La souveraineté des données autochtones
La narration a toujours été un élément essentiel de la culture autochtone. Il s'agit d'un moyen puissant de transmettre les connaissances, l'histoire et les traditions aux nouvelles générations. En d'autres termes, il s'agit d'une façon traditionnelle de transmettre des données autochtones. Avant d'expliquer ce que signifie la souveraineté des données autochtones, nous commencerons par raconter comment la Nation Nishnawbe Aski (en anglais seulement) a pris le contrôle de ses données dans l'espoir de façonner le destin de son peuple.
Les données autochtones sont des informations, quel que soit leur format, qui ont une incidence sur la vie des Autochtones aux niveaux collectif et individuel, y compris la science coloniale et les savoirs traditionnels autochtones. Elles comprennent également les informations sur les peuples autochtones eux-mêmes (par exemple, les données sur la santé, les données financières et les données socio-économiques), leurs terres, leurs ressources, leur histoire et leur culture.
Étude de cas : Le quotient d'éloignement de la Nation Nishnawbe Aski
En janvier 2016, une décision historique a ébranlé les fondements du système de protection de l'enfance du Canada. Le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a statué que le Canada avait fait preuve de discrimination à l'égard des enfants, des jeunes et des familles des Premières Nations, en particulier dans la façon dont il finançait les services à l'enfance et à la famille dans les régions éloignées. Il ne s'agissait pas seulement d'argent, mais aussi d'accès, d'équité et de survie. La décision a souligné que le fait que le Canada n'ait pas tenu compte de l'éloignement dans ses formules de financement a exacerbé les difficultés pour les communautés des Premières Nations, en particulier celles situées dans les vastes paysages isolés du Nord.
C'est le cas de la Nation Nishnawbe Aski (en anglais seulement), une organisation autochtone représentant 49 communautés des Premières Nations du Nord de l'Ontario. En 2016, elle s'est jointe à l'affaire du TCDP, mettant en lumière les défis liés à l'éloignement – comment ce problème amplifie les obstacles systémiques déjà enracinés, du logement aux soins de santé, et étire les ressources limitées au-delà de leur point de rupture. Il est apparu clairement que les communautés éloignées des Premières Nations n'étaient pas seulement mal desservies, mais qu'elles étaient pratiquement oubliées.
Afin de quantifier cet éloignement, la Nation Nishnawbe Aski a commandé, en 2019, le rapport de la phase II du projet de recherche sur le quotient d'éloignement. Il ne s'agissait pas d'un simple rapport, mais d'une bouée de sauvetage, d'un appel à la justice étayé par des données. Ce rapport cherchait à répondre à une question essentielle : quel est le niveau de financement réellement nécessaire pour offrir le même niveau de services à l'enfance et à la famille dans les communautés éloignées que dans les régions plus accessibles? Les conclusions étaient frappantes. La prestation de services équitables dans ces régions nécessitait des augmentations importantes du financement, étant donné les coûts élevés de la prestation de soins dans des endroits qu'il n'est possible d'atteindre que par avion ou par des routes saisonnières.
Mais le rapport ne s'est pas contenté de mettre en évidence les lacunes financières. Il a permis de montrer comment l'insécurité liée au logement, la pénurie alimentaire et le chômage – exacerbés par l'éloignement – menaçaient ces communautés. L'absence de services adéquats n'était pas seulement un symptôme de la distance; il s'agissait d'une discrimination structurelle exposée au grand jour.
Au moment de rédiger cet article, l'affaire du TCDP est en cours.
Qu'est-ce que la souveraineté des données autochtones?
Le rapport de la phase II du projet de recherche sur le quotient d'éloignement est un exemple frappant de la souveraineté des données autochtones en action. En tant que mouvement mondial en pleine expansion ayant des répercussions locales profondes, la souveraineté des données autochtones est à l'origine d'histoires similaires d'autonomisation et d'autodétermination dans les communautés autochtones du monde entier. Chaque histoire de souveraineté des données autochtones est façonnée par les visions du monde et les valeurs uniques de la communauté qui l'adopte.
