Transcription
Transcription : Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : Le rôle des municipalités dans le fédéralisme
[Ouverture de la vidéo et présentation du logo animé de l'EFPC.]
[Ji Yoon Han apparaît en mode plein écran.]
Ji Yoon Han : Bonjour et bienvenue à cet événement sur le rôle des municipalités dans le fédéralisme. Merci de vous être joints à nous. Je m'appelle Ji Yoon Han, et je suis associée de recherche au Centre d'excellence sur la fédération canadienne de l'Institut de recherche en politiques publiques. Cet événement est le cinquième d'une série créée dans le cadre d'un partenariat entre l'École et le Centre d'excellence, sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien. Je vais vous parler brièvement des sujets que nous aborderons aujourd'hui, afin d'établir un lien avec les thèmes présentés au cours des quatre premiers événements. Je cèderai ensuite la parole à l'animateur. Permettez-moi de commencer en nommant le territoire duquel je vous parle : le territoire traditionnel non cédé des Kanien'keháka. Comme nous travaillons toutes et tous à des endroits différents, vous travaillez nécessairement sur un autre territoire autochtone traditionnel. Prenez quelques instants pour penser aux premiers habitants du territoire sur lequel vous vous trouvez. Merci.
Jusqu'à présent dans la série, nous avons tenu quatre événements sur divers enjeux contemporains du fédéralisme, comme les principes de base du fédéralisme fiscal et les relations avec les peuples autochtones. Tous nos événements ont été transformés en balados condensés qui peuvent être écoutés sur le site irpp.org. Si vous n'avez pas encore écouté nos événements précédents, je vous encourage à le faire.
Tout au long de la série, nous nous sommes intéressés au fédéralisme en nous concentrant sur les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral. Dans ce contexte, nos conférenciers ont parlé de la division des responsabilités, ainsi que des forces et des faiblesses de chaque ordre de gouvernement. Dans le cadre de notre événement sur le développement économique et l'infrastructure, Herb Emory a parlé des défis que représente le financement de l'infrastructure. Il a expliqué pourquoi les aspects du financement devraient aller au-delà de la construction de l'infrastructure et englober les coûts de l'entretien. Il a soulevé la question de savoir qui serait responsable de payer les coûts de l'entretien.
Aujourd'hui, nous allons parler des administrations municipales et du rôle qu'elles jouent dans le contexte du fédéralisme. Les administrations municipales sont celles qui interagissent le plus avec leurs électeurs au quotidien. Nos conférenciers parleront des défis auxquels ils sont confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités envers leurs électeurs, alors que leur capacité de financement est limitée et qu'ils rencontrent des difficultés en matière de gouvernance.
À présent, je cède la parole à l'animateur de notre événement d'aujourd'hui, Tomas Hachard. Tomas?
[Tomas Hachard apparaît en mode plein écran.]
Tomas Hachard : Merci, Ji Yoon. Et merci à toutes et tous de vous être joints à nous. Comme l'a dit Ji Yoon, mon nom est Tomas Hachard. Je suis chercheur indépendant en matière de politiques publiques. Mes travaux portent principalement sur les relations intergouvernementales et le rôle des municipalités, aussi bien ici, au Canada, que dans le monde entier. De plus, j'ai déjà été gestionnaire des programmes et de la recherche à l'Institut des finances et de la gouvernance municipale. Mais l'important pour maintenant, c'est que je suis l'animateur pour le formidable groupe d'experts que nous avons réuni pour vous aujourd'hui. Nous vous avons prévu un événement passionnant, en compagnie de deux remarquables experts des municipalités et du fédéralisme.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Mais avant de passer au programme principal, laissez-moi vous donner quelques renseignements d'ordre logistique afin d'optimiser votre expérience de visionnement. Nous vous recommandons de vous déconnecter de votre réseau privé virtuel ou d'utiliser un appareil personnel pour regarder la séance, dans la mesure du possible. Notez également que la traduction simultanée est à votre disposition, ainsi que la traduction en temps réel des communications pour cet événement. Ces services sont accessibles sur la plateforme de diffusion Web.
[Tomas Hachard apparaît en mode plein écran.]
Tomas Hachard : Pour accéder à ces options, vous pouvez également vous reporter au courriel de rappel que l'École a envoyé. Nous répondrons aux questions de l'auditoire aujourd'hui. Donc, si vous avez des questions à poser au groupe d'experts, cliquez sur le bouton de discussion dans le coin supérieur droit de l'écran, puis saisissez votre question. Même si vous ne voyez pas votre question dans le fil de discussion, ne vous inquiétez pas, elle nous parviendra. Nous répondrons au plus grand nombre de questions possible après les présentations, et il y aura une courte séance de questions et réponses entre les panélistes et moi.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Comme je l'ai mentionné, nous avons deux conférenciers exceptionnels avec nous aujourd'hui. Chacun d'eux possède une expertise unique sur le rôle que jouent les municipalités dans la fédération canadienne. Nous avons d'abord Enid Slack, directrice de l'Institut des finances et de la gouvernance municipale. Nous avons également Kennedy Stewart, professeur à l'École de politique publique de l'Université Simon Fraser et ancien maire de Vancouver.
Voici donc la manière dont nous procéderons. Enid commencera par nous donner un aperçu des responsabilités des administrations municipales, des défis auxquels elles sont confrontées dans l'exercice de ces responsabilités et de leurs sources de revenus limitées. Kennedy nous racontera ensuite son expérience personnelle en tant qu'ancien maire de Vancouver, puis passera en revue une étude de cas mettant en évidence les relations intergouvernementales qu'entretiennent les municipalités. Nous entamerons ensuite une discussion sur les questions soulevées pendant les présentations, et nous prendrons les questions pour les panélistes. Comme je l'ai mentionné, nous prendrons également le temps de répondre aux questions de l'auditoire.
Alors, une fois de plus, je suis ravi de vous présenter Enid Slack. Enid, la parole est à vous.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Merci beaucoup, Tomas, et bienvenue à toutes et tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à donner une présentation sur le rôle que jouent les municipalités dans le fédéralisme canadien. Au Canada, lorsque nous abordons le sujet du fédéralisme, nous parlons dans la majorité des cas des gouvernements fédéral et provinciaux.
[00:04:51 Écran partagé : Enid Slack et titre de sa diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Récemment, j'ai rédigé un article dans lequel j'indique que les municipalités sont les partenaires oubliés dans le fédéralisme. Donc, merci à l'IRPP de rappeler dans cette série le rôle que jouent les municipalités dans le fédéralisme canadien.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Pendant que je suis avec vous cet après-midi, j'aimerais vous donner un aperçu général de ce que les municipalités font et de la façon dont elles paient leurs dépenses. Je sais que l'auditoire d'aujourd'hui est diversifié. Certaines personnes en sauront davantage que d'autres, mais j'ai pensé qu'il serait bien de commencer par comprendre fondamentalement ce que font les municipalités. Je parlerai ensuite brièvement de leur viabilité financière et de la connaissance que nous en avons. Je parlerai ensuite des défis auxquels les municipalités au Canada font face à l'heure actuelle, de certains des défis qui se présenteront à elles à l'avenir et de ce que cela signifie pour leur viabilité continue. Souvent, j'interromps mes présentations à ce moment, mais je vous laisserais sur une note quelque peu négative. Les défis sont nombreux. Je souhaite donc ajouter quelques possibilités à la fin et parler positivement de la nécessité de clarifier les rôles et les responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux et des administrations municipales, ainsi que de la façon d'améliorer les relations intergouvernementales.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Permettez-moi de commencer en vous mettant en contexte. Je crois que vous êtes toutes et tous au fait de la situation. En vertu de la constitution canadienne, les pouvoirs sont répartis entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Les municipalités ne sont pas reconnues dans la constitution, sauf dans la mesure où elles sont la responsabilité des provinces. Voilà pourquoi nous entendons souvent dire que les municipalités sont les créatures de la province. Ce n'est pas nécessairement le cas dans d'autres pays. En Afrique du Sud et au Brésil, par exemple, les municipalités disposent des pouvoirs originaux dans la constitution. Mais ce n'est pas le cas au Canada.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Il y a environ 3 750 administrations municipales au Canada. Je dis « environ », puisque nous ne connaissons pas le nombre exact. Il n'existe aucune source de données au pays sur les administrations locales. Ces chiffres sont recueillis d'une province à l'autre.
Donc, que font les municipalités et comment paient-elles leurs dépenses? Cette diapositive provient de Statistique Canada et repose sur les données des Statistiques de finances publiques.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : C'est ce qu'utilisent le Fonds monétaire international et l'Organisation de coopération et de développement économiques. Malheureusement, la répartition ne permet pas de comprendre facilement ce que font les municipalités. Permettez-moi de vous mentionner certaines de leurs fonctions. Le transport représente, bien entendu, l'une de leurs dépenses les plus importantes, et cela comprend les routes, le transport en commun, les trottoirs, les lampadaires et les bandes cyclables, entre autres. Elles fournissent des services environnementaux, comme en ce qui concerne l'eau, les égouts, ainsi que la récupération, la gestion et l'élimination des ordures. Mentionnons également les services de police et d'incendie, les parcs, les loisirs, les installations culturelles, les services de santé dans certaines municipalités, de même que la planification et l'aménagement de logements sociaux. En Ontario, les municipalités paient pour une partie des services sociaux et familiaux.
