. Mark animera la discussion.
Pour commencer, nous voulions vous parler un peu de ce qu'est la propriété intellectuelle. Qu'entend-on par « propriété intellectuelle »? En un sens, ce à quoi nous faisons référence est un ensemble de concepts juridiques distincts qui, à un niveau d'abstraction très élevé, sont effectivement conçus pour engendrer et conférer des droits exclusifs sur certains types d'entreprises humaines, intellectuelles et créatives. Le terme « propriété intellectuelle » est un terme générique qui désigne en fait un certain nombre de concepts juridiques différents. Nous avons essayé de résumer les formes les plus importantes ou du moins les plus courantes de PI dans cette diapositive et de proposer une approche comparative pour les comprendre. Chaque forme de PI protège quelque chose de différent. Elle porte sur une forme différente, juridiquement protégeable, d'activité humaine. Le droit d'auteur protège des objets tels que les livres, la musique, les chansons, les logiciels ou les peintures. Les brevets protègent davantage les inventions scientifiques et techniques. Elle protège les inventions nouvelles et non évidentes ou les améliorations à des inventions existantes. Le dessin industriel se situe quelque part entre le droit d'auteur et les brevets, et il protège l'esthétique des objets utiles, leur attrait visuel. La raison pour laquelle vous achetez un iPhone pour ses caractéristiques de conception, par exemple, plutôt qu'un Samsung, ou la raison pour laquelle vous pourriez acheter une bouteille Swell pour sa forme et sa conception plutôt que tout autre type de gourde.
Beaucoup d'entre vous, bien sûr, connaissent d'autres marques de commerce. Il s'agit de l'ensemble des lois qui protègent les noms, les dessins et les logos utilisés en association avec des produits et des services. Le secret commercial, cette notion d'information confidentielle, est une forme de propriété intellectuelle qui donne une valeur à la nature secrète de renseignements commerciaux importants, qui confèrent à une entreprise un avantage concurrentiel en milieu de travail ou sur le marché en raison de ce secret. Chaque forme de PI est protégée d'une manière différente et pour une période différente. Par exemple, au Canada, le droit d'auteur est protégé pendant toute la vie de l'auteur, le créateur de l'œuvre, et pendant une période de 50 ans après son décès. Les brevets sont protégés pendant 20 ans. Toutes ces lois fonctionnent différemment et ajoutent donc à la complexité de la matière lorsque nous parlons de propriété intellectuelle. Pour compliquer les choses, les droits de propriété intellectuelle, ces différentes formes de PI, peuvent également être combinés. Dans le cas d'Instagram, par exemple, il y aurait un droit d'auteur sur le code source, le logiciel, qui remplit donc la fonction d'Instagram comme outil de média social pour les images. Les secrets commerciaux protégeraient le savoir-faire sous-jacent au développement du code, de la fonctionnalité ou de la manière idéale de rendre Instagram opérationnel pour les consommateurs. Les brevets protégeraient le processus ou les méthodes fonctionnelles ainsi que l'architecture du logiciel et du matériel qui pourraient être brevetés par Instagram, en relation avec ce produit en particulier. Design industriel : ce que nous voyons, la façon dont nous interagissons avec Instagram, les caractéristiques de conception qui apportent un attrait visuel unique nous inspirant le désir de participer à ce qu'on voit sur Instagram, parce qu'il y a un élément visuel ou esthétique qui est attrayant. Instagram en tant que marque — le mot, le design, le logo — les consommateurs savent que lorsqu'ils voient Instagram, le mot ou le logo, ils savent qu'ils obtiennent un produit en particulier d'une source donnée. Dans l'application Instagram, vous pouvez trouver plusieurs formes de propriété intellectuelle qui interagissent les unes avec les autres et protègent différents éléments de ce produit en particulier.
Avant toute chose, pourquoi la PI? C'est un point que je veux vraiment souligner au début de la séance et qui nous mènera à ce dont Natalie vous parlera dans les autres diapositives. Pourquoi en avons-nous besoin? Pourquoi existe-t-il des droits de propriété intellectuelle? Pourquoi le droit a-t-il élaboré ces formes d'exclusivité sur certains aspects très précis de l'expression humaine? Ces textes de loi, d'ailleurs — droits d'auteur, brevets, dessins et modèles industriels — ont tous vu le jour aux XVIIIe et XIXe siècles. Il s'agit d'anciennes branches du droit dont l'objectif politique était à l'origine d'encourager les gens à diffuser leurs nouvelles idées, à les divulguer, à les mettre en marché et à les exploiter. Les brevets et les droits d'auteur, par exemple, sont une forme de contrat social en vertu duquel, en échange de la divulgation de l'invention par l'inventeur, d'autres personnes peuvent en tirer des enseignements, s'en inspirer et apporter de nouvelles améliorations. Nous donnons à cette personne, pour une durée déterminée, un monopole sur cette invention afin qu'elle puisse interdire, pendant la durée du brevet, le franchisage, la reproduction, la fabrication et la production à quiconque. Ils ont un monopole sur le marché pour leur invention brevetée pendant une période de 20 ans. Il en va de même pour les droits d'auteur. L'idée était d'encourager les gens à divulguer, à diffuser et à partager leurs connaissances afin que d'autres puissent en tirer des enseignements et que la société puisse progresser. Tous ces merveilleux avantages qui découlent du partage de nouvelles idées et connaissances. Là encore, en échange d'une certaine période de monopole, vous encouragez la divulgation de nouvelles idées et de nouvelle information. À l'origine, les droits de propriété intellectuelle étaient, en quelque sorte, accessoires par rapport aux principaux moteurs économiques de la société canadienne au cours des XVIIIe et XIXe siècles et au début du XXe siècle. Nous parlons d'agriculture, de biens, de fabrication et de ressources naturelles. Nous parlons d'éducation et de politique culturelle, en lien avec certains de ces moteurs. La propriété intellectuelle est devenue le moteur de ces types d'initiatives politiques. À l'époque, les droits de propriété intellectuelle offraient la sécurité nécessaire aux entreprises artisanales pour produire et fabriquer des produits et des services au profit de l'économie canadienne et, évidemment, pour enrichir le savoir de l'humanité. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les États-Unis et l'Europe ont commencé à constater qu'ils perdaient leur avantage concurrentiel à l'échelle mondiale dans le secteur de la fabrication de biens. L'économie du savoir est née, et ils ont délibérément déplacé leurs priorités économiques des biens tangibles vers les biens intangibles. La nature de la propriété intellectuelle a changé en même temps, car les entreprises dont l'activité est fortement axée sur la propriété intellectuelle, telle que l'industrie du divertissement aux États-Unis et l'industrie du logiciel, ont commencé à considérer les droits de propriété intellectuelle comme des actifs commerciaux importants.