Bien qu'il n'y ait pas de définition unique de la souveraineté des données autochtones, cette expression fait largement référence au droit des peuples autochtones de régir la collecte, la propriété et l'utilisation des données relatives à leurs terres, communautés et cultures. De nombreuses personnes qui défendent la souveraineté des données autochtones recherchent une autogouvernance totale des données, donnant aux communautés autochtones un contrôle total sur leurs données. Cela exige de redéfinir la relation avec les données, en allant au-delà de la recherche pour inclure les données détenues par les gouvernements et les industries à des fins opérationnelles, financières et de gouvernance.
Même si nous utilisons le terme « autochtone » dans un sens général dans cet article, les peuples autochtones ne constituent pas un groupe homogène. La population autochtone du Canada se compose de trois groupes distincts – les Premières Nations, les Inuits et les Métis – qui ont chacun leur propre culture, leur propre langue, leur propre histoire et leurs propres traditions, et il existe de nombreuses sous-populations au sein de ces groupes.
La souveraineté des données autochtones peut également inclure le rapatriement des données détenues par la Couronne, permettant ainsi aux communautés autochtones de disposer des informations nécessaires pour gérer la santé, l'éducation et d'autres services essentiels à mesure qu'elles progressent vers l'autonomie gouvernementale. Cette souveraineté comprend l'accès aux documents historiques essentiels à la négociation de traités et aux revendications territoriales non résolues, ce qui permet aux nations autochtones de prendre des décisions éclairées sur leur avenir. Ainsi, la Nation Nishnawbe Aski a utilisé le financement fédéral et les données communautaires pour déterminer les coûts réels de la prestation de services de protection de l'enfance dans les régions éloignées dans le but d'éclairer les décisions de financement et de remédier à la discrimination à laquelle sont confrontées les communautés isolées des Premières Nations.
Dans le cadre de la souveraineté des données autochtones, la collecte de données et la gestion de l'information doivent s'harmoniser aux pratiques et à la culture de la communauté autochtone représentée dans les données. Elle les reconnaît comme des détenteurs et détentrices de droits plutôt que comme des parties prenantes, et comme des partenaires plutôt que comme des sujets ou des personnes consultées. Ce point est particulièrement important en raison des distinctions considérables entre les approches occidentales et autochtones en matière de recherche et, par conséquent, des résultats de la recherche.
Des progrès sont nécessaires
Les peuples autochtones ont toujours recueilli et géré leurs propres données. Cependant, de nombreuses communautés autochtones se sont retrouvées soumises à la collecte de données, à la gouvernance des données et à l'utilisation de données par les gouvernements des colons, ce qui pourrait être considéré comme un vol de connaissancesDéfinitions 1. Ces communautés se sont largement vu refuser le droit de contrôler la façon dont leurs données sont recueillies, utilisées et représentées.
Selon le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations, les Premières Nations sont également confrontées à des capacités de données limitées, à savoir :
- un manque de données de qualité;
- des obstacles culturels;
- d'importantes lacunes dans les données;
- des ensembles de données fragmentés et des problèmes à évaluer ces ensembles;
- des obstacles législatifs et stratégiques d'accès aux données;
- des divisions de compétences entre les gouvernements (fédéral et provinciaux);
- des ensembles de données appartenant à d'autres gouvernements (fédéral et provinciaux).
Par conséquent, les Premières Nations sont peu à même de contribuer aux systèmes statistiques et d'information du Canada et d'en tirer profit, ce qui a une incidence sur leur capacité de gouverner, de prendre des décisions éclairées, de planifier et de protéger leurs communautés. Tel était le cas pour le peuple Nishnawbe Aski, qui a dû commander le rapport de la phase II du projet de recherche sur le quotient d'éloignement pour combler les lacunes en matière de données et répondre aux besoins de sa communauté face à la discrimination.
