Transcription
Transcription : Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : Les structures du fédéralisme et les relations avec les peuples autochtones
[Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran, accompagné de la mention « Webdiffusion ».]
[Le message se fond pour laisser place à Danielle White, dans une fenêtre de vidéobavardage.]
Danielle White : Kwe kwe. Good afternoon. Bonjour. Bienvenue. Pjila'si à la discussion sur les structures du fédéralisme et les relations avec les peuples autochtones.
[Propos en langue autochtone]
Je m'appelle Danielle White. Je viens du territoire Mi'gma'gi sur la côte ouest de Terre‑Neuve. Je suis membre de la Première Nation micmaque Qalipu et je serai votre modératrice aujourd'hui. Je suis sous-ministre adjointe du Secteur de la politique stratégique et des partenariats à Services aux Autochtones Canada et je vous parle aujourd'hui depuis le magnifique territoire algonquin non cédé où je vis et travaille maintenant.
Nous avons prévu une séance très intéressante pour vous cet après-midi. Avant de commencer, laissez-moi vous mentionner quelques détails administratifs. Pour une expérience optimale, nous vous recommandons de vous déconnecter de votre réseau privé virtuel ou d'utiliser un appareil personnel pour visionner la séance.
Nous offrons la traduction simultanée en français. Si vous souhaitez profiter de ce service pendant la webdiffusion, vous n'avez qu'à suivre les instructions données dans le courriel de rappel.
Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Monique Manatch, gardienne du savoir algonquine anishinaabe, qui fera une prière pour donner le coup d'envoi à la séance d'aujourd'hui.
[La vidéo de Monique Manatch s'ouvre dans une fenêtre distincte.]
Monique, [propos en langue autochtone].
Monique Manatch : Miigwech et pjila'si. Bienvenue. Bienvenue sur le territoire non cédé et non abandonné de la Nation algonquine.
[Propos en langue autochtone]
Je m'appelle Monique Manatch et je suis membre de la Première Nation des Algonquins du lac Barriere. J'aimerais ouvrir cette séance dans la positivité pour nous aider à unir nos esprits et à créer un espace sûr où nous pouvons nous exprimer du fond du cœur avec sincérité et honnêteté, un espace où nous pouvons échanger et apprendre les uns des autres. Je vais donc adresser quelques mots au Créateur :
[Propos en langue autochtone]
Merci. Merci pour l'eau, pour les plantes, pour les arbres, pour les animaux qui volent, qui nagent, qui rampent et qui chantent, pour les animaux à fourrure, à plumes et à quatre pattes et pour les humains. Merci d'avoir réuni ici aujourd'hui toutes ces personnes ayant le cœur et l'esprit ouverts. Aidez-nous à voir la vérité. Aidez-nous à entendre la beauté. Aidez-nous à parler avec gentillesse et compassion et aidez-nous à travailler ensemble dans l'intérêt de toutes nos communautés.
[Propos en langue autochtone]
Merci beaucoup. Je sais que vous aurez une rencontre enrichissante aujourd'hui. Merci.
Danielle White
[Propos en langue autochtone]
Miigwech, Monique, pour cette réflexion.
J'aimerais maintenant accueillir Ji Yoon Han, qui ouvrira le bal et nous donnera un aperçu du sujet de discussion d'aujourd'hui.
[La vidéo de Ji Yoon Han s'ouvre dans une fenêtre distincte.]
Ji Yoon Han : Merci, Danielle. Merci à tous d'être des nôtres aujourd'hui.
Je m'appelle Ji Yoon Han et je suis associée de recherche au Centre d'excellence sur la fédération canadienne de l'Institut de recherche en politiques publiques. Cette séance est la quatrième d'une série créée grâce à un partenariat entre l'École et le Centre sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien. Je vais d'abord vous présenter en quelques mots le sujet du jour et son lien avec les thèmes abordés dans les trois premières séances, puis je céderai la parole à Danielle.
Permettez-moi de commencer par souligner que je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé des Kanien'kehá:ka. Je reconnais que nous travaillons tous dans des endroits différents et, par conséquent, vous travaillez sur un territoire autochtone traditionnel différent. Veuillez prendre un moment pour penser aux peuples autochtones du territoire sur lequel vous vous trouvez.
Merci.
Jusqu'à présent, dans cette série, nous avons tenu trois séances. Nous avons abordé plusieurs enjeux fondamentaux du fédéralisme, entre autres pourquoi le fédéralisme est important, le fédéralisme fiscal et le rôle du fédéralisme dans le développement économique et l'infrastructure. Si vous n'avez pas écouté nos séances antérieures, je vous invite à le faire.
Tout au long de la série, une question du public est revenue souvent : Quelle est la place des peuples autochtones dans les conversations tenues jusqu'à présent sur le fédéralisme? Cette question touche à un thème que nous avons abordé dans l'ombre de plusieurs de nos séances jusqu'à présent : une nouvelle vision du fédéralisme où les acteurs principaux de notre structure de gouvernance ne se limiteraient pas aux gouvernements fédéral et provinciaux et engloberaient un réseau plus vaste d'acteurs qui reflètent mieux la gouvernance au Canada, comme les peuples autochtones, qui comptent parmi les plus importants.
Aujourd'hui, nos intervenants nous feront part de leurs observations sur les interactions des peuples autochtones avec les structures actuelles du fédéralisme. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Je redonne la parole à notre modératrice, Danielle.
Merci.
Danielle White : Merci, Ji Yoon.
Aujourd'hui, nous accueillons trois orateurs d'exception, qui apporteront chacun leur propres bagage et expertise sur le sujet. J'aimerais vous présenter Darcy Gray, ancien chef de la Première Nation Mi'gmaq de Listuguj.
[La vidéo de Darcy Gray s'ouvre dans une fenêtre distincte.]
Si vous n'êtes pas familier avec le territoire Mi'gma'gi, Darcy vient de l'extrémité du pays. Je suis de Terre-Neuve. Le territoire s'étend jusqu'à l'est du Québec.
Nous recevons aussi Catherine MacQuarrie, amie et collègue de longue date.
[La vidéo de Catherine MacQuarrie s'ouvre dans une fenêtre distincte.]
Membre émérite à l'École d'administration publique et de politique gouvernementale de l'Université Carleton, Catherine joue actuellement un rôle de premier plan dans le projet Rebuilding First Nations Governance (projet de refonte de la gouvernance des Premières Nations) du Centre de gouvernance des Premières Nations. Elle est aussi une fonctionnaire fédérale et territoriale depuis longtemps.
Finalement, nous accueillons aussi Martin Papillon, professeur titulaire à l'Université de Montréal et directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social.
[La vidéo de Martin Papillon s'ouvre dans une fenêtre distincte.]
Nous allons demander à Martin de commencer par nous expliquer un peu la répartition des pouvoirs et présenter quelques enjeux contemporains du fédéralisme et des relations avec les autochtones. Catherine enchaînera avec le rôle des fonctionnaires dans l'élaboration et la mise en œuvre de politiques dans des domaines qui touchent les peuples autochtones. Après, Darcy racontera sa propre expérience en tant que chef et conseiller de la Première Nation de Listuguj et parlera des conséquences du fédéralisme sur sa communauté. Ensuite, nous répondrons aux questions soulevées lors des présentations et nous vous inviterons à en poser à nos orateurs.
Pour poser une question, vous n'avez qu'à l'envoyer dans le clavardage en cliquant sur le bouton dans le coin supérieur droit de votre écran. Ne vous inquiétez pas si vous ne la voyez pas s'afficher dans le fil de discussion. L'équipe technique la verra et me la transmettra comme je suis modératrice. Nous essaierons de répondre au plus de questions possible.
Sans plus attendre, c'est avec plaisir que je cède la parole à Martin Papillon pour son bref exposé.
Martin, la parole est à vous.
Martin Papillon : Merci, Danielle. Merci à tous de votre présence. Je suis ravi d'être parmi vous aujourd'hui. Je crois que je suis le seul intervenant du milieu universitaire ici. Mon exposé et mon rôle seront donc un peu plus théoriques aujourd'hui. Je vais parler en termes très génériques du sujet du jour, les peuples autochtones et le fédéralisme canadien. J'ai préparé une présentation PowerPoint. Je vais vous l'afficher à l'écran si vous voulez bien m'accorder un instant. Voilà.
[Une diapositive intitulée : « Indigenous Peoples and Canadian federalism » (les peuples autochtones et le fédéralisme canadien) comportant une photo de Mushuau-nipi s'affiche.]
Est-ce que tout le monde voit la présentation? Je suppose que oui. Super.
Pour commencer, la photo que vous voyez à l'écran a été prise à Mushuau-nipi. Mushuau-nipi est situé le long de la rivière George, dans le nord du Québec, le long des frontières du Labrador. C'est le territoire traditionnel du peuple inuit. Je remercie sincèrement le peuple inuit qui m'a invité sur ce lieu sacré l'été dernier. Ce fut une expérience vraiment enrichissante. Je tenais à mettre cette photo ici pour le souligner.
Aujourd'hui, mon objectif est de faire un survol du sujet, mais je tiens à commencer par parler de perceptions parce que je trouve que c'est important. Lorsque nous pensons au fédéralisme, nous pensons généralement à un régime politique dans lequel le pouvoir est partagé et divisé entre deux ou plusieurs ordres de gouvernement. C'est ainsi que fonctionne notre régime politique et il est généralement important que ces ordres de gouvernement soient considérés comme égaux entre eux.
D'autres caractéristiques qualifient le fédéralisme, comme une répartition des pouvoirs inscrite dans la Constitution et un pouvoir judiciaire autonome statuant sur les différends. Chaque ordre de gouvernement a son propre pouvoir législatif, son propre pouvoir exécutif et ainsi de suite. C'est la façon traditionnelle de voir le fédéralisme.