Là encore, le graphique n'est pas idéal, puisqu'il porte sur le Canada en entier et qu'il y a des différences à l'échelle du pays. Comme je l'ai mentionné, en Ontario, les coûts des services sociaux sont partagés entre le gouvernement provincial et les administrations municipales. La situation est similaire en Colombie-Britannique en ce qui a trait aux services ambulanciers. Nous parlions de TransLink, qui ne figure pas dans les livres de la Ville de Vancouver, mais qui est plutôt un organisme régional. Il y a donc des différences à l'échelle du pays. Une fois de plus, comme chaque province a sa propre législation concernant les administrations municipales, il y aura certaines différences.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Voici la répartition des recettes municipales au Canada au cours des dix dernières années, environ. Les principales sources de revenus sont les impôts fonciers, qui représentent plus de 40 % des recettes municipales, les frais d'utilisation, soit environ 20 % des recettes, et les transferts intergouvernementaux.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Vous pouvez voir que tout au long de cette période, de 2009 à 2020, la répartition des revenus est assez semblable. Les choses commencent à changer en 2020, soit pendant la pandémie. Dans les grandes villes en particulier, les droits de transport en commun ont chuté. Ces données figurent dans les frais d'utilisation. Vous pouvez constater que les revenus provenant des frais imposés aux usagers sont passés de 23 % à 20 % des recettes municipales.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : En même temps, les transferts, fédéraux et provinciaux, sont passés de 20 % à 25 %. Nous ne connaissons pas encore les données de 2021, 2022 et 2023, et il est difficile de déterminer ce qui se passera dans les prochaines années. Les gouvernements fédéral et provinciaux continueront-ils de soutenir les municipalités une fois la pandémie terminée? Il y a également des différences à l'échelle du pays en ce qui concerne d'autres revenus. Par exemple, Toronto, qui est régie par la Loi de 2006 sur la cité de Toronto, est autorisée à percevoir d'autres taxes, comme des droits de cession immobilière municipaux, et elle le fait. Elle a également perçu des droits d'immatriculation de véhicules pendant quelques années. Pensons aussi aux taxes sur l'hébergement, les hôtels et Airbnb, et aux taxes sur les panneaux d'affichage. La Ville peut percevoir des droits sur les stationnements commerciaux, sujet qui fait l'objet de pourparlers à l'heure actuelle. Il y a aussi les taxes sur l'alcool, le tabac et les divertissements. Toronto a donc accès à d'autres sources de revenus.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Alors, quels sont les rôles et les responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux à l'égard des administrations locales? Comme je l'ai mentionné, dans la constitution, le gouvernement fédéral n'a rien à voir avec les municipalités. Les administrations locales relèvent de la compétence provinciale. Toutefois, le gouvernement fédéral peut accorder des fonds aux municipalités, et il le fait.
Par exemple, il effectue des transferts au titre du Fonds pour le développement des collectivités du Canada, anciennement le Fonds de la taxe sur l'essence. Il peut également créer des mesures incitatives par l'intermédiaire de ces transferts et imposer des conditions sur ces fonds. Il convient de mentionner que lorsque nous comparons les transferts du gouvernement fédéral aux provinces à ceux destinés aux municipalités, ces derniers sont en grande partie conditionnels et effectués à des fins d'immobilisations, tandis que les premiers tendent à être effectués sans condition.
Le gouvernement fédéral a également mobilisé les villes et les provinces au moyen d'accords tripartites, qui remontent aux années 1980. Il y avait donc des accords propres à chaque endroit. Vous vous rappelez peut-être les accords de développement urbain ciblant certains quartiers où le développement économique était présent. Ils étaient utilisés à Vancouver, à Edmonton et à Winnipeg. Il y a également des accords axés sur les secteurs au titre desquels des programmes nationaux sur l'itinérance et l'immigration, par exemple, sont mis en œuvre. Ces accords sont conclus par l'entremise des administrations locales, et il y en a eu dans quelques grandes villes et villes moyennes.
Mais le gouvernement provincial joue un rôle beaucoup plus grand lorsqu'il s'agit des municipalités. Il peut créer ou dissoudre des municipalités. Lorsque je donnais cette présentation à d'autres endroits au sujet du rôle de la province, je disais plutôt « créer ou éliminer des municipalités ». Mais comme cette expression m'a causé des problèmes dans certains pays où je suis allée, j'ai choisi d'utiliser le terme « dissoudre ». Il y a eu des fusions municipales récemment au Nouveau-Brunswick, ainsi qu'en Ontario dans les années 1990. La province peut donc créer, fusionner et restructurer des municipalités, même si celles-ci ne le veulent pas. Elle peut changer les subdivisions municipales, ce qui s'est produit à Toronto en 2018. La province a effectivement réduit le nombre de quartiers dans la ville, qui est passé de 44 à 25. Cette décision a fait l'objet d'un appel devant les tribunaux. L'appel s'est rendu devant la Cour suprême du Canada, qui a statué que la province peut effectuer ce changement.
Les dépenses des municipalités, leurs responsabilités et les taxes qu'elles peuvent percevoir sont déterminées par la législation provinciale. Dans toutes les provinces, le gouvernement provincial stipule que les municipalités ne peuvent pas enregistrer un déficit de fonctionnement. Elles doivent équilibrer leur budget de fonctionnement, ce qui est le cas pour la plupart des municipalités dans le monde entier. Les gouvernements provinciaux restreignent la capacité d'emprunt des municipalités. Combien peuvent-elles emprunter, environ? Quelles sont les limites d'endettement? Cela ne s'applique pas à Toronto, mais dans le reste de l'Ontario, par exemple, le fardeau de la dette ne peut pas être supérieur à 25 % des sources de revenus de la municipalité. Bien entendu, la province accorde des transferts non conditionnels fondés sur des formules, ainsi que des transferts conditionnels principalement pour le transport, l'environnement et les services sociaux.
Voici un graphique présentant la proportion de toutes les taxes perçues par les trois ordres de gouvernement. Nous pouvons constater que le gouvernement fédéral perçoit 45 % des taxes que nous payons, le gouvernement provincial, 45 %, et les administrations municipales, 10 %. J'aimerais avoir un tableau semblable sur les dépenses; je peux cependant vous dire que le gouvernement fédéral effectue 29 % des dépenses totales de tous les ordres de gouvernement, alors que la proportion des dépenses des gouvernements provinciaux et des administrations locales combinés s'élève à 71 %. Je ne peux pas répartir les dépenses entre ces deux ordres de gouvernement. Je pense toutefois qu'il y a clairement un déséquilibre budgétaire vertical. D'ailleurs, les administrations locales détiennent plus de 60 % des infrastructures publiques au pays. Il se peut que vous l'ayez appris dans le cadre de la séance précédente sur les infrastructures.
Donc, comment résumer la situation? Le gouvernement fédéral a les fonds, les gouvernements provinciaux ont les pouvoirs et les municipalités ont les responsabilités. Voilà le contexte résumé rapidement.
La prochaine question à nous poser est donc la suivante : les municipalités sont-elles viables sur le plan budgétaire? À notre Institut des finances et de la gouvernance municipale, nous nous sommes longtemps penchés sur la question de la santé budgétaire des villes au Canada et dans d'autres régions du monde. En 2015, nous avons rédigé un livre intitulé Is Your City Healthy : Measuring Urban Fiscal Health. Nous avons conclu qu'avant la pandémie, dans l'ensemble, la situation budgétaire des villes canadiennes était saine. Et qu'entendions-nous par cela? Leurs budgets de fonctionnement étaient équilibrés. Mais comme je vous l'ai déjà mentionné, il s'agit d'une exigence de la loi. Les impôts fonciers, qui sont la principale source de revenus des administrations locales, n'ont pas beaucoup augmenté. Ils augmentent généralement en fonction du taux d'inflation, ou à un taux inférieur. L'arriéré d'impôts fonciers est très peu élevé au Canada.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Croyez-moi, j'ai examiné l'arriéré d'impôts fonciers dans d'autres pays, et il est très bas au Canada. Dans l'ensemble, les résidents paient leurs impôts fonciers. Et les municipalités n'empruntent pas beaucoup. Leurs emprunts se situent généralement à la limite provinciale autorisée.
Donc, toutes ces mesures nous indiquent que la situation budgétaire des administrations locales semble saine. Nos travaux de recherche nous ont toutefois permis de conclure que cette santé budgétaire peut avoir été au détriment de la santé générale des municipalités. Et ce que je veux dire par là c'est que nous observons de plus en plus une diminution des niveaux de service et une détérioration de l'infrastructure. Certains éléments sont plus difficiles à mesurer. Nous commençons à observer une légère amélioration des services, mais l'infrastructure se détériore. Alors oui, nous équilibrons les comptes; oui, les impôts fonciers sont peu élevés, mais à quel prix?
Si nous revenons à la pandémie, des contraintes se sont ajoutées en ce qui concerne les dépenses. Pensons, par exemple, aux dépenses liées aux services sociaux et à la santé publique, ainsi qu'aux dépenses effectuées pour améliorer les technologies de l'information afin de faciliter le travail à domicile. Beaucoup de ces dépenses ont augmenté, tandis que d'autres ont diminué parce que personne ne travaillait au bureau. En même temps, les revenus ont aussi diminué, particulièrement dans les grandes villes. La baisse des revenus provenant du transport en commun a réellement fait un trou dans leurs budgets. Les administrations locales s'exposaient à des déficits de fonctionnement. Comme je vous l'ai montré plus tôt dans le tableau, les gouvernements fédéral et provinciaux sont venus à leur rescousse. Mais la question demeure : les administrations locales seront-elles viables sur le plan budgétaire à l'avenir?
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : J'aimerais vous parler de certains des défis actuels et futurs auxquels les municipalités sont confrontées. Je vais vous en nommer cinq. Il y en a beaucoup plus, mais j'ai une contrainte de temps à respecter. Certains de ces défis existent déjà, à court ou à long terme, tandis que d'autres se présenteront dans l'avenir. Je parlerai de l'inflation et des taux d'intérêt à la hausse; du déficit infrastructurel, sujet que j'ai déjà commencé à aborder; des changements climatiques; du phénomène du télétravail et de la vente au détail en ligne; ainsi que de l'immigration et de l'installation de réfugiés.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Commençons par certains des enjeux macroéconomiques. L'inflation. Voici un tableau sur l'inflation. Elle a été à la hausse, et elle commence à redescendre un peu. Mais pour les municipalités, cela signifie que les coûts liés à la prestation des services et à l'infrastructure vont augmenter. Ils sont à la hausse.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Nous l'avons déjà constaté dans leurs budgets. Cela signifie également que les citoyens auront peut-être plus de difficultés à boucler les fins de mois et qu'ils se tourneront vers les administrations locales pour obtenir plus de services. Comme les taux d'intérêt augmentent, le coût de l'emprunt pour les nouvelles infrastructures augmentera aussi. Ce sont là des défis actuels. Nous espérons qu'ils se résorberont à court terme, mais ils existent bel et bien pour l'instant.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Le second défi est le déficit infrastructurel. Cette diapositive est chargée; nul besoin de l'examiner en entier. Elle vient du Bureau de la responsabilité financière de l'Ontario et fait partie d'un examen que celui-ci a effectué sur les infrastructures municipales en 2021. L'élément clé se trouve au milieu, où il est indiqué que 55 % de ces infrastructures municipales étaient en bon état.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Cinquante-cinq pour cent. Cela signifie que 45 % des infrastructures n'étaient pas bien entretenues. Une proportion qui est alarmante. L'arriéré actuel en matière d'infrastructure dans les municipalités de l'Ontario est d'environ 52 milliards de dollars. À quoi ce chiffre correspond-il? Aux coûts associés à la remise en bon état des actifs municipaux exigeant des dépenses en capital. Je précise que les dépenses de fonctionnement et d'entretien, de même que les coûts des réparations ou du remplacement ne sont pas compris dans cette somme. Et nous parlons seulement de l'Ontario.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Vous pouvez donc voir l'incidence de ce déficit infrastructurel sur les administrations locales.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Le troisième défi concerne les changements climatiques. Deux aspects des changements climatiques toucheront les municipalités. Le premier est les phénomènes météorologiques extrêmes. Des villes ont été touchées par des inondations, des tempêtes de verglas, des vagues de chaleur, des tornades, et j'en passe. Et ces phénomènes entraînent des coûts considérables en nettoyage et en remise en état pour les municipalités. Bien entendu, les municipalités doivent également envisager des mesures pour éviter que la construction de bâtiments dans des lieux à risque, comme des plaines inondables, ne soit approuvée.
