Transcription
Transcription : Conversation sur la résilience en santé mentale devant les changements climatiques
[0:06 L'écran passe à Nancy Hamzawi.]
Nancy Hamzawi (Agence de la santé publique du Canada) : Bonjour et bienvenue. Hello and welcome, everyone. L'événement d'aujourd'hui est une discussion sur la résilience en matière de santé mentale face aux changements climatiques. L'École de la fonction publique du Canada est ravie de présenter cet événement en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, qui travaille avec des fonctionnaires, à la création d'un gouvernement résilient et compétent en matière de climat par l'intermédiaire de cours sur les changements climatiques expliqués aux fonctionnaires offerts sur la plateforme d'apprentissage de l'École de la fonction publique du Canada. Je m'appelle Nancy Hamzawi. Je suis vice-présidente exécutive à l'Agence de la santé publique du Canada et une fière ancienne employée d'Environnement et Changement climatique Canada. C'est un honneur d'animer l'événement d'aujourd'hui. Je tiens d'abord à reconnaître que je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anichinabé. Je suis extrêmement reconnaissante aux générations passées, actuelles et futures d'Algonquins, qui sont les gardiens de cette terre et de ses eaux. Je comprends que vous participez peut-être à partir de diverses régions du pays et que vous travaillez donc sur un territoire autochtone différent. Je vous invite à prendre quelques instants pour réfléchir au territoire sur lequel vous vous trouvez.
J'ai maintenant le plaisir de vous présenter notre excellent groupe de conférenciers.
[1:29 Le chef retraité Patrick Michell, le Dr Daniel Rosenbaum et la Dre Katie Hayes apparaissent dans des panneaux de clavardage vidéo distincts.]
Le chef retraité Patrick Michell, membre de la Nation Nlaka'pamux, a vécu toute sa vie dans le canyon du Fraser, en Colombie-Britannique. Il y a près de trois ans, le 30 juin 2021, au moment où; il était chef de la bande indienne de Kanaka Bar, un incendie dévastateur dans la ville de Lytton a détruit la maison intergénérationnelle de Patrick, ainsi que 90 % de sa ville natale. Patrick, qui occupe actuellement le poste de directeur de la reconstruction de la Première Nation de Lytton, vous parlera de ce que c'était et de ce que c'est maintenant, et de ce qui nous attend peut-être tous. Le Dr Daniel Rosenbaum est psychiatre traitant au sein de l'équipe communautaire de traitement actif Impact du Réseau universitaire de santé et de l'équipe du programme Palliative Education and Care for the Homeless (éducation et soins palliatifs pour les sans-abri) par l'intermédiaire d'Inner City Health Associates. Il est chargé d'enseignement clinique à l'Université de Toronto. Il est également l'un des co-fondateurs et un membre du personnel enseignant du groupe de recherche sur la psychothérapie par les psychédéliques du Réseau universitaire de santé, où; il est co-chercheur principal au programme de recherche sur la thérapie du trouble d'attachement, du trouble existentiel et du trouble relationnel assistée par la psilocybine. Daniel est co-auteur de l'énoncé de position de l'Association des psychiatres du Canada intitulé « Mental Health and the Climate Crisis: A Call to Action for Canadian Psychiatrists » (la santé mentale et la crise climatique : appel à l'action aux psychiatres canadiens). La Dre Katie Hayes est analyste principale des politiques au Bureau des changements climatiques et de la santé de Santé Canada. Elle a dirigé la rédaction du chapitre sur la santé mentale et les changements climatiques pour le rapport national d'évaluation des répercussions des changements climatiques sur la santé dont Santé Canada était le fer de lance et qui a été présenté en 2022. Elle a obtenu son doctorat à l'École de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto, dans lequel elle se penchait sur les conséquences des changements climatiques sur la santé mentale en mettant un accent particulier sur les risques et répercussions inéquitables pour les groupes marginalisés.
Nous avons là un impressionnant trio. Vos titres de compétences m'emplissent d'humilité et j'ai très hâte à notre conversation d'aujourd'hui. Nous espérons que cet événement d'apprentissage vous permettra de réfléchir à l'importance de la résilience intérieure face aux changements climatiques. Nous souhaitons aussi que cette conversation vous inspire dans le rôle que vous jouez dans votre portefeuille en tant que fonctionnaires et en tant que Canadiens qui composent avec les répercussions concrètes et cumulatives d'un climat en évolution.
[3:57 L'écran affiche le titre « Questions et réponses » puis la première question apparaît : « Que signifie pour vous la résilience mentale face aux changements climatiques? »]
Nancy Hamzawi: Que signifie pour vous la résilience mentale face aux changements climatiques? Quelles sont les expériences qui ont défini vos opinions? Sur ce, je demanderai à Patrick de répondre en premier.
Patrick Michell (Première Nation de Lytton): Merci. (S'exprime dans une langue autochtone.) Bonjour. Bon matin. Comme vous venez de l'apprendre, j'ai passé toute ma vie dans le canyon du Fraser. En 1988, j'ai commencé à remarquer des changements dans la terre et les ressources qui m'entourent; ma région a catégoriquement accepté que l'air, la terre et l'eau se réchauffent à l'échelle mondiale. Que ce soit (inaudible) ou d'origine naturelle, cela n'a guère d'importance. Ce réchauffement cause des événements météorologiques extrêmes de chaleur, de vent, de pluie et de froid qui déclenchent ensuite ce que j'appelle des événements climatiques prévus. Nous avons connu un épisode de dôme de chaleur, où; la ville de Lytton a enregistré une température de 56 degrés Celsius. Ensuite, ma ville a brûlé. L'année précédente, un (inaudible) en provenance du nord a balayé la ville au cours de l'été, rasant des maisons et projetant des choses et des trampolines à 500 mètres. En novembre 2021, c'est une rivière atmosphérique qui nous a touchés. Le fait qu'il existait un nom pour cet événement, le (inaudible) et la rivière atmosphérique, me porte à croire que nous sommes au courant du risque, et je tiens à insister sur ce mot, la « connaissance ». D'accord? En tant que membre des Premières Nations, l'éducation que j'ai reçue me permet de maintenir un équilibre entre le mental, l'émotionnel, le physique et le spirituel. Ainsi, les répercussions des changements climatiques et les événements causés par ceux-ci nous touchent tous à ces quatre niveaux. Nous mettons l'accent sur l'aspect mental. On peut traverser la tempête, pour ainsi dire, si l'on maintient un équilibre entre ces quatre niveaux. Après la rivière atmosphérique, nous avons reçu quatre pieds de neige et nous avons gelé. Je parle de chaleur, de vent, de pluie, de froid et de sécheresse extrêmes; tout. J'habite au point zéro; depuis trois ans. Voici la question que je vous pose : lorsqu'on parle de résilience intérieure, quelqu'un a dit que je devrais sourire. Je souris en permanence. Pourquoi? Vous voudrez peut-être chercher à le savoir. Je m'arrête ici, en disant simplement que j'habite au point zéro et que je vais bien.
