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Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique (TRN5-V55)

Description

Cet enregistrement d'événement permet d'explorer comment le savoir autochtone peut contribuer à guider l'élaboration de politiques et de pratiques holistiques et efficaces qui appuient la gestion environnementale et abordent la question du déplacement des communautés.

Durée : 01:23:03
Publié : 8 mai 2024
Type : Vidéo

Événement : Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique


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Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique

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Transcription : Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique

Description de l'EFPC : Série sur le changement climatique et les migrations humaines : Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique.

[00:00:00 La vidéo s'ouvre sur le logo animé de l'EFPC]

[00:00:06 Robert McLeman apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Robert McLeman; Professor, Wilfrid Laurier University. /Robert McLeman; Professeur, Université Wilfrid-Laurier]

Robert McLeman : Bonjour et bienvenue à tous. Notre événement d'aujourd'hui s'intitule « Intégrer le savoir autochtone à la prise de décisions relative aux déplacements liés au changement climatique ». Il s'agit du quatrième événement d'une série de quatre intitulée « Le changement climatique et les migrations humaines ». Je m'appelle Robert McLeman. Je suis professeur au département de géographie et d'études environnementales de l'Université Wilfrid Laurier, et je suis l'un des co-créateurs de cette série.

Je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel partagé des peuples neutres anichinabés et haudenosaunees. Cette terre est appelée « Un plat à une cuillère » par les peuples haudenosaunees et anichinabés et symbolise l'accord de partager et de protéger nos ressources et de ne pas entrer en conflit. Extrait de la proclamation Haldimand du 25 octobre 1784,

[00:00:52 Texte superposé à l'écran : Canada.ca/School; Climate Change and Human Migration Series, Integrating Indigenous Knowledge into Climate Displacement Decision Making.

Robert McLeman : prendre possession des berges de la rivière, communément appelée rivière Grand et se jetant dans le lac Érié, et s'y installer, se voyant ainsi attribuer à ces fins une bande de terre de six milles de large de part et d'autre de la rivière, laquelle commence au lac Érié et s'étend jusqu'à la source de ladite rivière, et dont ils peuvent disposer à tout jamais, tout comme leurs descendants. Cette proclamation a été signée par les Britanniques avec leurs alliés, les Six Nations, après la Révolution américaine. Bien qu'elles constituent la plus grande réserve démographique du Canada, ces Nations résident aujourd'hui sur moins de 5 % de leur territoire d'origine. Certains d'entre vous viennent peut-être d'autres régions du pays et je vous encourage à prendre un moment pour reconnaître le territoire que vous occupez aujourd'hui.

J'ai le plaisir de vous présenter nos quatre conférenciers exceptionnels d'aujourd'hui. Notre événement sera animé par Todd Kuiack, ancien diplomate canadien, qui a été en poste au Mexique, au Chili et à Cuba, et dont la dernière affectation à l'étranger a été celle d'ambassadeur en République dominicaine. Il a également passé cinq ans en tant que directeur de la gestion des urgences à Services aux Autochtones Canada, où il a pu s'adresser aux Nations Unies lors des conférences sur la réduction des risques de catastrophes à Montréal, au Mexique et à Genève. Todd est passionné par le baseball et le développement des communautés

[00:02:08 Écran divisé : Robert McLeman et Todd Kuiack.]

Robert McLeman : et fait partie du comité consultatif autochtone de la Blue Jays Care Foundation de Toronto. Il est actuellement directeur des opérations pour Planification et consultations au Bureau du Conseil privé à Ottawa, où il a été désigné par le greffier comme champion des peuples autochtones.

[00:02:26 Écran divisé : Robert McLeman et Amy Cardinal Christianson.]

Robert McLeman : J'aimerais également vous présenter Amy Cardinal Christianson, spécialiste du feu autochtone à Parcs Canada. Ses recherches portent sur l'intendance autochtone du feu, les pompiers autochtones luttant contre les feux de forêt, les évacuations en cas de feux et les méthodologies de recherche autochtones. Depuis 2022, elle est membre du conseil d'administration de l'International Association of Wildland Fire. Amy coanime également le balado Good Fire, qui traite de l'utilisation du feu par les Autochtones dans le monde entier. Elle a récemment co-écrit les livres First Nations Wildfire Evacuations : A Guide for Communities and External Agencies, ainsi que Blazing the Trail: Celebrating Indigenous Fire Stewardship.

[00:03:11 Écran divisé : Robert McLeman et Simon Lambert.]

Robert McLeman : J'aimerais également vous présenter Simon Lambert, qui vient d'être nommé conseiller scientifique en chef pour les Maoris au sein du ministère de l'Environnement de la Nouvelle-Zélande. Auparavant, il a enseigné pendant six ans à l'Université de Saskatchewan, au département des études autochtones, où ses recherches portaient sur la réduction des risques de catastrophes et la gestion des urgences au sein des communautés autochtones, en particulier dans les zones urbaines. Son travail récent a été axé sur la collaboration avec des collègues autochtones internationaux afin de promouvoir les voix autochtones au sein de la plateforme mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe.

[00:03:49 Miguel Sioui apparaît en plein écran.]

Robert McLeman : Miguel Sioui est professeur associé au département de géographie et d'études environnementales de l'Université Wilfrid-Laurier.

[00:03:54 Écran divisé : Robert McLeman et Miguel Sioui.]

Robert McLeman : Ses domaines d'expertise sont le savoir autochtone, l'intendance des terres et des eaux autochtones, l'éthique environnementale et la gestion de l'environnement. Miguel plaide pour l'intégration du savoir autochtone dans les domaines liés à la gestion de l'environnement. En 2022, il a contribué au sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat sur l'intégration de la responsabilité autochtone dans les stratégies d'adaptation et d'atténuation du climat. Plus tard cette année, son chapitre Indigenous Knowledge and the Way Forward sera publié par Oxford University Press dans la collection intitulée Canadian Politics and Policy.

[00:04:37 Robert McLeman apparaît en plein écran.]

Robert McLeman : Permettez-moi de remercier tous nos conférenciers de s'être joints à nous aujourd'hui. Je vais maintenant vous céder la parole et le micro, Todd.

[00:04:42 Todd Kuiack apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Todd Kuiack; champion des peuples autochtones, Bureau du Conseil privé.]

Todd Kuiack : Merci, Robert. [en langue autochtone]

J'ai le plaisir de passer le micro à notre premier conférencier, Miguel.

Miguel, la parole est à vous.

[00:03:49 Miguel Sioui apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Miguel Sioui; Associate Professor, Wilfrid Laurier University.]