Les biais cognitifs et la discrimination dans la collecte de données sont profondément enracinés dans les pratiques coloniales, ce qui ressort clairement dans la façon dont les données sur les peuples autochtones ont été historiquement recueillies. Dans l'ensemble des nations colonisées, les données autochtones se sont concentrées sur les différences, les disparités, les désavantages, les dysfonctionnements et les dénuements, souvent appelées données 5D (en anglais seulement). Cette approche fondée sur les déficits a faussé les représentations des communautés autochtones, en mettant l'accent sur les niveaux d'études inférieurs, les problèmes de santé et les luttes socio-économiques. Ces représentations ont souvent été utilisées pour justifier des taux élevés d'incarcération, de victimisation et de suicide parmi les populations autochtones.
Si les peuples autochtones ne contestent pas les statistiques relatives à la santé, à l'éducation et au statut socio-économique, le problème réside dans la manière dont les données sont formulées. En l'absence de contexte culturel et social, ces données sont souvent interprétées dans une optique coloniale, ce qui mène à des politiques et à des programmes qui ne répondent pas aux besoins réels des communautés autochtones. Pour que les données soient pertinentes et efficaces, elles doivent être interprétées en tenant compte des visions du monde, des histoires et des contextes culturels des Autochtones.
Les données relatives aux Autochtones au Canada sont souvent présentées dans le cadre d'un modèle déficitaire qui met trop l'accent sur les résultats négatifs et qui inscrit souvent les peuples autochtones dans un discours de risque, de problèmes et de vulnérabilité, plutôt que dans des approches affirmatives ou fondées sur les forces pour documenter les progrès et les identifications positives de la population.
Les obstacles législatifs entravent davantage les progrès vers la souveraineté des données autochtones. Au Canada, les lacunes dans les politiques en matière d'information mettent souvent à l'écart les priorités autochtones, ce qui empêche la mise en œuvre complète de la gouvernance des données. Par exemple, en vertu de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, les documents archivés peuvent être rendus publics après 20 ans, ce qui pourrait être une source de préoccupation, puisque de nombreux documents contiennent des données autochtones et coloniales sensibles. Cette mesure pourrait permettre d'utiliser ou de montrer des données sans le consentement des Autochtones.
De même, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne protège que les renseignements personnels, et ne reconnaît pas les droits collectifs des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de protection de la vie privée. Ainsi, la Couronne décide unilatéralement qui peut accéder aux données autochtones, dans quelles conditions et à quelles fins, sans obligation de consulter les communautés concernées ou demander leur approbation.
La Couronne décide unilatéralement qui peut accéder aux données, dans quelles conditions et à quelles fins. Il n'y a aucune obligation pour la Couronne de consulter les Premières Nations ni de leur demander leur accord pour partager leurs données.
Ces cadres juridiques permettent également l'utilisation non autorisée des savoirs traditionnels autochtones, même si les colons ont historiquement rejeté, critiqué ou même tenté d'effacer leur valeur.
Les peuples autochtones sont propriétaires de leurs connaissances et de leur culture, et toutes les autres personnes doivent demander la permission de les utiliser – même dans les cas où; des lois non autochtones pourraient laisser entendre que quelque chose relève du « domaine public ».
De plus, les communautés autochtones continuent d'être soumises aux systèmes coloniaux de classification et d'identification dans le cadre de la recherche. Ces systèmes ne tiennent pas compte de la diversité des langues, des cultures et des structures de gouvernance au sein des nations autochtones. Au lieu de cela, ils imposent des cadres juridiques et stratégiques occidentaux qui classent et caractérisent les peuples autochtones d'une manière qui ne correspond pas à leur propre identité culturelle. Le terme « autochtone » est souvent utilisé comme une étiquette fourre-tout pour des raisons de commodité, ce qui peut réduire la richesse des histoires et des expériences uniques de groupes, clans et communautés particuliers. En conséquence, les données ne représentent souvent pas fidèlement les réalités de ces populations, perpétuant ainsi des biais dommageables.