Voilà donc la conséquence des phénomènes météorologiques extrêmes. L'Institut des finances et de la gouvernance municipale a publié un article la semaine dernière sur l'incidence des municipalités, en se concentrant particulièrement sur la Colombie-Britannique et le Québec.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Le deuxième aspect concerne les émissions de gaz à effet de serre, qui sont à la hausse, et les villes y contribuent pour beaucoup. Afin de limiter l'augmentation de la température à l'échelle planétaire, nous devons réduire les émissions de moitié au cours de la prochaine décennie afin d'être en mesure d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Et là encore, comme je l'ai mentionné, les villes constituent une importante source d'émissions de GES. Les villes doivent donc augmenter leur part d'énergies renouvelables, mettre en place des systèmes de transport plus écologiques, rénover des bâtiments et des installations et mettre d'autres mesures en œuvre. Ces mesures représenteront un fardeau financier considérable pour les municipalités.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Le travail à domicile et les achats en ligne. Le phénomène du télétravail a commencé avant la pandémie, mais il a certainement pris beaucoup d'ampleur pendant celle-ci. Les répercussions sont nombreuses, l'une d'elles étant l'incidence possible sur le marché de l'immobilier commercial. Effectivement, la valeur des propriétés à usage commercial chute dans certaines villes, particulièrement aux États-Unis. Et par extension, les impôts fonciers commerciaux aussi.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Si la valeur des propriétés à usage commercial chute par rapport à la valeur des propriétés résidentielles, les impôts fonciers résidentiels devront augmenter. Et nul besoin de vous dire qu'il est difficile de le faire. Kennedy pourra éventuellement vous le confirmer. Cette taxe est très visible. Les résidents connaissent le montant qu'ils paient, et il est très difficile de l'augmenter. Mais ce phénomène du télétravail et les achats en ligne, qui ont aussi fait diminuer la valeur des propriétés commerciales, auront une incidence sur l'assiette des impôts fonciers. Qu'arrivera-t-il donc à l'avenir? Le travail à domicile est-il là pour de bon? Se fera-t-il à temps partiel? Nous ne connaissons pas encore comment les choses se passeront. Il y a toutefois une incidence possible sur la source de revenus la plus importante des administrations locales, à savoir les impôts fonciers.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Le dernier défi dont je vous parlerai concerne l'immigration et l'installation de réfugiés. Ce tableau montre l'engagement récent du gouvernement à accroître le nombre de nouveaux résidents permanents à 500 000 par année.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Donc, le Canada a augmenté ses objectifs en matière d'immigration. Les gens s'installent dans des villes : ils ont besoin de services, ils ont besoin d'un logement, ils ont besoin de soins de santé, ils ont besoin de services sociaux. Une grande partie de ces coûts sont assumés par les municipalités, même si elles ne peuvent décider du nombre de personnes qui viennent s'installer. Tous ces défis entraîneront donc une augmentation des dépenses pour les administrations locales et, dans certains cas, une diminution des revenus.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Je vous ai dit qu'il serait un peu décourageant d'aborder tous ces défis. Parlons donc des possibilités qui se présenteront. Que devons-nous faire? Je vais mentionner deux choses. L'une d'elles consiste à revoir les rôles de chacun et l'autre, à améliorer les relations intergouvernementales.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Alors, qui fait quoi? Nous devons préciser les rôles et les responsabilités de tous les ordres de gouvernement, mais particulièrement ceux des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Quelles sont les forces des municipalités? Quelles sont les forces des provinces? Sur quoi peuvent-elles collaborer?
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : De quelles ressources les municipalités ont-elles besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités? J'ai fait partie d'un groupe d'experts sur les rôles de chacun en 1996, en Ontario. Nous avons beaucoup parlé de la séparation des responsabilités entre les provinces et les municipalités. Mais les services fournis sont étroitement liés, au même titre que le financement. Je ne pense pas que nous puissions nécessairement les séparer. Nous devons toutefois préciser les rôles de chacun et la façon dont ils sont financés. Alors, pourquoi devons-nous examiner le rôle des municipalités? Je crois avoir démontré que les sources de revenus des municipalités sont inadéquates et que leur souplesse budgétaire est insuffisante pour qu'elles puissent s'acquitter de leurs responsabilités.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Par exemple, en Ontario, nous utilisons les impôts fonciers pour payer une partie des coûts des services sociaux engagés par les municipalités. Est-ce la meilleure façon de payer ces coûts? Deuxièmement, les municipalités n'ont souvent pas le pouvoir nécessaire pour prendre les décisions d'elles-mêmes. Troisièmement, il y a une certaine ambiguïté en ce qui concerne les compétences qui se chevauchent entre les ordres de gouvernement, ce qui se solde par une mauvaise coordination des programmes et des différends quant aux responsabilités. Et s'ensuit le jeu des reproches. La faute revient toujours à l'autre. Cette diapositive est tirée d'un article que nous avons rédigé il y a quelques années au sujet de la clarification des responsabilités. Elle montre le partage des coûts des différents services en Ontario.
[Un graphique de statistiques est présenté en mode plein écran. Texte de la diapositive, comme décrit.]
Enid Slack : Sur la première ligne, vous pouvez voir ce dont les administrations locales sont principalement responsables de financer elles-mêmes, comme les services d'incendie, les parcs et les loisirs, les bibliothèques et la culture, entre autres. Et sur la dernière ligne, vous pouvez voir beaucoup de programmes à frais partagés. Le coût des services ambulanciers est donc partagé avec la province, ainsi que le coût des soins de longue durée, de la santé publique, de l'aide sociale et des soins des enfants. Et en songeant à tous ces secteurs où les coûts sont partagés, nous nous sommes demandé quel était le rôle de chacun et qui était responsable de payer tel ou tel service.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Nous avons rédigé une série d'articles sur le rôle municipal dans divers secteurs : le logement et le développement économique, la politique sur les changements climatiques, la santé publique et les services de police. Nous poursuivons cette série pendant une autre année afin de déterminer le rôle approprié de chaque ordre de gouvernement dans ces différents secteurs, ainsi que la façon de financer ces services.
[Écran partagé : Enid Slack et une diapositive, comme décrite.]
Enid Slack : Nous ne devons pas perdre de vue la nécessité de préciser les responsabilités et d'améliorer les relations intergouvernementales. Voici plusieurs études. Vous verrez le nom de Tomas Hachard sur nombre d'entre elles parce qu'il était à l'Institut des finances et de la gouvernance municipale. Il est l'auteur de ces articles. Comme il l'a indiqué dans son introduction, les relations intergouvernementales, aussi bien au Canada et à l'étranger, font partie de ses centres d'intérêt.
Les municipalités doivent participer directement aux négociations et à la conclusion d'accords sur les questions qui les concernent. Pensons notamment à l'infrastructure, à l'immigration et à la santé publique. Elles sont toutefois presque totalement absentes du système de relations intergouvernementales du Canada. Elles sont généralement exclues des conseils ou des comités intergouvernementaux, comme les réunions des premiers ministres ou les tables ministérielles. Dans le dernier article qu'il a rédigé, Tomas suggère des façons de renforcer les relations trilatérales.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Par exemple, au moyen de divers types d'accords trilatéraux. J'ai déjà parlé des accords propres à chaque endroit, comme les accords de développement urbain que nous avions auparavant. Il y a aussi les accords trilatéraux fondés sur les politiques, les conseils intergouvernementaux trilatéraux propres aux secteurs et les conseils trilatéraux généraux, comme les réunions des premiers ministres.
Par ailleurs, une importante discussion doit être engagée à propos des sources de revenus des municipalités. Et c'est le sujet sur lequel je travaille le plus. Comme nous l'avons vu au début de la présentation, les municipalités fournissent une gamme de services de plus en plus diversifiée, mais les sources de revenus dont elles disposent pour payer ces services sont très limitées.
En conclusion, les municipalités sont au premier plan lorsqu'il s'agit de fournir les services essentiels. Et nous l'avons vu pendant la pandémie. Mais leurs sources de revenus sont limitées. La viabilité des municipalités sur le plan budgétaire est menacée par les défis actuels et futurs que j'ai mentionnés, mais aussi par d'autres défis. Par conséquent, à long terme, nous devons réfléchir aux rôles de chacun et à la façon de financer les services locaux. Et je crois que les trois ordres de gouvernement doivent trouver les réponses ensemble. Merci.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Très bien. Merci beaucoup, Enid. Découvrons maintenant le point de vue de Kennedy. Kennedy, la parole est à vous.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Formidable. Merci beaucoup, cette présentation était un vrai bijou. Je ne me lasse jamais de vous entendre parler de votre expertise, Enid <rires>. Merci beaucoup pour cette excellente présentation. Même si la situation est décourageante, tu es parvenue à insuffler un certain espoir à la fin, ce qui est formidable. Alors, je vous en remercie.
Avant de commencer, je souhaite bien sûr mentionner que je me trouve sur les territoires non cédés des bandes de Musqueam, de Squamish et des Tsleil-Waututh, et je les remercie pour leur générosité envers nous toutes et tous qui vivons sur leurs terres.
Mon exposé aujourd'hui portera sur ce que j'appelle le fédéralisme « détourné ». Je vous laisserai trouver l'appellation qui vous convient le mieux. De ce que je comprends, l'auditoire d'aujourd'hui est composé de fonctionnaires fédéraux. Et aujourd'hui, je souhaite vraiment vous parler de la façon dont vous pouvez utiliser à meilleur escient les administrations municipales pour rendre vos patrons heureux. Et de la collaboration possible avec les municipalités pour effectuer le travail, même devant l'opposition du gouvernement provincial. Je vais utiliser la légalisation de l'usage de drogues comme exemple de ce fédéralisme « détourné », puis je conclurai en vous mentionnant quelques leçons à tirer de cet exemple.