Les responsables politiques européens et américains ont adopté des positions agressives en matière de commerce international et de propriété intellectuelle. Le premier ALENA a été le premier accord commercial international à intégrer une section sur la propriété intellectuelle au régime commercial. Nous sommes passés de la propriété intellectuelle utilisée comme incitatif à des produits commercialisables distincts des principales activités commerciales classiques. C'est un bouleversement considérable. Lorsque le monde industrialisé est passé d'une économie fondée sur les biens à une économie du savoir ou de l'innovation, le Canada n'a pas vraiment suivi. Nous avons suivi l'orientation en principe, mais pas en pratique. Pour couronner le tout, nous nous sommes laissé surprendre. Nous entrons maintenant dans un nouveau domaine de l'économie de l'innovation en ce qui concerne les données et l'intelligence artificielle sans que nous puissions nous appuyer sur une fondation très solide de propriété intellectuelle dans ce pays. Les enjeux sont de taille. Vous pouvez voir sur cette diapositive que de 1975 à 2019 environ, les entreprises les plus riches de l'indice Standard & Poor's sont passées de 83 % d'actifs incorporels, c'est-à-dire d'activités commerciales classiques, à 91 % d'actifs incorporels. La valeur sur le marché a pris le pas sur les biens de façon très, très marquée. C'est ici que je vais me tourner vers Natalie. Au Canada, nous parlons beaucoup, mais pendant longtemps, nous n'avons pas vraiment joint le geste à la parole. Ce que montrent les données résulte du fait que nous n'avons pas prêté attention à cette importante transition d'un système de PI fondé sur les incitatifs à un système fondé sur les actifs. Natalie.
Natalie Raffoul : Merci à Myra, Mark et Aaron. C'est vraiment un plaisir pour moi de participer dans cette présentation sur l'importance de la propriété intellectuelle comme avocate et agente de brevet avec une formation en génie électrique. Pour aborder cette diapositive sur les tendances et le brevetage de l'intelligence artificielle (IA), et pour nous situer, je vais parler un peu de l'IA et de l'apprentissage automatique, domaine dans lequel le Canada est selon moi bien placé pour se distinguer par sa capacité à faire beaucoup de recherche. Lorsque nous pensons au brevetage dans ce domaine, l'IA et l'apprentissage automatique appartiennent à la catégorie des logiciels ou des inventions mises en œuvre par ordinateur. Je travaille dans ce domaine depuis plus de 20 ans maintenant, et j'ai beaucoup travaillé avec un certain nombre de ministères sur le brevetage. Cette semaine encore, j'ai eu une conversation avec un conseiller juridique d'un ministère, et ils ont été surpris d'apprendre que vous pouvez breveter des logiciels et des inventions mises en œuvre par ordinateur. Nous avons un long chemin à parcourir pour éduquer la fonction publique sur les différentes formes de propriété intellectuelle, sur la manière dont elles sont utilisées de manière très stratégique aujourd'hui et sur le fait que nous devons vraiment rattraper le temps perdu. Ces données sont tirées du rapport sur les tendances technologiques de la propriété intellectuelle dans le monde, publié l'année dernière. Les tendances montrent que les chiffres augmentent en fait. Il est intéressant et important pour vous de savoir, par exemple, qui a le plus grand portefeuille de brevets au monde. C'est IBM. Cela se traduit également dans le domaine de l'IA. Le deuxième plus grand détenteur de brevets d'IA est Microsoft. Lorsque nous examinons les plus grands portefeuilles à l'échelle internationale, 26 sur 30 sont détenus par des entreprises. Diapositive suivante. J'aime regarder ces diapositives, car elles nous aident à nous situer dans le contexte mondial. Quelles sont les entreprises vraiment actives dans ce domaine, qui ne se contentent pas d'inventer et de faire de la recherche, mais qui font de gros efforts pour protéger l'innovation dans ce domaine? Regardez-les. Ces données remontent à l'année dernière seulement. Il s'agit du nombre de demandes de brevet déposées. Évidemment, IBM est en tête de liste avec 8 000 demandes, mais il y a beaucoup de très grandes entreprises internationales dans cette liste. Le Canada n'est pas là. Si vous regardez le Canada dans le rapport, nos chiffres sont assez bas. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a mis en évidence que parmi les institutions non commerciales, un certain nombre d'institutions gouvernementales déposent rapidement des demandes dans ce domaine. Il s'agit de quatre entités chinoises : l'Académie chinoise des sciences, l'Institut de recherche économique et technologique (ETRI), l'Université Xidian et Zhejiang. Je pense que ces chiffres sont utiles. Je peux vous dire que ces chiffres augmentent à un rythme exponentiel. Les données pour 2020 sont déjà bien plus élevées que celles de l'année dernière. Il est également intéressant de voir que 12 des 20 premières entreprises sont japonaises. Il s'agit en fait d'un élément à examiner dans le contexte canadien, où de nombreuses entreprises axées sur l'IA sont acquises. Ce que nous observons, c'est que beaucoup de ces grandes entités s'adonnent à une frénésie d'acquisitions, et certaines de nos propres entreprises font partie du lot. Nous menons beaucoup d'excellentes activités de recherche et d'innovation au Canada. Ce qui se passe, c'est qu'on assiste à une accumulation de droits de propriété intellectuelle dans ce domaine, en particulier de droits de brevet, on le voit ici sur les côtés. Myra, diapositive suivante. Je ne vais pas trop m'étendre sur le sujet, mais seulement vous montrer comment la tendance se dessine. Si vous regardez, par exemple, la State Grid Corporation of China, son taux de croissance lié aux familles de brevets est de 70 % par an. Lorsque nous parlons de brevets, nous ne parlons pas seulement des demandes de brevet déposées en Chine. Ces entreprises déposent des demandes à l'échelle mondiale. Ils déposent des demandes de brevet au Canada. Ils en déposent aux États-Unis. Ils en déposent en Chine. Ils en déposent en Europe. Ils protègent ces algorithmes. Ils protègent l'application de ces algorithmes d'IA à des fins particulières. Ils déposent des demandes de brevet essentiellement pour faire en sorte que les différents concepts qu'ils créent soient protégés. Les chiffres augmentent de façon exponentielle. Il est intéressant de voir qui pourrait perdre du terrain aussi. Myra, la diapositive suivante. Comment se porte le Canada? Il s'agit d'une diapositive plus générale sur les tendances en matière de brevets, qui ne se limite pas à l'IA. Comment se porte le Canada? Pendant un certain temps au cours des années 90, nous avons commencé à observer une tendance à la hausse quant aux dépôts de demandes de brevet, et cela avait probablement beaucoup à voir avec Nortel qui était un gros dépositaire de brevets, et je pense que BlackBerry était un gros dépositaire de brevets aussi. Nous en avions beaucoup. Nous avions une tendance à la hausse à un moment donné dans les années 90 et 2000, mais nous avons vraiment chuté au point d'être maintenant à la traîne dans le G20, et les statistiques ne mentent pas. On regarde le marqueur PCT (Traité de coopération en matière de brevets). Le marqueur PCT vous permet de savoir si nos innovateurs sont ici. Nos inventeurs déposent-ils des demandes à l'échelle internationale? Déposent-ils ce qu'on appelle une demande internationale de brevet PCT? Cela vous permet de savoir si nous exportons notre innovation et si nous la protégeons en dehors du contexte canadien. Nous avons suivi une tendance à la baisse, et cette tendance se poursuit. C'est aussi digne de mention. Prochaine diapositive, Myra. J'adore parler de statistiques. Malheureusement, seulement 2 % des PME canadiennes détiennent au moins un brevet. Certains pensent que le Canada devrait plutôt viser un taux de 6 %. Environ 6 % de nos entreprises devraient détenir des brevets pour que l'on puisse vraiment en voir les retombées économiques. Par ailleurs, seulement 59 % de nos PME connaissent un tant soit peu les brevets, ce qui est problématique, surtout compte tenu de la diapositive précédente. Où réside la valeur dans les entreprises? Elle réside dans la PI et dans les données à plus de 90 % maintenant. Nous voulons nous assurer que nos entreprises connaissent leurs droits. Elles veulent aller chercher des brevets. Qu'est-ce que cela signifie pour leurs activités? Les statistiques le confirment. Si une entreprise détient un droit de propriété intellectuelle, comme une marque ou un brevet, cela l'oblige à faire preuve d'une certaine diligence raisonnable. La croissance attendue d'une PME qui détient des droits de propriété intellectuelle sera plus importante que celle d'une PME qui n'en détient pas; je crois que c'est parce que si vous faites le nécessaire pour protéger votre marque en l'enregistrant ou pour déterminer ce que vous allez breveter, il faut analyser le paysage concurrentiel. Quelles sont les demandes de brevet déposées par vos concurrents? Que faites-vous de vraiment innovant ou unique? Une entreprise qui procède à cet exercice déterminera ce qui vaut vraiment la peine d'être breveté et ce qui doit rester un secret commercial ou être publié de façon préventive. Nous constatons que les entreprises qui font cet exercice stratégique lié à la propriété intellectuelle s'en sortent mieux, même si elles décident de ne pas déposer de demande de brevet. Ils devraient savoir pourquoi ils ne déposent pas de demande. Les taux de croissance des entreprises sont éloquents. Les statistiques ne mentent pas. Évidemment, la suite logique est que si nous pouvons nous améliorer sur ce front, alors nous pouvons réellement améliorer nos résultats au chapitre de la croissance des PME, qui sont vraiment l'épine dorsale des entreprises canadiennes. Nous sommes un pays de PME. Sur cette note, je vais laisser la parole à Karima pour clore notre discours d'ouverture. Karima, tu es en sourdine.