Les peuples autochtones ne peuvent pas prétendre à la souveraineté des données s'ils sont soumis à des systèmes d'information qui les dénigrent, les exploitent et les définissent de manière erronée. Bien que la souveraineté des données autochtones ne rende pas nécessairement le pouvoir aux peuples autochtones, elle pousse les gouvernements et les organisations à mettre en œuvre, par exemple, le renforcement des capacités en matière de données, les accords de transmission et d'échange de données, et les modèles de co-gouvernance pour faire progresser l'autodétermination autochtone.
Décolonisation des données
La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Loi sur la Déclaration des Nations Unies) est entrée en vigueur en juin 2021. Elle a catalysé les efforts visant à relever les défis de gouvernance des données auxquels sont confrontés les peuples autochtones, et aide à s'assurer que les lois et les politiques du Canada s'harmonisent avec les droits des Autochtones, en faisant la promotion de l'équité, de la transparence et du respect des peuples autochtones. Cela exige, bien sûr, de faire progresser la gouvernance des données autochtones.
L'engagement du Canada à faire progresser une approche pangouvernementale en matière de gestion et d'échange des données autochtones est souligné dans la Stratégie relative aux données de 2023-2026 pour la fonction publique fédérale.
Au cours de la première phase (2022-2023 à 2024-2025), les Premières Nations mettront en place des équipes de champions des données qui s'engageront avec les détenteurs de droits à élaborer des plans et à établir le réseau de centres nationaux et régionaux de gouvernance de l'information dirigé par les Premières Nations envisagé dans la Stratégie de gouvernance des données des Premières Nations de 2020. Les Inuits et les Métis élaboreront leurs propres stratégies en matière de données, en identifiant leurs besoins à long terme en matière de données et de capacité de données, en fonction de leur histoire, de leurs priorités et de leurs perspectives propres.
Afin de poursuivre la mise en œuvre des principes de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies et de faire progresser la réconciliation, le gouvernement du Canada a présenté le Plan d'action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2023-2028), qui décrit 181 mesures, élaborées en consultation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, pour atteindre les objectifs de la Loi. La mesure 30, par exemple, met l'accent sur la souveraineté des données autochtones, en s'engageant à soutenir les stratégies de données dirigées par les Autochtones qui permettent aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis de gérer, de protéger et d'utiliser leurs données. Cette mesure comprend de faciliter l'échange de données en temps opportun grâce à des partenariats de nation à nation, entre les Inuits et la Couronne et de gouvernement à gouvernement tout en respectant la vie privée des personnes. Ce faisant, le gouvernement vise à renforcer le contrôle des Autochtones sur les données et à favoriser la recherche, la prise de décisions et la recherche généalogique dirigées par les Autochtones.
Conformément à ces engagements, Statistique Canada, en collaboration avec Services aux Autochtones Canada et d'autres ministères, a lancé l'initiative Approches transformatrices des données autochtones (ATDA) afin de renforcer les capacités en matière de données autochtones et d'appuyer les systèmes de connaissances autochtones en tant qu'élément essentiel de l'autodétermination. L'initiative ATDA permet de collaborer avec les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour améliorer leur gouvernance des données, en s'assurant qu'elles disposent des outils nécessaires pour relever les défis stratégiques et travailler à combler les écarts socio-économiques. De même, Services aux Autochtones Canada s'efforce de transférer la gouvernance des données et les services aux organisations autochtones dans le cadre de son mandat de transfert des services, en leur donnant les moyens de concevoir des programmes qui reflètent leurs propres besoins et réalités. Cette façon de procéder vise à prévenir des situations comme celles qui ont conduit au rapport de la phase II du projet de recherche sur le quotient d'éloignement, lorsque l'insuffisance des ressources et des données a contraint la Nation Nishnawbe Aski à intenter une action en justice pour répondre aux besoins en matière de protection de l'enfance de sa population mal desservie et négligée vivant dans des régions éloignées.