Je vous mets donc en contexte. Supposons que vous êtes en présence de deux scénarios dans le cadre de vos fonctions quotidiennes. Premier scénario : vous mettez en œuvre une initiative proactive, comme indiqué dans la lettre de mandat de votre ministre. Pendant une réunion sur Zoom, l'un des participants lit la lettre de mandat du ministre et vous dit que vous devez légaliser le cannabis. Cette mesure proactive est une idée des politiciens, et vous devez la réaliser. Vous devez réfléchir à la façon dont vous pourrez y parvenir.
Deuxième scénario : une question urgente se présente. Cette question ne figure pas dans la lettre de mandat et elle n'a pas été imaginée par votre ministre. Cette situation se produit dans votre sphère de responsabilité. Il peut s'agir de la COVID, des changements climatiques, d'un convoi de camionneurs, du pou du saumon ou d'une crise du logement. Bref, une situation que votre ministère doit gérer. Je dirais que vous accomplissez 10 % de votre travail de façon proactive, et qu'une proportion d'environ 90 % est exécutée de façon réactive. La plupart des éléments figurant sur votre liste de tâches sont liés à l'un de ces deux types d'activité. En fin de compte, que ce soit proactif ou réactif, vous devez satisfaire votre ministre et penser à des façons créatives d'apporter des changements.
Je n'ai jamais travaillé pour un gouvernement provincial, mais j'ai siégé à la Chambre des communes pendant sept ans en tant que député et j'ai été maire pendant quatre ans. J'avais été professeur auparavant, et je suis maintenant de retour à l'Université Simon Fraser. Je me spécialise toutefois dans les administrations locales. De mon point de vue, moi qui ai siégé à la Chambre des communes et observé ce magnifique vitrail pendant sept ans, Ottawa est un lieu très théorique. N'est-ce pas théorique lorsqu'un député annonce une initiative au coût de 20 millions de dollars, pour ensuite se reprendre et indiquer qu'elle coûtera 20 milliards de dollars? Jamais une administration locale ne fera une telle annonce. Toutes les discussions sont théoriques. Vous parlez souvent de réformes politiques radicales. Par exemple, « nous nous assurerons que toutes les réserves ont de l'eau d'ici la fin de notre mandat ». Politique radicale. Grandes promesses... Vous parlez souvent de la réglementation et des dépenses. Ce sont là quelques points de départ. Vous avez une vision aérienne. Vous pensez à l'ensemble du pays, et souvent au monde entier.
À l'échelle provinciale, c'est mi-théorique, mi-pratique. Vous avez aussi une vision aérienne de la province, mais vous fournissez des services directs. Alors vous êtes sur le terrain. La réalité des municipalités est purement pratique. À l'occasion, nous parlerons de la paix dans le monde ou autre, mais nous nous concentrons la plupart du temps sur la prestation des services et l'utilisation optimale du petit budget qu'Enid a si bien décrit. Nous sommes constamment sous pression dans les municipalités, surtout dans les grandes villes. Je dirais que nous travaillons normalement 60 heures par semaine. Mais dans des situations comme l'apparition de la COVID, des catastrophes totalement imprévues et inexplicables, le niveau de travail monte considérablement. Et souvent, nous nous lançons dans le vide parce que les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas encore fait ce qu'ils doivent faire. Nous devons trouver une façon de trouver l'équipement de protection personnelle nécessaire pour nos premiers répondants. Les gouvernements fédéral et provinciaux discutent de la situation, mais entre-temps, nous nous démenons pour trouver des masques pour les policiers et les pompiers. Nous n'avons pas le luxe de la théorie à l'échelle municipale. Je dirais que les municipalités sont des ressources sous-utilisées pour les décideurs politiques du gouvernement fédéral et ceux qui mettent en œuvre les politiques fédérales.
Parlons donc des municipalités comme des partenaires volontaires, mais sous-utilisés. Tout d'abord, et je parle par expérience, les gouvernements fédéral et provinciaux sont rarement de bons amis. Ils se considèrent souvent comme des adversaires. Pensons au dernier accord sur la santé. Les provinces demandaient énormément d'argent et pour longtemps. Et les fédéraux ont simplement accordé une certaine somme, qui était à prendre ou à laisser. Il n'y a pas beaucoup d'accolades et de tapes dans le dos dans ces réunions. Une fois, un ministre provincial de la santé s'est vanté de n'avoir jamais rencontré son homologue fédéral. Il s'en faisait un point d'honneur. Il y a également des discordes personnelles entre ces ministres. Je dirais que la collaboration honnête entre ces deux ordres de gouvernement est rare.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Le résultat survient uniquement lorsqu'une partie oblige l'autre à prendre des mesures. D'un autre côté cependant, les municipalités sont si désespérées qu'elles accepteraient l'aide de n'importe qui <rires>. Elles ont tellement de problèmes à régler constamment. Si quelqu'un a une idée qui peut les aider à régler un problème local, elles la prendront.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Les municipalités craignaient vraiment les gouvernements provinciaux. Je dirais qu'elles en ont moins peur maintenant. Nous avons vu sur la diapositive d'Enid que le budget municipal est en grande partie constitué des impôts fonciers, suivis des frais d'utilisation. Mais auparavant, les budgets de fonctionnement des municipalités comprenaient une beaucoup plus grande part de subventions directes des gouvernements fédéral et provinciaux – essentiellement des gouvernements provinciaux. Les municipalités craignaient réellement que ces fonds disparaissent si elles déplaisaient à la province. Mais aujourd'hui, par exemple à la ville de Vancouver, la proportion des fonds directs versés par la province doit être inférieure à 10 %, et probablement moins. Elles ne craignent donc plus vraiment les provinces. Elles se disent peut-être que les administrations locales seront éliminées <rires>.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Mais cela n'arrivera pas. Les administrations municipales peuvent se permettre d'être un peu plus effrontées, puisqu'elles ne craignent pas d'être punies par le gouvernement provincial. Elles peuvent parler de vous méchamment, mais elles utiliseront rarement l'option nucléaire.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Dans le passé, à l'époque où la province versait beaucoup plus de fonds, si les fédéraux accordaient directement des fonds aux municipalités, la province pouvait reprendre cette somme en réduisant les subventions municipales. Elles reprenaient simplement ces fonds. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi. Pourquoi le gouvernement fédéral ferait-il cela? Mais ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui, et les provinces ont très peu de raisons de menacer les municipalités sur le plan budgétaire.
Je sais que les ministères fédéraux collaborent souvent avec les organisations non gouvernementales. Je dirais que de plus en plus les municipalités seraient une meilleure option, car elles ont beaucoup de pouvoirs enracinés et un gros effectif qui peut livrer la marchandise. Mais pour faire des municipalités vos partenaires ou pour les amadouer, vous devrez faire preuve d'imagination. Voyons ensemble une étude de cas portant sur la légalisation de certaines drogues ici, en Colombie-Britannique. J'espère qu'elle éveillera votre imagination en ce qui concerne la façon d'accomplir ce que votre ministre vous demande de faire en collaborant avec les municipalités.
En Colombie-Britannique, nous avons connu un nombre record de décès liés aux drogues illicites. Il y en a eu 334 en 2013. Mais en 2022, à l'échelle de la province, le nombre de décès s'est élevé à 2 272. Le taux de mortalité – une expression terrible, mais c'est ce qu'on dit – est passé de 7,2 à 43 décès par 100 000 résidents en Colombie-Britannique. Une situation catastrophique, quel que soit l'endroit où ils surviennent. Il est très difficile de parler des drogues, car ce sujet est stigmatisé. Il y a donc eu 12 000 décès sur une période de dix ans, et les victimes étaient en moyenne âgées de 44 ans. À présent, les drogues illicites sont la principale cause de décès chez les jeunes en Colombie-Britannique, et de plus en plus en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario.
Kennedy Stewart : Revenons à la Colombie-Britannique. Malgré la preuve bien documentée de l'augmentation des décès, la province semblait très peu encline à prendre les grands moyens. Sa réponse initiale a été de déclarer l'état d'urgence – une urgence de santé publique – en 2016 , puis de distribuer massivement de la naloxone. En résumé, si vous rencontriez une personne en surdose, vous lui administriez de la naloxone, elle revenait à la vie, puis elle allait se rétablir à l'hôpital. Voilà les grands moyens qu'allait prendre la province. Mais de plus en plus, les pompiers, qui sont les premiers répondants en cas de surdose, étaient anéantis.
Le taux de suicide chez les pompiers qui intervenaient dans ces situations montait en flèche, au même titre que les congés de maladie. Les pompiers allaient même jusqu'à quitter leur emploi parce que leur tâche principale consistait essentiellement à intervenir en cas de surdose et de décès, et ce, dans ma municipalité, mais aussi de plus en plus dans les petites villes et les régions rurales de la province. Je vous donne un exemple. Presque tous les lundis matin lorsque j'étais maire, je recevais un courriel m'indiquant combien de personnes étaient décédées d'une surdose de drogue illicite au cours de la semaine précédente. J'y apprenais aussi combien de personnes les pompiers avaient réanimées, et ces chiffres étaient pour la plupart sous-estimés.
Par exemple, il y avait eu 14 décès et 150 réanimations au cours d'une semaine, puis 10 décès et 120 réanimations la semaine suivante. Chaque semaine, les données entraient : 12, 11, 2, 5, 6... Et les pompiers effectuaient de 100 à 200 réanimations par semaine. Il était bouleversant de penser qu'il s'agissait là de vraies personnes. La situation était difficile pour les premiers répondants parce qu'ils sauvaient la vie d'une personne une fois, deux fois, peut-être jusqu'à dix fois. Puis cette personne mourait à la onzième tentative. Ils créaient un lien avec la personne qu'ils sauvaient. Puis celle-ci décédait.
Du point de vue du gouvernement fédéral ou provincial, ce n'est pas la plus grande catastrophe en matière de santé publique de l'histoire du Canada. Mais à l'échelle municipale, la situation est bien réelle. Et j'étais maire d'une grande ville. Et la situation était totalement accablante dans les petites municipalités... Le maire, son secrétaire et un millier de résidents... Surtout lorsque les pompiers étaient volontaires.
