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Transcription : Série Café virtuel de l'EFPC : Les médias au Canada, avec Althia Raj et Isabelle Mondou
[00:00:01 Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran à côté du texte « Série Café virtuel de l'EFPC ».]
[00:00:06 L'écran passe à Vanessa Vermette dans un panneau de conversation vidéo.]
Vanessa Vermette : Alors bonjour et bienvenue à cette séance de la Série Café virtuel au cours de laquelle les personnes très intéressantes font part de leurs idées et de leurs points de vue sur une gamme de sujets économiques, sociaux et technologiques. Je m'appelle Vanessa Vermette, je suis vice-présidente de la Direction générale de l'innovation et du perfectionnement des compétences, ici à l'École de la fonction publique du Canada. Je suis très heureuse d'animer votre séance d'aujourd'hui, on va discuter ensemble du paysage médiatique au Canada.
Avant de commencer, cependant, j'aimerais souligner que je me joins à vous depuis Ottawa, qui est territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin et des Anishinabe. Nous vivons et travaillons toutes et tous dans différents endroits partout au Canada, et tout en participant virtuellement à cet événement, on reconnaît qu'on réside actuellement dans différents territoires autochtones traditionnels. Donc, je vous encourage à prendre un moment pour réfléchir au territoire autochtone traditionnel sur lequel vous vous trouvez aujourd'hui.
Alors maintenant, on passe au sujet du jour. Au cours des dernières décennies, les médias et le journalisme au Canada ont subi d'énormes changements qui ont complètement changé la façon dont l'information est transmise aux citoyens et consommée par eux. Comme la consommation des médias numériques augmente, les grands médias traditionnels doivent repenser leur modèle économique et leurs pratiques journalistiques afin de rivaliser avec les petits médias indépendants pour attirer l'attention du public.
Même si les Canadiennes et les Canadiens n'ont jamais eu autant d'options pour trouver de l'information, le paysage médiatique devient de plus en plus encombré et il semble que cette situation a un effet perturbateur sur la capacité des gouvernements et d'autres institutions à transmettre des messages cohérents à la population. De plus, notre discours public semble de plus en plus fragmenté, renforcé par les chambres d'échos qui sont créées lorsque nous continuons à nous appuyer sur les mêmes sources d'information qui peuvent simplement renforcer nos points de vue étroits plutôt de nous inciter à en prendre d'autres en considération.
Alors, qu'est-ce que tout ça signifie pour notre identité collective ici au Canada ? Comment les organes de presse et les journalistes réagissent à ces transformations ? Comment est-ce que le gouvernement devrait réagir pour que le journalisme au Canada reste dynamique ? Aujourd'hui, on va le découvrir. J'ai le grand plaisir de vous présenter deux conférencières invitées, Althia Raj et Isabelle Mondou.
[00:02:34 Isabelle Mondou et Althia Raj apparaissent dans des panneaux de discussion vidéo séparés.]
Althia est une journaliste, auteure et conférencière primée, accomplie, qui travaille actuellement comme chroniqueuse nationale au Toronto Star. Elle est l'animatrice et productrice du balado It's Political du Star, panéliste habituelle de l'émission Power & Politics du réseau CBC News, et membre du panel At Issue de CBC. Elle a été directrice éditoriale principale du HuffPost Canada, et cheffe du bureau d'Ottawa. De plus, elle est une journaliste plusieurs fois primée, classée parmi les 100 personnes les plus influentes de la politique canadienne. Althia, bienvenue.
Notre deuxième conférencière est Isabelle Mondou, sous-ministre du Patrimoine canadien. Madame Mondou a été nommé à ce poste en mai 2021, après avoir occupé le poste de sous-ministre déléguée à Patrimoine et, pendant un an, le poste de sous-ministre du Bureau du Conseil privé chargée de la réponse à la COVID-19 au plus fort de la pandémie. Auparavant, elle a été secrétaire adjointe du Cabinet, Priorités et planification, conseillère juridique du greffier du Conseil privé et secrétaire adjointe du Comité du Cabinet pour la réforme démocratique. Elle a une vue directe sur l'importance du rôle des médias sur le gouvernement et ses citoyens, et nous sommes extrêmement reconnaissants d'avoir son point de vue sur ce sujet de premier plan.
C'est un immense plaisir de vous accueillir toutes les deux. Alors je vais commencer avec toi, Isabelle, pour te donner quelques minutes pour donner un aperçu de ton point de vue d'où tu vois… comment tu vois les choses d'aujourd'hui. Vas-y.
Isabelle Mondou : Merci infiniment. D'abord, je dois dire que je suis très heureuse d'être sur le panel avec Althia parce que on a le privilège de collègues qui sont en ligne d'avoir quelqu'un qui non seulement parle des enjeux dont on va discuter, mais qui les vit au quotidien. Donc c'est vraiment un privilège pour moi d'être là, même si ça demande beaucoup d'humilité, d'être sur un panel avec quelqu'un dont c'est le métier d'être sur des panels, alors je vais prendre ça en compte dans mes interventions.
Bien écoutez, c'est un métier, c'est un sujet qui nous touche tous, et en fait, c'est peut-être un des sujets qui, même si vous ne travaillez pas dans le secteur, influence votre vie de tous les jours, votre vie d'individu, évidemment, mais votre vie aussi de fonctionnaire. Alors je vais, je vais faire un peu le tour des statistiques, parce qu'évidemment les fonctionnaires, on aime bien passer sur des statistiques.
Mais vous avez tous lu sur la situation des journaux, évidemment, les plateformes, entre autres, ont changé beaucoup le paysage audiovisuel et à cause de ça, ça a changé les sources de revenus pour les journaux. Où dans le passé, évidemment, la publicité était la source de revenus principale, et c'est encore une source de revenus importante, mais le déplacement de la publicité vers les plateformes a fait, en réalité, que les journaux qu'on appelle traditionnels ont dû diversifier leurs sources de revenus et parfois, on doit se le dire, peinent à trouver des sources de revenus différentes.