Alors que les ministères fédéraux travaillent avec diligence pour maintenir l'engagement du Canada envers la souveraineté des données autochtones, les communautés autochtones travaillent sur leurs propres stratégies de gouvernance des données. Par exemple, le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations, en collaboration avec les communautés des Premières Nations, a élaboré les principes de PCAP® – propriété, contrôle, accès et possession. Les principes de PCAP® sont une stratégie de gouvernance des données propre à la communauté, qui affirme que les Premières Nations ont un contrôle exclusif sur leurs données, de la collecte à l'utilisation en passant par l'échange, en veillant à ce qu'elles gèrent leurs données en fonction de leurs valeurs et de leurs priorités.
Les principes de PCAP®
- « Propriété » réfère à la relation que les Premières Nations entretiennent avec leur savoir culturel et les données et renseignements les concernant. Selon ce principe, une collectivité ou un groupe est collectivement propriétaire de l'information, à l'instar d'un individu qui est naturellement propriétaire de ses renseignements personnels.
- « Contrôle » exprime que les Premières Nations, leurs collectivités et les organismes qui les représentent ont le droit d'exiger le contrôle de l'intégralité de la recherche et des processus de gestion de l'information les concernant. Le contrôle de la recherche peut comprendre toutes les étapes d'un projet, du début à la fin. Le principe s'étend au contrôle des ressources et des processus d'examen, au processus de planification, à la gestion de l'information, etc.
- « Accès » affirme que, quel que soit l'endroit où; se trouvent des renseignements et données concernant les Premières Nations et leurs collectivités, celles-ci doivent y avoir accès. Ce principe confirme également le droit des collectivités et des organisations des Premières Nations de prendre des décisions concernant l'accès à leur information collective et la gestion de cet accès. Cela peut être réalisé, en pratique, par des protocoles normalisés et formels.
- La « possession » est un principe plus concret que la propriété, qui définit la relation qui existe entre un peuple et l'information le concernant. Elle fait référence au contrôle physique des données. La « possession » est le mécanisme permettant de faire valoir et de protéger la propriété.
Alors que les Premières Nations ont formalisé les principes de PCAP®, les Inuits et les Métis progressent dans leur cheminement vers la souveraineté des données. Des organisations comme Nunavut Tunngavik Incorporated (en anglais seulement) dirigent des initiatives de gouvernance des données inuites au moyen de stratégies comme la Stratégie nationale relative aux données inuites (en anglais seulement). De même, la Nation métisse a reconnu la nécessité d'un cadre de souveraineté des données, comme le souligne son analyse de l'environnement de 2022. Bien que l'élaboration de stratégies de gouvernance propres aux Métis n'en soit qu'à ses débuts, les efforts des Inuits et des Métis soulignent un engagement croissant à faire en sorte que les peuples autochtones puissent contrôler leurs données conformément à leurs valeurs et à leurs objectifs.
De façon plus générale, l'alliance générale sur les données autochtones (en anglais seulement) a conçu les principes CARE (en anglais seulement) pour la gouvernance des données autochtones (qui signifie avantage collectif, autorité en matière de contrôle, responsabilité et éthique) afin de refléter le rôle crucial des données dans la promotion de l'innovation et de l'autodétermination autochtones (traduction). Les principes CARE permettent non seulement d'examiner qui recueille et possède les données autochtones, mais aussi la façon dont celles-ci sont stockées et diffusées. Ils ont été créés pour être utilisés parallèlement aux principes FAIR (faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables) afin d'atténuer le manque de considération des principes FAIR quant aux différences de pouvoir et aux contextes historiques. Les principes FAIR préconisent des données ouvertes sans tenir compte des différences de pouvoir et des contextes historiques.