Cette fonte du pergélisol et d'autres manifestations localisées du changement climatique dans la région subarctique ont une incidence considérable sur les moyens de subsistance basés sur la terre et les pratiques culturelles du peuple Dehcho. Et le dégel du pergélisol a une incidence profonde sur toutes les dimensions des pratiques basées sur la terre des Dénés. Il entraîne des dommages aux infrastructures, l'érosion, la perturbation des activités traditionnelles et même des risques pour la santé. Il s'agit donc d'une grave menace pour les moyens de subsistance et la vie des peuples autochtones de la région subarctique et d'autres régions des Amériques et du monde entier.

Il y a toutefois espoir, puisque des groupes autochtones comme les Premières Nations Dehcho se mobilisent de plus en plus dans des stratégies et des initiatives d'adaptation culturelle, y compris des programmes tels que la surveillance communautaire, la modernisation des infrastructures, la diversification des moyens de subsistance et d'autres efforts de préservation de la culture. Mais ces solutions globales nécessitent une collaboration entre les gouvernements, les chercheurs, les ONG et les communautés autochtones elles-mêmes afin de garantir la durabilité et la résilience des communautés du Nord,

[00:07:49 Écran divisé : Miguel Sioui et images des effets du dégel du pergélisol de 2003 à 2020. Texte à l'écran : Permafrost Thaw/Dégel du pergélisol (Scotty Creek, dehcho, Northwest Territories/ Territoires du Nord-Ouest.]

Miguel Sioui : et d'autres communautés également, pour qu'elles soient en mesure de prospérer et de se réunir collectivement pour faire face au dégel du pergélisol et à d'autres manifestations locales ou régionales du changement climatique.

Les peuples autochtones se considèrent donc depuis longtemps comme les gardiens de la terre et je dirais que la plupart des groupes ou communautés autochtones sont guidés par un profond sentiment de responsabilité à l'égard de l'environnement.

[00:08:23 Écran divisé : Miguel Sioui, et une boucle d'images de paysages nordiques récents.]

Miguel Sioui : Cette perspective, enracinée dans les visions du monde et les traditions culturelles autochtones, met l'accent sur l'interconnexion de tous les êtres vivants et sur l'impératif culturel de prendre soin de la terre. Par exemple, ce concept de pensée basée sur la responsabilité, comme j'ai appris à l'appeler parmi mon propre peuple huron-wendat, mes ancêtres et d'autres communautés autochtones, souligne vraiment l'idée que les humains ont le devoir et la responsabilité de protéger et de préserver l'environnement, ou simplement la terre si nous utilisons une terminologie plus autochtone, non seulement dans notre intérêt en tant que génération actuelle de personnes ou d'humains vivant ici, mais aussi dans celui des générations futures et de la communauté écologique au sens large.

Cette approche globale de la gestion de l'environnement est donc profondément ancrée dans les systèmes de savoir autochtone, et elle oriente également la réponse autochtone au changement climatique. De plus en plus, les scientifiques et les décideurs politiques reconnaissent la valeur du savoir autochtone, ou SA, pour relever ces défis mondiaux urgents, tels que le changement climatique et d'autres défis liés à la gestion de l'environnement. Ainsi, le SA englobe le savoir écologique traditionnel, ou SET, c'est-à-dire un système de connaissances transmis de génération en génération, souvent oralement. Ce savoir permet de mieux comprendre les écosystèmes locaux, les conditions météorologiques, les pratiques de gestion durable des terres et toute une série d'autres réalités ou conditions sur les terres au quotidien.

Par exemple, et je crois qu'Amy va en parler, de la pratique traditionnelle du brûlage dirigé chez un grand nombre de groupes autochtones à travers les Amériques et ailleurs. Il a été démontré que cette pratique permettait d'atténuer le risque de feux de forêt en réduisant l'accumulation de combustible et en favorisant la santé générale de l'écosystème, entre autres. De même, dans le Mexique d'aujourd'hui, la compréhension culturelle intime et de longue date des Mayas du Yucatan de l'environnement local a permis à cette communauté, à ce groupe autochtone, de développer des techniques et des pratiques agricoles résilientes qui sont parfaitement adaptées aux conditions climatiques de leur région et aux réalités environnementales du Yucatan d'aujourd'hui.

Les peuples autochtones ont puisé dans leur lien profond avec la terre, et ils mènent une multitude d'efforts pour réinventer ou reconsidérer la relation de l'humanité avec la Terre et plaider pour des approches plus inclusives et plus équitables de la gouvernance environnementale également.

Je pense que le savoir autochtone et les pratiques et politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique présentent une valeur considérable et profonde. Et comme je l'ai dit, les scientifiques et les décideurs politiques du monde entier ont commencé à reconnaître la valeur du savoir autochtone dans la lutte contre le changement climatique et d'autres défis liés à la gestion de l'environnement. Je crois qu'il y a beaucoup à apprendre des peuples autochtones à cet égard. Ainsi, les systèmes de savoir autochtone sont souvent ancrés dans ce que les chercheurs autochtones ont décrit comme une vision du monde relationnelle. Cette vision du monde relationnelle a permis de mieux comprendre l'interaction très complexe entre les êtres humains et leurs différents environnements.

Par exemple, chez les Premières Nations Dehcho des Territoires du Nord-Ouest, les enseignements traditionnels et les lois dénées mettent l'accent sur l'interconnexion de tous les êtres vivants et sur la relation réciproque entre l'humain et le monde naturel. En ce sens, le concept de la pensée fondée sur la responsabilité souligne, une fois de plus, l'engagement éthique des peuples autochtones à prendre soin de la terre et à honorer les liens ancestraux avec l'environnement par le biais de diverses activités d'utilisation de la terre qui sont menées au quotidien dans les communautés autochtones. Cette perspective, cette approche culturelle, est très différente des approches occidentales de la gestion de l'environnement et des relations avec celui-ci. Ces approches occidentales, pourrait-on dire, reposent davantage sur des cadres fondés sur les droits, qui privilégient les droits individuels par rapport aux responsabilités collectives à l'égard de la terre. Je suis donc convaincu que les approches fondées sur la responsabilité offrent une compréhension plus globale des relations entre l'humain et l'environnement, selon des principes de réciprocité et de respect mutuel. L'intégration de certains de ces principes, une approche plus responsable de l'utilisation et de la gestion des terres, nécessite de s'éloigner des formes linéaires ou textuelles de transmission du savoir au profit de modes d'apprentissage plus expérientiels et relationnels, qui sont innés dans les approches autochtones.

Par exemple, la tradition orale des récits chez les Mayas yucatèques, les Premières Nations du Dehcho et pratiquement tous les peuples autochtones du monde, permet de transmettre le savoir écologique d'une génération à l'autre, ce qui préserve la sagesse traditionnelle face aux changements environnementaux. Dans les régions arctiques, les aînés inuits jouent un rôle crucial dans la transmission du savoir écologique traditionnel aux jeunes générations, par le biais de cette expérience relationnelle directe et des récits oraux que j'ai décrits.