Alors si on regarde quelques statistiques, je vais juste vous en donner trois, il y a seulement 11 % des gens en ligne qui paient pour les nouvelles qu'ils lisent. Donc 11 % c'est pas beaucoup, si on compte comme sources de revenus. Et vous avez peut-être vu un sondage récent qui dit qu'en fait les Canadiens, une forte proportion de Canadiens pensent que les nouvelles devraient être gratuites, ils devraient avoir accès aux nouvelles de façon gratuite comme un service public. Les journaux écrits qu'on connaissaient, leurs sources de revenus a diminué de 76 % depuis 2008, donc 76 %, c'est énorme. Et même si les journaux ont maintenant des présences souvent en ligne et les revenus ont augmenté là-dessus à peu près huit fois, il reste qu'on peut voir déjà le problème-là qui peut se causer.
Au niveau de l'emploi, j'ai hâte d'entendre ce que quelqu'un qui est journaliste va nous dire, mais il y a 60 % de moins d'emplois dans le domaine depuis 2010. Donc ça, ça veut dire des choix déchirants, évidemment, pour les salles de nouvelles et tout ça. Ça veut dire aussi que certaines communautés maintenant n'ont plus de journalistes dans leur communauté, on appelle des déserts de nouvelles, et doivent donc, pour savoir ce qui se passe à l'hôtel de ville ou peu importe, se fier à des sources indirectes, ou en tout cas à des… parfois quand leurs sujets sont d'actualité nationale peuvent être peut-être capturés, mais évidemment c'est pas la même chose qu'avoir des nouvelles locales.
Il y a quand même des bonnes nouvelles parce que là, j'ai l'air d'être toutes dans les mauvaises nouvelles, il y a quand même des bonnes nouvelles. Il y a beaucoup d'innovation qui se fait. Il y a différents modèles qui ont été essayés, le gouvernement a essayé de prendre des mesures aussi pour aider un peu l'industrie. Il y en a qui ont fonctionné, dans certains cas, on a vu par exemple des coopératives se former, des coopératives d'employés qui ont pris la relève et qui ont réussi à faire… continuer à faire fonctionner les journaux pour laquelle ils travaillaient. Dans d'autres cas, vous êtes peut-être familiers, il y a eu des bénéfices de taxation qui ont été mis en place pour supporter l'émission de dons, par exemple pour certains journaux. Donc, La Presse s'est qualifiée à cet égard-là et a pu trouver des sources de revenus diverses.
Il y a beaucoup d'innovation aussi au niveau de l'engagement communautaire. Il y a des journaux qui ont réussi à se… à vraiment se planter bien fermement dans le communautaire et qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Et il y en a qui ont fait… même s'ils sont en ligne, ils ont réussi à avoir des abonnements, et avec ça ils sont capables de faire de l'excellent journalisme. Je pense à The Logic, mais il y en a d'autres aussi. Alors tout ça pour dire que le marché est en transformation, et il y en a qui font preuve d'innovation dans ce contexte-là.
Je vais finir avec un dernier point. Évidemment, on est tous aux portes de l'intelligence artificielle, qui existait déjà mais qui est en train d'accélérer. Tout ce que je viens de dire, évidemment, va être hautement influencé par l'intelligence artificielle. Pas nécessairement à ce point-ci, en tout cas, parce que l'intelligence artificielle crée de la nouvelle, mais c'est un formidable outil qui peut rassembler des nouvelles.
Formidable dans le sens positif et négatif. Formidable parce que ça va avoir un impact important, parfois positif, parfois négatif, notamment au niveau de la désinformation. Parce qu'à partir du moment que les choses sont amalgamées, il y a des dangers. Puis on l'a vu déjà avec les premiers versions de l'intelligence artificielle qu'il y a des dangers avec ça. Mais c'est une réalité qu'il faudra mesurer dans le contexte de ce secteur-là, comme dans plusieurs autres secteurs d'ailleurs.
Alors sur ce, je passe la parole à Vanessa.
Vanessa Vermette : Merci beaucoup, Isabelle. C'est un excellent aperçu pour commencer la session. Donc on va passer à quelqu'un qui a l'expérience sur le terrain pour voir comment ce paysage se vit au quotidien. Donc Althia, je te passe la parole.
Althia Raj : (Inaudible)… Vanessa. Puis merci, Isabelle, c'est le fun de se revoir dans ce contexte ici. Je veux juste ajouter un peu de précisions à mon introduction. Alors de un, je parle à mon titre personnel et puis je ne suis pas représentante de l'agenda du Toronto Star, bien que je crois qu'il est bien connu parce que notre propriétaire est assez public.
Mais mon cheminement de carrière, bien ça fait à peu près 20 ans que je suis sur la Colline parlementaire, puis j'ai commencé à CBC, puis après je suis allée à CTV, puis après je suis allée à Sun Media, qui était dans le temps une chaîne où des journaux qui appartenaient à Québecor, on écrivait des textes pour le Ottawa Sun, le Toronto Sun, le Calgary Sun, le Edmonton Sun, le Winnipeg Sun, mais aussi les mêmes textes apparaissaient dans le Kingston Whig Standard, le Brantford Examiner. Alors c'était un peu moins tabloïd, disons, le même texte avec 400 mots dans une publication avait 800 mots dans l'autre. Et puis après, j'ai travaillé pour le National Poste. Après, je suis allée travailler pour HuffPost, puis maintenant je suis au Toronto Star.
Alors, le paysage a changé d'une manière énorme durant ces quelques années. Quand je suis arrivée vraiment à Québecor, c'était le plus gros changement parce que on venait d'avoir une grosse baisse qui continuait en grande partie à cause que il n'y avait plus de petites annonces en arrière des journaux. Tout le monde allait sur Kijiji mettre les annonces pour vendre leurs voitures ou leurs canots ou n'importe, puis c'était une grande source de revenus qui n'existait plus.
Puis comment faire, comment trouver d'autres moyens de revenus ? La grande idée pendant à peu près dix ans, c'était on allait faire de la vidéo, parce que on pouvait charger plus pour de la publicité avec des images puis du son qu'avec juste une impression d'une publicité. Alors, tout le monde devait faire de la vidéo, alors on allait à un événement, disons, puis on écrivait notre premier texte sur notre BlackBerry parce que c'était notre outil de travail à ce moment-là. On avait un petit camcorder de Sony, on prenait une clip du policier qui disait X, Y, Z, ou du politicien. On revenait à la maison, là, on faisait des appels-… à la maison, je veux dire au bureau! À la maison, c'est vraiment 2022-23. Puis on écrivait un plus long texte.