Dr Daniel Rosenbaum (Réseau universitaire de santé, Inner City Health Associates of Toronto): Merci. Oui, je peux poursuivre. Je tiens aussi à dire que je suis heureux d'être ici. C'est merveilleux d'avoir cette conversation avec vous, Nancy, Katie et Patrick. Merci aux organisateurs et à tous les participants. Je m'adresse à vous en tant que fournisseur de soins en santé mentale, en tant que psychiatre et en tant que personne qui a réfléchi à ses propres réactions émotionnelles aux mêmes conditions auxquelles, selon moi, nous répondons tous, et qui a réfléchi à la détresse existentielle, si je puis l'appeler ainsi, que je cherche à comprendre. Alors, oui, je déclare cette position parce que je crois important de dire que c'est, entre autres, ce qui éclaire mon point de vue sur les émotions humaines et sur la façon de s'occuper des émotions et de la détresse. Je le dis aussi pour me donner la permission, je crois, de critiquer les façons dominantes dont les gens comme moi ou ceux de ma profession ont tendance à voir la détresse comme un signe de faiblesse. Comme vous le savez, la conversation que nous aurons aujourd'hui porte, selon moi, sur la résilience au niveau individuel. L'opinion dominante à l'égard des émotions dans notre culture et en psychiatrie, la profession que je représente ici, est en partie fondée sur la responsabilité individuelle de s'occuper des répercussions en aval de forces structurales, ou en amont, très puissantes. J'estime donc que nous parlerons de bien des choses très intéressantes et importantes sur l'individu et sur la résilience au niveau individuel. J'espère toutefois que nous aurons aussi la chance de parler des collectivités et des systèmes, et de ce que signifie la résilience à ces niveaux parce que ces forces qui déterminent cette action, qui atténuent la douleur, la colère et l'indignation sont les mêmes qui peuvent mener à la solidarité, au regroupement et à ces résultats plus prosociaux qui découlent de notre réponse à ces forces, d'une certaine façon.
J'aimerais aussi parler, pour lancer la conversation, tout simplement de la définition de la santé mentale que l'Organisation mondiale de la Santé présente parce qu'elle est à mon avis cruciale. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la santé mentale ne se définit pas seulement par l'absence de trouble mental; c'est un état de bien-être mental qui nous permet d'affronter les sources de stress de la vie, soit la partie qui traite de la résilience, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. Je le répète, lorsque nous parlons de détresse et de dysfonctionnement, nous ne parlons pas seulement de troubles mentaux. La santé a réellement à voir avec la capacité de s'épanouir. Je m'arrête ici et cède la parole à Katie.
Dre Katie Hayes (Santé Canada) : Merci beaucoup. Encore une fois, pour reprendre ce que Daniel, que je remercie aussi, a dit, je suis très reconnaissante de faire partie de ce panel et je suis vraiment heureuse d'être ici avec vous tous et de vous faire part de ces idées auxquelles je réfléchis depuis longtemps. Pour faire suite à ce que Patrick et Daniel ont mentionné, nous savons que les changements climatiques ont des répercussions très importantes sur les personnes, sur les populations et, de toute évidence, sur la santé de la planète. Et cela m'a grandement inquiétée. Lorsque j'ai commencé cette recherche, il y a environ dix ans de cela, je ne me sentais pas démolie, pour reprendre ce que Daniel a dit. Je me sentais seulement très consciente de ce qui se passait, j'avais très peur et j'étais très bouleversée. Je me demandais vraiment pourquoi il n'y avait pas, à ce moment-là, des tonnes de recherches sur les conséquences des changements climatiques sur la santé mentale, particulièrement dans le contexte canadien. Ce fut donc pour moi un moment important, où; j'ai compris que je ne pouvais pas être la seule, je savais que je n'étais pas la seule à me sentir ainsi. C'est ce qui m'a réellement poussée à comprendre le problème en profondeur. C'est ainsi que je composais avec ma propre détresse. J'aime faire des recherches approfondies. Je dois en savoir plus, je dois comprendre, je dois sentir que je ne suis pas seule dans cette épreuve et je dois aussi écrire à ce sujet. L'écriture est un processus très libérateur pour moi. C'est ce qui m'aide à comprendre le monde. C'est ainsi que bon nombre d'entre nous comprennent le monde, d'une certaine façon.