Cependant, le principe du fédéralisme peut prendre de multiples formes. Certains universitaires autochtones soutiennent que les alliances et traités conclus entre les peuples autochtones et la Couronne avant la création de notre fédération étaient, en fait, une forme de fédéralisme et que les peuples autochtones avaient eux-mêmes leurs propres structures fédérales entre eux bien avant. Le fédéralisme est donc un principe qui existait au Canada avant la Confédération canadienne et il est toujours d'actualité.
Je ne veux pas parler au nom de tous les peuples autochtones. Par contre, dans le cadre de mes recherches, j'ai parlé à des dirigeants autochtones, à des intellectuels autochtones et à de simples citoyens, surtout par rapport aux traités, et j'ai constaté que cette notion de relation de nation à nation ou de partenariat entre égaux est encore extrêmement importante aujourd'hui. En fait, il s'agit du fondement de la manière dont ces relations devraient être structurées, selon eux.
Je tenais à apporter ce point parce que nous avons tendance à chercher à intégrer les gouvernements et les peuples autochtones dans la Confédération canadienne, mais je pense que nous faisons fausse route. Je pense que la bonne façon d'aborder cet enjeu est vraiment de voir ou de redéfinir notre relation comme une coexistence entre deux types de fédéralisme : notre fédération fédérale, provinciale et territoriale et la tradition fédérale, qui n'est pas un appareil fédéral, mais une relation de type fédéral entre les peuples autochtones et l'ensemble de la fédération canadienne elle-même.
Cette façon de voir les choses nous aiderait, je pense, à relativiser la répartition des pouvoirs dans la Confédération canadienne et les gouvernements territoriaux, fédéral et provinciaux, les difficultés à accorder la place qui leur revient aux gouvernements autochtones, mais aussi les possibles voies à suivre.
Laissez-moi plonger dans le vif du sujet parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Je voudrais parler très brièvement des fondements coloniaux de notre régime fédéral. Comme nous le savons à peu près tous, les peuples autochtones n'ont pas été invités aux négociations des modalités de la Confédération de 1867. La répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux négociée à l'époque ne prévoyait pas les peuples et gouvernements autochtones. Ils n'ont pas été consultés non plus.
Pourtant, ils font bien évidemment partie du régime fédéral puisqu'ils sont devenus une rubrique de compétence du gouvernement fédéral en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette décision unilatérale, pour laquelle les Autochtones n'ont jamais été réellement consultés, instaure néanmoins une relation unique entre l'autorité fédérale et les Autochtones. Elle instaure une relation tout à fait unique dans le sens où aucun autre groupe de population au Canada n'a une telle relation avec le gouvernement fédéral. Certains droits sont protégés dans notre Constitution, des droits linguistiques par exemple, mais notre Constitution ne prévoit aucune autre compétence exclusive à l'égard d'un groupe de personnes.
Je ne veux pas trop entrer dans les détails parce que je n'ai pas assez de temps, mais cette situation reflète beaucoup le passé colonialiste du Canada, notamment la Proclamation royale de 1763, qui a instauré ce genre de relation exclusive entre la Couronne et les peuples autochtones et est le fondement des traités historiques.
L'idée derrière cette protection ou cette compétence exclusive était vraiment de protéger les peuples autochtones contre les intérêts des provinces et les intérêts locaux. Pourquoi? Parce que les gouvernements provinciaux, qui étaient les anciens gouvernements coloniaux, et les administrations locales avaient un intérêt direct dans les territoires, les ressources et l'expansion de la société colonialiste. L'idée de confier la responsabilité au gouvernement fédéral était donc de créer une sorte de protection, mais cette protection est hautement paternaliste, c'est-à-dire que les Autochtones sont considérés plus ou moins comme des pupilles des États selon le paragraphe 91(24), ce qui s'est concrétisé plus tard avec l'entrée en vigueur de la Loi sur les Indiens.
Cependant, le paragraphe 91(24) n'a pas érigé un mur infranchissable, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une rubrique de compétence exclusive du gouvernement fédéral que les peuples autochtones n'ont pas d'interaction avec les provinces ou que les provinces n'ont pas de rôle à jouer dans les relations avec les peuples autochtones. C'est souvent un point qui est mal compris au Canada, selon moi. Nous avons tendance à penser que, en raison du paragraphe 91(24), uniquement le gouvernement fédéral fait affaire avec les Autochtones. Eh bien, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai pour plusieurs raisons et je ne vous en présente que deux qui sont, selon moi, assez importantes.
Premièrement, plusieurs rubriques de compétence des gouvernements provinciaux sont essentielles au bien-être, à la survie et à la relation à la terre des peuples autochtones, comme les terres et les ressources, l'administration de la justice, la sécurité publique, mais aussi tous les programmes sociaux importants, pour n'en nommer que quelques-uns.
Par le passé, les provinces ont cherché activement à étendre leur compétence concernant les terres autochtones pour des raisons économiques évidentes, mais elles ont aussi paradoxalement été très réticentes à étendre certains de leurs rôles, notamment concernant les politiques sociales, pour des raisons financières, évidemment. Il y a donc une tension inhérente au rôle des provinces.
Les gouvernements fédéraux successifs, quant à eux, ont interprété leur rôle de manière assez restrictive et il est également important de le comprendre. Le gouvernement fédéral aurait pu, dès le départ, jouer un rôle beaucoup plus proactif et systématique en nouant des relations avec les peuples autochtones et en les protégeant des intérêts provinciaux. Ils ont choisi de ne pas le faire et la raison en est, évidemment, que le paragraphe 91(24) était considéré à l'époque comme une mesure temporaire jusqu'à ce que les peuples autochtones soient assimilés à l'ensemble de la société.
Ils ont donc choisi de se concentrer uniquement sur les Indiens inscrits avec l'adoption de la Loi sur les Indiens. Au fil du temps, ils ont adopté une approche très sélective pour la politique sociale, étant plutôt actifs dans le domaine de l'éducation, mais beaucoup moins dans d'autres sphères sociales. Cette décision s'explique par différentes raisons, mais il est important de réaliser qu'il y a des écarts. Il y a beaucoup d'incohérence quant à ce que le gouvernement fédéral fait et ne fait pas et, en ce qui concerne le statut, qui relève de la politique fédérale ou non. Le financement est aussi très sélectif. Certains programmes sont financés, d'autres moins. Des champs de compétence très complexes sont donc nés de ce long engagement réticent du gouvernement fédéral.
Laissez-moi vous parler très rapidement de certaines conséquences des responsabilités « qui tombent entre deux chaises », et ce, encore aujourd'hui. Les responsabilités de chacun ne sont pas toujours claires lorsqu'il est question des peuples autochtones et je suis certain que nos autres invités auront eux-mêmes vécu des exemples concrets de ce problème.
Je viens de mentionner quelques domaines, mais qui établit les règles et les limites? Il y a tellement de nuances qui dépendent de l'endroit où vous vivez en tant qu'Autochtones (habitez-vous dans une réserve ou hors réserve?) et de votre statut (êtes-vous un Indien inscrit, un Métis ou une personne non inscrite?). Cette réalité amène des failles dans les responsabilités, c'est-à-dire que beaucoup de gens tombent entre deux chaises. On ne sait pas clairement qui est responsable de quoi, quels programmes s'appliquent, qui est censé payer pour tel ou tel service. Il y a énormément d'exemples de ce problème et nous pourrons en parler plus en détail plus tard.
Cette réalité pose également un problème de financement. La responsabilité va de pair avec les dépenses, évidemment. Qui devrait financer des programmes sociaux destinés aux Autochtones, alors que le financement dépend du statut, de l'endroit où l'on vit, etc.? Il y a donc beaucoup de tensions et de divergences entre les programmes financés par les provinces et ceux financés par le gouvernement fédéral. L'éducation est l'exemple le plus évident, mais il y en a beaucoup d'autres.
Cette réalité amène aussi une multiplication des règles, de la reddition de comptes, des pratiques et ainsi de suite parce que les responsabilités de chacun ne sont pas claires. La tendance est de créer des mécanismes et des règles des deux côtés. Les organisations et les gouvernements autochtones sont donc souvent confrontés à une multiplication des mesures de reddition de comptes et des règles. L'exemple le plus évident que j'ai pu trouver, il y en a beaucoup d'autres, est celui du bien-être des enfants.
Un nouveau cadre législatif pour le bien-être des enfants a été établi, mais pendant longtemps, le gouvernement fédéral finançait les programmes dans la plupart des réserves du pays, à quelques exceptions près, notamment en Ontario. Ces programmes étaient gérés par des organisations locales autochtones, directement par le gouvernement fédéral ou par la province selon les normes provinciales. Il y avait donc deux ordres de gouvernement différents qui jouaient leur rôle et qui avaient chacun leurs attentes pour les coûts, les règles et ainsi de suite. La gestion était extrêmement lourde et compliquée.
Une telle situation crée ce que j'appelle une « impasse » pour les instances gouvernementales autochtones qui cherchent à affirmer leur autonomie. Il est devenu très difficile de sortir de ces multiplications de règles.
Selon moi, notre défi aujourd'hui et demain est vraiment de reconnaître la coexistence des différentes formes de fédéralisme, comme je l'ai dit au début, mais aussi, plus concrètement, de démêler cette compétence empêtrée et de laisser aux peuples autochtones la place qui leur revient pour exercer leur propre autorité dans leurs communautés et leurs territoires.
Bien sûr, le message à retenir de mon exposé est que le gouvernement fédéral, puisque vous êtes tous surtout liés au gouvernement fédéral, ne peut pas y arriver tout seul. Donc les politiques fédérales ne sont qu'une partie de l'équation. C'est vraiment important de le reconnaître. Bien sûr, les peuples autochtones sont importants. Aucun changement ne pourra s'opérer sans leur collaboration et leur volonté, mais il est également important que les provinces et les territoires participent à ce changement, à cette histoire.
Cette participation est souvent manquante. J'ai souligné l'importance des provinces et des territoires dans cette histoire, même si j'ai un peu moins parlé des territoires. Les changements ne viendront que si nous tenons compte du fait que le fédéralisme n'est pas bilatéral, même si nous le voulions. Parfois, la réalité est vraiment plus complexe.