Mais durant cette période-là, aussi on a vu vraiment la première fois où est-ce que Twitter puis les médias sociaux, ça a vraiment commencé à changer la manière où on faisait le travail aussi. Alors la première chose qu'on devait faire, c'était de mettre quelque chose en ligne sur Twitter, après on mettait quelque chose en ligne sur le site de Canoë de Quebecor. Bon, après, on avait la vidéo où ça continuait.
Ce qui faisait que t'avais beaucoup moins de temps, en fait, d'écrire le texte que tu voulais écrire parce que t'étais occupé à faire le montage de ta vidéo, de t'occuper… de s'assurer que les différentes voix dans ton texte étaient représentées dans les médias sociaux aussi. On est devenu plus comme des journalistes de fil de presse que des journalistes de papier dans le temps, dans le vieux temps, disons dans les années 90, 80, où est-ce que t'avais toute la journée pour écrire ton texte puis tu l'envoyais à ton éditeur à 17 h 30, 16 h, puis c'était fini, on attendait le lendemain.
Maintenant si t'étais à la télé, à la radio – parce que la télé avec Newsworld qui a commencé dans le début des années 80 – on est toutes devenus vraiment des journalistes de fil de presse, alors il y avait une mise à jour quasiment à chaque heure, alors le texte changeait, bougeait. Ce qui a fait que beaucoup… il y a eu beaucoup moins d'analyses de profondeur de différentes voix qui avaient été inclus dans le texte. Même les rédacteurs faisaient moins de vérification de faits après. À cause des coupures, comme Isabelle a mentionné, ces postes-là, maintenant n'existent plus. On a des rédacteurs, mais ils n'appellent pas les gens qu'on a cités dans nos textes pour savoir si on les a bien cités, puis si en fait ils nous ont dit… qu'est-ce qu'on rapporte qu'ils nous ont dit. Tout a vraiment changé.
Je sais que on va en parler plus là, mais juste pour vous comme dessiner un peu le portrait de comment, anciennement, on voyait le rôle d'un journaliste, maintenant c'est vraiment plus du tout la même chose. Mais moi, je fais un balado, on fait des panels à la télé, il y a beaucoup plus d'éléments qui viennent se poser, puis en même temps, on vit dans un environnement qui est beaucoup plus partisan. En termes de publication, mais on est un peu retourné dans le passé, il y a 120 ans, il y a 130 ans.
On a beaucoup plus d'options, mais c'est une bonne chose, je suis d'accord avec Isabelle, sauf que je ne suis pas certaine que la plupart des gens prennent le temps d'aller chercher toute cette information. On a plus d'information, plus accessible que jamais, mais en fait, je pense que les gens ne font pas le travail d'aller s'informer. Puis avant, le journal c'était vraiment l'internet, l'internet de la communauté. Maintenant il y a quasiment personne qui lit… bien, Isabelle nous l'a dit, 11 personnes c'est très peu de gens qui reçoivent le journal à la maison ou qui même… qui regardent les nouvelles à tous les jours au quotidien sur leur téléphone ou leur tablette.
Vanessa Vermette : Je pense que c'est un excellent point de départ pour poursuivre la conversation au niveau de la manière que ces transformations ont touché… comment le public consomme de l'information et la façon de participer au discours public. Donc Isabelle, je te voyais, t'avais l'air de vraiment être d'accord avec la dernière partie des observations d'Althia, donc je te repasse la parole pour commenter sur ces développements.
Isabelle Mondou : En fait, je suis plus que d'accord, je suis super intéressée parce que c'est un super beau portrait qui a été fait de l'évolution de l'intérieur. Je dirais que les réseaux sociaux, on est encore… on est encore en train de changer. Probablement dans les prochaines semaines, il y a des choses qui vont changer encore. Et pourquoi je dis ça, c'est que quand on regarde, par exemple, le mandat de certaines des plateformes, et je vais prendre le mandat de Meta, par exemple, qui avait dans ses cinq principes le devoir d'informer, c'est clairement peut-être moins vrai maintenant à la lumière des positions récentes qu'ils ont prises. Et je le dis juste pour illustrer le fait que même les plateformes évoluent beaucoup dans leur mandat, dans leurs objectifs, dans leur (inaudible).
Donc tout cet environnement-là est en changement constant, il y a des nouvelles plateformes dominantes qui se présentent, qui n'étaient pas dans l'espace de nouvelles qui sont maintenant dans l'espace de nouvelles et vice versa. Donc c'est un environnement extrêmement volatil et dynamique, dynamique dans le sens positif, mais dynamique dans le sens imprévisible aussi pour les gens qui dépendent de l'information, et surtout les journalistes qui forment vraiment le cœur de l'information.
Donc, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est que tout le monde ou presque – c'est pas tout le monde mais il y a vraiment une grande proportion des Canadiens qui sont sur un réseau social quelconque, pas toujours le même, et ils utilisent ou non les réseaux sociaux. Mais de plus en plus, on le sait, les jeunes, entre autres, utilisent les réseaux sociaux, et leur façon de consommer de l'information à évolué, j'ai hâte d'entendre les commentaires d'une journaliste. Mais on parlait de vidéos tantôt, maintenant c'est vidéo avec presque de la musique, de la danse-là. J'exagère, mais presque pas. Donc c'est ils s'attendent à un niveau de… en anglais on dirait d'entertainment, mais vraiment de visibilité qui est quand même assez élevée.
Donc, ce qui fait que ça crée d'autres façons d'exercer le métier, mais ça crée aussi des pressions sur les organismes qui doivent livrer la marchandise parce que, à la base, c'est de l'information, c'est la vérification de l'information et tout ce qui s'ajoute autour de ça, dans la promotion, dans le marketing et dans la compétitivité, c'est pas facile pour l'environnement, évidemment.