Ainsi, cette compréhension intime des différents aspects ou éléments du monde naturel, de l'environnement ou de la terre, comprend une compréhension de la dynamique de la glace de mer, du comportement de la faune et des schémas météorologiques qui sont tous essentiels à la survie dans les environnements arctiques. En participant à des activités telles que la chasse, la pêche, la navigation et les pratiques cérémonielles d'utilisation des terres, les utilisateurs inuits de l'Arctique apprennent de première main l'importance du respect et de la protection de cet équilibre délicat dans l'écosystème arctique. Je pense que l'intégration de cette approche et de ce mode de pensée fondés sur la responsabilité dans la gouvernance environnementale au Canada et ailleurs nécessite d'adopter des modes d'apprentissage expérientiels et relationnels qui honorent l'interconnexion des êtres humains et de l'environnement.

Pour conclure cette discussion sur le savoir autochtone et son rôle essentiel dans la politique climatique et l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets, je dirai que les communautés autochtones soulignent l'importance de l'adaptation et de la résilience face au changement climatique et aux autres changements environnementaux. Plutôt que de considérer la nature comme statique ou figée, les peuples autochtones comprennent que les écosystèmes sont dynamiques et interconnectés, et qu'ils nécessitent des stratégies flexibles pour faire face à des conditions changeantes. Par exemple, les Mayas yucatèques pratiquent l'agriculture basée sur la Milpa depuis plus de 5 000 ans dans le Yucatan, et sont donc directement responsables de la gestion de ces écosystèmes dans cette péninsule. Grâce à l'observation, aux pratiques cérémonielles d'utilisation des terres et à tout ce cadre fondé sur un précepte culturel de respect de l'environnement et de responsabilité, ils ont pu résister à de très nombreux changements au cours de cette période de 5 000 ans, et probablement plus récemment, au colonialisme et au bouleversement complet de leurs pratiques culturelles d'utilisation des terres et de leurs systèmes de gouvernance. Aujourd'hui, au cours des recherches que j'ai menées avec les Mayas yucatèques ces dernières années, notamment dans le cadre de mon doctorat, j'ai appris que leurs systèmes d'utilisation des terres sont tout à fait capables de faire face à l'incertitude, au changement et aux fluctuations des précipitations et de la température, par exemple.

Je pense qu'un autre enseignement clé réside dans le fait que les pratiques d'intendance autochtone donnent la priorité aux approches globales et interculturelles de la gestion des terres et de l'eau. Par exemple, nous entendons parler de termes tels que l'approche du double regard, développé par le docteur Albert Marshall, un ancien Mi'kmaq, et de modes de pensée capables d'incorporer et d'intégrer différents systèmes de savoir culturel dans une approche de gestion des terres, où nous adoptons les connaissances scientifiques occidentales ainsi que les systèmes culturels traditionnels pour développer des systèmes de gestion des terres plus complets et plus globaux.

Enfin, l'intendance autochtone est fondée sur les principes d'équité et de responsabilité intergénérationnelles, ce qui garantit que les ressources et l'environnement en général sont gérés de manière durable pour les générations futures. Par le biais de ces droits coutumiers, comme les lois dénées dans le nord du Canada, et d'autres traditions culturelles, les communautés autochtones donnent la priorité à la préservation de la terre et de l'eau pour le bien-être de tous les êtres humains et non humains et de nos proches, pour ainsi dire, pour les générations à venir.

Pour résumer ma discussion, les perspectives autochtones sur l'intendance des terres offrent des indications très précieuses sur les relations durables entre les terres et l'adaptation au changement climatique. Je crois qu'il y a beaucoup à apprendre des systèmes de savoir autochtone en soutenant, en particulier les initiatives de recherche menées par les Autochtones, les approches communautaires de la recherche et de l'adaptation au changement climatique. C'est ainsi que nous pourrons construire un avenir plus résilient et plus équitable pour toutes les communautés autochtones et non autochtones face à ces défis mondiaux de plus en plus complexes tels que le changement climatique.

[00:18:19 Todd Kuiack apparaît en plein écran.] 

Todd Kuiack : Quelle excellente ouverture. Excellente perspective. Merci beaucoup, Miguel. J'aimerais maintenant vous présenter notre deuxième conférencière, Amy. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Amy, c'est un plaisir de vous revoir. Je vous passe le micro.

[00:18:35 Amy Cardinal Christianson apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Amy Cardinal Christianson; Indigenous Fire Specialist, Parks Canada

Amy Cardinal Christianson : [langue autochtone] Todd, merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Je m'appelle Amy Cardinal Christianson. Je suis une Métisse des Territoires du Traité Huit, c'est-à-dire du nord de l'Alberta. Ma famille est la famille Cardinal-Labakan et elle est issue des pièces C SPAN, qui ont été privées de leurs droits par le gouvernement canadien après la Résistance du Nord-Ouest.

[00:19:03 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et deux couvertures de livres, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Je suis actuellement dans le Territoire du Traité Six et j'habite dans une petite ville appelée Rocky Mountain House. Si j'en parle, c'est parce que là où je vis, le feu fait partie intégrante de notre vie. Il y a eu beaucoup de feux l'année dernière, et nous connaîtrons probablement une autre saison importante avec la sécheresse actuelle en Alberta. Donc oui, je vais parler aujourd'hui des feux de forêt et des évacuations des Premières Nations en telle situation. Donc, diapositive suivante s'il vous plaît.

[00:19:03 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Je pourrais vous parler du Partenariat des Premières Nations pour l'évacuation en cas de feux de forêt. Il s'agit d'un groupe de chercheurs qui ont été réunis, des communautés des Premières Nations qui ont été évacuées en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta. Puis les organismes [qui] sont responsables de mener ou de soutenir ces évacuations. Et je pense, Todd, que c'est par cette initiative que nous nous sommes rencontrés.

Le projet a débuté en 2013, mais la plupart des évacuations que nous avons étudiées ont eu lieu entre 2011 et 2016. Diapositive suivante, s'il vous plaît.

[00:20:09 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Je tenais donc à expliquer pourquoi c'était important. Au Canada, il s'agit de la zone de feux de forêt, brûlée entre 1980 et 2021. Ce chiffre ne tient pas compte de la saison 2023, au cours de laquelle, une fois de plus, des feux sans précédent ont éclaté au Canada. Mais je peux vous dire que, d'après cette carte, une grande partie de ce qui a brûlé en 2023 se trouvait dans ces zones qui connaissent des feux récurrents. Il y a beaucoup d'activités de feux dans le paysage, mais la différence, c'est vraiment la quantité de feux de forêt de haute intensité et d'importante gravité qui se sont produits à travers le Canada à partir d'avril et jusqu'à la fin du mois de septembre. L'été a été très long. Diapositive suivante.