J'ai donc commencé à prendre des mesures plus concrètes. J'avais été élu à la fin de 2018. En 2019, j'envisageais de former un groupe de travail pour qu'il trouve des solutions. Mais en novembre 2019, un nouveau cabinet fédéral était assermenté. J'ai donc obtenu mon épinglette de député. Je me suis rendu à Ottawa ce jour-là pour rencontrer par hasard les ministres dans les couloirs. Et je suis tombé sur Patty Hajdu, qui venait d'être nommée ministre de la Santé en novembre 2019. Nous avons discuté un peu de la situation et de ce qu'il fallait faire. Je n'en ai pas su beaucoup. Puis les décès par surdose ont commencé à monter en flèche lorsque la COVID a frappé. C'était attribuable à la distanciation physique et aux autres mesures que nous devions prendre. La ministre m'a donc téléphoné au cours de l'été pour trouver des solutions possibles. Elle m'a téléphoné de nouveau et m'a indiqué qu'il serait légal pour la ville de demander une exemption sanitaire au gouvernement fédéral afin de légaliser l'usage de drogues. Nous serions sur notre propre territoire et nous n'aurions pas besoin de l'approbation du gouvernement provincial.
Ses fonctionnaires avaient déjà pris les mesures nécessaires pour s'en assurer. Ils avaient examiné la loi concernant les exemptions sanitaires et accompli toutes les démarches juridiques avant qu'elle ne m'informe de cette solution stratégique possible. Bien entendu, j'ai adopté l'idée d'emblée. J'ai déposé une motion devant le conseil quelques mois plus tard en novembre. Nous avons présenté notre demande à Santé Canada en mars 2021, puis notre demande définitive en mai 2021. La province jouait à un jeu très étrange. Elle s'était dit en faveur de la légalisation, mais seulement s'il s'agissait d'une initiative nationale. Elle n'allait pas le faire sur son propre terrain. Le gouvernement provincial a paniqué lorsque la Ville de Vancouver a présenté sa demande de légalisation. Il a alors présenté sa propre demande d'exemption à l'échelle provinciale un an plus tard. Elle a finalement été approuvée par la nouvelle ministre de la Santé mentale et des Dépendances, madame Bennett, en mai 2022.
Cette initiative est maintenant entrée en vigueur. Et depuis peu. Nous avons un nouvel outil pour mettre fin à ce terrible fléau que sont les décès liés aux drogues illicites dans la province. Cela fonctionnera peut-être, ou pas. Le résultat sera peut-être négligeable. Mais au moins, nous essayons quelque chose de nouveau. Il s'agissait d'établir des liens avec la municipalité. Les fonctionnaires fédéraux peuvent accomplir beaucoup du travail que mes agents ne pourraient jamais faire, puisque nous n'en avons pas la capacité. Puis de nous faire une proposition. La ministre Hadju, qui n'est plus ministre de la Santé, et moi, qui ne suis plus maire, avons pris un certain risque <rires>. Il y a un prix à payer pour ce genre d'initiative. Mais ainsi va la vie.
Kennedy Stewart : Voici certaines leçons à tirer de cette histoire. Les grandes municipalités sont de puissantes alliées, principalement parce que nous sommes élus dans les secteurs où le gouvernement fédéral siège. Si le gouvernement fédéral a six sièges à Vancouver, il y en a probablement au moins 25 qui relèvent de Toronto. Les grandes villes sont importantes pour les partis politiques en raison du nombre de sièges qui sont en jeu. Il est important de savoir que nous pouvons avoir accès aux ministres, au premier ministre et au vice-premier ministre, puisqu'ils sont inquiets sur le plan politique. Et les maires sont conscients de cela. Le désir d'être réélus et la compréhension de leur propre pouvoir politique. Les municipalités veulent désespérément régler leurs problèmes locaux, mais leur capacité en matière de politique est infime.
À Vancouver, nous n'avons pas d'économiste. Nous n'avons aucune équipe qui est chargée des politiques. Nos équipes responsables des relations intergouvernementales sont bonnes, mais elles sont débutantes. Ce ne sont pas des experts du lobbyisme. Elles n'auraient pas les fonds nécessaires pour se rendre à Ottawa et exercer des pressions. Notre capacité de promouvoir des solutions stratégiques novatrices de façon proactive est infime. Nous n'avons pas le temps de passer au crible les lois fédérales, même dans les grandes villes, et nous n'avons vraiment pas le temps de comprendre tous les rouages des subventions. Fait intéressant, lorsque je rencontrais un ministre, le sous-ministre assis à ses côtés me donnait d'emblée un aperçu des possibilités de financement. J'étais sidéré. Je lui indiquais que nous avions besoin de fonds pour telle initiative, puis le sous-ministre fédéral trouvait la filière appropriée. Par exemple, j'avais besoin d'un financement pour la Galerie d'art de Vancouver. Je me suis adressé à un grand nombre de ministres, qui ne savaient où prendre les fonds nécessaires. Finalement, nous avons reçu 25 millions de dollars d'un fonds pour les bâtiments écologiques. Je n'aurais jamais pensé présenter une demande au titre de ce fonds, mais les fonctionnaires ont su comment m'aider dans ce domaine en particulier, et dans de nombreux autres. Une leçon à tirer est de faire des propositions aux municipalités qui sont déjà vouées à la réussite, et qui respectent vos mandats proactifs ou réactifs.
La capacité des petites municipalités est très minime, voire nulle. Il y a 21 municipalités dans la région métropolitaine de Vancouver. Et même en tant que maire d'une grande ville, je trouvais cela difficile. Je pense, par exemple, à Port Coquitlam, qui compte 65 000 résidents. Il y a le maire, le gestionnaire et le secrétaire, mais aucun employé responsable des politiques. La capacité d'innover en matière de politique à une si petite échelle est donc limitée. Mais les petites municipalités comme Port Coquitlam copiaient nos politiques. Par exemple, le service de covoiturage était très peu populaire en Colombie-Britannique et l'industrie du taxi luttait contre ce phénomène. Nous avons introduit le service de covoiturage à Vancouver. Tout le monde était d'abord furieux, puis ils ont tous adopté la même politique que nous avions. Donc, si des changements sont effectués dans une municipalité d'une région, les autres en copieront probablement les politiques.
Les membres du personnel les plus professionnels que nous avons sont les planificateurs et les ingénieurs, mais ceux-ci ne sont pas les plus aptes à établir une politique sur les drogues. Les ingénieurs excellent dans ce qu'ils font, tout comme les planificateurs, mais ils ne sont pas des experts en politiques. Et souvent, à lire la formulation des politiques, nous pourrions croire qu'elles ont été conçues par un ingénieur <rires>. Par exemple, nous avions une proposition de tarification routière qui était simplement inadmissible sur le plan politique. Les ingénieurs savent comment exécuter les travaux physiquement et comment installer des caméras, par exemple, mais ils n'ont pas le savoir-faire politique pour faire d'un projet une réalité.
En ce qui concerne les grands changements aux politiques possibles, pensez aux idées d'Enid relativement aux différents types de financement. Vous pouvez passer par l'intermédiaire de la Fédération canadienne des municipalités (ou FCM) pour cela, mais il ne faut pas oublier que celle-ci est essentiellement contrôlée par les petites municipalités. Et souvent, les relations sont tendues entre les petites municipalités peu peuplées et celles dont la population est plus nombreuse. La FCM tend à passer à côté des détails parce qu'elle est foncièrement une grande association. Il y a bien le Caucus des maires des grandes villes, mais il n'a pas réalisé grand-chose avant la pandémie. Et c'est essentiellement devenu une sorte d'incontournable pour les ministres influents. Ils nous réunissaient, les maires des grandes villes, pour discuter de tout. De la PCU, de l'aide financière pour le transport en commun, de tout ce qui nous arrivait en raison de la COVID. La FCM est un groupe de pression très puissant lorsqu'il s'agit de changer les politiques à grande échelle, essentiellement en ce qui concerne le financement. Mais le Caucus des maires des grandes villes est probablement un sous-groupe plus efficace lorsqu'il s'agit de modifier des politiques. Si le Caucus des maires des grandes villes donne son aval, le ministre peut vendre une idée au cabinet assez facilement.
Et voilà, je termine sur ces mots. Je suis ravi que vous ayez eu la chance d'écouter cette présentation <rires>. Je suis impatient d'entendre vos questions. Merci beaucoup.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Merci, Kennedy. Nous allons effectivement répondre à quelques questions. Je vous rappelle que vos questions peuvent s'adresser à Kennedy, à Enid, ou aux deux. Elles me seront ensuite acheminées. Nous répondrons au plus grand nombre de questions possible.
[Tomas Hachard apparaît en mode plein écran.]
Tomas Hachard : J'ai d'abord quelques questions pour vous deux. Commençons par Kennedy. Votre étude de cas est vraiment intéressante. Et je trouve que votre façon de parler de l'importance de l'établissement de relations dans le cadre des relations intergouvernementales fédérales-municipales est intéressante.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Selon mes propres recherches, je crois que si nous simplifions un peu les choses, il peut y avoir deux pôles dans les relations intergouvernementales. Il peut y avoir des conversations continues très ouvertes, que ce soit à une table intergouvernementale ou par l'intermédiaire de protocoles d'entente. Et il peut y avoir des relations très axées sur une politique ou un projet en particulier, ou des projets qui mettent à contribution les municipalités et les autres ordres de gouvernement. J'aimerais que vous commenciez par parler de la valeur distincte de chacun de ces pôles, puis Enid pourra prendre part à la discussion. Comme je l'ai dit, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si l'établissement de relations est aussi important si vous avez un projet en branle. Vous pourriez peut-être parler de la façon dont ces relations peuvent contribuer à la réalisation de ce projet également.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : D'accord. Je crois que les deux sont importants. Je crois réellement que les changements aux politiques à grande échelle sont importants. Et c'est là que la Fédération canadienne des municipalités entre en scène. Elle constitue un outil très important pour l'établissement d'un consensus entre les municipalités, puis la présentation de propositions au gouvernement fédéral aux fins d'approbation. Je dirais qu'il s'agit surtout de demandes de financement. Plus de fonds pour le transport en commun. Plus de fonds pour l'infrastructure. Plus de fonds, point. Il est donc facile de prévoir les sujets qui seront abordés. Le gouvernement fédéral n'a qu'à décider s'il financera telle ou telle initiative. Normalement, le rendement du capital investi est bon. Mais si certains participants aujourd'hui travaillent pour des ministres en particulier, je crois que la politique individuelle pourrait changer les choses à l'avenir.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Au lieu de demander de gros financements, il faut demander de réels changements aux politiques, ou à la réglementation... Alors, comment établir ces relations?