Je veux finir sur une note positive, parce que j'aime ça finir sur une note positive, il y a quand même un aspect d'ouverture sur les médias. Je ne suis pas sûre que les médias il y a 30 ou 40 ans, puis en fait on voit dans les salles de rédaction c'est encore parfois le cas, étaient très diversifiés, donc il y avait des voix qui n'avaient absolument pas leur place dans la table, puis plus on remonte dans le temps, pire c'est. Et donc le fait que ça se soit démocratisé, jusqu'à un certain point, a permis à d'autres voix de venir.
C'est pas encore parfait puis il y a encore du travail à faire, même dans les… dans les réseaux sociaux, puis on voit-là que il y a l'accès, l'accès n'est pas toujours le même pour tout le monde, mais il y a un aspect quand même là-dedans qui a permis à des journaux dans différentes langues, des journaux qui visaient différents publics, public autochtone, peu importe, à commencer à voir le jour et ça, c'est une bonne chose. Et jusqu'à un certain point, les réseaux sociaux ont permis parfois d'ouvrir un petit peu, à ce niveau-là, ce discours-là à d'autres gens.
Et on a, en fait nous-là, si je reviens à notre rôle de fonctionnaires, on a certainement une fonction de trouver des façons de supporter ça. On a créé un programme, par exemple sur le journalisme local, et dans ce programme-là, la majorité des journalistes qui ont été engagés – j'ai les chiffres plus loin, mais un nombre important, certainement – c'est pour engager des journalistes qui ont toutes sortes d'expériences, qui viennent de toutes sortes de communautés et qui peuvent raconter vraiment les histoires qui sont importantes pour tous les Canadiens.
Alors, je m'arrête là-dessus, Vanessa.
Vanessa Vermette : Merci Isabelle. Et Althia, j'aimerais avoir tes observations sur les habitudes de consommation d'information des gens aujourd'hui. Quelles sont les observations que tu as pu avoir parmi les dernières années ? Est-ce que les gens consomment leurs nouvelles maintenant sur TikTok ? Comme Isabelle disait, c'est toutes des vidéos. C'est du infotainement, c'est du contenu, peut-être, et pas nécessairement des nouvelles. Et aussi tes observations sur l'évolution et l'importance des médias locaux.
Althia Raj : Pour la première question, c'est… je ne suis pas politologue, c'est pas quelque chose que j'ai étudié en profondeur, mais ce qu'on nous dit, ce qu'on nous rapporte, c'est que la plupart des gens, en fait, lisent leurs nouvelles ou lisaient leurs nouvelles sur les médias sociaux, comme surtout Facebook, un peu moins Twitter. Nous, les journalistes politiques, on passe beaucoup de temps sur Twitter, mais la plupart des Canadiens ne passent pas… en fait, ils passent pas du temps sur Twitter. C'est pas du tout représentatif de la population, puis je ne suis même pas certaine si la plupart des gens qui me suivent c'est vraiment des vraies personnes ou c'est toutes des robots.
Mais en tout cas, ça a des avantages et des désavantages. Isabelle, elle nous a parlé du mandat initial de Meta, Facebook au début. Au tout début, Facebook a fait beaucoup de développement avec les journaux, pas juste les journaux, les stations de télévision aussi, en fait pour avoir leurs lecteurs, pour avoir leur audience et les amener à utiliser leur plateforme, les encourager à partager des textes. Ils ont beaucoup investi dans cette relation partout à travers le monde.
Puis maintenant qu'ils ont ces lecteurs-là, ils… en fait, ils n'ont plus besoin des textes des journalistes, puis on l'a vu avec leur réponse à C-18, le projet de loi. Je ne suis pas certaine que je suis complètement en accord avec le gouvernement sur ce projet de loi-là, mais on peut en discuter plus tard. Mais juste pour dire que la plupart des gens, en fait avant, recevaient beaucoup de leurs informations sur les médias sociaux.
Je crois qu'ils reçoivent encore beaucoup d'informations, mais c'est que l'information a changé. Alors maintenant, nous, les journalistes qui, on essaie de peinturer un portrait – bien moi, je suis une chroniqueuse-là – mais plus objectif, avec un peu plus d'analyse, de contexte, bon, on est bloqué de la plateforme de… des plateformes de Meta. Puis je crois que c'est un gros désavantage à la société que nous, les journalistes, on n'est plus accessible aux gens où ils sont.
Une autre chose que je pense qui est assez importante de mentionner, puis c'est souvent on n'en discute pas dans le contexte, mais Isabelle, elle a raison que il y a eu vraiment une chute de publicité, de revenus publicitaires pour les journaux. Ça a vraiment fait une énorme différence. La semaine, il y a deux semaines, le mois de septembre, Metro Média à Québec, ils ont fermé leurs portes. 30 journalistes ont perdu leur emploi.
Ici, à Metroland Media qui est… Le Toronto Star, ça appartient à Torstar. Torstar a une autre chaîne de journaux locales, en Ontario, ça s'appelle Metroland. Ils ont décidé d'aller… sauf pour les gros journaux, comme à Hamilton, par exemple-là, mais les petits journaux locaux, les genres de hebdomadaires, maintenant c'est tout en ligne. Ils ont mis 605 personnes à la porte, à peu près une soixantaine de journalistes.
C'est très difficile de faire de l'argent avec la publicité, même la publicité en ligne, parce que, en fait, les compagnies, ils veulent pas… ils veulent pas donner de l'argent aux nouvelles parce que la plupart des nouvelles sont négatives, puis si tu vends des pneus, bien tu ne veux pas que ta publicité, elle soit à côté d'un texte qui dit que ah, les pneus, ils ont mal fonctionné puis il y a un accident, comme 80 voitures sur la 401. Alors c'est… les gens qui font de la publicité, ils veulent se mettre dans les… comme la section sur les voitures, la section sur les condominiums, des choses de vie courante, mais pas de la nouvelle, comme on dit en anglais-là, du hard news-là. Pas les affaires politiques, rien qui pourrait être minimalement controversé.
Puis ça, ça a un gros impact sur comment de revenus on peut vraiment avoir de gens, de compagnies privées qui veulent investir chez nous. Comme Loblaws va pas vouloir investir dans une publicité cette semaine, même si c'est l'Action de grâce, parce que il y a eu plein de nouvelles négatives au sujet des grosses compagnies qui sont en train de nous vendre à des prix trop chers.