Je voudrais simplement conclure par quelques progrès récents qui me semblent pertinents pour réfléchir au démêlement et au rétablissement de ces relations.
Tout d'abord, le moment est venu d'agir. C'est important parce que, sur le plan conceptuel et discursif, mais aussi sur le plan de l'accueil de la population dans son ensemble, cet enjeu n'a jamais été aussi important et la Commission de vérité et réconciliation du Canada a joué un rôle vraiment majeur à cet égard. Les progrès réalisés grâce à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sont aussi importants. Ce document vraiment primordial propose un ensemble de principes et de normes pour réconcilier notre fédération canadienne avec les gouvernements autochtones.
Ces idées, ces normes, ces principes sont vraiment imprégnés dans la société canadienne maintenant. Les gens sont beaucoup plus conscientisés, ce qui crée un élan politique et il faut vraiment éviter que cet élan s'essouffle parce que l'enjeu est important maintenant.
Une autre chose dont je veux parler et que je n'ai pas encore abordée est l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et protège les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones. Bien sûr, cette loi a aussi eu de très importantes répercussions sur la dynamique fédérale-provinciale. Je veux prendre le temps d'insister sur les répercussions qu'elle a eues sur les provinces. C'est vraiment important parce que les provinces sont aussi tenues de respecter l'article 35.
Elles doivent donc faire respecter les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones, mais aussi répondre à ce qui est s'est révélé comme une partie très importante de ce devoir, à savoir l'obligation pour les gouvernements de consulter les Autochtones lorsqu'ils portent atteinte ou risquent de porter atteinte à leurs droits. L'obligation de consulter est devenue très importante. Un nombre colossal de consultations ont lieu. Beaucoup d'entre vous en sont probablement conscients. C'est un travail important qui n'est pas toujours bien fait. Les consultations ne sont pas toujours bien faites, mais elles sont importantes parce qu'elles forcent les gouvernements des provinces et des territoires à dialoguer concrètement avec les communautés autochtones sur le terrain et à établir des partenariats, des mécanismes de collaboration, pour s'assurer que cette consultation a lieu.
Ces consultations apportent vraiment un nouvel horizon. Elles obligent les gouvernements provinciaux à renforcer leur capacité à échanger de manière plus systématique et plus institutionnelle avec les peuples autochtones, surtout dans les réserves, d'une manière qui n'existait pas auparavant.
[Une diapositive intitulée « Intensity and formalization of Indigenous-provincial relation » (intensité et formalisation des relations entre les Autochtones et les provinces) comportant un graphique des ententes conclues entre les Autochtones et les provinces de 1995 à 2020 est visible à l'écran.]
Regardez mon graphique. Je n'ai pas mis beaucoup de données, mais il y en a une que je trouve vraiment frappante. Il s'agit du nombre d'ententes conclues entre les Autochtones et les provinces par année depuis 1995. Comme vous pouvez le constater, il y a une hausse très marquée quelque part au début des années 2000 et elle est vraiment liée à la jurisprudence de la Cour suprême sur l'obligation de consulter.
La hausse est vraiment plus importante dans une province en particulier, la Colombie-Britannique. Pourquoi? En effet, au début des années 2000, la Colombie-Britannique a pris un virage à 180 degrés dans son approche de la politique autochtone et s'est vraiment engagée sur la voie de la négociation d'ententes avec les peuples autochtones afin de formaliser et d'institutionnaliser la relation. Certains disent que leur approche fonctionne bien, d'autres moins bien, mais il s'agit d'un pas important et surprenant qui montre que, comme que je le disais, les provinces et les territoires sont maintenant des partenaires importants dans cette reconfiguration de la relation.
En quelques mots, je veux vous mentionner d'autres progrès que je trouve vraiment importants. Ce n'est pas nouveau, mais c'est toujours d'actualité et nous devons le mentionner. Les traités modernes et les ententes sur l'autonomie gouvernementale, conclues surtout dans les territoires nordiques, mais pas exclusivement, car il y en a aussi au Labrador, au Québec et en Colombie-Britannique, sont vraiment importants. Pourquoi? Ils instaurent un nouveau type de relation politique et juridique, tant avec le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux et territoriaux. Certains de ces traités et certaines ententes sur l'autonomie gouvernementale connexes bénéficient d'une protection constitutionnelle en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais, de manière plus générale, même s'ils ne sont que légiférés, ils reconnaissent certaines rubriques de compétence des gouvernements autochtones.
La nature de la relation, y compris l'obligation fiscale des gouvernements fédéral et provincial de financer ces gouvernements, est vraiment d'un ordre différent de ce que nous voyons habituellement, notamment en vertu de la Loi sur les Indiens. C'est probablement ce qui se rapproche le plus au Canada de la notion de « troisième ordre de gouvernement » dans notre système fédéral et c'est un grand pas en avant.
La dernière chose que je voudrais mentionner concerne plutôt les politiques. Il est vraiment intéressant de savoir dans quelle mesure la façon dont nous élaborons les politiques concernant les enjeux et les politiques autochtones a évolué lentement, probablement trop lentement, mais sûrement. Je parle d'exemples de processus d'élaboration de politiques collaboratif à l'échelle fédérale ou provinciale, où les politiques sont réellement élaborées dans le cadre d'un processus de collaboration avec des organisations autochtones. Je peux donner l'exemple de la collaboration pour l'élaboration de la politique fiscale avec les gouvernements autochtones autonomes qui a été assez fructueuse.
Une autre façon intéressante d'aborder la question est celle des accords tripartites, entre les gouvernements fédéral, territoriaux, provinciaux et autochtones. Un modèle tripartite d'élaboration des politiques. L'accord tripartite sur les soins de santé en Colombie-Britannique en est un bon exemple.
Bien sûr, les organisations autochtones sont de plus en plus mobilisées dans notre mécanisme de relations intergouvernementales, lors des réunions des premiers ministres, mais aussi à l'échelle administrative et ministérielle. J'ai des données à ce sujet que je ne vais pas montrer, mais c'est assez frappant de voir à quel point les organisations autochtones sont de plus en plus systématiquement mobilisées dans ce qui était autrefois un club fédéral-provincial assez exclusif de relations intergouvernementales.
Permettez-moi donc de conclure en disant que ces progrès sont considérables. Ils changent la façon dont nous abordons nos relations, mais bien sûr, nous sommes encore loin du modèle imaginé dont je parlais au début, selon lequel deux types de régimes fédéraux coexisteraient. Nous en sommes vraiment loin et il y a de nombreux obstacles structurels et pratiques à cet aboutissement, mais je suis optimiste parce que je vois les changements s'opérer progressivement et je vois que les choses évoluent sur de nombreux points. Nous pourrons nommer des exemples plus précis dans la discussion si vous le souhaitez.
J'ai déjà épuisé mon temps, alors voici ce qui met fin à ma présentation. Je laisse la parole aux autres. Voilà! Merci.
Danielle White : Super. Merci, Martin.
En très peu de temps, vous nous avez fait découvrir un contexte historique et juridique très complexe qui, selon moi, est essentiel à notre compréhension et vous avez été très clair. Votre présentation a été extrêmement utile.
Je vais maintenant céder la parole à Catherine pour qu'elle nous fasse part de son point de vue.
Catherine MacQuarrie : [Propos en langue autochtone]
Merci beaucoup, Danielle. Bonjour, tout le monde. C'est vraiment un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Je suis une femme métisse née en Alberta, mais j'ai grandi dans les Territoires du Nord-Ouest et j'habite maintenant sur le territoire algonquin non cédé, ici, à Ottawa.
Je suis vraiment ravie de me trouver aux côtés de ces deux autres orateurs aujourd'hui. Martin ne le sait pas, mais j'apprécie ses écrits depuis des années. Justement, l'un des documents que j'ai lus en préparation à la séance d'aujourd'hui et que je vous recommande vraiment est le chapitre Nation to Nation d'un livre assez récent, je crois, qui traite du fédéralisme et des peuples autochtones. Il est très bien écrit et très intéressant.
Et puis, bien sûr, je travaille avec Darcy sur le projet de refonte de la gouvernance des Premières Nations que nous menons à travers le Canada. J'ai donc hâte d'entendre les exemples très concrets de défis que posent les relations intergouvernementales au quotidien que Darcy nous présentera.
Je vais parler du rôle des fonctionnaires, mais je voudrais aussi remonter un peu dans le temps, afin de vous donner une bonne idée du cadre dans lequel mes collègues du projet et moi abordons ces enjeux.
Je veux aussi commencer par raconter la petite histoire de mon arrivée à Ottawa en 1998. J'ai été l'une des premières directrices de l'unité des politiques sur l'autonomie gouvernementale et l'une de mes responsabilités était de coordonner les processus ministériels, qui ont prescrit toutes les négociations sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. J'ai également formulé des conseils et des recommandations au gouvernement pour les ententes finales de ces négociations.
Ces sortes de discussions interdépartementales étaient toujours difficiles, comme vous pouvez l'imaginer, et le sont probablement encore aujourd'hui dans de nombreux cas. Dan acquiesce. Je me souviens d'une journée en particulier... Nous étions en train de conclure certaines dispositions complexes d'une entente finale et une personne anonyme d'un ministère anonyme a dit quelque chose comme : « Si nous signons l'entente, est-ce qu'ils vont cesser de nous déranger et nous n'aurons plus affaire à eux? »
Oui, c'est très choquant. J'espère que ce ne sont pas des propos que vous entendez 25 ans plus tard... Je prends le temps d'en parler parce que ces ententes étaient vues comme une finalité plutôt que comme le début d'une relation. Pourtant, si nous prenons le temps de penser aux principes du fédéralisme, il est question de relations permanentes dans ce pays pour concilier, équilibrer et accepter la diversité à travers le pays et de personnes qui se réunissent pour dire : « Comment allons-nous y arriver ensemble? Comment allons-nous pouvoir gérer nous-mêmes ce dont nous avons besoin dans nos régions et nos communautés, etc.? Comment allons-nous diviser les règles et la compétence? »
C'est essentiellement ce sur quoi portait l'accord de la Confédération. Même si, comme Martin l'a fait remarquer à juste titre, non seulement les peuples autochtones ont été exclus des décisions prises à ce sujet et on ne leur a jamais demandé leur consentement, mais tout le processus de la Confédération était fondé sur la présomption qu'ils n'existaient même pas vraiment, sur la présomption d'une souveraineté, tant à l'échelle fédérale que provinciale, et sur la présomption d'une compétence pour les terres du Canada. Ce sont quelques exemples des problèmes fondamentaux auxquels nous sommes encore confrontés aujourd'hui.