[00:20:59 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Ainsi, lorsque nous examinons les évacuations liées aux feux de forêt, notre carte suit essentiellement le même schéma, ce sont des communautés qui ont été évacuées entre 1980 et 2021. Les points gris représentent les communautés non autochtones, et les points orange les communautés autochtones. Il ne s'agit pas nécessairement de réserves, mais simplement de communautés que nous avons identifiées comme ayant une population autochtone supérieure à 50 %.

Donc, plus le point est grand, plus le nombre de personnes évacuées est important. Là encore, on peut voir à travers tout le Québec, toute la forêt boréale, et un véritable point chaud à l'intérieur de la Colombie-Britannique. Diapositive suivante.

[00:21:43 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Et si on regarde les pourcentages d'ordres d'évacuation. Il s'agit d'ordres, pas d'alertes, ce sont des communautés qui ont dû partir, c'est la première colonne, et ensuite le pourcentage d'évacués, c'est-à-dire les personnes qui ont été évacuées. C'est en Colombie-Britannique que l'on trouve le plus grand nombre d'évacuations et de personnes évacuées. L'Alberta arrive en fait en deuxième position pour le nombre d'évacués, mais c'est dû en grande partie à la ville de Fort McMurray, qui a évacué 100 000 personnes en une seule fois, ce qui fausse un peu nos résultats. Nous traversons ensuite la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, bref, toutes les provinces où l'on s'attendrait à voir des évacuations. Mais ce que je voudrais dire, c'est que personne n'a été épargné par les évacuations pour cause de feux de forêt dans tout le Canada, même si le Nunavut, pour l'instant, n'a fait l'objet d'aucune évacuation, mais c'est vraiment le seul endroit, ou le seul territoire, au Canada. Diapositive suivante.

[00:22:50 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Il s'agit ici des dates de début et de fin de l'évacuation. Ça semble un peu confus, mais je vais vous guider. La photo de gauche montre le Canada : La Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, vers le bas. En haut, nous avons les mois de l'année. Janvier, février, mars, avril, puis mai, juin, juillet, août, qui sont généralement les périodes où l'on enregistre le plus grand nombre d'évacuations pour cause de feux de forêt. La longueur de la ligne correspond à la durée de l'évacuation.

Au Canada, la durée d'évacuation pour cause de feux de forêt est généralement d'environ huit jours, lorsque les gens ne sont plus chez eux. Mais nous constatons que le délai est beaucoup plus long pour les populations autochtones et que de très nombreuses communautés évacuées à la suite de feux de forêt ayant eu des conséquences importantes ne sont toujours pas rentrées chez elles. Nous le voyons à Lytton, nous voyons la Nation Cree de Little Red River, au nord du Manitoba, il y a encore des gens dehors.

Il faut tenir compte du fait que, même si la date de fin est indiquée, de nombreuses évacuations n'ont pas encore été résolues, ce qui renvoie à l'idée de la migration des personnes et au fait que des personnes sont toujours affectées par des évacuations qui se sont peut-être produites il y a des années.

Encore une fois, sur cette image, les évacuations en Colombie-Britannique ont généralement lieu en juillet et en août, donc plus tard dans l'été. L'Alberta est un peu à part, car les évacuations ont généralement lieu en mai et en juin. Ce que nous avons vu l'année dernière était vraiment similaire à ce que nous voyons habituellement. Mais là encore, il arrive que des évacuations aient lieu en décembre en l'Alberta en raison de feux de forêt. Et donc, presque chaque mois de l'année peut donner lieu à des évacuations pour cause de feux de forêt, selon les conditions. Diapositive suivante.

[00:24:45 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Il est important de souligner qu'environ 5 % de la population canadienne s'identifie comme Autochtone. Nous avons beaucoup d'Autochtones en milieu urbain ou d'Autochtones qui ne vivent pas dans des communautés autochtones. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que les communautés dont la population est composée à plus de 50 % d'Autochtones représentent 42 % des cas d'évacuation pour cause de feux au Canada. Ces personnes sont touchées de manière incroyablement disproportionnée par les feux de forêt et, le plus grave, c'est qu'elles sont principalement tenues à l'écart des décisions concernant les feux de forêt sur leur territoire. Diapositive suivante.

[00:25:26 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Pour en revenir au partenariat, le First Nation Welfare Evacuation Partnership, ce qui s'est passé, c'est que les organismes et d'autres personnes nous ont beaucoup parlé de ce que c'était que de traiter les enjeux des Premières Nations avec l'administration. Mais à ce moment-là, personne n'avait vraiment parlé aux membres de ces communautés.

Nous avons donc formé des partenariats avec sept communautés différentes à travers le Canada, et elles sont représentées sur les étoiles, où elles ont été récemment évacuées, dont un grand nombre par voie aérienne, où le ministère de la Défense a dû intervenir et les aider à évacuer leurs communautés. Et nous avons fini par parler aux gens de ces expériences. Diapositive suivante.

[00:26:14 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Nous avons utilisé, à l'époque, des méthodes qualitatives de recherche en sciences sociales. Des assistants de recherche issus des communautés ont effectué les recherches. Les résolutions des conseils de bande des différentes Premières Nations avec lesquelles nous avons travaillé nous ont aidés à définir ce que nous recherchions dans chaque communauté, et nous avons ensuite effectué une tonne de travail sur le terrain. Plus de 200 entretiens ont été menés avec des personnes évacuées, des dirigeants et des habitants restés sur place, qui est un autre aspect important que je vais aborder. Nous nous sommes donc adressés à des jeunes, des adultes et des aînés. Diapositive suivante.

[00:26:49 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Nous avons publié un certain nombre d'articles universitaires sur ce sujet, mais j'aimerais attirer l'attention des gens sur le livre que nous avons élaboré, intitulé First Nations Wildfire Evacuations, que vous pouvez trouver sur Amazon ou chez UBC Press. Ce livre examine en profondeur les évacuations, mais à travers des histoires, de sorte que c'est une lecture très facile qui présente également un certain nombre de recommandations pour les communautés, qu'elles peuvent suivre avant et pendant l'évacuation, ainsi que pour les organismes externes lorsqu'ils doivent travailler avec des communautés autochtones.

Ainsi, à travers le livre, chaque chapitre représente une étape différente. La décision d'évacuer, par exemple, en voyant un feu approcher, la mise en œuvre d'un plan, la résolution des problèmes de transport, comment faire sortir les gens de la communauté, la recherche d'hébergements, la prise en charge des personnes évacuées et le retour à la maison. Nous avons entendu de nombreuses histoires horribles. Il y a aussi eu beaucoup de bonnes choses. Certaines Nations, par exemple le Lac La Ronge Indian Band avec la mission Stanley, ont parfaitement réussi leur évacuation jusqu'à ce qu'il soit confronté à l'administration externe et à tous les autres problèmes.