À l'échelle locale, vous devriez encourager vos maires à aller à la rencontre des ministres s'ils le peuvent. Mais les ministres doivent également tendre la main, en commençant par les grandes municipalités de la province. Puis il y aura une sorte d'effervescence. Il se peut que les fonctionnaires provinciaux n'en soient pas très heureux, mais ils ne peuvent rien faire à cet égard. Je crois donc que le risque en vaut la chandelle. Il y a également des assemblées de directeurs municipaux partout au Canada, à l'échelle provinciale ou nationale. Ces réunions sont de belles occasions pour les fonctionnaires de profiter des plateaux de fromages et du vin, mais aussi d'établir des relations. Les relations peuvent être d'une grande aide. Comme les municipalités souhaitent désespérément que le travail se fasse, il n'en faudra pas beaucoup pour établir un lien de confiance avec elles.
Tomas Hachard : Je vois. Enid, avez-vous quelque chose à ajouter?
Enid Slack : Je suis d'accord avec Kennedy, les deux pôles sont nécessaires. Les accords propres aux secteurs et aux lieux sont nécessaires pour prendre des mesures à l'égard de certains enjeux tels que l'immigration, l'installation de réfugiés ou la santé publique.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Je crois cependant qu'une mobilisation plus ouverte est aussi nécessaire, non seulement pour demander des fonds, mais pour comprendre les défis auxquels les municipalités font face en permanence. Et ces défis changeront au fil du temps. J'en ai énuméré quelques-uns. Certains prendront de l'ampleur et d'autres, espérons-le, disparaîtront. Je crois que les trois ordres de gouvernement doivent discuter des enjeux, des problèmes et des défis qui sont susceptibles de se présenter. Et nous ne savons pas encore quels sont ces enjeux, ces problèmes et ces défis. Il n'est pas possible de tenir une réunion sur un certain sujet si nous ne savons pas quel sera ce sujet. Je pense qu'il faut comprendre que lorsque le gouvernement fédéral prend certaines mesures, celles-ci ont une incidence sur les municipalités. Par exemple, s'il augmente le nombre d'arrivants au Canada, il doit comprendre que cette décision entraînera des coûts pour les municipalités.
Mais ce que font les administrations locales a également une incidence sur le pays. Et les politiques du logement ou d'aménagement du territoire du gouvernement fédéral peuvent avoir une incidence sur le climat, ainsi que sur les enjeux liés aux changements climatiques. Voilà donc ma compréhension générale des enjeux auxquels les municipalités sont confrontées et du contournement des gouvernements provinciaux, et je peux en débattre.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Enid Slack : Je pense qu'au bout du compte, comme je le disais plus tôt, les provinces ont encore beaucoup de pouvoirs sur ce que les municipalités peuvent faire. Je crois donc qu'il est parfois impossible de les contourner. Il faut les inclure pour obtenir les pouvoirs nécessaires. Et les gouvernements changent, n'est-ce pas? Parfois, les fédéraux s'entendront bien avec la province. Je crois que tous les acteurs doivent être présents à la table pour trouver des solutions.
Tomas Hachard : C'est logique. Il est intéressant de parler du pouvoir des provinces. J'ai également trouvé intéressant, Kennedy, que vous mentionniez la façon dont les sources de revenus des municipalités ont lentement changé au fil du temps. Un sondage a récemment attiré mon attention : le Baromètre municipal. Il est tenu auprès des représentants municipaux dans l'ensemble du pays et porte sur différents enjeux. Il y a une nouvelle série de questions au sujet des sources de revenus et des relations intergouvernementales. Je reviens à ce que vous avez dit dans votre présentation, Enid, à propos du pouvoir des promesses et des sources de revenus limitées. À la question concernant la méthode à privilégier pour accroître les revenus, la grande majorité des maires et des conseillers municipaux ont dit préférer recevoir plus de subventions des gouvernements provincial et fédéral que d'avoir accès à leurs propres sources de revenus, qu'il s'agisse d'impôts sur le revenu, d'une taxe de vente ou même de droits d'aménagement.
J'aimerais donc vous poser à tous les deux une question à ce sujet. Enid, j'ai pensé que vous pourriez parler un peu de cette division et indiquer quand il est plus approprié que les municipalités reçoivent des subventions ou génèrent leurs propres revenus, surtout compte tenu des défis auxquels elles seront confrontées. Kennedy, j'aimerais beaucoup si vous pouviez parler ensuite de la tendance que vous avez observée chez les municipalités à avoir moins peur des provinces et à être moins dépendantes des revenus. J'aimerais également connaître votre point de vue sur la question de savoir si les municipalités semblent toujours préférer les subventions à leurs propres sources de revenus, soit en percevant plus de taxes et de droits auprès des citoyens, et dites-nous si vous croyez qu'il y a un problème à cet égard.
Commençons donc par Enid, puis nous cèderons la parole à Kennedy.
Enid Slack : D'accord, merci. Alors, je n'ai peut-être pas la même perspective que les répondants au sondage. Il est facile pour moi d'être ici et de dire que je crois que les municipalités devraient accroître leurs propres revenus et en être imputables. Si elles décident de la façon dont elles dépenseront leurs fonds, elles devraient être responsables d'amasser ces fonds. Il y a là une certaine responsabilité qui me plaît bien. Mais je ne suis pas élue et je n'ai pas à me soucier de percevoir des taxes.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Même dans mon milieu, avec mes propres sources de revenus, les transferts des gouvernements fédéral et provinciaux doivent être justifiés. Il y a beaucoup de justifications. Je ne veux pas y consacrer trop de temps, mais permettez-moi d'en aborder trois.
La première concerne l'efficience économique, qui repose sur des facteurs externes. Donc, les avantages des services qu'une municipalité donnée fournit peuvent dépasser les frontières municipales. Supposons que je suis la mairesse d'une municipalité et que je veux construire une route. Les avantages pour les personnes autres que les résidents de ma municipalité ne m'intéressent pas, puisque celles-ci ne paient pas pour la route. Seuls les avantages pour les résidents de ma municipalité m'intéressent. Il se peut donc que je ne fournisse pas la proportion de la route qui est nécessaire globalement si je pense uniquement à ma municipalité. Si, par exemple, 30 % des avantages de cette route dépassent la frontière municipale, le gouvernement provincial peut avoir un rôle à jouer et subventionner 30 % des dépenses. Certains avantages peuvent s'étendre au-delà des frontières provinciales, auquel cas le gouvernement fédéral aurait un rôle à jouer et devrait financer un pourcentage donné des dépenses municipales. Il peut cependant exister d'autres façons de faire. Kennedy a parlé des péages. Dans notre exemple de la route, il peut y avoir d'autres façons de faire, mais dans la mesure où les services offrent des avantages qui dépassent les frontières municipales, il y a un effet externe et les transferts seraient peut-être justifiés.
La deuxième justification repose sur l'équité. Et je parle ici de l'équité horizontale. L'idée est que chaque municipalité d'une province soit en mesure d'offrir un niveau de service moyen, ou standard, en percevant un taux de taxe moyen, ou standard. Il se peut que certaines municipalités n'en soient pas capables. Leurs coûts et leurs besoins peuvent être plus élevés, ou leur capacité budgétaire peut être plus faible. Nous parlons ici d'une subvention de péréquation, qui est essentiellement une subvention non conditionnelle fondée sur la capacité budgétaire et, dans certains cas, sur les besoins des municipalités en matière de dépenses. Je crois que six provinces au Canada ont des transferts de péréquation provinciaux et municipaux. Nous avons rédigé un article sur ce sujet à l'Institut des finances et de la gouvernance municipale.
Une troisième justification consiste à combler les lacunes entre les revenus qui peuvent être obtenus à l'échelle locale et les dépenses requises pour assumer les responsabilités attribuées aux administrations locales. Avant je parlais de l'écart budgétaire horizontal, mais il s'agit ici en quelque sorte d'un écart budgétaire vertical. Il peut être attribuable au fait que les administrations locales doivent assumer plus de responsabilités qu'elles ne peuvent financer avec les pouvoirs de collecte de revenus qu'elles ont à leur disposition. Par conséquent, pour combler cet écart budgétaire vertical, l'octroi d'une subvention non conditionnelle serait approprié. Ce sont là des raisons pour lesquelles les municipalités pourraient recevoir des transferts fédéraux ou provinciaux. Il y a d'autres raisons. D'ordre politique, par exemple. Je ne passerai pas en revue toutes les autres raisons, mais en voici trois.
Gardez à l'esprit que les transferts conditionnels en particulier altèrent les décisions locales. C'est leur raison d'être. Donc, si le gouvernement fédéral finance 30 % de vos dépenses dans le cadre d'une initiative donnée, il vous encouragera à effectuer des dépenses à cette fin précise. Vous avez alors moins d'autonomie. Par ailleurs, les transferts ne sont ni stables ni prévisibles. Vous le savez, Kennedy. <rires> Ils peuvent être élevés une année et diminuer l'année suivante, alors que les dépenses municipales augmentent graduellement au fil du temps. Et lorsque les subventions sont réduites, les municipalités doivent se démener pour augmenter les impôts fonciers ou les frais d'utilisation pour combler l'écart.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Kennedy, vous avez quelque chose à ajouter?
Kennedy Stewart : Ma première pensée a été : qu'est-ce qu'un ministre ne veut jamais entendre? Félicitations. Vous êtes le nouveau ministre des Affaires municipales <rires> parce que votre travail consiste essentiellement à gérer des municipalités. Et comme il y en a beaucoup, environ 3 500, vous obtiendrez rarement l'approbation des municipalités. Chaque fois que vous irez à leurs congrès annuels, elles vous martèleront assurément parce que vous n'en faites pas assez. D'après mon expérience, les gouvernements provinciaux voient les municipalités comme une sorte de mal nécessaire qu'ils doivent gérer, plutôt que comme des partenaires. Pas tous, cependant. Par exemple, le premier ministre Gordon Campbell, à l'époque, ne les voyait pas de cette façon parce qu'il avait été maire. Je pense que c'était aussi le cas de Mike Harcourt.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Les personnes qui ont acquis une expérience à l'échelle municipale peuvent voir les municipalités différemment. Mais beaucoup de celles qui ne possèdent pas une telle expérience les considèrent comme des adversaires. De ce fait, il est très difficile de s'assoir et de discuter d'un sujet. Il s'agit peut-être d'un autre angle à examiner. Si vous essayez de mettre les municipalités de votre côté, voyez quelles sont leurs relations avec la province.