Je voudrais remonter encore plus loin. Comme Martin l'a mentionné au tout début de son exposé, les peuples autochtones de ce pays, en commençant par les Premières Nations du territoire Mi'gma'gi qui ont eu affaire à certains des premiers arrivants, ont continuellement essayé de structurer ces relations et parlé d'autonomie et de partage du pouvoir au moyen de traités de paix et d'amitié. Il suffit de jeter un coup d'œil au Two Row Wampum Treaty conclu entre les Haudenosaunee et les Hollandais en 1613 pour constater qu'il s'agit d'une entente très claire sur la façon dont ils allaient vivre ensemble, côte à côte, chacun suivant son propre chemin le long de la rivière.
Je pense que nous pouvons même affirmer que... en tout cas, moi, j'affirme fermement en tant que Métis, que l'objet réel de la résistance à la rivière Rouge, puis une dizaine d'années plus tard en Saskatchewan, était les gens. Dans ce cas, il s'agissait d'une majorité de Métis, mais certaines Premières Nations et d'autres peuples essayaient de négocier leur entrée dans la Confédération. Ils avaient été exclus des négociations.
Une fois que la Terre de Rupert a été vendue et que le gouvernement canadien a supposé qu'il aurait la pleine compétence sur toutes ces régions, les gens qui y vivaient ont dit : « Attendez un instant. Nous voulons pouvoir discuter avec vous de la base sur laquelle nous ferons également partie de cette fédération » et leurs propos ont été accueillis par une action militaire.
Je crois certainement que c'est aux alentours de l'entrée en vigueur de la Confédération et de 1876 avec la dernière version de la Loi sur les Indiens de l'époque que le gouvernement s'est écarté de la souveraineté et de la compétence présumées pour tenter activement de supprimer tout droit résiduel que les peuples autochtones pensaient avoir sur leurs territoires.
Bien sûr, même si de nombreux traités qui ont été négociés à l'époque dans des contextes de famine et de colonisation rapide, les Premières Nations elles-mêmes les considèrent toujours comme des ententes quant aux conditions dans lesquelles elles partageraient la terre et conserveraient une certaine autonomie gouvernementale. Je ne parle même pas des traités en Colombie-Britannique. Cela nous amène au problème actuel.
Lorsque les gens, pendant la période de colonisation, ont essayé de soulever leurs problèmes et de négocier des ententes avec les gouvernements provinciaux et canadiens de l'époque, ils se sont heurtés à des modifications de la Loi sur les Indiens qui leur interdisaient ou rendaient illégal le fait de demander une représentation égale devant les tribunaux ou d'engager des avocats pour représenter leurs intérêts auprès du gouvernement.
Pendant une période de 50 ans, et probablement plus de part et d'autre, le Canada a délibérément refusé de répondre à toute question concernant la relation. Avançons rapidement jusqu'à la période de sensibilisation aux droits, de décisions judiciaires et, finalement, de rédaction de l'article 35 dans la Constitution canadienne de 1982, avec son rapatriement et la reconnaissance de l'existence des droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones.
Je pense que l'une des choses importantes à comprendre, encore une fois du point de vue des Autochtones, est que l'article 35 ne conférait pas et ne confère pas des droits aux peuples autochtones. Il reconnaît les droits existants et préexistants ainsi que la souveraineté. Cette notion est de plus en plus acceptée par les tribunaux canadiens et c'est l'une des raisons pour lesquelles vous voyez de plus en plus d'ententes et de changements dans les relations avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
J'adore ce graphique de Martin, à la fin, qui nous a montré l'augmentation du nombre d'ententes et d'interactions depuis 1995. C'est en quelque sorte le reflet de cette évolution vers une reconnaissance croissante des droits et des relations durables que les provinces, le gouvernement fédéral et les territoires doivent entretenir avec les peuples autochtones.
Selon moi une grande partie de ce changement a été provoqué par les peuples autochtones eux-mêmes et continue de l'être. Je pense qu'une pression se fait sentir sur notre définition traditionnelle selon laquelle la fédération ou le fédéralisme au Canada compte simplement deux ordres de gouvernement, et que cette définition est lentement ébréchée par chaque nouvelle disposition, entente et affaire judiciaire qui remet en question ces notions fondamentales. Une décision très importante sera rendue très bientôt par la Cour suprême en ce qui concerne les services à l'enfance et à la famille. Elle porte vraiment sur la question fondamentale de la compétence et sur la façon de concilier les compétences entre les divers ordres de gouvernement.
Ainsi, vu le poids des changements évolutifs, nous arrivons, à mon avis, à un moment tournant au Canada. S'adapter aux changements et même, je l'espère, vouloir voir des changements dans les relations entre les peuples autochtones et leurs gouvernements et les autres ordres du gouvernement du Canada va tout simplement représenter une part de plus en plus grande de notre travail.
Il est très important que les fonctionnaires qui conseillent leurs gouvernements sur les relations ou les enjeux relatifs aux relations avec les Autochtones soient conscients des changements, du passé et du risque juridique de ne pas prêter attention à ces enjeux et donnent aux ministres toutes sortes de conseils et de renseignements à ce sujet.
Martin avait une diapositive sur les répercussions. Je vais vous en parler aussi. Je n'ai pas de diapositive, mais je pensais à certaines des conséquences de ne pas tenir compte de ces changements au fur et à mesure, laissant les affaires se rendre devant les tribunaux, comme nous l'avons fait avec le principe de Jordan. Ces situations ont un coût humain en raison des problèmes qu'ils posent dans trop de communautés autochtones au Canada et ont un coût financier. Malheureusement, ce coût financier retombe généralement entre les mains des gouvernements fédéral ou provinciaux et ultimement des contribuables.
C'est vraiment une partie importante de notre travail d'être capable, professionnellement, de bien conseiller sur ces sujets.
Que pouvons-nous faire? Comme Martin, je ne prévois pas une grande transformation des conditions de la Confédération. Je pense que ce sera plus évolutif par nature, mais les changements se passent sous nos yeux. Nous pouvons donc faire beaucoup, beaucoup de choses en ce qui concerne les politiques. Donner le ton et la ligne directrice, comme l'a fait le plus récent gouvernement libéral lors de son arrivée au pouvoir en 2015, est un aspect important du travail, mais il faut aussi faire concorder ses décisions et la rhétorique de ces promesses.
Je pense que ce qui est important, ce que les politiciens peuvent faire, c'est de restructurer la relation. Je pense que nous devons la gérer, nous devons la restreindre, nous devons la limiter et en faire une relation qui est en fait accueillante et conciliante et qui reconnaît la nécessité d'une relation continuelle dans ce pays.
Dans la fonction publique, il s'agit essentiellement de nous éduquer et de nous donner le devoir professionnel de comprendre les réalités juridiques et historiques de la relation, surtout les défis quotidiens de nos homologues dans les communautés autochtones, et ce, quel que soit l'endroit où nous travaillons au sein du gouvernement. Ce n'est pas du ressort exclusif de RCAANC et de SAC. Les enjeux autochtones touchent à tous les aspects des activités gouvernementales. Si vous n'en êtes pas conscient, vous devez constater que vous n'êtes pas assez informé, car je peux vous garantir qu'elles touchent à presque tout ce que vous faites.
De la même manière que vous tenez compte des préoccupations ou des problèmes provinciaux ou territoriaux dans certains aspects de votre travail, vous devez également savoir dans quels domaines le mandat et les activités de votre ministère peuvent recouper ou heurter les droits et les intérêts des Autochtones, et planifier en conséquence.
Je pense que Darcy pourra vous donner quelques exemples de choses auxquelles vous n'avez peut-être pas pensé et qui ont vraiment créé de grands défis pour lui et sa communauté, ainsi que des exemples de changements politiques récents.
Enfin, j'encourage vraiment tout le monde à montrer son appui, ce qui ne signifie pas que vous capitulez, mais que vous pouvez vraiment réfléchir aux façons dont vous pouvez rationaliser votre prestation de services et de programmes, faire les choses de manière plus efficace pour les bénéficiaires et laisser une communauté autochtone établir ses propres priorités et politiques, en lui faisant confiance pour savoir ce qui est le mieux pour son propre peuple. Si vous ne faites que vous fier aux modèles de financement et à ce qui fonctionnera le mieux pour soutenir les priorités locales ou leurs besoins en matière de capacité et pour placer la responsabilité aux bons endroits, vous croulerez sous le fardeau administratif, comme Martin en a parlé.
Enfin, j'encourage tout le monde à se réjouir de ce que ces changements pourraient nous apporter, et non à en avoir peur, car ils sont vraiment le reflet de ce que nous disons être en tant que pays.
J'aimerais terminer en parlant de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui remonte à il y a plus de 28 ans. Voici comment s'est conclu le rapport : « Le Canada est le terrain d'essai d'une noble idée – l'idée selon laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs différences. L'histoire du Canada est celle de beaucoup de ces peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s'efforcent encore de vivre côte à côte dans la paix et l'harmonie. »
Merci.
Danielle White : Merci, Catherine. C'était très beau.
Darcy, je vous laisse le mot de la fin. Expliquez-nous concrètement comment tout cela se traduit du point de vue d'un chef des Premières Nations. À vous la parole.
Darcy Gray : Merci.
Wela'lin, Danielle.
Tout d'abord, [propos en langue autochtone].
Je suis très heureux d'être ici avec vous aujourd'hui.