Ce qui fait qu'il y a vraiment deux modèles qui sont ressortis. Un modèle dont Isabelle nous parlait, comme The Logic, un modèle d'abonnement. Le Star a aussi poursuivi ce modèle-là, Mais on n'est pas au même niveau, disons, que Le Devoir ou le Globe and Mail. Un autre modèle, un modèle un peu plus tabloïd, basé vraiment sur les clics. On a vraiment deux modèles trop différents qui encouragent des gens à se diviser encore plus dans leur écosystème, même s'ils ne sont pas nécessairement des écosystèmes partisans des… des écosystèmes maintenant de classe, des gens qui ne sont pas prêts à payer puis des gens qui sont prêts à payer. C'est quelque chose qui m'inquiète.
Je suis certaine que tu m'avais posé une autre question, mais je me souviens plus c'est quoi puis je pense que j'ai trop parlé, alors je vais arrêter là.
Vanessa Vermette : Non, c'est super! La deuxième question, c'était à propos de l'importance des médias locaux parce que vous aviez toutes deux mentionné, je pense, pendant vos remarques d'introduction…
Althia Raj : On va y revenir.
Vanessa Vermette : … Le fait qu'il y avait des déserts de nouvelles géographiquement au Canada, donc un peu plus de commentaires sur ce sujet.
Althia Raj : De Isabelle ou…mais je peux peut-être dire quelques mots.
Vanessa Vermette : Oui.
Althia Raj : Je pense une chose qui m'inquiète beaucoup, c'est pas la couverture parlementaire, on est 400 journalistes encore toujours à Ottawa, c'est les petites communautés qui n‘ont plus de journalistes qui couvrent qu'est-ce qui se passe au conseil municipal, qui couvrent plus qu'est-ce qui se passe au conseil, avec les écoles. Puis, quand il y a des urgences, on l'a vu avec les feux de forêts cet été, on a besoin des médias locaux. Qui qui va mentionner aux gens qu'est-ce qui se passe ? L'information qu'ils ont vraiment besoin pour… même pour survivre, c'est vraiment… c'est super important.
On l'a vu aussi en Nouvelle-Écosse avec la fusillade puis la GRC qui avait mis des alertes sur Twitter, puis que personne ne l'avait vu puis ça a probablement coûté des vies. En fait, c'est ce qu'on nous a rapporté, les commissionnaires. C'est super, super important, puis je ne suis pas certaine qu'on a vraiment trouvé la réponse pour encourager et soutenir, et à la limite (inaudible) c'est à ce moment puis ça m'inquiète beaucoup, oui.
Isabelle Mondou : 100 % d'accord. J'ajouterais un point de plus, de préoccupation dans mon cas aussi, c'est le fait que les gens, la confiance envers les institutions en général diminue, incluant les médias malheureusement. Et quand les gens n'ont pas de journalistes dans leur communauté, quand ils n'ont pas le privilège d'avoir des nouvelles dans leur communauté, bien la proximité est importante, hein, pour la confiance, puis de se sentir vues, de se sentir représentés, de sentir qu'on est présent.
Donc, je pense que j'ai pas de lien de causalité absolue, mais je pense qu'il y a un risque quand les journalistes ne sont plus présents dans la communauté, que la confiance envers les journalistes aussi peut diminuer. Et là on rentre dans tout une autre série de risques par rapport à notre démocratie, par rapport à toutes sortes d'autres sujets. Mais je pense que c'est super important aussi, quand les journalistes sont sur le terrain, il se crée une connexion par rapport aux journaux, aux nouvelles et tout ça qui existe peut-être moins quand les journalistes ne sont pas présents.
Vanessa Vermette : Oui, tout à fait. Ça me fait penser aussi à une des questions qu'on voulait aborder pendant notre séance d'aujourd'hui, c'est le lien entre les médias changeants et nos institutions culturelles au Canada, notre identité collective. Parce que maintenant, les gens consomment le contenu des nouvelles qui viennent beaucoup, des États-Unis aussi, qui viennent d'autres sources. Donc, est-ce qu'il y a un impact du côté culture patrimoine, Isabelle, qu'on devrait à discuter en plus de profondeur ?
Isabelle Mondou : Bien, c'est intéressant parce que souvent, on pense que les journaux, puis l'importance des journaux dans notre… dans notre identité et tout ça, les nouvelles ou qu'on se pose des questions, mais avant même la Confédération, il y avait eu une espèce de mesures pour supporter les journaux, ça s'appelait le tarif postal, parce que justement, il y avait un sentiment que si on entendait nos histoires, si on avait des nouvelles dans notre contexte et pas seulement des nouvelles d'ailleurs, on développerait l'identité canadienne de façon plus forte et tout ça. Donc, c'est évidemment relié, les journaux nous parlent de nous, nous parlent de nos beaux côtés, de nos moins beaux côtés, puis les deux sont aussi importants. Donc, avoir cette fondation-là, c'est pas d'hier qu'elle nous préoccupe.
Puis c'est intéressant parce que quand on parle d'identité, il y a toujours un débat très difficile, puis je suis sûre que peut-être on a même des points de vue différents entre journalistes. Mais il y a le fait que est-ce que le gouvernement, justement, devrait supporter cette… cette voix qui est indépendante et qui doit demeurer indépendante, puis comment on le fait puis c'est quoi la meilleure façon de le faire ? Mais c'est sûr que ce soit les périodiques et tout ça, c'est des programmes qui existent depuis longtemps parce que c'est un marché qui est difficile, au début, pour compétitionner avec les médias américains. C'est pas nouveau, c'est pas juste les plateformes, les périodiques, c'était la même chose, il y a eu des programmes pour s'assurer qu'on avait des périodiques au Canada.
Donc l'espèce de souveraineté culturelle et d'identité dans les journaux existe, pas juste dans la culture, mais dans l'aspect des médias aussi. Et ça, c'est pas nouveau, et ça continue à être quelque chose qui, je pense, c'est important d'avoir pas juste des nouvelles d'ailleurs. Parce qu'évidemment, c'est pas sûr que le New York Times va se pencher sur ce qui se passe ici, à part ça va très, très mal ou très, très bien. Alors il faut… il faut vraiment être capable d'avoir des voix canadiennes qui racontent l'histoire, et c'est pour ça que l'identité puis les médias, je pense que c'est vraiment important.