Il y a aussi le retour à la maison et le problème des finances. De nombreuses Nations sont censées payer immédiatement les frais d'évacuation. Elles peuvent alors réclamer une partie de ces coûts, mais presque toutes les communautés auxquelles nous avons parlé ont dû débourser des centaines de milliers de dollars en frais d'évacuation pour lesquels elles n'allaient pas être remboursées, ce qui peut être dévastateur pour une communauté qui est déjà confrontée à des problèmes financiers. Diapositive suivante.

[00:28:33 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Encore une fois, n'y regardez pas de trop près. Je sais que le texte est probablement très petit sur l'écran de tout le monde, mais je voulais juste vous signaler cette infographie qui est disponible sur le site Web du Partenariat. Il s'agit de mesures pratiques que les organismes peuvent prendre pour traiter avec les communautés, et que les communautés peuvent examiner. Mais je voulais vraiment vous parler du fait de rester derrière.

Lors des évacuations, les médias disent souvent : « Oh, il y a des gens qui restent sur place et qui ne respectent pas les ordres d'évacuation. » Mais ça se produit lors de chaque évacuation. Ce n'est pas une nouveauté. Nous devons commencer à travailler avec les personnes qui décident de rester derrière plutôt que de les condamner dans notre tête. Beaucoup de gens ont de très bonnes raisons de rester derrière, beaucoup de très bonnes connaissances qui leur permettront de rester en sécurité lorsqu'ils resteront derrière. Encore une fois, il s'agit simplement d'éduquer et de travailler avec ces personnes sur les aspects positifs qu'elles peuvent apporter à l'évacuation. Diapositive suivante.

[00:29:40 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Alors, pourquoi toutes ces évacuations à travers le Canada? Nous sommes confrontés à des risques croissants, et je sais que ce webinaire est axé sur le changement climatique, qui, bien entendu, contribue à ces risques. Il y a plusieurs excellentes recherches en sciences physiques qui sont en cours à ce sujet. De nombreux aînés parlent souvent de l'évolution de la situation sur leur territoire. Mais avec le feu, il y a aussi d'autres questions à soulever. L'une d'entre elles est l'exclusion du feu.

Nous sommes très doués pour éteindre les feux au Canada, n'est-ce pas? C'est ce que disent la plupart des gens. Mais ça a conduit à d'immenses accumulations de combustibles en raison de l'exclusion et de la suppression des feux dans le paysage, ainsi que des pratiques de gestion forestière. Les blocs de coupe et les tonnes de rémanents laissés derrière, qui sont offerts pour être brûlés. De nouvelles recherches montrent à quel point le feu se déplace mieux et brûle plus intensément à travers ces blocs de coupe. Donc, oui, il y a beaucoup d'éléments différents. De même, l'idée de monocultures, ou la promotion de certaines espèces à brûler. Ensuite, l'expansion du milieu périurbain dans les zones à haut risque de feux de forêt. Diapositive suivante.

[00:30:50 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Ainsi, comme Miguel l'a mentionné plus tôt, tout mon travail porte actuellement sur les pratiques de brûlage de la culture autochtone. C'est ainsi que les populations autochtones ont cherché à remplacer les feux fortuits dans le paysage, c'est-à-dire les feux provoqués par la foudre ou les feux criminels, par des feux choisis. C'est pourquoi, dans tout le Canada, on parle souvent de nettoyage de la terre. En fait, je n'ai encore rencontré aucune Nation, de l'est au nord du Canada en passant par la côte ouest, qui n'utilisait pas le feu d'une manière ou d'une autre. Mais la différence entre le feu culturel et ce que les organismes font aujourd'hui avec le brûlage dirigé, c'est que nous utilisions le feu pour atteindre des objectifs culturels précis.

L'un des avantages de cette méthode est qu'elle réduit le risque, mais les citations montrent qu'ils ne mettent pas le feu à la forêt pour le simple plaisir de brûler, mais pour pouvoir revenir chasser l'année suivante et survivre. Je voudrais également ajouter que beaucoup de gens pensent que cette pratique n'existe pas, que le savoir a été perdu ou qu'il nous a été enlevé par la colonisation. Mais vous savez quoi? Nous avons brûlé hier. Nous avons eu un beau moment de brûlage ici. Nous étions sur le terrain en train de le faire. Lorsqu'on sait à quel moment brûler, c'est une activité à très faible risque si on respecte les règles de gouvernance et les protocoles appropriés. Diapositive suivante.

[00:32:01 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : En regardant ici, vous pouvez voir en haut à gauche ce que nous avions l'habitude de voir dans le paysage canadien. Beaucoup d'espaces ouverts. On y trouve des forêts mixtes en mosaïque et une grande biodiversité. Il y a un petit feu culturel en cours et un coup de foudre dans les montagnes, mais les choses brûlent simplement avec une très bonne sévérité, rien n'est trop brûlé. La photo du milieu montre le moment où nous avons commencé à éteindre les feux, de sorte que vous pouvez voir la végétation se développer, et nous perdons ces prairies. En bas, nous voyons les feux de très forte intensité qui brûlent la totalité de la terre. Et comme il n'y a pas de mosaïque ou de biodiversité dans le paysage, la forêt entière est brûlée. Diapositive suivante.

[00:33:04 Écran divisé : Amy Cardinal Christianson et diapositive, comme décrit.]

Amy Cardinal Christianson : Donc, les enjeux. Pour l'instant, et je sais que nous en parlerons plus en détail lors de la période de questions, l'expertise des Autochtones en matière de feux n'est guère reconnue. La souveraineté autochtone et les mouvements de restitution des terres s'inscrivent dans une dynamique de pouvoir massive. De nombreux Autochtones n'ont même pas de terres qu'ils pourraient gérer. Les non-Autochtones s'intéressent à ce savoir et se l'approprient. Il n'y a pas de financement durable, ce qui fait que nous recevons beaucoup de fonds pour un seul brûlage, mais pas pour une sorte d'intendance à l'échelle du paysage. Il y a des projets ponctuels et des demandes très nombreuses. Pour moi, il s'agit d'une question de justice sociale.

Comme je l'ai dit, nous sommes les peuples les plus touchés par les feux au Canada, mais nous avons le moins de pouvoir dans les décisions qui s'y rapportent. Je pense que c'est ma dernière diapositive. Oui, juste un merci. Merci pour les indices subtils, Todd, ça fonctionne bien.

[00:33:57 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Merci, Amy, pour votre excellente présentation. Je vais maintenant inviter mon vieil ami, Simon, à faire sa présentation. Kia ora, Simon. Merci beaucoup de nous avoir rejoints si tôt ce matin depuis Auckland. Je suis très impressionné. Je vous laisse la parole et nous reviendrons vers vous, Amy et Miguel, pour les questions et les réponses.