[Propos en langue autochtone]
Je m'appelle Darcy Gray. Je viens de Listuguj et j'y vis, et je dois dire
Wela'lin, Monique [propos en langue autochtone].
Merci pour la prière d'ouverture et les pensées positives pour ouvrir la conversation du bon pied.
Je trouve que les deux orateurs ont fait un travail formidable pour me préparer à essayer de conclure cette réunion dans le positif. En même temps, je ne sais pas comment je vais y arriver en 15 minutes. Il est très difficile de savoir exactement quoi raconter et quoi ne pas oublier dans ce genre de situation. Moi-même, j'ai travaillé comme chef pendant six ans et demi dans notre communauté. Avant, j'ai travaillé dans le domaine de l'éducation. J'étais conseiller d'orientation et mon rôle était principalement d'accompagner nos élèves pour favoriser leur réussite à l'école secondaire.
Donc, si je pense à certains exemples et concepts qui ont été abordés, j'imagine que je dois vous mettre un peu en contexte. Listuguj est, comme Danielle l'a dit, la communauté micmaque la plus à l'ouest. Nous sommes en fait dans la province de Québec, le long de la rivière Restigouche. De l'autre côté de la rivière Restigouche se trouve la province du Nouveau-Brunswick. Nous sommes donc dans une situation unique, où une rivière sépare deux provinces. De notre point de vue, nous ne voyons pas cette division. Nous ne voyons pas de séparation. Pour nous, c'est Gespeꞌgewaꞌgi. C'est le septième district du territoire Mi'gma'gi dans lequel nous vivons et c'est un territoire partagé. C'est un seul territoire, pas deux provinces.
Nous sommes environ 4 000 membres de Listuguj, ce qui fait de nous l'une des plus grandes communautés micmaques, et nous avons beaucoup de ressources. Nous avons en majorité la mentalité de vouloir nous occuper de nos choses nous-mêmes et nous essayons de le faire dans plusieurs domaines. L'exemple le plus évident qui me vient à l'esprit concerne la pêche et il s'agit, à mon avis, d'une de nos grandes réussites.
Pour que vous compreniez mieux, laissez-moi vous expliquer d'où vient notre motivation pour agir et défendre si ardemment la pêche. D'abord nous avons une incroyable rivière de pêche au saumon ou « rivière à saumon » juste en face de notre communauté. Elle nourrit notre peuple depuis des milliers d'années. La protection de la rivière, la protection du saumon et notre relation avec le saumon sont très importantes pour nous. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, notre façon de pêcher dans la rivière a été jugée inadéquate et problématique par la province de Québec.
En 1981, la province a fait une descente dans notre communauté. Des centaines d'agents de secours ont arrêté des membres de notre peuple et les ont agressés physiquement, nous disant que nous ne pouvions plus pêcher. Ils essayaient essentiellement de prendre le contrôle de la communauté. Nous avons résisté, bien sûr, comme le fait Listuguj. Après cet événement, nous avons décidé qu'il était important que nous nous prenions nous-mêmes les choses en main pour nous assurer de pouvoir continuer à pêcher et de continuer à le faire d'une manière respectueuse de nos coutumes, de nos valeurs et de la relation que nous avons avec notre saumon.
Avançons au milieu des années 1990. Listuguj a élaboré une loi, une loi sur la pêche pour sa communauté elle-même, non pas en tant que règlement de la Loi sur les Indiens, mais en revenant à ses processus de gouvernement traditionnels, en consultant le peuple, en se tournant vers ses gardiens du savoir, ses aînés, ses représentants du gouvernement régional par district, et en présentant le tout au grand conseil de la nation des Micmacs, le Santé Mawiómi, plus vieux que la Confédération.
Ainsi, nous avons repris ou pris en main la responsabilité de la gestion de la rivière et de notre relation avec le saumon, en mettant en place des régimes de gestion qui respectent la conservation et la relation que nous entretenons avec le saumon, mais qui nous permettent également de nourrir notre population et de bien faire les choses.
Ensuite, nous avons également créé une loi sur les gardes forestiers, qui nous a permis de faire appliquer la loi de manière efficace et de régler les différends ou les problèmes qui surviennent sur l'eau à l'interne. Ce n'est pas en nous adressant à un tribunal provincial ou fédéral pour résoudre un problème de pêche sur notre rivière que nous parviendrons à une bonne entente, à un bon résultat ou à un changement de comportement. Il était important que nous assumions les choses par nous-mêmes, et c'est ce que nous faisons. Depuis, personne n'a jamais été accusé de pêche illégale sur notre rivière, et nous avons remporté un prix reconnaissant que nous avions l'une des rivières les mieux gérées au Québec. Donc, évidemment, nos membres savent bien faire les choses en suivant nos traditions.
Au cours de mon mandat, nous avons eu la chance de pousser encore plus loin l'application de notre loi sur le homard et de nous demander comment appliquer certains des concepts dont nous avons parlé aujourd'hui, et je pense que c'est important. Nous sommes parvenus à cette loi sur le homard grâce à une conversation communautaire, sans consulter la communauté, mais en demandant sa participation active pendant deux ans. Nous sommes allés au cœur du problème : si l'on supprimait la Loi sur les pêches, les lois provinciales ou l'imposition de l'un ou l'autre de ces règlements et de ces régimes de réglementation, comment les Mi'gmaq de Listuguj voudraient-ils pêcher? Qu'est-ce qui serait important pour nous?
À partir de ces conversations, nous avons pu façonner les valeurs et les principes qui guident notre loi. Dans notre langue, nous avons les termes « Ango'tmu'q », qui signifie « prendre soin de quelque chose avec prudence », « Apajignmuen », qui signifie « partager et donner en retour », « Gepmite'tmnej », qui concerne le respect, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour le homard, pour toute espèce que nous pêchons, et « Welte'tmeg », qui signifie que nous sommes d'accord en pensée. Ces principes sont donc devenus les principes directeurs de notre loi. Ils sont devenus la façon dont nous interprétons et analysons nos activités et nos efforts de pêche.
Nous avons demandé à nos gardes forestiers de surveiller non seulement la pêche sur la rivière, mais aussi la pêche au homard dans la Baie-des-Chaleurs, qui se trouve un peu plus bas sur notre route, un peu plus loin vers la mer. Cet ajout a donc nécessité des compétences supplémentaires. Il y avait des contraintes de sécurité. Il y avait d'autres choses que nous devions faire. Nous ne les avons pas ignorées. Nous avons assumé cette responsabilité pour faire en sorte que les gardes forestiers disposent des compétences, des connaissances et des outils nécessaires pour mener à bien leur mission en toute sécurité.
Pendant ce temps, nous négocions avec le Canada sur la manière dont nous pouvons mettre en œuvre une sorte de compétence ou de régime réglementaire parallèle. Ce n'était pas sans défi. Ces négociations ont demandé beaucoup d'efforts, de conversations et d'établissement de relations. Je pense que la pandémie nous a aidés dans la mesure où elle a restreint l'objet de nos discussions et où nous avons pu nous entretenir très fréquemment grâce à la possibilité de se rencontrer virtuellement.
Nous avons donc été en mesure de faire avancer cette conversation et d'arriver à une compréhension commune, des thèmes communs, des problèmes communs, et de réaliser que nos demandes concernant la pêche au saumon ou à la langouste ou tout autre type de relation avec ces espèces ne sont pas préjudiciables aux espèces parce que nous ne changeons rien. Nous sommes ici depuis des milliers et des milliers d'années. La dernière chose que nous voulons faire est de détruire l'espèce. Nous voulons la préserver et la protéger. Les mesures que nous allons mettre en place visent cette priorité absolue.
Par exemple, lorsque nos pêcheurs de homards reviennent de leurs activités pêche, nous effectuons un contrôle à quai. Nous avons des gens qui comptent littéralement le nombre de homards qui sont pêchés. 10 % de ces homards sont directement retournés à la communauté pour nourrir nos aînés, les personnes dans le besoin et les familles. Ce sont des choses que nous sommes capables de mettre dans notre loi parce qu'elles étaient importantes pour notre loi. Vous ne trouverez pas cela dans la Loi sur les pêches, mais vous le trouverez dans notre loi, et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.
Grâce à la conversation continue, à la relation continue qui a été établie avec les personnes avec lesquelles nous parlions à l'époque, nous avons pu parvenir à cette compréhension commune et arriver à un point où le ministre signe et dit : « Oui, donnons-leur une chance », mais ce n'est pas tout. Nous avons pu mettre en place des comités et des organes qui se réunissent régulièrement pour discuter des prochaines étapes. Ce n'est pas statique. Ce n'est pas stagnant. Nous devons continuer à évoluer. Nous devons continuer à multiplier nos efforts, et pas seulement pour la pêche, mais les efforts pour s'assurer que les choses sont bien faites.
Ainsi, nous avons un programme de formation des gardes forestiers que nous avons lancé en partenariat avec un collège. Ce n'est pas simplement un collège qui vient offrir le cours. Nous avons formé un comité au sein de la communauté qui examine le contenu du cours et s'assure qu'il répond aux besoins de Listuguj, aux besoins de nos gardes forestiers, qui ne doivent pas seulement apprendre les lois du Québec ou les lois fédérales, mais aussi les lois et les valeurs micmaques. C'est ce que nous mettons en place.
Ce qui est très intéressant, c'est que, après que nous avons signé un protocole d'application avec le MPO pour définir nos mesures d'intervention en cas de problème sur l'eau, les gardes forestiers ont demandé à recevoir des cours de français langue seconde dans ce programme afin de pouvoir mieux travailler lorsqu'ils collaborent avec les agents du MPO. En 1981, nous n'aurions jamais imaginé qu'une telle demande serait faite. Jamais! Nous sommes là, à trouver un terrain d'entente où nous pouvons respecter la compétence de l'autre, respecter l'approche de l'autre pour une pêche malgré les différences.