Karima Bawa : Merci, Natalie. Pour reprendre là où Natalie s'est arrêtée, je pense que ce dont nos entreprises ont besoin pour prendre de l'ampleur, c'est d'un certain nombre de choses liées à la propriété intellectuelle. D'abord et avant tout, il faudrait faire en sorte que nos innovateurs comprennent la propriété intellectuelle, ses mécanismes et la manière de l'exploiter. Cela signifie que l'enseignement de la propriété intellectuelle ne doit pas se limiter à la faculté de droit. Nos innovateurs connaître les rouages de la propriété intellectuelle et apprendre à en tirer parti. Sans cette compréhension, je pense que nos entreprises seront confrontées à certains des problèmes que j'ai rencontrés lorsque j'étais chez BlackBerry. BlackBerry, qui était à l'époque connu sous le nom de RIM, a dû faire face à un certain nombre de poursuites en matière de brevets, de menaces de fermeture, de dommages-intérêts importants et de dommages-intérêts sur des brevets dont la valeur était discutable. Ce sont des réalités dont BlackBerry a fait l'expérience. C'est en partie ce qui a provoqué, je pense, l'accélération du dialogue sur la propriété intellectuelle dans ce pays. Cela fait environ dix ans que des personnes comme Jim Balsillie et moi-même, et d'autres qui ont vécu cette expérience, ont commencé à parler de la propriété intellectuelle et à l'intégrer à un dialogue national. Je pense qu'un certain nombre d'initiatives en ont découlé. Le CIGI, bien sûr, est en première ligne pour tenter de faire de l'éducation en ce sens et d'outiller réellement nos entreprises afin qu'elles puissent composer avec ces questions. Nos entreprises doivent comprendre, comme l'a fait BlackBerry, comment se mondialiser, ce qui signifie qu'elles doivent comprendre comment la propriété intellectuelle peut être utilisée pour tirer parti des relations avec les clients afin de créer une position concurrentielle et d'utiliser leur marque pour essayer de nouer ces relations, pour construire un écosystème.
Ce sont tous des facteurs importants pour la croissance. La compréhension du paysage concurrentiel de la PI est un autre facteur. Ce sont toutes des questions qui, à mon avis, découlent de la compréhension de la propriété intellectuelle quand on se lance à l'international. Je pense qu'une partie de ce que nous devons faire consiste à créer un environnement où les entreprises apprennent à collaborer, apprennent à utiliser les activités de R et D financées par l'État, à participer à l'élaboration des normes et à tirer profit de ce que fait le gouvernement dans le cadre de sa stratégie en matière de propriété intellectuelle, à laquelle Mark a fait allusion. Il s'agit notamment du collectif de brevets, de faire en sorte que les professionnels soient mieux outillés grâce au Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce mis en place, ou à son conseil d'administration, mais aussi de voir à ce que nos entrepreneurs et nos innovateurs aient accès à des ressources appropriées et indépendantes. Ce sont des ressources indépendantes qui leur permettront de s'instruire. Des ressources indépendantes qui leur permettront de se développer. Des ressources indépendantes qu'ils n'ont peut-être pas en PI, qui leur manque peut-être, comme des communautés de brevets, ou des conseils stratégiques qu'ils n'obtiendront pas nécessairement d'un cabinet d'avocats qui a peut-être une vision étroite. Il sera très important pour nos entreprises d'avoir ce genre de cadre. Je pense qu'il en sera question pendant l'exposé d'aujourd'hui, dans la deuxième partie de notre séance que nous amorçons.
Aaron : On dirait qu'on attend que Mark revienne. Mark, es-tu là? Je me permets d'intervenir et de poursuivre, car j'ai aimé les remarques qu'il a faites plus tôt. Je pense qu'il a souligné un certain nombre de points très, très importants. Myra, l'une des choses qui m'a sauté aux yeux, c'est que le Canada est vulnérable. Nous avons vu que les données ne mentent pas. Les chiffres ne mentent pas. Beaucoup de pays sont dans cette situation quant au nombre de demandes de brevet déposées. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est le fondement de l'économie du savoir, mais il semble que nous soyons à la traîne. Je poserais la question suivante : qu'est-ce qui rend le Canada vulnérable, et quelle incidence cela peut-il avoir sur notre compétitivité?
Myra : Je pense que nous sommes vulnérables sur un certain nombre de plans, mais parlons précisément de ce retard dans notre compréhension de la propriété intellectuelle. Karima l'a mentionné. C'est un domaine sur lequel elle et moi avons beaucoup travaillé au cours des dernières années, en ce qui concerne le renforcement des capacités et des connaissances en PI, en particulier sur l'aspect stratégique de la propriété intellectuelle. Nous sommes vulnérables parce que nous n'avons pas les connaissances nécessaires. Nous n'avons pas les bonnes compétences sur tous les plans — au sujet des politiques, sur le terrain, en matière d'éducation — pour faire un virage et devenir un acteur ou un concurrent dans cette économie de l'innovation. C'est en partie un état d'esprit. J'enseigne la propriété intellectuelle depuis longtemps, et j'écris à ce sujet. On dit toujours que le Canada est un importateur net de propriété intellectuelle. C'est ce que nous sommes, c'est tout. Je pense qu'il faut commencer à penser à faire mieux comme exportateur net. La Chine est passée de la philosophie du « fait en Chine » à celle du « créé en Chine ». Je pense que cela passe en partie par un changement de culture dans ce pays, qui s'éloigne de ses structures économiques habituelles pour devenir un véritable acteur. Cela demande une attention à tous les niveaux, de la base au sommet, des innovateurs aux décideurs politiques. Nous sommes vulnérables à bien des égards, mais de mon point de vue, c'est une chose qu'on doit corriger. Lentement, mais sûrement, les initiatives qui aideront les PME à atteindre un degré de technicité supérieur. Nous sommes ici pour parler de la propriété intellectuelle à l'École de la fonction publique du Canada. Bien sûr, le fait d'amorcer des discussions plus approfondies sur la PI dans le secteur public fait également partie de ce renforcement des capacités.