Un pays qui n'aurait pas de médias qui sont nationaux, je pense que il aurait vraiment de la difficulté d'avoir une véritable identité parce que c'est tellement à la base de tout ce qu'on fait. C'est pour ça que le gouvernement intervient parfois. On peut débattre sur la meilleure façon d'intervenir, on peut débattre sur l'importance de s'assurer… on ne peut pas débattre sur l'importance de garder l'indépendance, mais on peut se débattre sur comment est la meilleure façon de faire. Mais pas de journaux canadiens, pas journalistes canadiens, notre identité est plus que menacée.
Vanessa Vermette : Certainement, et tu me fais penser aussi aux manifestations pendant la COVID. On a vu justement la couverture du New York Times qui était, dans le fond, de la mésinformation parce que les journalistes du New York Times n'étaient pas sur le terrain et donc ça a pris du temps pour corriger les faits dans l'histoire qui était… qui avait été publiée dans le New York Times, si je me souviens bien. Althia, as-tu des commentaires sur ce sujet-là au niveau de l'identité culturelle ?
Althia Raj : Oui, je trouve que c'est super important. Je pense qu'on devrait aussi peut-être souligner que oui, ça fait très longtemps qu'on subventionne les médias au Canada de différentes manières, mais c'est vu d'une manière très différente au Québec comparé aux communautés anglophones dans le reste du pays.
Puis, de plus en plus, je ne veux pas être trop critique-là, mais avec l'argument du Parti conservateur maintenant, pour défaire CBC. Des fois ils disent CBC point, puis des fois ils disent CBC TV, alors je ne suis pas trop certaine qu'est-ce qu'ils iraient faire-là. Mais c'est quand même un moment, à mon avis, où est-ce qu'en fait, on a encore besoin de plus cette voix-là qui nous rassemble. Moi, je suis prête à dire que je trouve que Radio-Canada/CBC devrait faire une meilleure job de nous rassembler et de refléter différentes communautés qu'on a à travers le pays.
Mais je pense qu'on a besoin encore plus d'avoir cette voix-là qui nous rassemble, parce qu'on devient tellement dans nos propres petits silos, centrée sur notre région, sur nos intérêts. Un peu à cause des médias sociaux, mais aussi parce que, je ne sais pas, on… même si ça me surprend des fois à la Colline parlementaire, il y a des journalistes c'est leur emploi de couvrir la politique fédérale puis qu'ils n'ont jamais voyagé dans toutes les provinces. Ça me dépasse! Mais les gens, ils viennent avec leur propre point de vue, puis on en apprend de l'un et l'autre quand on s'écoute. Puis il y a moins de chances de s'écouter si on lit juste les choses qui nous intéressent, puis c'est des choses qui sont très niches.
Quand j'étais petite – mais ça existe encore-là, il y a une émission à la radio de CBC qui s'appelle Cross Country Checkup, je pense que c'est à la télé maintenant le dimanche entre 16 h et 18 h, heure de l'Est – puis ils couvrent un sujet puis les gens appellent à travers le pays pour donner leur opinion. Puis tu sais, même si tu connais pas Herb de Corner Brook de Newfoundland, ou Julie de Sanich—Gulf Islands, le fait qu'ils partagent leur point de vue de comment eux, ils voient les choses dans leur coin du pays, tu tentes plus se rattacher au Canada. Puis cette voix-là, je trouve que on est en train de perdre ça, puis ça me décourage un peu.
Le moins qu'on se connaît comme individu puis comme communauté, qu'on apprend puis qu'on voyage à travers le pays, le moins qu'on va avoir… les liens qui nous tissent-là, on va perdre ça. Puis là, qu'est-ce qui va nous rattacher ? C'est beaucoup plus facile d'avoir des enjeux très négatifs, très critiques en politique, car on ne connaît pas nos voisins. Puis je pense qu'on est en train de voir ça, on n'a les leçons avec qu'est-ce qui se passe aux États-Unis, qu'est-ce qu'on devrait pas vouloir refaire ici.
Puis il y a… je ne pense pas qu'il y a une réponse en termes de politiques publiques qui va nous ramener un peu dans le passé ou qui va rééquilibrer les choses. Je dirais un enjeu d'éducation, parce qu'il y a… on dirait que il n'y a pas autant de parents qu'il y avait avant, qui lisent les journaux avec leurs enfants parce que maintenant, on lit toute sur notre téléphone ou nos tablettes. Alors les discussions avec le papier autour de la table de dîner, on dirait qu'on en a moins. On a moins de… on apprend moins à lire les médias, mainstream médias-là, à l'école même. Puis si on n'apprend pas les habitudes quand on est jeune, je sais pas quand on va les apprendre.
Vanessa Vermette : Oui. Effectivement, je me souviens avoir le journal sur la table de cuisine avec ma famille puis on se partage les sections, on discute de ce qu'on lit pendant la fin de semaine, puis c'est vraiment quelque chose qui ne se fait plus.
Donc Isabelle, j'ai eu la même pensée qu'Althia, je vais me tourner vers toi pour un aspect positif, quelque chose, un rayon de soleil dans tout ce paysage nuageux. Je sais que c'est très complexe, mais au niveau de la réponse du gouvernement, qu'est-ce que ça veut dire, tout ça, pour les fonctionnaires ? Comment rassembler tous ces divers intérêts et ces divers problèmes au niveau de la politique publique ?
Isabelle Mondou : Bien, je pense que le fait qu'on en parle, c'est déjà une super bonne affaire parce que ça veut dire que on se trouve tous saisi de la question. Moi, ce qui m'inquiète, c'est quand je vois des statistiques qui disent que il y a des gens maintenant qui se détachent des nouvelles pour éviter justement le côté qui peut être négatif de savoir ce qui se passe sur la planète. Puis ça, ça c'est vraiment-là la pire chose qui peut arriver parce que là, ça veut dire que des gens se déconnectent justement-là de ce qui se passe, pas seulement dans leur environnement immédiat, mais dans le monde, dans le pays, et cetera. Donc il faut… il faut vraiment avoir ces conversations-là.