Ce n'est pas parfait et nous avons quelques défis à relever. Il y a des gens qui disent que c'est une mêlée générale. Certaines personnes pensent que nous allons à l'encontre de la conservation, alors que les normes de conservation sont plus strictes que partout ailleurs, pour autant que je sache, d'après toutes les recherches que nous avons effectuées. Nous effectuons des recherches scientifiques sur le territoire pour nous assurer que nous faisons bien les choses. C'est comme ça que nous abordons les choses à Listuguj. Nous essayons de voir tout l'éventail des responsabilités et des obligations qui accompagnent le respect de vos droits, cette responsabilité collective que nous avons les uns envers les autres.
Je ne sais pas s'il me reste beaucoup de temps, mais je voulais juste partager quelque chose... Je pense que Catherine en a parlé un peu. Pendant la pandémie, nous avons vécu tout le contraire d'une approche positive de la collaboration. En raison de notre situation, des restrictions nous étaient imposées par la province de Québec. Je suis conscient que tout le monde a dû se plier à des restrictions partout, mais ce qui est très particulier à Listuguj, c'est que nous avons quelques petits dépanneurs ou épiceries, de petits magasins de proximité dans toute la communauté, mais nous n'avons pas vraiment de magasins. Il est impossible d'acheter des vêtements dans la communauté. Nous devons aller du côté du Nouveau-Brunswick. Nous allons à Campbellton et à Atholville, au Nouveau-Brunswick.
Donc, ce qui s'est passé, c'est que le Nouveau-Brunswick a complètement fermé l'accès à la province à toute personne de l'extérieur. C'était, je suppose, son approche politique pour protéger ses citoyens. Toutefois, en agissant ainsi, ils ont tenté de protéger les Néo-Brunswickois, mais ils ont créé une situation précaire pour un grand nombre de personnes de la région de Listuguj, et pas seulement de Listuguj, mais aussi de Pointe-à-la-Croix, nos voisins, et même de Campbellton.
Certaines situations familiales sont très complexes. Pensez par exemple à une garde partagée, où un parent habite au Nouveau-Brunswick et l'autre à Listuguj. Comment peuvent-ils traverser un pont qui est censé relier les deux emplacements quand il a été littéralement bloqué pour empêcher le passage? Je pense donc que c'est un exemple qu'il aurait été utile d'aborder dès le départ. Un dialogue ouvert aurait permis de se demander comment protéger tout le monde. C'est l'objectif de tous. Nous faisons tous de notre mieux, mais comment reconnaître également la réalité locale de chacun?
Je pense que c'est l'une des clés de l'avenir. Si nous voulons vraiment changer notre façon de travailler ou notre façon de faire les choses, il faut prendre le temps d'écouter et d'entendre les différences dans nos réalités locales. Listuguj est différente de Gesgapegiag. Elle est différente d'Oqpi'kanjik. Elle est différente de Pabineau. Notre situation pendant la pandémie était très particulière.
Des études économiques et des études sur les répercussions économiques sur Campbellton ont été réalisées depuis, mais il n'y a pas eu d'études sur la santé et le bien-être, le bien-être mental, des habitants de Listuguj. Quelles ont été les conséquences de vous faire dire que vous devez obtenir la permission d'aller acheter des sous-vêtements ou d'aller acheter des chaussettes, de vous faire dire que vous ne pouvez pas aller chercher certains articles que vous jugez essentiels pour votre famille et de vous faire dire : « oui, nous comprenons que c'est votre territoire traditionnel, mais vous ne pouvez pas y aller »? Ces conséquences laissent des marques et il est difficile d'y remédier, mais c'est par le dialogue et la conversation continue que je pense que nous pouvons y arriver.
J'imagine que j'ai épuisé mon temps de parole. Merci beaucoup et passons aux questions.
Danielle White : Merci, Darcy. C'est parfait. Nous sommes dans les temps. Il est 14 h 30. Vous avez terminé pile à l'heure.
Nous avons quelques questions dans le clavardage, mais pas beaucoup... Je vous invite à en poser. Si vous avez des questions pour nos orateurs, n'hésitez pas.
Pour lancer la période de questions, laissez-moi en poser une. Nous avons parlé à la fois du potentiel du fédéralisme pour aider à résoudre les problèmes, mais aussi des défis qu'il pose dans les relations, notamment en ce qui concerne l'intersection entre le système fédéral et l'autonomie gouvernementale autochtone. Je vais commencer par demander à Catherine de répondre. Compte tenu de votre expérience dans les Territoires du Nord-Ouest, où il y a un grand nombre de Premières Nations autonomes et de Premières Nations non autonomes, comment les nations autonomes harmonisent-elles leurs efforts sur cette notion de relations fédérales-territoriales et à quoi cela ressemble-t-il concrètement, car je pense qu'il y a des modèles vraiment intéressants qui émergent dans le Nord et qui peuvent être instructifs pour ceux d'entre nous qui vivent au sud du 60e parallèle?
Catherine MacQuarrie : Tout à fait. Oui, nous avons vu quelques modèles émerger, mais je pense qu'il est important de dire que certaines des ententes sur l'autonomie gouvernementale remontent à au moins 15 ou 20 ans, et qu'elles n'ont pas été mises en œuvre fidèlement par les homologues fédéraux, provinciaux ou territoriaux, ce qui a effectivement posé problème. Cette situation remonte au début de ma carrière. Beaucoup de personnes au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pensent qu'il suffit de le signer pour que ce soit fait et que l'on n'ait plus à faire affaire avec eux.
Les Territoires du Nord-Ouest sont uniques, je pense, simplement en raison de la démographie et de la structure de la population qui est composée à plus de 50 % d'Autochtones. Il existe de nombreuses communautés autochtones. Même Yellowknife, communauté majoritairement blanche, compte encore de très importants peuples autochtones. La représentation du gouvernement territorial est, je crois, maintenant majoritairement autochtone en termes d'élus. Il y a eu quelques premiers ministres autochtones depuis au moins les deux ou trois derniers cycles et plus souvent. Donc, il y a une ouverture à la relation qui est simplement intégrée dans le système.
Il y a donc eu plusieurs itérations et je ne sais pas si les choses fonctionnent bien actuellement, mais il existe un système dans lequel les gouvernements territoriaux et les chefs des gouvernements autochtones se rencontrent régulièrement, mais ne légifèrent pas ensemble. Ils conservent chacun leurs propres pouvoirs d'autonomie gouvernementale, mais ils travaillent régulièrement sur leurs problèmes ensemble. Des réunions multilatérales sont donc tenues régulièrement entre toutes les parties de la vallée et avec le gouvernement territorial.
Le gouvernement territorial et l'Assemblée législative ont également adopté une approche différente pour l'élaboration des lois. Ils ne commencent pas par rédiger une version provisoire, mais par consulter les gouvernements autochtones. C'est une approche relativement nouvelle. Je ne me souviens pas avec quel texte de loi cela a été fait le plus récemment, mais ce modèle s'est avéré une réussite. Les projets qui arrivent à l'Assemblée législative ont déjà été élaborés, dans une certaine mesure, avec les autres gouvernements autochtones.
Par contre, il convient de souligner que même s'il y a maintenant un certain nombre de gouvernements autonomes dans les Territoires du Nord-Ouest, ils ont tout de même des ententes sur l'autonomie gouvernementale. Ils sont autonomes pour un noyau d'intérêts internes, comme la langue ou l'éducation, et même là, ils comptent encore sur des sortes d'ententes de prestation de services avec le gouvernement territorial pour obtenir certaines choses. Ils n'exercent donc pas pleinement leur compétence pour l'éducation, par exemple, et la gèrent de manière indépendante. Toutefois, cette évolution pourrait encore et toujours avoir lieu plus tôt que prévu. C'est un peu comme ça que ça marche là-haut. J'espère que j'ai bien répondu à votre question.
Danielle White : Oui, merci.
Alors, maintenant, passons aux questions dans la fenêtre de clavardage. C'est adressé à Martin et c'est une question assez drôle. La question est la suivante : Avez-vous des suggestions à adresser au gouvernement fédéral pour faire des progrès concrets malgré la réticence et la résistance de certains gouvernements provinciaux?
Je pense que vous pourriez également retourner cette question dans l'autre sens, mais je vous invite à nous faire part de quelques réflexions sur les façons de surmonter la résistance de l'une des parties potentiellement à la table?
Martin Papillon : La résistance vient de plusieurs endroits. Comme vous m'autorisez à retourner la question, je pense que la résistance vient de l'intérieur du gouvernement fédéral, au moins autant que des gouvernements provinciaux ou territoriaux. L'intérêt direct est différent, évidemment, et dépend de l'enjeu en cause. Si nous parlons de dépenses ou de compétence, la nature de la résistance est différente.
Darcy a donné des exemples concrets où il a été possible de négocier des ententes basées sur l'affirmation de l'autorité et du pouvoir législatif des Micmacs. C'était un excellent exemple qui a des retombées pour les pêches fédérales, mais ces retombées sont peut-être moins compliquées ou complexes que dans d'autres cas, comme lorsque des peuples autochtones ont une certaine compétence pour une exploitation minière ou forestière qui a des retombées beaucoup plus grandes et une incidence directe sur les intérêts économiques provinciaux de façon beaucoup plus concrète. Donc, la résistance varie vraiment au cas par cas.
Donc, je voudrais... en fait, je vais utiliser cette question pour élaborer un peu, parce que Catherine a mentionné l'importante décision de justice, la décision de la Cour suprême, qui va porter sur le mieux-être des enfants, et l'origine de ce litige est vraiment le Québec qui conteste la constitutionnalité de la législation fédérale sur le mieux-être des enfants, le mieux-être des enfants des Premières Nations.
J'ai donc discuté avec des responsables du Québec à ce sujet parce qu'il semble que le Québec soit vraiment le méchant dans cette histoire et que le gouvernement fédéral reconnaît généreusement l'autorité et la compétence des Premières Nations en matière de protection de l'enfance. Nous devons par contre garder à l'esprit que pour les gouvernements provinciaux qui gèrent leur système de protection de l'enfance, il y a aussi une préoccupation non pas tant que les systèmes de protection de l'enfance qui sont mis sur pied par les communautés autochtones ne sont pas bons ou pas conséquents et ainsi de suite, mais il y a la préoccupation pour être en mesure de coordonner tout cela.