[00:34:16 Simon Lambert apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Simon Lambert; Chief Science Advisor (Maori), Ministry for the Environment, New Zealand]

Simon Lambert : Oh, kia ora, Todd, kia ora koutou. Merci à Miguel et à Amy d'avoir ouvert la voie. Oui, je m'appelle Simon Lamb, mais nous portons tous plusieurs chapeaux, et je suis actuellement conseiller scientifique en chef (Maori) pour le ministère de l'Environnement à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande. Je tiens à saluer mes amis du Territoire du Traité Six et mes amis métis de la Saskatchewan. J'y ai passé plusieurs agréables années au sein du département de l'État autochtone de l'Université. J'ai poursuivi mes recherches sur la réduction des risques de catastrophes dans les communautés autochtones, après une série de tremblements de terre à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande, en 2011, à Christchurch, où j'habite aujourd'hui. C'est dans l'île du Sud, et je visite actuellement la métropole d'Auckland.

Et j'ai réalisé que nous travaillions avec des Maoris de milieu urbain. Nous en avons parlé à plusieurs reprises, et nous hésitons même à l'avouer nous-mêmes, mais nous sommes avant tout un peuple urbain, ici, à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande. Nous le sommes depuis la génération de mon père. Partout dans le monde, les peuples autochtones s'installent dans les villes, les agglomérations et les zones urbaines. Et pourquoi pas? Ces endroits sont excitants. Il se passe toujours quelque chose. Il y a le cinéma, l'éducation, les services de santé, toutes ces choses.

Nous sommes donc confrontés à un problème de déconnexion de nos territoires traditionnels. Et si on se déconnecte de la terre, et là encore, c'est implicite dans la conversation jusqu'à présent, on ne peut qu'avoir une relation moins solide avec la culture, la langue, les aînés, les gardiens du savoir, etc. En tant que Maoris, nous sommes confrontés à ce problème depuis deux, voire trois générations. J'entends des histoires similaires dans le monde entier. Les gens perdent leurs langues, leurs pratiques culturelles, leur accès direct aux territoires traditionnels.

Lorsque nous parlons de catastrophes, la principale catastrophe à laquelle tous les peuples autochtones sont confrontés est la colonisation. Nous réagissons encore à la colonisation. Alors, pourquoi ne pouvons-nous pas mieux atténuer les feux de forêt sur nos territoires? La colonisation a porté atteinte à nos droits, ou aux droits et à la capacité des peuples à se gouverner de manière sûre afin d'atténuer, d'éviter et de remédier aux dangers dont ils ont souvent fait l'expérience d'une génération à l'autre, mais au fil des millénaires.

Je tiens également à saluer un de nos amis, Todd. John Scott, membre de la tribu Tlingit qui travaille à la réduction des risques de catastrophes depuis probablement plus de vingt ans maintenant, basé à Washington DC et dans les environs, et qui fait pression pour attirer l'attention, obtenir de l'espace et des ressources pour les peuples autochtones. C'est ainsi que lui et d'autres nous ont réunis dans l'espace de l'UNDRR. Un grand nombre de publications peuvent être consultées sur Google. Les merveilles de la technologie moderne. Tout est là. Nous avons presque trop d'informations. Comment pouvons-nous distiller ce que nous avons besoin de savoir?

L'UNDRR a publié un ouvrage dont John est l'un des co-auteurs. Ça fait plus de dix ans maintenant, mais il s'agissait de mesures simples que les dirigeants des administrations locales pouvaient prendre pour réduire les risques de catastrophe. Je vais les passer en revue dans un instant.

Comme je l'ai dit, je travaille maintenant pour le gouvernement néo-zélandais, je me tiens au courant de certaines recherches et [je fais] toujours de la recherche par le biais de l'Université de Saskatchewan, et ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que les gouvernements du monde entier luttent pour prendre de l'avance dans ce que l'on pourrait appeler une triple crise planétaire. Il y a le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution. Tous les gouvernements s'efforcent d'y faire face.

L'une des caractéristiques des démocraties libérales que nous observons aujourd'hui est la dévolution du pouvoir aux administrations locales. Les gouvernements et les communautés autochtones peuvent en fait en bénéficier dans la mesure où ils auront la capacité et l'espace nécessaires pour jouer un plus grand rôle dans la prise de décision, à mesure que l'État se retire du contrôle très manifeste de la terre, du territoire, de l'environnement et ainsi de suite. Toutefois, il reste un énorme défi à relever, car que doivent faire les dirigeants des administrations locales? Vous avez tellement d'enjeux à régler.

Quoi qu'il en soit, l'UNDRR a publié cette liste de mesures de base, un manuel à l'intention des dirigeants des administrations locales. La première est de mettre en place des organisations et de coordonner la compréhension afin de réduire les risques de catastrophes. Il suffit d'avoir une structure, un groupe de citoyens, une société civile qui inscrit cette question à l'ordre du jour, littéralement un point de l'ordre du jour. Et créer des alliances locales. John Scott, bien sûr, a étudié tout ça et s'est demandé ce que ça signifiait pour les peuples autochtones. Et c'est simple, respecter les institutions et les organisations des peuples autochtones lors de l'établissement de ces alliances et de la coordination de la réduction des risques de catastrophe.

Amy a mentionné l'argent tout à l'heure, et cette question sera soulevée dans toutes les discussions avec les peuples autochtones.

[00:39:39 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Simon Lambert : Si un budget est consacré à la réduction des risques de catastrophe et que des mesures incitatives sont prévues pour encourager les propriétaires et les communautés à gérer, d'une manière ou d'une autre, les risques auxquels ils sont exposés, ces mesures doivent être adaptées à la culture des communautés autochtones. Nous avons une réponse culturelle à ces questions.

[00:39:59 Simon Lambert apparaît en plein écran.]

Simon Lambert : Toutes les communautés ont une culture. Nos cultures ont des racines très anciennes dans la terre et le territoire, et une grande compréhension, comme l'a souligné Miguel, du savoir autochtone.

Nous constatons également qu'il est essentiel de disposer de données actualisées sur les dangers et les vulnérabilités. Cet espace évolue rapidement. Je reçois un flux d'informations sur divers projets de recherche sur les catastrophes, et je vois ces lignes sur la température de la mer pour le Pacifique et l'Atlantique. D'autres personnes observent probablement aussi la situation. Certains changements physiques importants de notre environnement sont prévus depuis de nombreuses années, mais nous manquons de données au niveau local. Je connais la température de la mer de l'Atlantique dans le Nord canadien. Je sais que c'est sérieux, je sais que c'est important. Mais qu'est-ce que ça signifie pour ma communauté à plusieurs milliers de kilomètres de là?