Ce fut pour moi le point de départ, ou le lancement, de mon périple pour mieux comprendre comment composer avec ma détresse personnelle et voir comment, en tant qu'individus, nous gérons cette écoanxiété que nous vivons. Je veux toutefois aussi savoir, comme Daniel l'a dit, ce que nous faisons à l'échelle de la population. Comment y remédions-nous? Nous savons que ces répercussions se font sentir de plus en plus souvent, et de façon plus intense et complexe, comme Patrick l'a dit à la lumière de ses expériences. Alors, que pouvons-nous faire? Quelles sont les stratégies qui aident vraiment les gens à avoir ce sentiment de résilience mentale? Selon moi, ces stratégies diffèrent pour chacun de nous. J'estime donc qu'il est important de reconnaître que nos expériences sont peut-être différentes et que chacun de nous voudra explorer différemment son sentiment de résilience. Certaines personnes voudront peut-être sonder en profondeur et explorer ces émotions très délicates et difficiles. D'autres, ou certaines, à des moments différents, voudront prendre une pause de lecture sur la science climatique. En tant que personne qui travaille sur les changements climatiques et la santé chaque jour, il peut devenir très difficile pour moi de lire continuellement les rapports, de voir les manchettes dans les médias, d'entendre ce que disent mes collègues et d'entendre ce que dit le public parce que j'en viens à me dire que c'est vraiment un immense problème et je suis frappée de constater à quel point il semble parfois impossible de le régler. C'est là que je fais le point. Je dois faire le point avec moi-même et je me pose les questions suivantes : « Est-ce le moment de faire un examen encore plus approfondi et de mener d'autres recherches? Sinon, que dois-je faire pour refaire le plein d'énergie? Où; vais-je trouver la force? Est-ce d'en parler dans ma collectivité? Est-ce d'obtenir un soutien professionnel? Est-ce de trouver la trousse d'outils dont j'ai besoin pour soutenir mon bien-être et de la créer de manière à ce que je sois bien pour continuer de faire ce travail? » Parce que nous savons que le fait de parler des changements climatiques et de travailler dans ce domaine peut aussi conduire à l'épuisement professionnel.
Je dois donc être très consciente du point où; j'en suis, faire le point avec moi-même et me rappeler les enseignements que j'ai tirés de la recherche. Je parle de l'importance du soutien par les pairs, de trouver ce sentiment d'appartenance à la communauté qui m'aidera, de trouver les façons qui m'aideront à sentir que j'ai une capacité d'agir ou un contrôle quelconque. Donc, quelles sont les activités d'atténuation des changements climatiques auxquelles je participe ou auxquelles j'aide mes proches à participer? De quelles façons puis-je soutenir la recherche à ce sujet? De quelles façons puis-je la présenter au public, soutenir la sensibilisation et avoir ce genre de conversations avec les gens? Question encore plus profonde : comment puis-je être mieux à l'écoute? À l'écoute des expériences variées, en particulier à l'écoute de ceux en premières lignes, qui doivent déjà composer avec des inégalités en matière de santé? Comment puis-je prendre le temps d'écouter et d'entendre les voix de ceux en premières lignes? J'arrête ici.
[14:20 La question suivante s'affiche à l'écran : « Qu'est-ce que nous ignorons sur les répercussions des changements climatiques sur la santé mentale? »]
Nancy Hamzawi : Qu'est-ce que nous ignorons sur les répercussions des changements climatiques sur la santé mentale? Y a-t-il des mesures actuelles et des orientations et constatations de recherches dont nous devrions vraiment être au courant? Katie, je vais vous demander de répondre en premier.
Dre Katie Hayes : Merci, Nancy. À mon avis, nous ignorons bien des choses. Malheureusement, dans le tableau plus large, lorsque nous parlons de recherche en santé mentale, et je ne pense même pas aux changements climatiques, mais bien à la santé mentale, nous savons que, dans bien des cas, la recherche est insuffisante et sous-financée, particulièrement celle sur le lien entre les changements climatiques et la santé mentale, tellement sous-financée depuis bien longtemps. À ce sujet, cependant, on a constaté, depuis les cinq dernières années environ, je dirais, une explosion dans ce domaine d'étude, ce qui est merveilleux à mon avis. Je crois qu'il reste beaucoup de recherches à faire sur les premières lignes avec les personnes qui ont une expérience vécue, particulièrement les Autochtones, les enfants et les jeunes, les personnes ayant une condition préexistante et les personnes qui travaillent à l'extérieur. En effet, nous savons que cette situation inquiète grandement les personnes qui travaillent à l'extérieur, dont les moyens de subsistance sont liés au climat, et qu'elle a des répercussions socio-économiques, ainsi que des répercussions sur leur collectivité, leur santé mentale, et la santé mentale et le bien-être de leur famille. Les mesures que nous prenons concrètement en réponse sont un autre domaine particulier qui représente, à mon avis, un point de mire important en matière de recherche. Nous devons avoir davantage de renseignements fondés sur des données probantes sur les stratégies efficaces pour renforcer la résilience mentale dans un climat qui évolue. Nous comprenons certains des différents types de soutiens qui sont très précieux. Notons le soutien entre pairs, les cafés sur le climat, la participation à l'activisme climatique et, bien entendu, la consultation de professionnels de la santé.
Je crois toutefois qu'il y a un rôle très important à jouer, et c'est de se pencher sur les mesures d'adaptation efficaces fondées sur des données probantes. Encore une fois, il faut vraiment se concentrer sur ceux qui sont en premières lignes. C'est impératif à mon avis. Ces recherches devraient être dirigées et très éclairées par ceux qui sont en premières lignes. Je crois aussi que nous verrons beaucoup de recherches être présentées sur les enfants et les jeunes; cependant, il y a toujours plus à faire à cet égard parce que ce sont souvent les jeunes qui contribuent le moins au problème des changements climatiques. Ils sont très touchés. Au cours de leur brève existence, ils ont déjà vécu beaucoup d'événements liés au climat, ce qui a une incidence directe sur leur avenir, ainsi que sur leur sens de l'avenir et leur bien-être général. On trouve d'excellentes recherches, dont une recherche canadienne dirigée par les Dres Ellen Field et Lindsey Galloway, portant sur un sondage mené auprès de jeunes Canadiens âgés de 16 à 25 ans, et leurs constats sont, en toute honnêteté, effrayants. Parmi les répondants, 38 % ont indiqué que les changements climatiques ont une incidence sur leurs moyens de subsistance quotidiens, tandis que 78 % ont indiqué que les changements climatiques ont une incidence sur leur santé mentale. C'est immense. Nous devons vraiment nous concentrer sur ce domaine. Nous savons que les enfants et les jeunes composent déjà avec toute une gamme de sources de stress pour la santé mentale, y compris les changements climatiques.