Mark : Aaron, je suppose que vous avez pris le relais lorsque mon ordinateur a planté au moment précis où il n'était pas censé le faire. J'en suis reconnaissant. Myra, réponse fantastique. Nous pourrions peut-être poursuivre sur cette lancée avec la question suivante : comment pouvons-nous combler cet écart avec le reste du monde en matière de propriété intellectuelle? C'est une course féroce. On le dit depuis un moment. C'est une course à l'innovation qui se joue à l'échelle mondiale. Tous ne peuvent en sortir gagnants, et tout le monde ne peut certainement pas gagner à chaque course. Je pense qu'on peut faire en sorte qu'il y ait plus de gagnants que de perdants. On peut aussi aborder cette question. Karima, de votre point de vue, quels seraient les principaux moyens pour le Canada de combler cet écart, étant donné que nous avons, comme Natalie et d'autres l'ont souligné, un certain retard à rattraper? Tu es en sourdine.
Karima : Je fais toujours cette erreur avec mon micro. Désolée. À part l'éducation, dont Myra et moi avons déjà beaucoup parlé, je pense qu'une autre partie consiste à tirer profit d'une expertise pointue et indépendante. Des organisations, comme le collectif de brevets qui est en train d'être mis en place, apporteront cette indépendance, ce mandat éducatif et la possibilité pour les gens d'avoir un endroit vers lequel se tourner pour trouver les ressources dont ils ont besoin, qui ne sont pas nécessairement coûteuses, qui ne sont pas nécessairement destinées à atteindre des résultats précis, mais un objectif global. Chez BlackBerry, nous devions souvent sortir du pays pour trouver cette expertise. Ce serait formidable si cette expertise était créée ici même dans notre propre pays. On doit aussi apprendre à nos entreprises à tirer parti de choses comme les brevets essentiels à une norme. Le Canada a en fait joué un rôle essentiel dans l'élaboration de la norme sur la gestion de la PI, et nous devons maintenant voir à ce que nos entreprises puissent réellement tirer parti de cette information.
À part cela, nos entreprises doivent être en mesure de participer à l'élaboration des normes de la propriété intellectuelle, de se réunir pour obtenir une licence relative à un brevet essentiel à la norme qui les aide à construire un écosystème ainsi que de trouver des moyens de créer des occasions de collaboration avec d'autres organisations. Je pense qu'une partie du travail de la supergrappe dans ce domaine est formidable. Je pense que nous avons besoin de multiplier ce genre d'occasions. Nos entreprises doivent comprendre que la propriété intellectuelle est en fait un actif et qu'elle doit être mise en valeur par un financement public lié à cet actif. Il ne s'agit pas seulement de savoir si vous n'avez pas encore de revenu. Non, ça ne devrait pas être le sujet de discussion. Nous devons commencer à considérer la propriété intellectuelle comme un actif et encourager nos entreprises à acquérir ces actifs afin qu'elles en tirent des avantages tangibles, même si ce n'est que pour la capitalisation au départ.
Mark : Vous me connaissez toutes les trois, et vous savez que je suis imprévisible et que je pourrais m'écarter du script. Je poserais une petite question à ce sujet : quelle est l'importance de la question de l'évaluation dans ce domaine? Nous avons vu la BDC faire certains efforts pour jouer un rôle accru dans les investissements basés sur les biens immatériels. Je suis triste quand je pense à l'extraordinaire succès du Canada comme centre financier de l'industrie minière, dans le monde entier, que la mine soit construite au Canada ou ailleurs dans le monde, parce que nous sommes devenus très bons dans l'évaluation du risque lié à un développement minier. Il semble que cette capacité d'évaluation ne se développe pas dans notre écosystème financier. Pour ce qui est de valoriser et de voir la PI comme un actif, croyez-vous que l'évaluation peut gagner en importance et qu'on peut faire en sorte que des investissements soient réalisés dans des biens immatériels considérés comme des actifs et comme du capital dans lequel une entreprise devrait pouvoir puiser?
Karima : Je le crois, très certainement. Je pense que la PI peut générer des revenus pour les gens. Elle peut leur donner un avantage concurrentiel. Elle peut leur permettre de construire un écosystème. Toutes ces choses sont des concepts commerciaux qui découlent du fait que la PI est traitée comme un actif. Je pense qu'on a besoin de cette expertise, mais il doit s'agir d'une ressource indépendante. Il faut y recourir sans exploiter les personnes qui ne comprennent pas vraiment tout cela. Selon moi, le gouvernement joue un rôle très important lorsqu'il veille à ce que les bonnes personnes participent à cette évaluation.
Mark : Super, et Natalie, en reprenant cette idée et l'approche du Canada en matière de PI : comment pensez-vous qu'elle puisse déterminer le succès du Canada dans la nouvelle économie?
Natalie : Je pense que pour revenir à la diapositive de Myra où nous avons examiné la transition des biens matériels aux biens immatériels. Dans l'ancienne économie où l'on comptait les biens matériels, on disait qu'ils étaient des droits positifs. Vous vendez un produit, vous gagnez de l'argent. Avec les biens immatériels, les droits de propriété intellectuelle sont des droits théoriquement négatifs. Ils empêchent les autres de faire quelque chose. L'une des choses dont les gens n'ont pas toujours conscience, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'exploiter son brevet. Vous pouvez inventer quelque chose, vous pouvez avoir une idée claire de la manière dont vous allez le mettre en pratique, et vous pouvez ensuite facturer des frais pour l'utilisation de ces brevets aux personnes qui veulent se servir de votre technologie brevetée. La société IBM a un énorme portefeuille. Elle n'utilise pas encore son portefeuille. Elle impose des redevances pour ce portefeuille. Le paradigme a changé.
Maintenant, examinons la question du point de vue des évaluations. D'où viennent les évaluations? C'est la capacité de réclamer des redevances qui est vraiment cruciale. Je pense qu'il est important de comprendre la notion du droit positif et négatif. Je pense également que ces exercices nous aident à mieux connaître les droits de propriété intellectuelle dans ce pays. Nous serons plus à même de créer des entreprises compétitives parce que nous comprendrons mieux le paysage concurrentiel. J'encourage toujours les entreprises à faire une recherche de brevets, à aller voir ce que leurs concurrents protègent. Souvent, personne ne prend le temps de voir ce que font ses concurrents. Grâce à ces exercices, on peut vraiment mettre au point un meilleur produit, un produit qui n'existe pas encore. Malheureusement, on voit souvent, dans les instituts de recherche par exemple, des chercheurs faire des travaux déjà en cours ailleurs ou qui ont déjà été menés. C'est tragique. Je pense qu'en s'obligeant à examiner un peu mieux le paysage concurrentiel, on peut créer de meilleurs produits. Le fait de prendre le temps de protéger ces produits nous aidera évidemment à tirer notre épingle du jeu sur le marché.
Mark : C'est vraiment utile. Devrait-on suivre l'exemple de certaines personnes? Évidemment, vos diapositives contiennent un certain nombre de chefs de file dans ce domaine.