La collecte de données est coûteuse. Il n'est pas garanti qu'un institut de recherche ou un département dispose du budget nécessaire pour conserver des données à long terme. Nous constatons ici, à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande, que certaines bases de données très importantes n'ont plus de financement. Parfois, le financement est très limité, mais il y a quelqu'un quelque part avec une feuille de calcul Excel qui prend des décisions sur les données à collecter et sur la manière de les communiquer.

Là encore, nous devons ventiler les données par sexe et par origine ethnique, veiller à ce que les langues soient prises en compte et que nous puissions diffuser ces informations, y compris par les moyens de communication traditionnels, qui seront oraux. Nous devons être en mesure de communiquer des enjeux complexes de manière simple pour toutes les communautés. Et nos communautés disposent de cette méthode de communication encadrée par la culture. Nous devons investir dans les infrastructures essentielles afin de réduire les dangers et les risques. Les inondations et les feux semblent prédominer aujourd'hui dans le monde entier.

Ici, en Nouvelle-Zélande, nous avons des feux de forêt, ce qui n'était pas le cas auparavant. Nous avons regardé de l'autre côté de la mer de Tasmanie, chez nos amis australiens, et là encore, ils ont des pratiques culturelles de brûlage. Si la saison n'était pas si mauvaise, vous verriez parfois de magnifiques couchers et levers de soleil orange ici à Aotearoa, en Nouvelle-Zélande, parce que nos amis australiens connaissent une saison particulièrement difficile en matière de feux de forêt. Les gens oublient qu'avant la COVID, il y a eu plusieurs feux importants en Californie et en Australie. Vous vous souvenez peut-être des images de touristes se rassemblant sur la plage en Australie pour échapper à la fumée et aux flammes. Ensuite, la COVID est arrivée, et nous avons en quelque sorte – une réaction très humaine – cloisonné les choses vraiment, vraiment terribles et essayé de nous concentrer sur ce que nous vivions dans l'immédiat.

Une fois de plus, les dirigeants autochtones locaux doivent jongler avec une multitude de choses différentes. À tout moment de la journée, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ils peuvent recevoir un SMS, un appel, une intervention d'urgence en cas de catastrophe, et le rétablissement qui s'ensuit demande énormément d'efforts et de temps, et il faut faire face à l'urgence suivante, à la catastrophe suivante en cascade.

Cet investissement dans les infrastructures essentielles – très, très difficile pour nos communautés – doit se faire en collaboration avec les communautés autochtones concernées, celles qui ont réellement ce lien avec la terre et le territoire. Les écoles et les établissements de santé sont très importants, il faut donc les moderniser. Et encore une fois, en collaboration avec les communautés autochtones concernées et leurs dirigeants.

Des réglementations et des principes d'aménagement du territoire réalistes et conformes aux risques. Déterminer des terrains sécuritaires pour nos communautés, en améliorant les établissements informels dans la mesure du possible. Ce que nous constatons dans les situations de rétablissement, c'est que les gens se débrouillent pour trouver un logement d'urgence, ou qu'ils vivent dans une caravane, une voiture ou quelque chose du genre. C'est devenu un rétablissement standard et nous n'avons pas les ressources nécessaires pour reconstruire des logements sécuritaires et bien situés. Et, malheureusement, ça prépare le terrain pour la prochaine catastrophe. Les catastrophes sanitaires, les moisissures, la surpopulation, toutes ces choses auxquelles nos communautés doivent faire face parce que nous répondons continuellement aux évacuations, aux catastrophes, à la relocalisation des communautés, etc.

En tenant compte de nos pratiques d'utilisation des terres : programmes d'éducation, formation, encore une fois, en introduisant nos langues, nos approches culturelles de l'enseignement, de l'éducation, de l'apprentissage, en introduisant notre leadership et en utilisant les institutions autochtones locales quand et où c'est possible. Les écosystèmes ont été évoqués à maintes reprises. Quelles sont les solutions fondées sur la nature? Beaucoup d'entre vous connaissent ce terme. Comment les plans et mesures d'adaptation au climat peuvent-ils s'articuler de manière appropriée avec nos détenteurs de savoir?

Systèmes d'alerte précoce. De nombreux projets de recherche ont été menés sur la base du savoir autochtone en matière de systèmes d'alerte précoce. Là encore, comment ces pratiques peuvent-elles s'intégrer aux pratiques traditionnelles? Mais bien sûr, lorsque nous disposons de ces systèmes traditionnels d'alerte précoce, ça ne signifie pas que nous n'utilisons pas nos téléphones, ou Google. Je consulte la météo sur Google où que j'aille. La technologie existe et, comme toute nouvelle technologie mise à la disposition de nos peuples dans le passé, ils l'ont interrogée, ils ont vu comment ils pouvaient l'adapter à leurs moyens, à leur mode de vie. On le voit dans la chasse, on le voit dans la pêche. Nous n'allons pas utiliser des outils vieux de mille ans pour traiter ces questions. Nous attendons, et en fait nous exigeons comme un droit, l'accès à toutes les technologies de pointe qui nous aideront à planifier et à nous adapter au changement climatique.

Enfin, si l'on tient compte des systèmes de guérison spirituelle et des pratiques médicales autochtones, nous sommes en réalité confrontés à une crise d'anxiété. Le monde entier est confronté à des problèmes de santé mentale. L'anxiété des jeunes augmente. Quel est le message que nous envoyons aux jeunes du monde entier lorsque nous leur disons : « Oh, désolé, mais nous sommes foutus, nous allons tous brûler dans douze ans », etc. Les plus riches construisent des fusées et envisagent de quitter la planète. Quel est le message adressé aux jeunes? Comment voulons-nous qu'ils interprètent tout ça? Nous vivons actuellement une période d'inquiétude climatique, qui devient universelle. Les peuples autochtones ont malheureusement dû, à bien des égards, faire face à l'angoisse d'un changement massif, d'un changement radical, d'une perte de pouvoir et de contrôle sur la terre, l'environnement et les communautés par la colonisation. Nous disposons de ces systèmes spirituels incroyablement résilients que certaines personnes ont sélectionnés, googlés, copiés-collés et tentés de présenter comme une sorte d'entreprise, souvent commerciale, mais ils existent et de très nombreux chefs autochtones sont plus qu'heureux de les partager et de les rendre accessibles si c'est fait de manière appropriée et respectueuse. Je pourrais parler toute la journée, Todd, vous le savez.