À mon avis, nous devons aussi réellement chercher, encore une fois, à obtenir plus de données probantes, plus d'information et faire plus de recherche sur la migration climatique et le déplacement climatique, particulièrement dans le contexte canadien. Nous sommes au courant des répercussions de la fumée des incendies de forêt et des inondations, entre autres et souvent, des collectivités déplacées le sont encore à maintes reprises par la suite. Cela a une incidence très importante sur le bien-être mental de la collectivité et c'est une nécessité à l'échelle mondiale aussi, parce que les changements climatiques se produisent partout et que des déplacements auront lieu partout. Ce sont donc les principaux secteurs de recherches auxquels je m'intéresse vivement. Je suis ravie de constater l'infusion, des changements climatiques et de la santé mentale, ainsi que l'intérêt qu'on leur porte et l'accent qu'on met sur eux. Cependant, il faut de toute évidence mener beaucoup plus de recherches.
Dr Daniel Rosenbaum : Parmi mes rôles cliniques, on trouve celui de psychiatre communautaire auprès de schizophrènes. Ce travail comprend des visites à domicile d'une équipe multidisciplinaire. Je vis et travaille à Toronto, soit dans un milieu urbain. Beaucoup de mes patients vivent dans une pauvreté extrême. Lors de l'épisode du dôme de chaleur en 2021, le même que celui dont Patrick a parlé et qui a touché sa communauté, des recherches épidémiologiques menées en Colombie-Britannique ont montré que, pendant cet événement, les personnes souffrant de schizophrénie affichaient le risque de décès le plus élevé en ce qui concerne les facteurs de risques liés à une maladie. Ainsi, les personnes souffrant de schizophrénie affichaient un risque de décès plus élevés que les personnes ayant une maladie cardiovasculaire, une maladie respiratoire et une maladie rénale chronique. Ce constat est vraiment frappant. Pour une personne comme moi, et pour Katie aussi, je crois, en tant que chercheur, je me demande pourquoi la schizophrénie rend les gens plus à risque. En fait, il s'avère que les personnes souffrant de schizophrénie sont plus susceptibles d'être touchées par l'effet d'îlot de chaleur urbain, où; les personnes sans-abri, qui ne sont protégées par aucun couvert végétal et qui vivent dans ces genres d'environnement de béton ne peuvent échapper à la chaleur, surtout la nuit. Cela fait réellement ressortir le risque de maladie et de décès attribuable à la chaleur et toutes sortes d'autres facteurs de risques et vulnérabilités croisés. Donc, en ce qui concerne ce que nous savons, grâce à un vaste ensemble de travaux connexes allant jusqu'à d'autres genres de maladies mentales, la pandémie de COVID-19 nous a montré qu'il faut aussi mettre à profit toutes ces analyses sur les vulnérabilités croisées pour trouver une réponse à la question des maladies causées par le climat et à l'écoanxiété.
[20:13 La question suivante s'affiche à l'écran : « Comment devons-nous nous adapter pour devenir résilients face à cette autre répercussion des changements climatiques? »]
Nancy Hamzawi : Comment devons-nous nous adapter pour devenir résilients face à cette autre répercussion des changements climatiques?
Patrick Michell: D'accord, c'est important, et je vais insister sur ce point : l'une des principales lacunes, et on l'entend souvent dans les nouvelles et partout ailleurs, c'est que nous avons besoin de leadership pour gérer les changements climatiques. En 1988, lorsque les scientifiques du monde ont dit que des choses pas très bien se passaient, je n'y ai pas porté attention. Cependant, quand une jeune fille de 12 ans a parlé, à Rio, je l'ai écoutée. Lorsque Severn Suzuki avait 12 ans, elle s'est rendue à Rio en 1992 et a dit sans équivoque que les changements climatiques étaient réels et que nous devions nous préparer à y faire face. Dans une communauté autochtone, les commentaires de toutes les voix, celles des plus âgés aux plus jeunes, sont valorisés. Donc, quand un enfant parle, nous écoutons. Et quand on se penche sur l'histoire de Kanaka Bar, depuis 1992, nous avons mis en place un processus pour rétablir les fondements physiologiques, c'est-à-dire l'air, l'eau, la nourriture et un abri. Je ne peux pas faire grand-chose en ce qui concerne l'air, mais je peux préparer mon infrastructure, les factures, ma vie et mon style de vie en prévision de la contamination et des changements de température. L'eau? Un jeu d'enfant. Nous avons installé des réservoirs et séparé l'eau potable de l'eau non potable. La nourriture? Nous produisons notre viande et nous cultivons nos fruits et légumes en quantité suffisante pour le marché, ce qui nous donne une économie. Un abri? Nous avons cessé de construire des maisons qui brûlent. En ce qui concerne les inondations? Croyez-moi : après 10 000 ans, nous avons appris à ne pas construire dans une plaine inondable. Si vous habitez dans une zone inondable, je suis désolé, mais vous ne pouvez pas invoquer la règle du caveat emptor (que l'acheteur prenne garde). Je ne voudrais pas être à votre place la prochaine fois qu'une rivière atmosphérique frappera. Mais, le fait est que la connaissance nous a permis, en 30 ans, de bâtir des fondements physiologiques. Bon nombre de mes présentations contiennent une référence à une émission de la CBC/Radio-Canada, intitulée Handwired to Adapt. En fait, nous devrions financer davantage CBC/Radio-Canada. Je ne dis pas qu'il faut éliminer le financement versé à cette société : il faut lui donner plus d'argent. L'adaptation est inscrite dans les gènes des êtres humains. Dans le livre que j'ai présenté plus tôt, on peut lire que nous avons eu du temps pour faire la transition, pour nous adapter.