Natalie : Bien sûr. La Chine et les États-Unis sont certainement en tête du peloton, mais nous n'avons pas besoin de nous comparer à eux. Ils seront probablement toujours en tête. C'est dans les domaines où nous pensons pouvoir être dominants qu'il faut vraiment voir à détenir nos propres droits de propriété intellectuelle. Par exemple, le Canada est un véritable chef de file de la fabrication de pointe : les ressources naturelles, l'agriculture. Nous pouvons vraiment nous concentrer sur une stratégie en matière de PI dans ces domaines. Regardons des pays comme la Suède, l'Allemagne et Singapour, qui ont beaucoup plus de succès que nous en matière d'innovation. Le Canada est excellent sur le plan de l'invention, mais fait moins bien sur le plan de l'innovation, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de transformer des idées en produits et services. On voit que les pays dominants sur le plan de la commercialisation sont certainement aussi dominants selon les paramètres de la propriété intellectuelle. Si vous regardez le nombre de brevets, de dessins et modèles ou de marques, ils sont certainement en tête. Je voulais notamment souligner que 25 % des PME européennes ont au moins un expert en propriété intellectuelle à l'interne. À votre avis, combien de PME au Canada ont un expert en PI à l'interne? C'est stupéfiant. Comparons-nous à l'Allemagne : 41 % des PME allemandes ont au moins un expert interne en propriété intellectuelle. Nous avons du retard à rattraper. Myra et Karima parlaient du fait que nous avons besoin d'expertise. Nous avons besoin d'éducation. Je suis tout à fait d'accord avec le fait de centraliser les ressources pour faire en sorte que les gens aient accès à un endroit impartial pour obtenir des conseils, pas forcément de cabinets d'avocats directement, mais des ressources approuvées en quelque sorte.
Mark : Oui. J'aimerais revenir sur ce point un instant. Dans l'ancienne économie, pour ainsi dire, on justifiait cette démarche par la très petite taille de notre marché, et par le fait que, dans un monde de biens durables, nous étendrons la portée de notre contribution et que la proximité du marché compte réellement. Dans un monde de biens immatériels, voyez-vous des limites à la croissance? Évidemment, parce que nous sommes maintenant dans un espace immatériel où la proximité du marché n'est pas nécessairement aussi importante. Je peux construire des biens technologiques n'importe où. Je peux construire un algorithme n'importe où. Avez-vous réfléchi aux raisons pour lesquelles nous devrions rester petits ou à nos limites liées à la taille de notre marché? Celles-ci semblent nous nuire quand vient le temps de saisir des occasions qui pourraient vraiment être une voie vers la prospérité.
Natalie : Beaucoup d'information ici. Évidemment, la technologie est sans frontières à bien des égards. L'endroit où vous vous trouvez n'a pas d'importance. Cela pourrait être un avantage pour le Canada, car nous avons un bassin de talents ici. De même, il y a beaucoup de grands bassins de talents partout. Je pense que pour le Canada, ce qui sera vraiment important, sera de définir ses créneaux, de les dominer réellement, et de faire en sorte, comme d'autres économies, d'imposer ses propres redevances dans les domaines où nous pensons pouvoir être dominants. Ce que nous avons vu pendant la pandémie, c'est que l'économie des biens matériels subit une pression accrue parce que nous ne pouvons pas nécessairement exporter nos produits aussi facilement. Sur le plan environnemental, nous assistons à une réduction de la consommation matérielle. Réduire, réutiliser, recycler. Nous utiliserons de plus en plus de bien immatériels et de connaissances pour résoudre réellement des problèmes, de gros problèmes, ce dont nous devrons tenir compte à l'avenir. Il ne faut pas tenter de dominer dans tous les secteurs. Faisons en sorte d'avoir ce que tout le monde veut. Des biens incorporels que tout le monde veut et sur lesquels nous pouvons imposer des redevances afin que l'avenir de nos enfants soit sûr. Nous sommes évidemment un pays riche. Nous voulons pouvoir rester un pays riche et être en mesure d'aider les autres également. Le Canada est un grand citoyen du monde, et nous voulons pouvoir continuer à être en mesure d'aider les autres.
Mark : Oui! C'est super utile. Désolé. Poursuivez.
Karima : Je pense que le revers de la médaille de la mondialisation n'est pas seulement la question de la propriété intellectuelle. Il s'agit de comprendre comment traiter la propriété intellectuelle des tiers et les pratiques prédatrices qui existent. Je pense que cela fait partie intégrante du processus et qu'il faut trouver des moyens d'utiliser les ressources dont nous disposons pour permettre aux entreprises de le faire. Nos activités de R et D financée par des fonds publics peuvent être utilisées pour aider ces entreprises à être réellement compétitives, que ce soit dans une optique d'affirmation ou de défense. Il s'agit de prendre certaines des ressources qui existent déjà et de les exploiter à des fins défensives ou proactives. Je pense qu'il s'agira d'une part importante de ce que nous pouvons faire pour progresser dans l'économie immatérielle.
Mark : Il ne s'agit pas d'une panacée, mais d'une politique industrielle plus active qui nous permet de nous affirmer là où il le faut. Je sais que Myra voulait commenter aussi.
Myra : Oui. Désolé. Je sais que je suis l'universitaire naïve, mais nous ne pouvons pas rivaliser dans le même espace, l'espace de prédation, l'espace individualiste de la PI que les États-Unis et la Chine se taillent. Je suis d'accord pour trouver des domaines stratégiques, ce que nous savons faire, mais je pense aussi que nous devrions essayer de changer le discours à l'échelle internationale et penser davantage à des modèles de collaboration et de partage. L'objectif du système commercial international était de faire en sorte que chaque pays puisse prospérer grâce au partage et aux échanges. La PI a déformé cela. Si nous avions un discours différent au sujet d'une PI plus collaborative, je pense que le Canada pourrait bien s'en tirer sur ce terrain. La pandémie nous en a donné un exemple. Certains pays ont immédiatement appelé au partage des brevets ou des vaccins ou à l'idée d'une approche plus collaborative, une approche internationale, du développement théorique des vaccins et de la propriété intellectuelle qui y est liée. Je pense qu'une partie de la stratégie doit prévoir également, dans la mesure du possible, l'élaboration et la compréhension des modèles de collaboration et d'écosystème qui nous permettront d'interagir avec les autres dans un environnement de propriété intellectuelle plus équitable et international.
Mark : Je suis conscient que mon rôle ici est bien mince avant de passer à notre partie avec notre public. Je pourrais simplement ajouter à ce dont nous avions pensé parler en demandant à chacune de s'exprimer sur une question générale pendant la partie suivante. Si vous deviez communiquer une série d'instructions, une aspiration ou un conseil aux décideurs politiques afin qu'ils s'y retrouvent dans ce nouveau domaine, quelle serait votre recommandation? Pensez à l'immense diversité des fonctionnaires qui sont susceptibles de participer à cette diffusion. Il y a des gens qui travaillent sur l'aquaculture au ministère des Pêches et des Océans. Il y a des gens qui pourraient avoir une capacité de régulation à la frontière. Il y a des gens de tous les horizons de la sphère politique. Ils n'ont pas tous l'occasion d'avoir une expérience concrète de la propriété intellectuelle, comme je la vis tous les jours. Quel conseil leur donneriez-vous en guise de conclusion, en tant que responsables politiques et fonctionnaires, dans ce domaine de l'immatériel? Vous êtes en sourdine, Myra, mais si vous voulez commencer, allez-y.