À mon avis, je crois que les répondants au sondage ont peut-être indiqué ne pas vouloir plus de pouvoirs pour augmenter leurs revenus parce que les municipalités n'ont pas de conseillers en politiques ni d'économistes au sein de leur personnel. Lorsque vos tâches quotidiennes sont si nombreuses, qu'il s'agisse de parcs canins où la laisse n'est pas obligatoire <rires> ou de préparation en cas de séisme, votre analyse des politiques est faite sur place à ce moment-là et vous dressez la liste des avantages et des inconvénients d'une démarche proactive ou réactive. Et vous vous dites, entre autres, que si vous avez droit à une partie de la taxe de vente, vous devrez fixer le taux, ce qui nuirait à vos chances d'être réélu. Mais si vous disposiez d'économistes et de bons conseillers en politiques, ceux-ci vous diraient assurément d'accepter l'offre parce que vous n'auriez pas à augmenter beaucoup vos impôts fonciers.
Alors, je pense que si c'est quelque chose que le gouvernement provincial ou fédéral voulait que les municipalités prennent en main, qu'il le fasse simplement pour elles ou qu'il essaie de s'en faire des alliées. À Vancouver, nous avons gagné la Coupe du Monde la FIFA. J'ai dit que nous ne dépenserions pas plus de cinq millions de dollars à l'échelle locale pour accueillir cet événement. Comme je l'ai fait de façon proactive sans le dire à la province, celle-ci n'a pas eu le choix de payer le reste. Il y avait aussi ce petit mécanisme qui nous permettait d'ajouter une taxe d'hébergement, à la demande de la province et sur son approbation. La province nous a demandé de le faire. Nous l'avons fait. Et maintenant, cette taxe d'hébergement constitue une nouvelle source de revenus qui, je l'espère, reviendra à la municipalité de façon permanente. Nous verrons bien ce qu'il arrivera.
Une fois de plus, pour que les choses se fassent, il faut parfois être agressif. Et même si vous essayez de transmettre un message au gouvernement provincial, les voies de communication ne sont souvent pas très bonnes. Avertissez-le donc avant d'envoyer le communiqué de presse. D'un autre côté, les négociations préalables sont rares.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Intéressant. Nous recevons de bonnes questions de l'auditoire. Alors j'en poserai une seule autre, à vous d'abord, Kennedy, au sujet de ce que vous avez dit. Je pense que votre point est très intéressant pour ce qui est de la capacité des municipalités et de l'incidence qu'elle a, dans un certain sens, sur ce que les municipalités peuvent juger raisonnable d'obtenir en matière de capacité d'augmentation des revenus. Votre présentation portait vraiment sur la façon dont le gouvernement fédéral peut utiliser les municipalités. Je propose d'écarter la question de l'augmentation de la capacité municipale et de prendre celle-ci telle quelle est.
Vous avez un peu parlé de la façon de mobiliser les municipalités. Pouvez-vous en dire un peu plus sur la façon dont le gouvernement fédéral peut collaborer avec les municipalités de façon efficace, compte tenu de la capacité qu'elles ont et de celle qu'elles n'ont pas? Vous avez également mentionné que la fragmentation est très présente. Je suis curieux à ce sujet. Quelles sont les forces de chaque ordre de gouvernement et qu'est-ce que chacun d'eux peut apporter dans ce type de relation, compte tenu de la situation actuelle des municipalités?
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Je dirais qu'une immense force du gouvernement fédéral est sa capacité d'analyse des politiques et de conception de politiques incroyablement détaillées et efficaces. Les municipalités n'ont pas cette force. L'exemple qui me vient est le contrôle des armes à feu <rires>. Je pense à la façon dont le gouvernement fédéral – Bill Blair je crois – a annoncé, par surprise, qu'il allait bannir les armes de poing. Il a ensuite eu des ennuis, puis il a dit que les municipalités allaient s'en charger, et ce, sans nous avoir consultés d'abord. Comme j'étais en faveur de l'initiative, j'ai accepté sans ambages. Mais il n'existait aucune marche à suivre détaillée. Personne n'avait pensé plus loin, de ce que j'en sais, et j'étais embarqué à bord.
Si c'était à recommencer, je dirais qu'avant de collaborer avec les municipalités, le gouvernement devrait régler certains détails avant de faire une annonce. Les municipalités pourraient alors expliquer avec confiance le déroulement de l'initiative, sans toutefois disposer du personnel nécessaire. Il faudrait que les fonctionnaires fédéraux comprennent les lois provinciales et municipales. C'est ce que je dirais. Les provinces ne coopèrent pas. Si vous voulez passer par une municipalité, faites le travail au préalable. C'est très exigeant en ressources pour les municipalités de tenir des tables conjointes et de demander à leur personnel de travailler en collaboration avec les fonctionnaires fédéraux, puisque d'autres dossiers sont mis de côté pendant ce temps. De plus, le gouvernement fédéral a le luxe du temps et la capacité de mettre à contribution beaucoup plus de ressources, au besoin. Les municipalités n'ont vraiment pas cette possibilité. Le gouvernement fédéral pourrait octroyer des subventions aux municipalités pour l'embauche d'experts-conseils, par exemple. C'est une façon de contourner le problème. Mais je dirais qu'il est préférable d'utiliser un moyen légal. Le dépôt d'une motion devant le conseil est la meilleure façon de faire.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Au lieu de devoir se préparer en vue de la réunion du conseil du lendemain à une heure du matin. C'est souvent ce qu'il arrive.
Tomas Hachard : Exact. Enid, vous voulez intervenir sur ce sujet? J'ai aussi quelques questions de l'auditoire pour vous si vous voulez.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : <rires> Oh! <rires> Je serai brève. Kennedy a parlé de la Fédération canadienne des municipalités, du Caucus des maires des grandes villes et des associations provinciales. Il y aussi les associations rurales et urbaines. Mais nous n'avons pas beaucoup parlé des structures de gouvernance régionales, du regroupement possible des municipalités dans une région. Cela serait très utile. Pendant la pandémie, des tables ont été tenues dans la région du Grand Toronto et de Hamilton. Les gens se sont réunis sur une base volontaire afin de parler pour leur région. Je crois qu'il s'agit d'une autre route qui serait intéressante à prendre.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Je vais maintenant passer à l'auditoire. Deux questions sont légèrement liées, en ce sens qu'elles concernent toutes les deux la relation directe entre les municipalités et le gouvernement fédéral. Enid, vous avez déjà parlé du sujet de la première question. Je vais donc vous laisser déterminer si vous voulez en dire un peu plus. La question est la suivante : en général, estimez-vous que le financement conditionnel directement versé par le gouvernement fédéral aux municipalités est une bonne chose?
La deuxième question, qui s'y rattache, consiste à vous demander si vous croyez que le renforcement de la relation directe entre les administrations municipales et le gouvernement fédéral a une incidence sur la relation avec la province ou, autrement dit, si une relation directe entre les administrations municipales et le gouvernement fédéral vient perturber la relation avec le gouvernement provincial.
Commençons donc par vous, Enid, si vous souhaitez ajouter quelque chose à propos du financement conditionnel direct ou de l'autre question. Et Kennedy, vous pourrez intervenir par la suite.
Enid Slack : D'accord, merci. Merci pour ces deux questions. Je vais répondre à la première qui concerne les subventions conditionnelles aux municipalités. Je pense que la deuxième est plus de nature politique. Je laisserai donc l'ancien politicien y répondre.
Donc, les subventions conditionnelles aux municipalités. J'essaie de trouver un fondement. Par exemple, je sais que le gouvernement fédéral s'intéresse au transport en commun. On pourrait soutenir que si nos grandes villes sont dotées de bons réseaux de transport en commun, la productivité en sera accrue.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Et c'est important pour l'ensemble du pays. Il y a un effet externe sur le pays en entier. Le gouvernement fédéral aurait donc un rôle, pourvu que le financement soit conditionnel au fait que les dépenses se rapportent au transport en commun. Je suppose qu'il faut se demander dans quelle mesure le financement sera conditionnel, quelles seront les conditions, quel sera le degré d'ingérence et quelles décisions l'administration municipale pourra prendre. Vous savez, nous pouvons certainement en débattre. Mais il y a un rôle pour ce type de financement.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Kennedy, voulez-vous répondre à la deuxième question? Je vous la répète : croyez-vous que le renforcement de la relation directe entre les administrations municipales et le gouvernement fédéral a une incidence sur la relation avec la province, et que la relation directe entre les administrations municipales et le gouvernement fédéral vient perturber la relation avec le gouvernement provincial?
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Pendant que vous parliez, ce sont les cycles politiques qui me sont venus en tête. En 2017, nous avions un gouvernement provincial minoritaire ici. Nous ne pouvions donc pas savoir à quel moment ce gouvernement allait tomber. Lorsque j'ai été élu en 2018, j'étais le premier maire indépendant depuis 30 ans. À Vancouver, des partis existent depuis les années 1930, mais comme je n'avais aucun collègue <rires>, ma capacité de créer des coalitions était limitée. Je devais donc toujours y penser. Bien sûr, notre gouvernement fédéral était également minoritaire. Nous n'avions pas vraiment le temps d'entreprendre de longues négociations dans ces circonstances. Nous nous entendions rapidement sur un sujet et nous nous demandions qui en serait offensé plus tard... Autrement, rien ne se fait.
C'est peut-être le temps de penser à long terme lorsque les gouvernements provincial et fédéral sont majoritaires et que le conseil municipal est stable. Surtout si une pandémie vient s'ajouter à ces conditions, peut-être qu'il est tout indiqué d'agir plus rapidement.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé avec la légalisation; c'est intéressant parce que le premier ministre Horgan n'y était pas vraiment favorable. L'idée a été suggérée par le gouvernement fédéral, mais maintenant nous avons le premier ministre Eby qui est probablement plus sympathique. Il y a aussi ces types de personnalités, mais c'est assurément un facteur qui n'entre pas en ligne de compte lorsque nous nous lançons dans un projet. Je pense que le maire, ou celui avec qui vous traitez, probablement votre premier bon contact, vous dira qu'il ne veut pas faire telle ou telle chose parce que celle-ci lui coûtera tant. Vous voudrez peut-être aussi faire un essai dans quelques municipalités. Il y en a 3 500 parmi lesquelles choisir. Vous trouverez alors quelqu'un qui se lancera dans votre projet <rires>.