[22:24 Le titre du livre s'affiche à l'écran : « Climate Change and the Health of Nations » par Anthony J. McMichael]
À l'heure actuelle, les gens ne comprennent pas que nous ayons encore du temps pour faire la transition et nous adapter, mais ce temps est comprimé, et c'est là d'où; provient le stress.
[22:38 Les questions suivantes s'affichent à l'écran : « Quels sont les facteurs déterminants qui jouent un rôle dans les résultats en matière santé mentale face aux changements climatiques? » et « Quel rôle les gens peuvent-ils jouer pour s'entraider? »]
Nancy Hamzawi : Quels sont les facteurs déterminants qui jouent un rôle dans les résultats en matière santé mentale face aux changements climatiques et quel rôle les gens peuvent-ils jouer pour s'entraider?
Dre Katie Hayes : Un sentiment d'appartenance à la communauté et au capital social, nos sentiments d'appartenance et de capital social, ou nos réseaux, sont ressortis à de nombreuses reprises comme des facteurs qui soutiennent véritablement un sentiment de résilience. Dans la littérature, on a également constaté qu'ils étaient plus importants que l'aide économique au rétablissement après une catastrophe. De toute évidence, nous avons besoin de cette aide, mais cela ne fait que prouver l'importance de la communauté, ou du regroupement. Selon moi, d'un point de vue individuel, comme je l'ai mentionné plus tôt, on trouve d'excellentes recherches sur le rôle des réseaux de pairs et sur la recherche de groupes pertinents et appropriés sur le plan culturel, et qui vous font sentir que vous pouvez vous exprimer librement, que vous vous sentez chez vous au sein d'une communauté et que cela vous permet d'explorer ces émotions difficiles, de les exprimer et de chercher à les comprendre. Je vais faire de la publicité pour l'un de mes livres favoris, intitulés « Act of Hope », de Joanna Macy et Chris Johnstone. Il s'agit réellement, dans bien des cas, de ce qui réunit beaucoup de gens dans les cafés sur le climat; c'est une ressource entre pairs, qui nous permet de discuter des émotions profondes liées au climat et peut-être de travailler ensemble à l'élaboration de solutions. Ce livre est une ressource essentielle à ces discussions.
Parmi les autres facteurs qui influencent grandement la résilience en matière de santé mentale, notons la façon dont nous parlons des changements climatiques et de son incidence sur notre santé mentale et notre bien-être. Nous lisons souvent des articles dans les médias et des ouvrages scientifiques, et si nous sommes déjà au courant du problème et alarmés par celui-ci, bon nombre de ces messages ne font qu'exacerber l'anxiété et la détresse. Je crois donc qu'il est très important, lorsque nous parlons du problème des changements climatiques, de songer aussi aux façons de gérer ou de protéger la santé de la population. À mon avis, c'est un élément très important de la communication. L'accès aux soins est un élément essentiel au soutien de la santé mentale et de la résilience. Ce qui est aussi très important, c'est de savoir de quels soins nous avons besoin et de veiller à ce que les gens y aient accès, et à ce que ces soins soient adaptés et favorables à la culture. Il faut aussi former davantage les fournisseurs de soins de santé en soins de santé mentale afin qu'ils comprennent l'incidence des changements climatiques sur la santé mentale. En toute honnêteté, l'un des facteurs les plus déterminants pour régler ce problème, c'est notre collaboration entre tous, à l'échelle des secteurs, des disciplines, de la société et du monde. Aucune personne ne le réglera seule. Comme Daniel l'a mentionné, nous avons réellement besoin d'éléments structurels. Nous devons réellement comprendre comment nous pouvons collaborer afin de régler ces problèmes complexes, ces problèmes fondamentaux qui font des répercussions des changements climatiques sur la santé mentale une question difficile et unique, pour commencer à élaborer des mesures d'adaptation et d'atténuation qui appuieront réellement la santé mentale et le bien-être. Merci.
Nancy Hamzawi : Merci, Katie. J'ai bien d'autres questions à poser, mais le public en a aussi posé plusieurs. Je poserai donc une dernière question avant de passer aux questions du public. Je me sens obligée, Daniel, pour boucler la boucle, de vous demander quel est votre livre préféré, mais j'aimerais aussi vous demander, à cet égard, quel rôle joue la littératie climatique dans la résilience en matière de santé mentale face aux changements climatiques.
[26:17 La question suivante s'affiche à l'écran : « Quel rôle joue la littératie climatique dans la résilience en matière de santé mentale face aux changements climatiques »]
Dr Daniel Rosenbaum : D'accord. Merci. Je vous remercie de ces deux questions. En fait, je croyais être la première personne à faire référence à Joanna Macy dans cette téléconférence. Katie m'a devancé, d'accord, mais je recommande fortement un autre livre de cette auteure , intitulé « World as Lover, World as Self ». Il a été publié à l'origine en 1991, mais il vient de faire l'objet d'une réédition. L'autre livre dont Katie a parlé, « Active Hope », est une excellente ressource pour les fonctionnaires. Il s'adresse au grand public et comprend des activités. Je crois qu'il s'agirait d'un excellent ouvrage à examiner ensemble dans un groupe de lecture ou autre, pour renforcer notre résilience, ce qui se fait mieux en groupe. En ce qui concerne « World as Lover, World as Self », Mme Macy est, devrais-je dire, une théoricienne des systèmes, une philosophe bouddhiste et une activiste environnementaliste, qui consacre le premier tiers de son ouvrage à exposer sa compréhension de la philosophie bouddhiste en ce qui a trait à l'interdépendance radicale et au sentiment de responsabilité qui découle de la reconnaissance de cette interdépendance entre nous et entre tous les êtres vivants. En outre, ce que j'aime beaucoup dans le travail de Mme Macy, c'est l'accent qu'elle met sur les émotions. J'en viens maintenant à votre question sur la littératie climatique par ce que, comme on l'a déjà mentionné, à certains égards, la littératie climatique peut être, en toute honnêteté, un facteur de risque de la détresse accrue que nous voyons en ce moment. Dans une certaine mesure, ce n'est pas que nous n'avons pas suffisamment d'information et ce n'est pas que nous n'avons pas la capacité d'interpréter l'information. En fait, cette détresse accrue est entièrement attribuable à la façon dont nous recevons cette information et à notre impression de décalage entre ce que nous entendons et ce qui est fait pour y remédier.