Myra : Pardon. D'accord. Désolé. Le secteur public évolue en permanence et intègre différents éléments. Par exemple, l'inclusion, la diversité, l'équité. Nous sommes tous soumis à des principes qui ont de l'importance pour notre société et pour nos valeurs. Je dirais donc à tous les membres du secteur public de commencer à intégrer une certaine culture de la propriété intellectuelle à leurs activités. Commencez à y réfléchir dans une optique d'approvisionnement. Commencez à y réfléchir, où que vous soyez et quel que soit votre travail, en vue de proposer des moyens et des possibilités à une partie de votre base d'utilisateurs ou de vos consommateurs, quelle que soit votre approche, des moyens de créer de meilleurs incitatifs au développement de la PI, à sa protection et à sa mise en circulation dans l'économie. Il y a un décalage entre les messages du gouvernement, tant fédéral que provincial, sur l'importance de la PI. Lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre des programmes, la propriété intellectuelle est largement absente. Elle ne fait pas partie du langage du gouvernement. Mon message serait le suivant : commencez à comprendre un peu mieux pourquoi c'est important, ce dont nous parlons, et commencez à intégrer ce langage dans ce que vous faites.
Mark : Karima. Natalie.
Karima : De mon point de vue, je crois que beaucoup d'initiatives très positives en matière d'énergie ont déjà été lancées. Je pense qu'il faut les mener à bien, trouver des moyens de les accélérer, trouver des moyens de les maintenir en place, trouver des moyens de les doter de ressources adéquates, de façon à pouvoir faire ce qui a été dit et prévu. Je pense qu'il faut réunir les bonnes personnes, voir à ce que le gouvernement soit partie prenante, à ce que les bonnes personnes possédant les bonnes compétences soient parties prenantes. Je pense que ces éléments seront très importants pour aller de l'avant, car nous avons cerné les problèmes. Nous avons mis en place des programmes. Nous devons seulement faire en sorte qu'elles se réalisent maintenant. Je pense que nous sommes bien outillés pour le faire.
Mark : Natalie.
Natalie : Je conclurai simplement en disant ce qui suit : faites très attention à la terminologie. Il ne faut pas confondre stratégie scientifique et technologique et stratégie d'innovation. Les gens parlent de recherche et d'innovation de manière tellement interchangeable. Ce n'est pas la même chose. Invention et innovation, encore une fois, ce n'est pas la même chose. Une stratégie d'emploi n'est pas une stratégie d'innovation. L'implantation d'autres succursales étrangères au Canada, d'un autre entrepôt Amazon, ne permettra pas de créer des entreprises prospères ici au Canada, pas comme c'était le cas lorsque des succursales étrangères et des entreprises pouvaient apprendre les unes des autres. Les droits de propriété intellectuelle ont changé la donne. Je vous dirais simplement d'être très prudents. Nous parlons de stratégie d'innovation et de stratégie de propriété intellectuelle. Ces termes ne peuvent être utilisés de manière interchangeable. Voilà mon raisonnement.
Mark : Merci. Il y a les questions incroyables par les participants de notre appel aujourd'hui. J'ai reçu les bonnes questions et je pense que ça fait bien de continuer la conversation. Comme je l'ai dit, nos participants ont posé des questions brillantes. Je vais commencer par la plus provocante. Je pense que c'est une question intéressante. Pourquoi est-ce le rôle du gouvernement d'aider les entreprises à trouver les moyens de réussir dans ce domaine? Si la propriété intellectuelle de l'IA est la nouvelle ruée vers l'or, pourquoi les entreprises ne développent-elles pas cette expertise à l'interne? Quel est le rôle ou la nécessité de l'investissement public ou le rôle du gouvernement s'il s'agit d'un avantage si évident pour les gens qui veulent progresser dans la nouvelle économie?
Natalie : Je vais répondre à celle-là. Je ne pense pas que nos motivations soient de cette nature. Lorsque nous examinons des programmes d'envergure comme le Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE), nous ne finançons pas la commercialisation et les droits de propriété intellectuelle. Il existe des programmes pour cela. Je pense aussi qu'il ne faut pas créer d'obstacles. Beaucoup de nos institutions financées par le gouvernement ou d'institutions gouvernementales en tant que telles diffusent de l'information erronée sur la propriété intellectuelle. Il suffit de penser au fait que plusieurs fonctionnaires ignorent qu'on peut breveter un logiciel. Je suis d'accord. C'est le rôle des entreprises d'avancer et de protéger leur propriété intellectuelle, mais nous voulons être certains de ne pas faire partie du problème. Le problème est selon moi que des obstacles se sont dressés et que des institutions et des personnes au sein des institutions sont simplement mal informées. Ils n'ont pas l'expertise nécessaire, et ce n'est pas forcément de leur faute. La formation n'a pas été au rendez-vous, et cela pose des problèmes importants. Lorsque nous avons examiné le rapport de notre groupe d'experts l'année dernière, quand Myra et moi travaillions sur la question pour le gouvernement de l'Ontario, il faisait état de nombreux obstacles causés par une institution gouvernementale. Je trouve que c'est un problème.
Myra : Je peux intervenir aussi? Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont toujours soutenu les secteurs d'activité qui œuvrent dans le domaine des biens matériels. L'industrie du transport aérien. L'industrie agricole. C'est le cas depuis toujours : les intérêts stratégiques sont d'importance nationale, les intérêts économiques sont d'importance nationale. Il faut simplement s'éloigner de ce que nous appuyons déjà, soit les entreprises soutenues par gouvernement dans différents domaines plutôt matériels, pour penser à les soutenir dans les domaines non matériels. Il existe des moyens d'y parvenir par le biais d'une politique gouvernementale qui contribuera à renforcer leur compétitivité. On peut penser que le gouvernement évite de soutenir les entreprises ou les sociétés, mais je crois que cela fait partie du rôle du gouvernement.
Mark : Oui. Bien sûr, la politique industrielle la plus activiste, selon moi, est fondée sur la notion de retombées positives pour la société et l'économie au sens large. Si vous pouvez aider les entreprises à être gagnantes plutôt que de les laisser être médiocres, c'est tout le pays qui peut prospérer. Évidemment, je reconnais que certaines personnes ont une philosophie différente quant à savoir si c'est le cas ou non. C'est une autre bonne question. Je vais l'élargir à partir de cette formulation. La question était de savoir si la COVID-19 avait ou non déplacé le débat sur la protection des brevets dans les domaines pharmaceutiques et si les propriétaires, en quelque sorte, du premier vaccin n'auraient pas trop de pouvoir ou une position dominante sur le marché dans un domaine fondamental de la santé publique. Je pourrais peut-être élargir un peu la question et dire : comment voyez-vous les incidences de la COVID-19 sur la PI de manière plus générale? De toute évidence, c'est un jeu entre science et vie qui se joue. Natalie, je pense à vos commentaires sur les chaînes d'approvisionnement et l'autosuffisance ainsi qu'à tout un tas de questions intéressantes. Je poserais une question générale : est-ce que la COVID-19 et le paysage de la propriété intellectuelle ont fait évoluer le débat? Ont changé les choses? N'ont rien changé du tout?