Puis je dirais… puis c'est pertinent pour les fonctionnaires, mais c'est pertinent pour tous les enfants, c'est que les journaux nous apprennent à développer l'esprit critique. Ça, on l'apprend à l'école, mais on l'apprend beaucoup dans les journaux parce qu'on sort de l'école à un moment donné, et les journaux nous rappellent chaque jour d'avoir l'esprit critique. Puis ça, c'est la meilleure défense contre la désinformation, c'est la meilleure défense contre justement prendre les bonnes décisions aussi dans des contextes où on doit faire, que ce soit des politiques ou peu importe ce que c'est. Donc c'est pour ça que c'est tellement important de garder ça au centre.
Évidemment, il y a différentes solutions qui ont été essayées, on vient d'en nommer une sur les crédits pour les journalistes. Je pense que le programme aussi de journalistes locales a bien fonctionné, dans le sens que c'est pas le gouverneur… le gouvernement donne à des associations, les associations le donne aux journaux et le gouvernement n'a rien à faire avec qui va être subventionné par ce programme-là, mais ça permet de garder une présence locale. Évidemment, on pourrait faire plus, on pourrait faire mieux, et il faut continuer à faire plus et mieux.
Vous savez tous-là que il y a un projet de loi, on l'a mentionné, C-18, qui essayait de… qui essaie, en fait, de trouver une façon de reprendre un peu la balance sur quand les gens créent quelque chose, quand ils travaillent fort sur quelque chose et que cette nouvelle-là est repris, maintenant avec l'intelligence artificielle, ça va se faire comme ça, que ce travail-là, ces salles de nouvelles-là soient rémunérées pour leur travail.
Évidemment, c'est pas facile, comme vous le savez, parce que il y a différents points de vue même, puis c'est bien correct qu'il y a des différents points de vue sur est-ce que c'est le bon moyen ? Mais il y a évidemment des… une plateforme en particulier qui a décidée qu'il allait retirer ses nouvelles suite à ça, qui est évidemment pas le but recherché. Donc le travail continue là-dessus.
Mais je pense qu'est-ce qui est important de ne pas oublier là-dessus, et la conversation pour les fonctionnaires autour de la table, c'est qu'il y a des problèmes qui ne sont pas simples, puis il y a des problèmes qu'il n'y a pas une solution, il y a des problèmes qui doivent regarder des solutions multiples, et aussi des solutions à court et à long terme. Parce que le système, on en a parlé, va continuer à évoluer, donc comment on s'assure que des solutions de il y a 20 ans, où peut-être ça fonctionnait pendant 20 ans, je pense qu'il y en a de moins en moins.
Donc c'est quoi les solutions, c'est quoi les alternatives ? Le crédit d'impôt, un fonds, une espèce de créer une table de négociations ? Tous ces instruments-là comme fonctionnaires, c'est ce qu'on a, hein, on a de la législation, on a de la réglementation, on a la subvention, on a de la taxation. Donc c'est de regarder tous les outils, puis de voir quels sont les plus efficaces, puis s'il y en a qui ne sont pas efficaces à long terme bien évidemment il faut revoir.
Mais je pense que la seule chose qu'on ne peut pas faire, c'est de rester assis et de ne pas réfléchir à comment on peut supporter cette industrie qui est absolument fondamentale à notre système démocratique. Puis comme fonctionnaires, si il y a une chose qui devrait nous préoccuper, c'est de s'assurer qu'on a un système démocratique.
En fait, comme fonctionnaires, je vois mal comment on pourrait faire notre travail sans les journaux. On dépend de l'information dans les journaux, on communique nos messages à travers les journalistes pour avoir ces discussions avec les Canadiens. Donc non seulement c'est essentiel dans notre travail, mais c'est essentiel aussi pour être les citoyens qu'on doit être pour être fonctionnaires. Alors, voilà.
Vanessa Vermette : Ah, merci beaucoup. Je vois moi aussi… on voit le mot essentiel, essentiel qui revient à plusieurs reprises. Althia a parlé du modèle d'abonnement, le modèle de clic, mais aussi un modèle de service essentiel qui doit ressortir quelque part, et en temps opportun.
Je me demande, Althia, du côté de l'évolution, qu'est-ce que tu vois pour le futur à court et à long terme ? Est-ce que tu pourrais avoir des commentaires sur l'impact de l'intelligence artificielle dans le domaine médiatique, et puis comment ça… quel impact que ça a sur les journalistes et les organismes médiatiques ?
Althia Raj : Bien, on a tous peur qu'on va être remplacés! Puis qu'il va avoir beaucoup de coupures. Mais, si je peux, j'aimerais revenir sur quelques points que Isabelle, elle vient de faire ?
Vanessa Vermette : Oui, bien sûr.
Althia Raj : OK, c'est vraiment important. Puis pour revenir à un de tes points, Vanessa, moi, la chose qui m'inquiète le plus, là, c'est vraiment il y a de plus en plus de citoyens, on dirait, qui sont complètement détachés de la réalité, puis qui croient dans les affaires de QAnon, des théories du complot. Avant, on avait des arguments sur quelle sorte de politique on devrait faire, est-ce qu'on devrait dépenser plus, est-ce qu'on devrait réduire les taxes puis réduire le déficit ? Maintenant, il y a des gens qui sont… ou même il y a des députés que on s'entend même pas sur les faits. Puis quand les gens, ils ont perdu un attachement à la réalité, c'est très difficile de gouverner. Ça m'inquiète beaucoup.
Puis je vous dirais que comme fonctionnaires, vous avez quand même un rôle à jouer. C'est peut-être un peu bizarre que je dise ça-là, mais s'il vous plaît, aidez-nous à raconter des histoires. Si vous voyez quelque chose qui est faux qui est écrit dans un média, écrivez à la journaliste ou le journaliste et dites-lui. Il y a le système d'accès à l'information est complètement brisé, alors vous avez probablement remarqué qu'il y a de plus en plus d'information qui est basée sur des sources. Malheureusement, je dirais pour ma profession, il y a de plus en plus de textes qui sont basés sur des sources anonymes, des fois même une seule source. Je ne suis pas d'accord avec ça. Mais je suis comme avec des pressions, des dates… des heures de tombée, puis avoir, comme on a parlé-là, des clics, c'est il y a des tendances, je dirais, très inquiétantes qui sont en train de s'établir de manière routine maintenant.