À mon avis, à l'inverse de la littératie climatique, on trouve la littératie émotionnelle. À mon avis, la formulation de Mme Macy est très utile parce que pour elle, et selon la psychologie bouddhiste, il s'agit d'ouvrir nos cœurs et d'accepter d'être bouleversés par la souffrance, ce qui constitue en fait un signe de force et est reconnu comme tel. Pour exprimer la douleur, la tristesse, le désespoir, la colère, la rage et la gamme d'émotions qui peuvent surgir, elle utilise l'expression « souffrance pour le monde ». Selon ce qu'elle suggère, cette souffrance pour le monde est une réponse tout à fait normale, voire saine, à un monde qui vit des traumatismes. Lorsque nous répondons à ces situations en ayant l'impression qu'il se passe quelque chose, nous montrons en fait que notre système émotionnel fonctionne bien. Ainsi, selon ce qu'elle avance, nous devons nous donner la permission, à nous-mêmes et entre nous, de ressentir. On trouve dans cette formulation un acte radical, parce que la culture dominante nous dit de ne rien ressentir et particulièrement de ne pas exprimer de tristesse. Elle soutient qu'un changement peut survenir lorsque nous ressentons les choses. Paradoxalement, lorsque nous avançons, nous permettons à cette conscience de s'enfoncer plus profondément et elle peut circuler en nous et nous libérer d'un poids. Et le fait d'être libérés d'un poids nous permet d'avoir un regard neuf sur les choses et de voir de nouveau avec clarté, ce qui nous donne un sentiment d'engagement renouvelé à agir avec les autres au service de ce que nous aimons et avons à cœur. Lorsque nous le faisons, nous nous ouvrons contre la douleur, car la douleur est une expression d'amour. Et lorsque nous agissons et constatons ces pertes qui transpirent autour de nous, lorsque nous entendons les nouvelles en provenance de régions éloignées du monde sur les régions côtières inondées, les réfugiés climatiques et ainsi de suite, nous éprouvons effectivement de la douleur. Encore une fois, selon la formulation de Mme Macy, c'est une spirale. Elle dit qu'il s'agit du travail qui relie la spirale du travail qui relie. Nous sommes remplis de gratitude pour le monde, pour ce que nous aimons. Cette gratitude conduit souvent à de la douleur pour le monde en réponse à des situations et à des nouvelles douloureuses. Nous sentons que nous honorons la douleur pour le monde et lorsque nous le faisons, nous parvenons à avoir un regard neuf. Nous faisons surface. Le poids disparaît. Ensuite, nous agissons, nous agissons avec d'autres, et ainsi de suite. Donc, oui, finalement, je cosigne le travail de Joanna Macy. Je m'arrêterai ici parce que je me suis égaré même si vous aviez posé une question, Nancy.
Nancy Hamzawi : Non, c'était fantastique. Merci. Merci beaucoup.
[31:27 La question suivante s'affiche à l'écran : « Avez-vous des idées ou des conseils à donner sur la façon de rester réalistes et informés dans notre contexte environnemental? »]
Nancy Hamzawi : Avez-vous des idées ou des conseils à donner sur la façon de rester réalistes et informés dans notre contexte environnemental? Autrement dit, je veux me protéger et épargner ma santé mentale, mais je ne veux pas vivre dans la noirceur non plus et ignorer les nouvelles sur l'environnement et le climat. Je demanderai à Patrick de répondre en premier et aux autres d'en ajouter s'ils le souhaitent.
Patrick Michell: Merci beaucoup au membre du public qui a posé cette question. Je vous garantis que je ne vis pas dans un vide. En fait, je ne m'impose pas non plus de limite. Quand je dis en blaguant que je n'ai pas lu la stratégie d'adaptation nationale, je n'ai pas lu non plus les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ils versent de bons salaires à ces gens pour rédiger de tels rapports. Je comprends le risque, je comprends la probabilité, je comprends les conséquences, je comprends la fréquence, je comprends la durée, je comprends l'intensité et je comprends les solutions. Je ne vous demande pas de ne choisir que ce qui vous convient. Ne vivez pas dans un vide. Trouvez cette communauté; trouvez votre raison. Elle existe. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Je vais le répéter. Ne restez pas assis sur votre derrière. L'apathie n'est pas une émotion. J'ignore ce qu'est l'apathie, mais ce n'est pas une émotion à mon avis. Vous avez une responsabilité positive envers vous et envers les personnes d'une communauté d'être informés, mais aussi de trouver des solutions, et c'est ce qui importe le plus. Comme je l'ai déjà dit, l'espoir naît de l'action. Peu m'importe ce que cela peut être. Je ne fais pas le suivi, par exemple, de la participation aux élections. Nous aurons une élection fédérale bientôt, et une élection provinciale, et si j'apprends que la participation a atteint un creux record, prenez garde, Canadiens, parce que je serai très en colère. Vous avez un pouvoir. Nous composons avec des morts par milliers. Cessez de dénigrer le pouvoir incroyable d'une seule personne. Mais un plus un font deux. Deux plus deux font quatre. Ou est-ce que cela fait cinq? Cela signifie que lorsque nous commençons à mettre nos ressources en commun, nous créons une synergie, d'accord? Je veux que vous trouviez ce réseau social, ce réseau sécuritaire, peu importe où; il est, peut-être à Starbucks, peu importe. Je n'ai pas les moyens d'aller chez Starbucks. De toute façon, le café qu'on y vend est trop caféiné. Entretemps, j'ai déjà bu quatre tasses. Ne vivez pas dans un vide. Choisissez ce sur quoi vous voulez vous concentrer, sans cela vous vous trouverez dépassés. Ne soyez pas dépassés. Et donnez-vous une chance : je le dirai en latin, puisque tout le monde connaît le latin aujourd'hui : « Fiat justitia ruat caelum » (que justice soit faite, même si le ciel doit s'écrouler). C'est ce que j'avais à dire.