Tomas Hachard : Super! J'ai une autre question pour l'un de vous deux. L'un des participants demande si les conférenciers peuvent faire part de leur point de vue sur le rôle des instances supérieures en cas d'échec à l'échelle municipale. J'ajouterais ma touche personnelle ici. Je suppose que le mot « échec » a deux significations. Il peut s'agir d'une carence budgétaire ou d'un besoin de renflouement. Mais cela peut aussi signifier que d'autres municipalités sont en bonne voie de trouver des solutions en matière de politiques qui doivent être mises en œuvre à l'échelle provinciale.
Voici donc mes définitions. À vous de répondre à la question maintenant.
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Je vais aborder l'aspect budgétaire. Selon les lois municipales ou des administrations locales de chaque province, cette dernière est responsable lorsqu'une municipalité fait faillite. Elle fait fonction de superviseur pour redresser la situation de la municipalité. La province a donc un rôle à jouer. Elle doit le faire lorsqu'il y a une carence budgétaire.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Kennedy Stewart : Je pensais que les municipalités sont normalement meilleures pour bloquer les choses que pour les réaliser. Voilà comment je perçois une situation d'échec.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Par exemple, je sais que je parle beaucoup des drogues aujourd'hui, mais lorsque le cannabis a été légalisé, les municipalités ont bien été touchées parce qu'elles devaient délivrer des permis à tous ces magasins de cannabis. Et la Ville de Surrey a dit qu'elle n'allait délivrer aucun permis à aucun magasin. La carotte était censée être un transfert de revenus aux municipalités, ce que le gouvernement provincial n'a jamais fait. Il a simplement conservé tous les revenus et ne les a jamais envoyés aux municipalités, malgré l'accord conclu. Je pense que les municipalités peuvent le faire afin de retirer quelque chose des instances supérieures également.
Donc, si une administration municipale bloque quelque chose, je pense que certains incitatifs peuvent valoir la peine. Peut-être que c'est le moment d'utiliser une subvention conditionnelle ponctuelle <rires> ou une subvention non conditionnelle pour amadouer la municipalité, ou d'imposer une sanction. Je pense qu'il est rare que le gouvernement provincial s'impose et remplace une administration municipale ou des représentants. Il est très difficile de se débarrasser de représentants municipaux. Les conseils ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Il faut aller devant les tribunaux. Alors les provinces pourraient songer à déjouer un peu ces lois parce que certains politiciens municipaux font des choses atroces et restent tout de même en fonction.
La politique gouvernementale à l'échelle locale est une chose, mais l'activité individuelle en est une autre. Le gouvernement provincial devrait en tenir compte un peu plus, mais il devrait d'abord tenter d'amadouer les municipalités. <Rires>
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Enid Slack : <Rires>. Je peux intervenir? La notion d'échec chez les administrations locales est intéressante, car nous demanderions-nous si les gouvernements provinciaux peuvent cesser leurs activités? Le gouvernement fédéral devrait-il alors intervenir? Les administrations municipales sont élues. Elles sont élues par le peuple. Alors cette notion selon laquelle il convient d'intervenir <rires> et de changer leurs façons de faire... mais ce n'est pas à l'échelle provinciale. Cette question était intéressante.
Kennedy Stewart : J'ai tenu un sondage auprès de mes électeurs dès le début de la pandémie. Je voulais savoir combien d'entre eux ne seraient pas en mesure de payer leurs impôts fonciers cette année-là.
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Vingt-cinq pour cent d'entre eux n'en avaient pas la capacité parce qu'il n'existait alors aucun programme fédéral. J'ai donc pensé que ce serait catastrophique pour nous si nous perdions presque tous nos revenus de frais d'utilisation, ainsi que 25 % de nos revenus des impôts fonciers. Et nous devions licencier 18 % de nos employés. De nombreuses municipalités ont procédé à des mises à pied massives pendant la pandémie. Et il n'y a pas eu de grèves. Je sais que plus personne ne veut continuer de parler de la COVID, mais cette situation était traumatisante pour les municipalités, et sur plusieurs facettes. Là encore, les instances supérieures ne semblaient pas vouloir écouter la première ligne, ce qui est essentiellement problématique. J'espère que nous pouvons en tirer des leçons.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : J'ai une dernière question de l'auditoire. Kennedy, j'aimerais que vous y répondiez parce que je crois que votre expérience à l'échelle fédérale et municipale pourrait être utile. Nous avons parlé des relations fédérales, provinciales et municipales. Voici donc la question : à votre avis, quel est le rôle des municipalités en ce qui concerne l'amélioration des relations avec les gouvernements et les communautés autochtones avec lesquels elles partagent le territoire? Et la deuxième partie de la question est la suivante : comment percevez-vous la répartition des responsabilités entre les piliers du gouvernement lorsqu'une mesure d'une municipalité pourrait avoir une incidence sur ces gouvernements ou ces communautés autochtones?
[Kennedy Stewart apparaît en mode plein écran.]
Kennedy Stewart : Il s'agit d'une très bonne question. Lorsque j'ai été élu maire pour la première fois, nous avons dressé, mon personnel et moi, un schéma des intervenants. Et les trois nations locales, les bandes de Musqueam, de Squamish et des Tsleil-Waututh, étaient en haut de celle-ci pour nous, même au-dessus de la province. C'est un peu différent en Colombie-Britannique parce que nous n'avons pas de traités; ce sont des territoires non cédés. Nous prenions donc la réconciliation très au sérieux. Lorsque nous devions apporter des changements importants aux politiques, je m'adressais d'abord aux Nations, même avant les résidents, pour savoir ce qu'elles en pensaient. Prenons, par exemple, l'agrandissement de l'aérotrain à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons produit une première carte, puis je suis allé la présenter au chef de la bande de Musqueam, Wayne Sparrow, pour lui demander ce qu'il en pensait. Comme il n'était pas emballé par l'emplacement d'une station, nous avons modifié la carte. Donc, les Premières Nations sont au cœur de tout ce qui a lieu. En fait, cela vous donne une immense influence sur la province, surtout dans le cas de la Colombie-Britannique, parce que leur capacité devant les tribunaux est importante. Il s'agit donc de ma relation la plus importante. Il n'y aura pas de Jeux olympiques sans l'approbation des Premières Nations. Essentiellement, en ce qui concerne les grandes décisions stratégiques, elles avaient un veto, qu'elles s'imposaient elles-mêmes, mais je crois que ce sera de plus en plus le cas.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : C'est logique. Enid, avez-vous quelque chose à ajouter?
Enid Slack : Non, merci, je crois qu'il s'agit d'une excellente réponse et que Vancouver est un bon modèle.
Tomas Hachard : Il nous reste seulement quelques minutes. Enid, je vais vous poser une dernière question. Vous avez beaucoup parlé des défis auxquels les municipalités seront confrontées dans l'avenir. Nous sortons d'une crise économique majeure et de la crise de la COVID, et il y a cette crise inflationniste. Nous devons peut-être aider les municipalités à passer à travers de ces crises, puisqu'elles seront, nous l'espérons, de courte durée. Pouvez-vous prendre ces dernières minutes pour parler de la vision à long terme et peut-être des défis plus structuraux ou des occasions sur lesquels les décideurs politiques devraient se concentrer, en supposant que nous sortions de cette période inflationniste et que la pandémie soit réellement dernière nous à un moment donné?
[Enid Slack apparaît en mode plein écran.]
Enid Slack : Ce sont là des hypothèses. Je suppose que nous sortirons de la période inflationniste un jour ou l'autre. Comme je ne suis pas macroéconomiste, je ne peux pas me prononcer avec certitude. La question de savoir si nous n'aurons plus à subir les répercussions de la COVID un jour est une autre histoire, car les revenus des droits de transport en commun et la fréquentation des transports en commun reviennent très lentement. Et il se peut que la situation ne revienne jamais comme elle l'était. Je pense que cela revient à ce que je disais à propos des problèmes structurels. Que devraient faire les municipalités? Et qui paiera? Les municipalités font beaucoup de choses différentes. Les services qu'elles fournissent comportent essentiellement des caractéristiques des biens privés, comme l'eau et d'autres services pour lesquels nous pouvons facturer des frais d'utilisation. Les impôts fonciers conviennent pour les services qui offrent des avantages collectifs, lorsque nous ne pouvons pas recenser les bénéficiaires individuellement. Nous ne pouvons pas exclure les gens qui ne paient pas, comme nous pouvons le faire dans le cas des frais d'utilisation. Alors nous avons les impôts fonciers.
Mais si les municipalités fournissent des services de redistribution, comme les services sociaux et la santé publique, les impôts fonciers et les frais d'utilisation ne sont pas la solution. Nous devons davantage penser aux impôts sur le revenu. Et si certains services dépassent les frontières municipales, il y a les transferts. Nous devons élaborer un modèle. Lorsque nous aurons déterminé ce que les municipalités devraient faire, je crois que nous devrons ensuite proposer un modèle de la façon dont fonctionneront les frais d'utilisation et les impôts fonciers. Nous aurons peut-être besoin des impôts sur le revenu, des taxes de vente ou des transferts.
Je pense que nous devons penser au fait que les municipalités fonctionnent selon des lois qui remontent aux années 1800, et les administrations locales sont complètement différentes aujourd'hui. À cette époque, il y avait les routes, l'eau et quelques autres services. Nous parlons de dépenses considérables à l'échelle locale. Les impôts fonciers, les frais d'utilisation et les transferts ne suffisent pas. Je pense que nous devons réfléchir à la façon dont le système en entier est structuré et à ce qui doit être fait.
[Tomas Hachard, Enid Slack et Kennedy Stewart apparaissent à l'écran dans des groupes de conversation vidéo.]
Tomas Hachard : Très bien. Je crois qu'il s'agit d'une excellente conclusion. Je vous remercie tous les deux, Enid et Kennedy pour vos présentations et la discussion. Elles étaient vraiment intéressantes. J'espère que tous les participantes et les participants les ont trouvées aussi intéressantes que moi.
[Le logo de l'EFPC apparaît brièvement, puis Tomas Hachard apparaît en mode plein écran.]
Tomas Hachard : Votre rétroaction est très importante pour nous. Je vous invite donc à remplir l'évaluation que vous recevrez par courriel dans les prochains jours. L'École propose d'autres événements. Je vous encourage à consulter son site Web pour vous tenir au courant et vous inscrire à toutes les possibilités d'apprentissage à venir. Une fois de plus, je vous remercie, Enid. Merci, Kennedy. Merci à tous les membres de l'auditoire. J'espère que vous passerez toutes et tous une journée formidable.
[Le logo de l'EFPC apparaît à l'écran]
[Le logo du gouvernement du Canada s'affiche et s'estompe pour faire place à un écran noir.]