Myra : Je peux intervenir, parce qu'il se trouve que c'est ce que je vis en ce moment. La crise stimule l'innovation, et la COVID-19 a incité de nombreuses personnes à retrousser leurs manches dans les universités et les entreprises de production de biens pour commencer à mettre au point de nouveaux équipements de protection individuelle (EPI) et de nouvelles formules de désinfectant pour les mains. Chaque collectivité du pays se mobilise. Il est impossible d'avoir accès au bon type d'expertise en matière de PI pour déterminer si ce que ces personnes inventent ou font porte en fait atteinte à la propriété intellectuelle de quelqu'un d'autre. Elles se laissent toutes guider par une générosité qui vient du cœur et veulent tout donner, ce qui est bien. Lorsque la pandémie sera terminée et que la vie reviendra à la normale, espérons que nous pourrons préserver les conditions qui nous permettront de tirer parti de ce qui aura a été créé et inventé aujourd'hui grâce à la protection de la propriété intellectuelle générée à un stade ultérieur. Ces éléments sont toujours manquants. Nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour offrir du soutien pendant le processus d'invention. La pandémie nous offre une excellente occasion d'expérimenter en intégrant un perfectionnement accru de la propriété intellectuelle à l'ensemble du système, de sorte que, lorsque nous sortirons de la pandémie, certaines de ces nouvelles inventions auront vraiment des retombées économiques découlant de leur commercialisation. C'est frustrant.
Natalie : Je suis d'accord avec Myra. L'innovation est vraiment en hausse dans ce pays. Ce que je constate en tant qu'avocate spécialiste des brevets sur le terrain, c'est que le téléphone ne cesse de sonner. Que font les gens pendant une pandémie? Ils proposent de nouveaux concepts. Ils modifient leurs activités, même dans le secteur de la restauration. Nous entendons des gens qui se lancent dans la vente en gros. Ils créent de nouvelles marques. Ils sont en train de créer. Je pense que c'est d'une importance capitale. D'un autre côté, ce que je vois de nos clients internationaux, c'est que les dépôts sont en hausse. Si vous regardez les statistiques, les gens se replient maintenant. Les droits de propriété intellectuelle sont de plus en plus importants. Je pense qu'il y a une évolution vers l'immatériel, en fait. Je pense qu'il y a une tendance à la hausse et que c'est un problème plus grave.
Mark : Désolé. Vas-y, Karima.
Karima : Je pense que, d'une certaine manière, l'incidence positive a été d'encourager les gens à collaborer. Pour les organisations, de se réunir, de créer des bassins, des modèles intéressants auxquels nous nous sommes attaqués depuis toujours, selon moi. Je pense qu'une université britannique a proposé un modèle très intéressant qui consiste à dire : « je vais le rendre accessible gratuitement pour l'instant, mais j'ai une idée de la manière dont je vais le commercialiser par la suite. » Cela a obligé les gens à trouver des moyens créatifs de partager leur PI et de travailler ensemble. Je pense qu'une partie de cela va être très utile. Je pense qu'avec un peu de chance, nous verrons cette approche et la participation aux communautés de brevets pour le secteur des soins de santé, notamment, devenir plus courantes, car nous investissons beaucoup d'argent. J'espère qu'une grande partie de l'argent investi dans ces programmes se traduira en propriété intellectuelle. Une propriété intellectuelle canadienne qui reste au Canada.
Mark : Pour répondre à votre question, je pense que nous avons vu les deux extrémités. Lorsque vous ne pouvez pas débloquer quelque chose dont vous avez absolument besoin à cause de la propriété intellectuelle, cela vous rappelle pourquoi c'est important. D'un autre côté, il existe aussi des éléments de source ouverte très sympa, des éléments collaboratifs très intéressants. Certaines personnes dépoussièrent d'anciens brevets sur des modèles de ventilateurs qui ont en fait expiré, mais que vous pouvez possiblement modifier et autour desquels vous pouvez innover progressivement. Je pense que toutes ces leçons sont très intéressantes. Je change un peu de sujet, mais c'est peut-être lié à la question relative aux avantages à grande échelle et la démocratisation des avantages de la propriété intellectuelle ainsi qu'à certains des risques. Je me demande si l'une de vous souhaite nous faire part de ses observations sur ce que font les nations autochtones du Canada pour la réconciliation et sur leur façon de composer avec les droits de propriété intellectuelle liés au savoir autochtone et aux expressions culturelles issues des connaissances traditionnelles ainsi que les liens entre les conceptions autochtones. Elles ne sont pas monolithiques, évidemment. Les conceptions autochtones de la propriété intellectuelle et des connaissances diffèrent de celles qui sont consacrées par nos lois actuelles.
Myra : Je peux répondre en partie. Je pense qu'il s'agit d'un domaine dans lequel le Canada, sur le plan des lois et des politiques, pourrait en fait mener une réflexion approfondie et apporter des changements structurels pour répondre aux besoins des collectivités autochtones. Il ne s'agit pas de croire que les collectivités autochtones doivent simplement adopter les postulats fondateurs de la propriété intellectuelle sur lesquels a été construit le modèle occidental de propriété et d'individualisme qui ne permet aucun modèle collaboratif de propriété intellectuelle au Canada. Il y a de nombreuses façons dont nous pourrions améliorer et apprendre des autres pays. Par exemple, il y a maintenant toutes sortes de protestations au sujet, par exemple, des marques utilisées par des équipes sportives et des choses qui sont offensantes. Ils se sont approprié des images, des symboles, des noms autochtones, etc. La loi néo-zélandaise sur les marques commerciales, par exemple, prévoit qu'un groupe consultatif de Māoris examine chaque demande d'enregistrement de marque commerciale possiblement problématique et formule une recommandation au gouvernement sur la possibilité d'autoriser ou non l'enregistrement. Nous ne disposons d'aucun mécanisme qui intègre les conceptions autochtones de la créativité et de l'inventivité dans nos modèles de propriété intellectuelle, qu'il s'agisse de droits d'auteur, de brevets ou de marques. Notre système est construit sur certains postulats. Ils sont également sexospécifiques. Nos lois reposent sur de nombreux postulats datant des XVIIIe et XIXe siècles, que nous pourrions revoir en profondeur. Franchement, si nous faisons participer davantage de groupes sous-représentés — des groupes qui ne participent pas de la manière dont ils pourraient le faire, soit en tant qu'entrepreneurs, soit dans le système de propriété intellectuelle — à notre reprise économique, je pense qu'il nous incombe de faire un examen approfondi pour en comprendre les raisons et travailler réellement à la modification de nos lois et de nos pratiques afin qu'elles soient plus inclusives.
Natalie : Je pense que nos communautés autochtones n'ont pas nécessairement accès aux mêmes ressources. Si nous examinons la ressource centralisée, le collectif de brevets, l'une des choses que nous pourrions examiner est, par exemple, les bases de données antérieures. Lorsque nous parlons de conceptions des communautés autochtones, nous voyons des éléments être appropriés, puis brevetés, même si ces communautés les connaissent depuis des centaines d'années. Il faut créer des bases de données, les aider à construire leurs bibliothèques de propriété intellectuelle pour qu'en cas d'appropriation, ils obtiennent des conseils et soient en mesure d'y faire face. Il existe un registre pour les aider dans ce domaine. Je pense qu'une ressource plus centralisée offrant un accès à l'information serait formidable.