Et si la relation ne concerne que le gouvernement fédéral et les communautés autochtones, il n'en est rien. Donc, essentiellement ce que le Québec dit est que nous aurions dû faire partie de la conversation et que les provinces auraient dû faire partie de la conversation en établissant le cadre; la résistance vient donc de là.
Cela nous ramène à une chose dont j'ai déjà fait mention, à savoir que ces changements, ces évolutions, sont très lents, mais qu'ils sont beaucoup plus efficaces et réussis lorsqu'ils impliquent tout le monde et que tout le monde participe à cette conversation, et ceci en est un exemple concret. Ainsi, la résistance des provinces, lorsqu'elle est soulevée, est très souvent, très franchement, causée parce que le gouvernement fédéral n'a pas pensé à discuter avec les provinces de leurs préoccupations dans leur administration pour apporter un changement.
Et c'est ennuyeux à bien des égards, car cela ajoute une autre complication. C'est ajouter une autre source de résistance. Cela ajoute une autre multiplication d'intérêts et ainsi de suite, et les Premières Nations et d'autres organisations et gouvernements autochtones qui sont engagés avec le gouvernement fédéral pour changer les choses ne sont pas très enthousiastes à ce sujet parce que cela complique davantage les choses.
Mais à long terme, d'après le nombre de cas que j'ai examinés, cela finit par fonctionner mieux, lorsque la province ou le territoire est impliqué dans ces changements. Ces changements peuvent donc être doublement bilatéraux; ils peuvent être au niveau fédéral. L'exemple des territoires du Nord avec les traités est un bon exemple. Il y a des relations bilatérales avec le gouvernement fédéral, évidemment, mais aussi avec le gouvernement territorial, mais il y a d'autres modèles plus tripartites qui tendent à être plus propices à réduire les conflits ou à éviter les litiges comme c'est le cas actuellement.
Danielle White : Je vous remercie.
J'ai par contre une autre question qui est une question en deux parties. Je vais donc demander à Darcy d'y répondre. Je vais tricher un peu et combiner certaines questions, mais la question du clavardage est la suivante : du point de vue des membres de la communauté, pensez-vous que les provinces sont plus ouvertes à la consultation avec les Premières Nations que le gouvernement fédéral? Donc, c'est la première partie.
Et puis, dans la deuxième partie, vous avez parlé des problèmes de pêche... Quel est, selon vous, le prochain grand problème, intergouvernemental, auquel votre communauté sera confrontée?
Darcy Gray : Désolé, je prends des notes pour ne pas oublier.
Danielle White : Je peux répéter si vous voulez.
Darcy Gray : Non, non, ça va.
Donc, je suppose qu'en ce qui concerne la consultation et les accommodements, mon expérience en la matière est tout à fait problématique. Je pense que c'est inefficace et que cela crée plus de problèmes que cela n'en résout. Nous sommes consultés sur tout, ce qui est, je suppose, une bonne chose, mais en même temps, nous sommes des communautés aux capacités limitées.
Je me connais en tant que chef. Dans ce rôle, vous traitez avec des administrations municipales, des collectivités locales... des membres de votre communauté. Vous traitez avec des communautés de Premières Nations voisines. Vous traitez avec des gouvernements provinciaux. Vous traitez avec le gouvernement fédéral de questions opérationnelles quotidiennes, puis vous essayez de planifier et d'aller de l'avant et de faire face à toutes ces choses, tout en gardant un peu de temps pour votre famille, et puis vous obtenez des consultations, vous savez, pouvons-nous mettre un ponceau ici? Peut-on ajouter une route à cet endroit?
Il s'agit d'un flux constant d'informations, et il semble presque qu'il n'y ait aucune différence entre, disons, une mine et un ponceau, ou parfois, la consultation, selon la façon dont la législation est rédigée. Par exemple, lorsqu'il s'agissait de l'exploration ou de l'exploitation du pétrole et du gaz, nous n'avons pas été consultés sur ces sujets. Nous avons seulement été consultés au sujet de la route qui mènerait du puits au forage, au sujet de la déforestation... Donc, c'est vraiment aléatoire.
Et je pense, en tant que chef, que c'était problématique. En tant que membre de la communauté, ce serait fantastique si nous pouvions transmettre cette information à nos titulaires de droits, à notre peuple, et leur faire savoir ce qui est prévu pour le territoire, ce qui est envisagé de manière positive, et ensuite trouver un moyen d'inclure, et pas seulement d'être vu comme l'opposition à des projets ou à un développement, ce qui finit par être ou sembler être le cas, alors que, comme Martin l'a indiqué, s'il y avait une conversation inclusive dès le départ, le résultat final serait peut-être bien meilleur.
Et je pense que c'est vraiment la façon dont la consultation et les accommodements ont été abordés jusqu'à présent; elle n'a pas été aussi efficace qu'elle le pourrait et je pense qu'il s'agit plutôt d'arriver à cette négociation.
Et l'autre, la prochaine grande question, je pense que ça se résume à ça, non? De plus en plus d'occasions se présentent sur le territoire. Vous avez, je dirais de manière positive, de plus en plus de ces promoteurs et partenaires potentiels qui viennent rencontrer votre communauté, qui viennent participer à ces conversations, mais si vous n'avez pas la capacité de prendre part à ces conversations ou de vous impliquer de manière importante, alors la voie à suivre sera difficile.
Et bien souvent, dans nos communautés, nous ne disposons pas des experts prêts à intervenir dans le cadre d'un mégaprojet potentiel et à résoudre le problème que pourrait poser le ponceau. Donc, c'est vraiment une question de capacité, je pense, pour faire face à ces grandes occasions qui se présentent.
Danielle White : Je vous remercie.
Et des idées sur la prochaine grande question qui se pose à vous?
Darcy Gray : Eh bien, pour moi, c'est ça. Il va y avoir de grandes occasions, de grandes questions à venir, de grands projets. Si, par exemple, un promoteur vient nous dire : « Nous voulons que vous participiez à ce projet », toutes les communautés n'ont pas la capacité de répondre sur-le-champ. En fait, beaucoup d'entre nous ne l'ont pas. Nous ne le faisons pas. Vous devez construire cela pour arriver à cet engagement significatif, et cela prend du temps. Pour moi, c'est ainsi que je vois les choses, c'est une question de capacité, et il faut s'impliquer de manière importante dans ce qui se passe.
Danielle White : Merci.
Catherine MacQuarrie : Danielle, puis-je intervenir sur ce point? Il s'agit de quelque chose dont j'ai été témoin lorsque j'étais tout récemment au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Il s'agissait en fait d'une question fédérale, car je sais que des personnes au sein du gouvernement fédéral ont beaucoup réfléchi à la question, et on m'avait également dit de ne pas oublier l'obligation de consulter, etc.
Mais ce que j'ai vu, et cela me ramène à ce que je disais, c'est qu'il faut bien réfléchir à ce que l'on fait avec ou pour les partenaires autochtones, parce que ce que j'ai vu, c'est qu'ils avaient peur et s'inquiétaient de ne pas être suffisamment consultés alors que tous les fonds d'infrastructure allaient dans les communautés, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les bailleurs de fonds ont placé la barre très haut en matière de consultation et ont combiné des discussions au niveau le plus important avec les promoteurs de projets, dont la plupart étaient eux-mêmes des communautés autochtones.
Et donc, le gouvernement territorial disait que nous n'avons pas besoin de faire toutes ces consultations et d'accorder tous ces accommodements en vertu de l'obligation de consulter parce que ce sont des promoteurs autochtones, et malheureusement... les communautés elles-mêmes disent, que diable, mais malheureusement, nous n'avons pas pu, à ce moment-là, ça a changé depuis, convaincre les gens de la fonction publique fédérale de faire un peu marche arrière.
Et puis ça rejoint ce dont parle Darcy, c'est que vous consultez les gens sur des choses et vous leur enlevez la capacité de faire attention aux choses plus importantes. Alors, pensez-y.
Danielle White : Merci.
Quelque chose m'a frappé pendant que vous parliez tous, et en particulier, Darcy nous a donné un exemple vraiment pratique du type de collaboration qui peut se produire au niveau de la communauté lorsque vous réunissez les bons partenaires pour discuter d'un sujet, vous savez, la question de la pêche dans ce cas. Je pense, d'après ma propre expérience, que la situation devient plus complexe lorsque vous commencez à passer à l'élaboration de politiques plus larges.
Et c'est pourquoi j'ai donné l'exemple des questions de type développement législatif, et en particulier, du côté autochtone, les questions relatives à la représentation, que ce soit dans les processus bilatéraux ou multilatéraux, et si vous allez convoquer une réunion des premiers ministres, il est évident que le Canada envoie le premier ministre, et les provinces envoient leur premier ministre.
Je pense, Martin, vous l'avez évoqué au tout début, qu'il y a une énorme diversité au sein des nations autochtones et entre elles, et donc l'un des défis auxquels nous sommes souvent confrontés est de savoir quel est le bon niveau de représentation autochtone dans ces forums, en reconnaissant que les organisations nationales ne sont pas titulaires de droits.
Il s'agit donc de savoir où se trouvent les meilleures occasions de faire des progrès. Des progrès qui seront crédibles et légitimes aux yeux des partenaires autochtones. Est-ce par l'entremise de processus régionaux, de processus bilatéraux, de grandes discussions nationales multilatérales? Je vous invite tous les trois à partager votre point de vue sur ce sujet, car je crois que c'est un problème auquel nous sommes confrontés dans tous les ministères. Nous disposons d'un système fédéral, provincial et territorial de réunions de ministres assez bien établi, mais comment faire en sorte que les voix autochtones s'expriment à cette table de la manière la plus efficace et la plus crédible possible?