Il y a une pression accrue en faveur d'un plus grand échange de données, comme en témoigne la large acceptation des principes FAIR... Cependant, ces principes créent des tensions quant à la manière dont les données des peuples autochtones sont protégées, échangées et utilisées. Les principes FAIR se concentrent sur la manière de rendre la technologie plus efficace et ignorent le fait que les données proviennent de personnes et qu'elles ont besoin de droits et de protection. Alors que les principes FAIR sont centrés sur les données et ignorent l'incidence sur l'utilisation éthique et socialement responsable des données, y compris les différences de pouvoir et les conditions historiques concernant l'acquisition et l'utilisation des données, les principes CARE sont centrés sur le bien-être des peuples autochtones et leurs données, et peuvent être mis en œuvre parallèlement aux principes FAIR tout au long du cycle de vie des données afin de garantir un bénéfice collectif.
Les principes CARE
- L'avantage collectif énonce que les écosystèmes de données doivent être conçus et fonctionner de manière à permettre aux peuples autochtones de tirer avantage des données. Les organisations doivent soutenir et faciliter activement l'utilisation des données par les communautés autochtones, ce qui permettrait de favoriser le pouvoir décisionnel des nations autochtones en leur permettant de mieux comprendre leurs peuples, leurs territoires et leurs ressources.
- L'autorité en matière de contrôle fait référence au fait de donner le pouvoir aux peuples et aux communautés autochtones en vue déterminer comment les cultures, les terres, les ressources, les connaissances et les personnes autochtones sont représentées et désignées dans les données. Les peuples autochtones ont le droit d'accéder à des données correspondant à leur vision du monde, d'élaborer des protocoles de gouvernance culturelle pour les données autochtones et d'être des leaders actifs de la gérance des données et des connaissances autochtones et de l'accès à celles-ci.
- Les personnes qui travaillent avec les données autochtones ont la responsabilité d'expliquer la manière dont les données sont utilisées pour appuyer l'autodétermination et l'avantage collectif des Autochtones. Cette responsabilité comprend de donner l'accès aux ressources pour générer des données autochtones, de soutenir le perfectionnement d'une main-d'œuvre autochtone dans le domaine des données et de veiller à ce que la création, l'interprétation et l'utilisation des données soient respectueuses des communautés autochtones.
- L'éthique fait référence au maintien de processus de données éthiques qui accordent la priorité au bien-être et aux droits des peuples autochtones à toutes les étapes du cycle de vie des données. Les données éthiques devraient s'efforcer de réduire au minimum les préjudices actuels et potentiels futurs. Les données ne devraient pas stigmatiser les peuples, les cultures ou les connaissances autochtones ou les représenter en termes de déficits.
Les initiatives du gouvernement du Canada, les principes de PCAP® et les principes CARE, ainsi que d'autres stratégies de gouvernance des données propres à la communauté, orientent la transition vers une approche plus inclusive et respectueuse de la gouvernance des données, conforme aux valeurs autochtones. Mais il ne s'agit que d'un début. Il est encore nécessaire, entre autres progrès, de renforcer les capacités des Autochtones en matière de données, de procéder à des réformes juridiques et de conclure des accords de transmission afin de pouvoir mettre en œuvre la souveraineté des données autochtones à grande échelle.
Dans l'ensemble
Le cas de la Nation Nishnawbe Aski montre comment l'absence de gouvernance des données autochtones peut perpétuer les relations coloniales et causer des préjudices et de la négligence involontaires.
La souveraineté des données autochtones concerne la construction des nations, l'autodétermination, l'autonomie gouvernementale et le rétablissement des relations de nation à nation, entre les Inuits et la Couronne et de gouvernement à gouvernement. En faisant progresser la souveraineté des données autochtones et en mettant en œuvre ses cadres, nous pouvons empêcher la poursuite de la dynamique coloniale dans l'espace des données.
Il est crucial de reconnaître que les données façonnent non seulement notre vision du monde, mais aussi les structures qui s'y trouvent. En réfléchissant à nos systèmes de gestion de l'information et en les améliorant, nous pouvons nous assurer que les communautés que les données représentent sont à la fois servies et protégées.
Ressources