Mark : Bien sûr, nous sommes extraordinairement fiers du pilier autochtone de la Stratégie en matière de propriété intellectuelle du Canada. Un formidable travail préliminaire a été fait sur la discussion et le lancement de la discussion, et qui reconnaît que la première étape consiste à renforcer les capacités et à favoriser la discussion, à condition que les nations autochtones veuillent la mener. Myra, en lien avec ton intervention, ce qui m'a fasciné, du moins c'était le cas la dernière fois que j'ai eu une conversation avec mes collègues en Nouvelle-Zélande, c'est qu'aucune marque n'a été refusée sur la recommandation du conseil consultatif māori. C'est en partie parce que l'administration des marques l'utilise comme un outil qu'aucune entreprise ne souhaite voir refuser par le conseil māori. Ils ne veulent pas être offensifs en premier lieu. Ils l'utilisent en fait comme une leçon d'enseignement, ce qui est fascinant. Nous avons presque épuisé le temps que nous avions. Une question fascinante de quelqu'un concerne la qualité des brevets. Ce n'est pas seulement une question concernant la quantité de brevets, et je voudrais poser la question de deux façons. Nous avons beaucoup parlé des quantités, de toutes ces demandes déposées, ces pays mettent en œuvre des stratégies rapidement. Est-ce spéculatif? Est-ce un écran? Est-ce que beaucoup de demandes de brevet pourraient être déposées? La question était de savoir si nous pouvions ou non aider les PME ayant moins de brevets à tirer une plus grande valeur de ceux-ci. J'aimerais connaître votre avis sur la course à la quantité par rapport à la qualité. De plus, que vous pensiez ou non à des stratégies que nous devons adopter relativement à cette course au comptage des brevets, nous pourrions toujours être en mesure d'affirmer un certain leadership canadien et de réussir, pour ainsi dire, sans nécessairement devoir adopter de stratégies pour accroître la quantité de demandes de brevet déposées. Karima, tu as déjà traité de cette question.
Karima : Je l'ai fait, et je pense que c'est les deux. Je pense que c'est une question de qualité et de quantité, mais laissez-moi vous dire que cela devient assez décourageant quand quelqu'un vous dit : « Au fait, j'ai 1 900 brevets, et vous devez passer en revue chaque demande pour éviter toute violation. La quantité est importante dans ce contexte, parce que les ressources sont limitées, et vous devez être en mesure de déterminer si quelque chose ne va pas. Cependant, je suis d'accord pour dire que la qualité est vraiment importante. Je pense que déposer des demandes de brevet pour le plaisir de le faire n'est pas nécessairement toujours la meilleure chose, car les brevets coûtent cher. Vous devez être stratégique. Vous devez utiliser stratégiquement les conseils que vous recevez. Vous devez vous demander si le brevetage est, en fait, la bonne stratégie pour vous. Il y a peut-être d'autres façons d'aborder la propriété intellectuelle. Il ne s'agit pas seulement de brevets. Il existe d'autres formes de PI. Les brevets sont très importants lorsque vous prenez de l'expansion à l'international, si vous ne pouvez pas compter sur d'autres éléments comme les secrets commerciaux ou les marques déposées pour construire votre marque. Il n'y a pas de réponse simple. C'est vraiment propre au contexte. Il n'est pas réaliste de penser que nous pourrions atteindre les niveaux de la Chine ou des États-Unis à l'échelle des entreprises et des pays. Il sera très, très important d'atteindre au moins un certain niveau. Le fait de pouvoir s'appuyer sur des ressources telles que les communautés et les collectifs de brevets contribuera à défendre ces entreprises et leur permettra de disposer d'un arsenal qu'elles n'auraient peut-être pas autrement. Nous devons commencer à réfléchir à la manière de tirer parti de ces atouts si nous ne sommes pas en mesure de rivaliser sur le plan de la compétitivité et des chiffres.
Natalie : Je suis d'accord Karima. Je pense que le nombre de brevets n'est pas nécessairement ce qui compte. Il s'agit certainement d'une question de qualité. Lorsque vous regardez les millions et les millions de demandes de brevets déposées chaque année par les Chinois, vous pouvez dire que la moitié d'entre elles sont probablement frivoles, mais qu'une partie, peut-être 10 %, des demandes sont en fait très bonnes et très solides. Notre problème, c'est que dans certains domaines où nous pensons dominer, je ne vois aucun brevet. Comment pouvons-nous penser avoir le dessus dans ces domaines? Nous faisons des recherches de pointe, et pourtant nous ne détenons aucun brevet. Je pense que nous devons vraiment commencer quelque part. Je pense, comme l'a dit Karima, qu'il s'agit aussi de comprendre le paysage concurrentiel et d'être capable de faire face à la revendication de droits de brevet. Arriver à un point où l'on pense pouvoir dominer. Nous avons des actifs très stratégiques, car certains brevets valent plus que d'autres. Ce n'est pas comme si chaque brevet avait la même valeur. La protection vise différents éléments. La protection conférée par certains brevets est très large et très forte, tandis que d'autres offrent une protection très limitée et sont faciles à contourner. Chaque brevet a une valeur très différente.
Mark : En effet. C'est généralement utile. Je pense qu'il y a tellement d'aspects à examiner pour approfondir cette question en particulier, sur le fait de dominer les géants de plusieurs façons et de réfléchir à ce que sera notre approche la plus stratégique. Parfois, il s'agit de s'appuyer sur d'autres droits de propriété intellectuelle. Parfois, il s'agit de créer des collectifs et des communautés, de se soutenir les uns les autres. Je pense que nous sommes encore en train de travailler sur certains modèles très intéressants, à savoir si nous partageons tous le même chien de garde, qui subit les conséquences lorsqu'il mord l'assaillant. Je continue de penser que c'est un domaine fascinant sur lequel vous nous aidez à travailler. Nous sommes très proches de la fin. Je pourrais peut-être demander à chacune de vous de dire quelques mots en conclusion sur cette jungle des nouveaux biens immatériels.
Karima : Je dirais qu'il ne faut pas négliger son importance. Ne négligez pas son importance d'un point de vue pratique et stratégique, et pensez-y dans tous les contextes où vous traitez de la PI lorsque vous travaillez avec des innovateurs et des entrepreneurs qui vous approchent d'une multitude de façons.
Myra : Je vais intervenir, pour revenir sur ce que j'ai dit. Commençons à penser à faire du Canada une puissance en matière de propriété intellectuelle. Commençons à penser que nous avons la capacité de devenir des exportateurs de propriété intellectuelle.
Natalie : Pour terminer, je dirais simplement, comme c'est ma propre expertise dans le domaine, que les brevets de logiciels existent. Les inventions mises en œuvre par ordinateur sont protégées. Je mets au défi tous vos ministères d'y réfléchir. Vous êtes tous en train de développer des logiciels. Vous avez tous des solutions mises en œuvre par ordinateur. Vous vous demandez quelle est la stratégie de propriété intellectuelle à adopter dans ce domaine, et vous la formulez, car certains d'entre vous sont plus avancés que d'autres. Je dirais simplement que c'est réel.
Mark : Je n'ai pas de règle selon lesquelles je ne ferai pas partie de groupes d'experts composés seulement d'hommes, mais je pourrais suivre une nouvelle règle selon laquelle je ne veux faire partie que de groupes d'experts composés de leaders d'opinion extraordinairement professionnels, intelligents, ambitieux et audacieux comme vous. Un grand merci à Natalie, à Karima et à Myra ainsi qu'à Aaron pour l'introduction. Un grand merci à tous ceux qui ont participé à notre diffusion d'aujourd'hui. Je vous rappelle qu'il y a des gens et vos collègues au ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, aux Affaires mondiales et au ministère du Patrimoine canadien pour qui ces dossiers constituent leur travail quotidien. Vous devriez vous en inspirer. Je vous mentionne au passage que la prochaine activité de la série aura lieu le 11 septembre. Cette activité portera sur la gouvernance de la circulation transfrontalière des données et sur la manière dont le commerce des données est différent du commerce des biens ou des services dans la nouvelle économie. Un grand merci à tous.