Puis, si vous avez de l'information à partager, s'il vous plait, communiquez avec les journalistes. Soyez, s'il vous plaît, conscients que l'heure de tombée, probablement c'est la même journée, probablement autour de 4 h, même 3 h, 5 h au plus tard sinon ça ne va pas rentrer dans le journal. S'il vous plaît, aidez-nous parce qu'on ne peut pas le faire (inaudible). Je vous encourage à nous supporter, parce que un petit peu, ça va… ça peut aller loin.
Avec le projet de loi C-18, moi, personnellement, je ne veux pas voir un futur ou est-ce qu'il n'y a pas nouvelles sur Meta du tout, ou dans n'importe plateforme, j'aimerais bien voir le gouvernement recommencer à zéro ou créer une taxe puis un fond, que ça soit appliqué de manière universelle pour que on puisse avoir accès à plus d'information et non de moins d'information.
Puis j'aimerais voir un budget de Radio-Canada qui est plus élevé pour avoir cette couverture journalistique plus approfondie, des journalistes à travers pas juste le pays, mais le monde aussi. Je crois que c'est le moment d'investir parce que on est peut-être à un moment critique, puis dans 10 ans, 15 ans, les habitudes vont avoir complètement changé, puis qui sait qu'est-ce qui va nous pousser ensemble, comme d'un côté du pays à l'autre.
Vanessa Vermette : Oui, effectivement, c'est… merci pour nous lancer un appel à l'action, justement, et vraiment, vraiment très clairement. Le temps passe vite, comme j'ai dit qu'il allait passer, donc on arrive déjà presque à la fin de notre temps ensemble. Donc Isabelle, je reviens vers toi pour peut-être offrir quelques mots de clôture du point de vue Gouvernement du Canada et Patrimoine.
Isabelle Mondou : Mais peut-être que je ferais juste un appel à mes collègues. La question des médias puis des journalistes, au-delà des citoyens, ça concerne tous les fonctionnaires parce que ça peut être des enjeux… un autre enjeu qui m'inquiète, moi, c'est la sécurité des journalistes. Parce que avant, c'était dans les dictatures qu'on voyait que les journalistes étaient enfermés, et tout ça, et maintenant on voit au pays des journalistes qui sont attaqués alors qu'ils essaient de faire leur travail. Et honnêtement, dans certaines villes où il y a peu de journalistes, ça devient très inconfortable à certains moments. Donc on a des collègues peut-être de sécurité publique, qui travaillent avec la GRC, il faut que nos corps de police soient prêts à répondre lorsqu'il y a des plaintes et à prendre ces situations-là très au sérieux.
Mais c'est vrai de plein d'entre vous autour de cette table virtuelle. Réfléchissez, évidemment, dans votre contexte, puis je pense que l'appel aussi de dire les fonctionnaires, on a aussi une responsabilité quand les questions des journalistes sont posées, de répondre à la question, de fournir l'information aux Canadiens, puis de rendre ça aussi facile que possible. Donc ça, ça touche chacun d'entre vous parce que vous avez tous eu des questions médias, on a tous eu des questions médias.
C'est pas toujours facile, il y a plein de choses qui se passent, mais c'est vraiment important. Parce que comme notre collègue journaliste le disait, c'est leur travail, puis ça devient plus rapide, le monde plus rapide, alors évidemment, on a une responsabilité à cet égard-là. Puis je prends ça sur moi aussi quand on le fait pas assez rapidement, puis quand on le fait pas de façon assez complète.
Donc ça, c'est tout un… c'est tout un appel à l'action qu'on peut prendre, certainement. Puis après ça, regarder qu'est-ce qui sont les autres outils dans votre sphère d'action pour continuer à protéger un aspect absolument fondamental pour notre travail pour les Canadiens, puis pour l'avenir de notre pays.
Vanessa Vermette : Merci beaucoup, Isabelle. Donc pour nos participants aujourd'hui, vraiment une session très puissante, sérieuse et dynamique sur un sujet d'importance d'aujourd'hui. Continuez à vous écouter, restez vigilants et à garder votre esprit critique. Et surtout ne perdez pas l'espoir, continuez à travailler sur les solutions à court et à long terme, et c'est ce qu'on doit faire ensemble entre l'industrie et le gouvernement et tous les intervenants et les citoyens et citoyennes de notre beau pays.
Donc, au nom de l'école, je tenais à vous remercier d'avoir pris part à l'événement aujourd'hui. Merci infiniment, Althia et Isabelle, pour la discussion aujourd'hui. Dans le contexte actuel, vous avez vraiment fourni des très précieuses réflexions sur les effets pour les médias et le journalisme aujourd'hui.
Merci aussi à nos participants et participantes, évidemment, et on espère bien sûr que vous avez trouvé l'événement utile et on vous demande de prendre le temps de remplir l'évaluation qui vous sera envoyée dans les prochains jours par voie électronique. Et aussi de garder l'œil sur les prochains événements qui vont avoir lieu à l'école. On a vraiment des évènements très intéressants cet automne, vous pouvez consulter notre catalogue pour en savoir de plus.
On a en particulier le 27 octobre, un événement intitulé Cinq questions sur l'innovation en Estonie, qui portera sur la révolution numérique du gouvernement estonien et les leçons tirées. Le 8 novembre, on aura un événement qui s'appelle Des réflexions sur le leadership avec l'ancienne greffière Jocelyne Bourgon. Donc, si vous êtes intéressés au leadership, vraiment à ne pas manquer. On va aborder le contexte de ce qui est requis aujourd'hui dans le développement des talents et un leadership efficace dans le paysage en constante évolution qui représente notre monde d'aujourd'hui.
Donc encore d'autres événements à offrir, consultez le catalogue, et encore une fois, je vous remercie et je vous souhaite une excellente journée.
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