[34:17 La définition de la phrase en latin s'affiche à l'écran : « Que justice soit faite, même si le ciel doit s'écrouler »]
Nancy Hamzawi : Comment pouvons-nous mieux soutenir les fonctionnaires pendant la crise liée aux changements climatiques? On donne ici l'exemple d'une évaluation. Katie, je vais commencer par vous.
[34:23 La question suivante s'affiche à l'écran : « Comment pouvons-nous mieux soutenir les fonctionnaires pendant la crise liée aux changements climatiques? »]
Dre Katie Hayes : Oui, je crois que nous composons tous de plus en plus avec ce genre de chose. Et lorsque ce n'est pas une crise climatique, c'est épineux, n'est-ce pas, c'est un défi. Nous constatons souvent les répercussions des incendies de forêt et ce qu'on nous dit, c'est que la saison commence plus tôt et que nous devons nous préparer à ce genre de choses. Je crois que c'est super d'être informé de ces risques accrus, mais, comme je l'ai mentionné, comment soutenons-nous la santé mentale et le bien-être à mesure que nous vivons ces situations, que nous en savons plus sur ces risques imminents, pendant et bien après ces événements, parce que nos réponses mentales et émotionnelles ne suivent pas un calendrier précis qui nous indique à quel moment nous les vivrons, n'est-ce pas? Le fait de penser à la saison des incendies de forêt pourrait susciter une anxiété considérable et c'est ce qui se passe déjà, c'est ce qui s'est passé l'année dernière. Nous pouvons aussi subir des répercussions à long terme sur notre santé mentale après avoir été exposés à un événement ou l'avoir vécu. Lorsqu'on examine la pyramide des besoins de Maslow, une fois que la sécurité et la sûreté ont été atteintes, nous commençons souvent à voir un grand nombre de besoins en santé mentale faire surface. Dans le cadre de ma recherche à High River, j'ai examiné la situation cinq ans après l'inondation et il demeurait d'importants besoins en santé mentale dans cette communauté. Je crois qu'il s'agit d'avoir cette occasion constante de garantie que nous communiquons sur les répercussions liées à la santé mentale et sur les ressources à cet égard. En tant que fonctionnaires, nous recevons souvent les courriels envoyés lorsqu'il existe une grave menace pour la santé ou un conflit dans le monde. Les gens voudront peut-être communiquer avec le programme d'aide aux employés. À mon avis, nous devons faire la même chose lorsque ces risques climatiques sont présents, particulièrement lorsque nous composons avec des évaluations, les familles et les moyens de subsistance de ces personnes, et que nous voyons tout cela dans les nouvelles. C'est très bouleversant. Il faut donc s'assurer que les gens savent quelles sont les ressources qu'offre le gouvernement du Canada et il faut aussi avoir ces conversations et savoir que ces ressources n'aideront pas chaque personne de la même façon. Il s'agit vraiment de donner cette occasion. Encore une fois, je ne parlerai jamais assez de l'importance de trouver une oreille vraiment attentive, que ce soit dans votre communauté ou dans votre famille, afin d'avoir ces grandes conversations. Merci.
[36:47 La question suivante s'affiche à l'écran : « Quelles mesures puis-je prendre lorsque je me sens dépassé à cause des changements climatiques? »]
Nancy Hamzawi : « Quelles mesures puis-je prendre lorsque je me sens dépassé à cause des changements climatiques? Que dois-je faire pour guérir? » Allez-y, Daniel. Vous semblez prêt à répondre.
Dr Daniel Rosenbaum : (Rires) Oui, bien sûr. Je tenterai de ne pas trop me répéter, espérons-le. À mon avis, il est important de dire que ce que chaque personne fait est très personnel. Pensons, par exemple, aux ressources qui vous entourent et auxquelles vous accédez habituellement lorsque vous en avez besoin, lorsque vous avez un besoin émotionnel ou un spirituel, entre autres. Je dirai que l'une des choses que nous ne faisons peut-être pas toujours est de respecter ce sentiment de dépassement, de le permettre, de l'accompagner, de s'asseoir avec lui, d'être curieux envers lui et, au cours de ce processus, de remarquer où; cela peut nous mener. Habituellement, les émotions sont évolutivement enracinées de la même façon que la douleur. La douleur est un signal d'avertissement de danger, comme l'anxiété. Nous pouvons accéder à nos sentiments et ils peuvent nous enseigner des choses si nous arrivons à les tolérer. Ce sentiment d'être dépassé, peu importe ce qu'il peut vouloir dire ou comment il est vécu, donne à penser, selon moi, que vous êtes une personne aimante et vivante, sensible à l'environnement et consciente de ce qui se passe et d'où; cela peut vous mener en ce qui concerne votre travail dans le monde. Je suppose que si vous participez à l'événement d'aujourd'hui et que vous travaillez pour la fonction publique, vous voulez aider à régler ces problèmes immenses. Encore une fois, il est essentiel, pour guérir, d'agir à partir de cette partie du cœur où; sont ancrées les émotions. Pour moi, la guérison évoque la restauration et la régénération. Je pense qu'il y a un courant que l'un suit dans les cercles de crises de santé mentale liées au climat qui donne à penser que l'activisme est l'antidote à l'écoanxiété. À certains égards, cela ressemble à ce que j'ai dit, à savoir qu'il est important d'agir et de participer. En fait, les genres d'actions qui sont bonnes pour l'environnement sont souvent aussi bonnes pour notre santé mentale. Lorsque nous allons planter des arbres dans notre communauté, par exemple, l'exposition à la nature, l'interdépendance avec la nature, est bonne pour notre santé mentale. Le fait d'accomplir ces gestes avec d'autres est aussi bon pour notre santé mentale. Il ne s'agit pas simplement de l'action. Je pense que le travail émotionnel et l'action ne sont pas mutuellement exclusifs. En fait, je crois qu'ils se soutiennent l'un l'autre et que l'un est nécessaire à l'autre. J'espère que je ne me suis pas trop écarté. J'aimerais bien entendre Katie et Patrick parler des pratiques personnelles qu'ils utilisent lorsqu'ils se sentent dépassés. Katie, vous avez parlé, je crois, d'une certaine tendance intellectuelle. Lire, comprendre, éplucher la littérature. Encore une fois, ces pratiques sont propres à chacun. J'aimerais bien savoir quelle est votre approche.