Martin Papillon : Je peux peut-être commencer? Je pense que cela doit se faire à plusieurs niveaux. Il faut donc que ce soit au niveau très local, régional, national. Il y a un paradoxe intéressant. En fait, plus les organisations autochtones ou les peuples et communautés autochtones exercent leur autonomie et leur compétence, plus les relations intergouvernementales deviennent importantes. Il n'y en a pas moins, et c'est un point sur lequel, vraiment, Catherine a insisté. Une fois qu'il y a un accord, ce n'est que le début (inaudible).
Et donc, parce qu'il y a plus d'autonomie, il y a en fait plus de relations. Il y a un rôle plus important pour un autre type de personnes, un autre type de fonctionnaires. Il pourrait s'agir des mêmes personnes, mais le rôle est différent. Alors que le rôle consistait auparavant à exécuter des programmes, à réfléchir entre nous et à prendre des décisions, le rôle est désormais relationnel, mais cela ne signifie pas que moins de ressources sont investies dans ce domaine. Les ressources sont d'un autre type, c'est le temps, c'est un autre type d'expertise, et ainsi de suite.
La question de savoir à qui parler ou qui est le bon partenaire au niveau autochtone pour cela dépend vraiment, je pense, du contexte et de la question, etc., mais elle dépend aussi des peuples autochtones eux-mêmes, de la manière dont ils envisagent leur relation avec les autorités fédérales et provinciales.
Et dans certains cas, la mobilisation devra se faire au niveau des communautés. Dans certains cas, ce sera au niveau national. Par exemple, j'ai beaucoup travaillé avec les Cris de la baie James au Québec et leur système de gouvernance basé sur la nation est très efficace pour les relations intergouvernementales. C'est un bon exemple d'une nation qui s'est en quelque sorte consolidée grâce à la Convention de la baie James et du Nord québécois, et qui a créé cette forme de gouvernance qui est vraiment efficace pour les relations intergouvernementales, mais il y a d'autres exemples. Donc, c'est un exemple.
Le grand fossé actuel, à mon avis, et c'est mon humble opinion, je peux me tromper et d'autres personnes peuvent avoir des opinions différentes, mais selon moi, le problème ou le fossé se situe au niveau provincial et fédéral. Qui parle au nom des peuples autochtones à ces niveaux?
Et je ne veux pas lever le nez sur l'Assemblée des Premières Nations et les autres organisations provinciales. Elles font ce qu'elles peuvent, mais elles ont un problème fondamental de représentation : elles représentent les chefs, elles ne représentent pas les gens, et elles n'ont aucune autorité. Ainsi, lorsque vous vous engagez dans des relations intergouvernementales avec ces organisations, il devient très complexe de s'engager dans l'élaboration de politiques transformatrices en raison du manque d'autorité et de représentation dont elles disposent.
Il existe des moyens de contourner ce problème, mais il y a aussi des modèles alternatifs qui pourraient être intéressants à envisager. Je ne dis pas que le Canada devrait faire cela, mais, par exemple, avoir ce que les pays scandinaves ont, c'est-à-dire un parlement autochtone... maintenant, c'est beaucoup plus complexe au Canada parce qu'il y a une diversité de peuples autochtones. Dans les pays scandinaves, il n'y a que des Lapons.
Mais ce modèle, cette idée d'avoir un organe législatif élu par les Autochtones au niveau fédéral-provincial est un exemple, par exemple, où l'on sait beaucoup mieux à qui l'on s'adresse et où la légitimité de cet organe est beaucoup plus forte. Encore une fois, ce genre de modèle pour le Canada pose un ensemble de problèmes, mais cela signifie que le modèle existant actuellement dans ces organisations n'est pas le seul possible, mais ce n'est vraiment pas au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial d'en décider. C'est vraiment aux Autochtones eux-mêmes de décider comment ils veulent interagir avec le fédéralisme canadien.
Danielle White : Je vous remercie.
D'autres réflexions sur cette question, Catherine ou Darcy?
Catherine MacQuarrie : Eh bien, j'en ai quelques-unes, mais j'aimerais que Darcy commence parce qu'il y a fait face tous les jours.
Danielle White : Tout à fait.
Darcy Gray : Je crois que la première chose, et la plus importante, est qu'il ne peut s'agir d'une approche imposée, et je crois également que dans certaines des négociations dans lesquelles nous participons ou certains des processus dans lesquels nous nous sommes engagés, c'était la méthode préférée, n'est-ce pas? Donc, vous avez les trois communautés mi'gmaq de la région du Québec qui... qui est votre porte-parole? Qui est la personne qui représente les trois? Et si nous devons signer un accord, c'est avec vous trois ensemble. Alors, qui va signer cet accord?
Mais à l'interne, entre les trois communautés, nous ne nous sommes jamais engagés dans ce processus et nous n'avons jamais donné cette autorité en tant que trois chefs, et certainement pas en tant que membres de la communauté ou peuple mi'gmaq, n'est-ce pas? Donc, personne n'a cette autorité et nous devons respecter l'autonomie de chaque communauté.
Maintenant, cela ne veut pas dire que ces conversations n'ont pas lieu, et j'ai eu la chance de faire partie d'un groupe où tous les chefs des Mi'kma'ki se sont réunis et ont commencé à avoir ces conversations. Je veux dire, parler d'autonomisation et de grandes conversations, mais vous n'obtiendrez pas un seul chef mi'gmaq qui représente tout le peuple Mi'gmaq. Nous ne sommes pas encore là...
Je pense que si vous regarder à ce qui se faisait avant la Confédération, si vous retournez à, vous savez, il y a 400 ans, il y avait un processus pour arriver à ce consensus où il y avait un porte-parole, mais avec la colonisation, nous avons en quelque sorte perdu ces processus, et il s'agit de les reconstruire.
Danielle White : Je pense que c'est peut-être une transition parfaite vers une partie du travail de Catherine sur la reconstruction de la gouvernance. Donc, Catherine, je vous laisse conclure.
Catherine MacQuarrie : Eh bien, je suppose que c'était deux choses. Premièrement, surtout si c'est en grande partie un public fédéral qui nous regarde, ne supposez pas qu'en travaillant simplement avec les trois organisations représentatives, ou cinq si nous laissons revenir le Congrès des peuples autochtones et l'Association des femmes autochtones du Canada, cela va satisfaire la consultation politique de l'ensemble du pays pour toutes les raisons que Martin a mentionnées.
Et je sais pourquoi nous le faisons; parce que c'est facile. Mais en général, d'après mon expérience, malgré tous les efforts déployés, on n'obtient pas le meilleur résultat. Donc, c'est une chose.
Et puis l'autre... un peu plus sur ce dont parle Darcy, c'est de ne pas supposer que si vous travaillez avec une communauté individuelle et que le chef et le conseil lui-même sont même en mesure de vous donner... de signer un accord ou de vous donner une décision au nom de la communauté, parce que comme je crois que nous commençons à le voir dans de nombreuses questions très publiques, il y a encore des systèmes héréditaires en place et il y a encore des systèmes traditionnels en place.
Et ils, pour la plupart, ne le font pas... le chef et le conseil ne parlent pas au nom des titulaires de droits. Ils sont une bête de l'administration de la Loi sur les Indiens. Vous devez donc être vraiment conscient de qui a reçu l'autorité et le pouvoir de parler en son nom.
Et comme l'a dit Darcy, si vous trouvez cela frustrant, vous n'avez que la Loi sur les Indiens à remercier pour la situation actuelle, qui depuis 150 ans divise tous ces gens en minuscules réserves et communautés et les met de côté. Vous ne pouvez pas leur reprocher de ne pas se réunir soudainement en tant que nations, et cela va prendre du temps et de nombreuses conversations.
Et donc, une partie du travail que nous faisons, nous avons en fait reconnu que nous devons commencer au niveau de la communauté. C'est probablement là qu'il faut commencer, et à mesure que les gens reprennent confiance dans leurs systèmes, dans leurs gouvernements, ces nations finiront par être reconstruites, mais je pense que dans la plupart des régions du pays, c'est encore loin.
Danielle White : Excellent. Merci beaucoup.
Donc, nous sommes pratiquement rendus à la fin de notre séance. Je désire donc prendre un moment pour vous remercier tous les trois de vous être joints à nous aujourd'hui. La discussion a été très instructive et intéressante.
Je le sais, car je travaille dans ce domaine. Les relations intergouvernementales font partie de mes responsabilités, mais je sais que j'ai définitivement appris de vous trois et cela m'a fait réfléchir à une partie du travail que nous faisons, à savoir que les fonctionnaires doivent avoir une vision à long terme de la relation, reconnaître la complexité. Je pense que comme Darcy l'a souligné, il surgit parfois des conséquences involontaires des décisions politiques fédérales et provinciales, et nous en avons assurément vu beaucoup pendant la pandémie de COVID-19, y compris dans certains des domaines dans lesquels je travaille, et les questions vraiment importantes autour de la gouvernance et de la capacité et de la consultation, et l'importance de reconnaître les priorités des communautés et des nations.
Et il ne s'agit pas seulement de savoir sur quoi un gouvernement fédéral ou provincial a l'obligation de consulter; nous devons rechercher une harmonisation plus large avec les priorités et la façon dont nous abordons les choses est souvent aussi importante que la substance elle-même.
On m'a dit que Monique n'a pas pu se reconnecter pour faire une prière de clôture, ce qui est vraiment dommage, car je sais qu'elle nous aurait tous quittés d'une bonne manière. Je vais donc conclure ici. Je voudrais simplement rappeler aux participants qu'ils doivent remplir les formulaires d'évaluation et que l'évaluation et les commentaires sont très importants pour la suite des événements. De nombreux autres événements sont prévus à l'École de la fonction publique du Canada dans le cadre de la Série d'apprentissage sur les questions autochtones.
Merci encore à tous de vous être joints à nous aujourd'hui. Miigwech. Wela'liek. Merci beaucoup. Merci et portez-vous bien.
Christine Lacroix, Merci, Danielle. Au revoir.
Darcy Gray : Merci à tous.
Martin Papillon : Au revoir.
[Le logo de l'EFPC apparaît à l'écran.]
[Le logo du gouvernement du Canada apparaît à l'écran.]