Dre Katie Hayes : Très rapidement, je sais que nous approchons de la fin, mais je tenais à dire, dans le même ordre d'idée que vous, Daniel, que nous vivons dans une société où; nous croyons souvent que l'action et la production nous permettront d'atteindre un objectif final. Parfois, la chose la plus difficile à faire, comme vous l'avez dit en citant le travail de Joanna Macy, c'est de s'asseoir avec ces émotions difficiles. J'ai tendance à le faire, mais parce que j'évite de chercher à gérer en profondeur les émotions et à m'asseoir avec elles, ce qui est la chose la plus difficile à faire selon moi. Je sais toutefois que c'est ce qui pourrait peut-être m'aider le plus. C'est ma réflexion. Merci.
[41:08 La question suivante s'affiche à l'écran : « Comment aider une autre personne qui éprouve des problèmes de santé mentale à cause des changements climatiques? »]
Nancy Hamzawi : Comment aider une autre personne qui éprouve des problèmes de santé mentale à cause des changements climatiques. Il s'agit donc de la guérison et de l'aide à d'autres personnes.
Patrick Michell: J'ignore si je le peux, mais je crois (inaudible) avoir utilisé l'analogie de l'avion. À mon avis, l'élément le plus important de cette question, c'est que lorsqu'une personne me dit qu'elle se sent dépassée, je comprends qu'elle est consciente d'elle-même et c'est 99 % de la bataille. Si vous l'ignorez, comment allez-vous trouver une solution? Je ne peux pas vous dire que l'on guérit du sentiment de dépassement, mais je peux vous dire quoi faire ou du moins ce que je fais. Lorsque je me sens ainsi, et personne n'en est à l'abri, je me dis « Oh, c'est une bonne. Je devrais rester au lit. Ou je ne devrais pas aller au bureau. » Ou encore « Je ne devrais pas répondre à l'appel de l'agence de recouvrement de la compagnie de carte de crédit ». Je reconnais ensuite ce sentiment, je commence à rire, je prends une tasse de café et je me dis « Cela va passer. Prends une pioche, peu importe sa grosseur, et réduis-le petit à petit ». Lorsqu'on se sent dépassé, cela signifie que l'on ne peut plus en prendre. Il faut toujours faire des petits pas. Il y a toujours une voie à suivre à partir de n'importe quelle chose. L'une des choses que j'aime le plus faire, c'est d'écouter : m'écouter moi-même, mais aussi le vent dans les arbres, l'eau qui coule et les abeilles qui bourdonnent, et regarder ce spectacle se dérouler. Je peux mettre une heure à faire le tour d'un pâté de maisons parce que je suis si conscient de l'environnement qui m'entoure et vivant dans celui-ci. J'ai aussi entrepris de ne pas me désensibiliser du monde. C'est important. J'éprouve de l'empathie et de la compassion, et il peut m'arriver d'être dépassé par mon amour. Je ne suis pas un sauveur, quoique les gens m'appellent JCP depuis des années. Jésus-Christ Patrick, franchement. Quoiqu'il en soit, je ne suis pas un sauveur. Je voulais seulement reconnaître mes sentiments, remercier le créateur et exprimer ma gratitude. Soyez alerte; ne le laissez pas vous empêcher de fonctionner. Lorsque c'est le cas, trouvez ces solutions simples, trouvez votre communauté et trouvez votre réseau social. Rappelez-vous ce dont j'ai parlé tout à l'heure en ce qui concerne la fonction publique : regardez à gauche, regardez à droite. Ce sont vos frères et sœurs. Comment vas-tu? Établissez un contact visuel.
Je peux dire que les gens savent reconnaître la sincérité, mais aussi les foutaises quand ils les entendent. Si vous vous préoccupez vraiment de vos frères et sœurs, ils le sauront. Si vous ne faites que dire des paroles en l'air, je n'en veux pas. Ce que je veux, dans ce monde, c'est de savoir que je ne suis pas seul à vivre cette crise existentielle globale collective et qu'il y a d'autres personnes comme moi.
Nancy Hamzawi : Merci énormément à vous tous. Patrick, Daniel et Katie, quelle conversation merveilleuse. Vous nous avez donné beaucoup de commentaires géniaux et partagé avec nous votre sagesse aujourd'hui. Je suis certaine qu'il y aura des conversations fantastiques autour de tables à dîner de partout dans le pays. Vous nous avez fait passer de main de maître du point zéro à un niveau de santé de la population. En mon nom et en celui de l'équipe organisatrice à Environnement et Changement climatique Canada et de l'École de la fonction publique du Canada, merci beaucoup d'avoir participé à cette importante conversation. Je remercie ceux d'entre vous qui ont participé à l'événement d'aujourd'hui et vous souhaite une excellente fin de journée. Prenez soin de vous.
[44:44 Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran.]
[45:00-45:10 Le logo du gouvernement du Canada s'affiche à l'écran.]