À mon avis, les peuples autochtones sont confrontés à trois problèmes majeurs en cette période de changement climatique. La première est la vulnérabilité des moyens de subsistance. Il y a encore beaucoup, beaucoup de gens dans les zones rurales. Il y a encore des gens qui conservent ce que l'on pourrait appeler des modes de vie traditionnels, la chasse, la pêche et tout le reste. Deuxièmement, ces écosystèmes sont en déclin. Ils sont soumis à d'énormes pressions en raison du changement climatique. La troisième chose que je mentionnerais, c'est le développement non durable. Trop souvent, nous avons perdu le contrôle de nos terres et territoires traditionnels. Nous leur imposons un développement non durable. Qu'il s'agisse de l'extraction des ressources, de l'étalement urbain ou de la pollution. Ainsi, ce maldéveloppement, cette inadaptation, nous les constatons aujourd'hui à une échelle telle que nous commençons à manquer d'endroits sûrs pour vivre.

Je terminerai ma présentation par une anecdote. J'étais à New York lors d'un événement de l'UNDRR l'année dernière. Je marchais dans la rue. J'ai reconnu un aîné du Pacifique, je le salue et nous discutons. Il venait de Kiribati, une série d'atolls de très, très faible altitude. Et je me suis souvenu d'une nouvelle datant d'il y a quelque temps, selon laquelle le gouvernement de Kiribati avait acheté environ 500 hectares à Fidji pour s'y réfugier en cas d'élévation du niveau de la mer. Ce qui s'est passé, c'est que – comprenez-le d'un point de vue autochtone – comment acheter la terre de quelqu'un d'autre? Et l'aîné m'a dit, il a levé les mains comme ça et a dit, eh bien, nous sommes peut-être propriétaires de la terre, mais la terre n'est pas la nôtre.

Ce que nous avons, c'est un grand nombre de communautés qui doivent quitter leurs territoires traditionnels pour s'installer sur les territoires d'autres peuples. Nous dépendons en fait de la charité. Et si on prend un peu de recul et qu'on va encore plus loin, est-ce qu'on assiste à une nouvelle colonisation des peuples autochtones, à un soi-disant retrait géré des zones à haut risque, des zones côtières, des plaines d'inondation, etc.? Allons-nous à nouveau perdre le contrôle de nos terres et de nos territoires à mesure que les populations non autochtones chercheront un autre endroit où vivre?

[00:49:33 Todd Kuiack apparaît en plein écran.]

Todd Kuiack : Kia ora, [langue autochtone], Simon, j'aime beaucoup parler avec vous et vous écouter. Je suis toujours conscient du fait que nous faisons venir trois experts autochtones pour parler du savoir traditionnel autochtone, et que nous les interrompons ensuite pour passer aux questions et aux réponses. Nous voulons entendre vos voix, mais nous n'avons que peu de temps à vous consacrer. J'ai donc pris la décision délibérée de réduire la discussion entre nous, au lieu d'en faire une affaire longue et fastidieuse, je vais poser des questions rapides, ce qui laissera du temps pour les questions et les réponses, car nous voulons vraiment que notre auditoire participe aujourd'hui.

[00:50:10 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Alors, Miguel, je vais vous ramener dans le vif du sujet immédiatement. Je vais simplement vous poser des questions très directes. De quelle manière les structures académiques traditionnelles créent-elles des obstacles à l'intégration du savoir autochtone dans les domaines liés à la gestion de l'environnement ou à l'élaboration des politiques? Pourriez-vous répondre à cette question en une minute et demie?

Miguel Sioui : Bien sûr. Oui. Merci, Todd.

Todd Kuiack : Santé.

Simon Lambert : Oui.

<Tout le monde rit.>

[00:50:32 Miguel Sioui apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Miguel Sioui; Associate Professor, Wilfrid Laurier University.

Miguel Sioui : Je pense que tout se résume à un point que j'ai abordé dans ma présentation, à savoir une déconnexion. Un gouffre entre les approches occidentales de pensée linéaire et les approches autochtones circulaires ou relationnelles de simplement vivre. Vivre avec la terre, essentiellement.

Les institutions occidentales ont donc historiquement donné la priorité à ces modèles linéaires de cause à effet pour comprendre le monde qui nous entoure, y compris la terre ou l'environnement. Ça met donc l'accent sur les droits individuels et sur une approche très compartimentée de la prise de décision, en termes d'utilisation et de gestion des terres.

En revanche, les systèmes de savoir autochtone ont tendance à être globaux, interconnectés et relationnels. Et je pense que c'est un point qui a été abordé par chacun d'entre nous aujourd'hui. Amy, ainsi que Simon. Je pense donc que c'est là que réside le défi. Il s'agit de combler ce fossé et de s'assurer que les perspectives autochtones qui donnent la priorité à la responsabilité collective et à l'intendance sur les droits individuels, nous devons vraiment nous attaquer à ce problème. Je pense que c'est ce qui est en jeu lorsque nous parlons de ces défis et de ces obstacles. Bien entendu, le monde universitaire a été très complice de cette situation et a été en quelque sorte le bras armé de ces institutions coloniales en matière de production et de génération de connaissances, à travers le temps et encore aujourd'hui.

[00:52:19 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : C'est une réponse étonnante pour une minute et demie, honnêtement, je pourrais l'écouter, j'en suis sûr, pendant toute une conférence, voire tout un cours.

Je vais maintenant donner la parole à Amy, une collègue fonctionnaire, et peut-être que cette question nous permettra de poursuivre la discussion. Mais nous avons toujours été encouragés, en tant qu'Autochtones et en tant que personnes travaillant avec des Autochtones, sur la gestion des urgences, l'adaptation au climat, etc., lors de l'intégration du savoir traditionnel, à considérer les solutions non pas comme des produits, mais comme faisant partie du processus. Quels sont les défis ou les obstacles que vous avez rencontrés lorsque vous avez essayé d'intégrer le savoir autochtone au savoir occidental, que ce soit au sein du gouvernement ou dans des environnements de recherche? J'aimerais savoir, Amy, si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet.

[00:53:05 Amy Cardinal Christianson apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Amy Cardinal Christianson; Indigenous Fire Specialist, Parks Canada

Amy Cardinal Christianson : Bien sûr. Merci, Todd. En ce qui me concerne, j'essaie de m'éloigner des termes de tressage, d'intégration de ces choses, parce que ce que je vois, c'est le danger que ça représente. Par exemple, en ce qui concerne les pratiques de feu culturel, de nombreux organismes de gestion des feux de forêt souhaitent intégrer ou inclure le feu culturel dans leurs programmes actuels. Mais en fait, ce que je constate, c'est qu'ils veulent prendre les éléments qu'ils aiment et les intégrer dans leurs programmes pour justifier ce qu'ils font ou pour obtenir l'adhésion du public, tout en excluant les éléments qu'ils n'aiment peut-être pas, comme les aspects culturels, les éléments spirituels, qui devraient être impliqués et qui devraient être présents.

Pour moi, ça a été très difficile avec le feu, parce que je pense que mon truc a toujours été le leadership autochtone dans ce domaine. Aujourd'hui, lorsque je parle d'intégration ou de programmes autochtones par le gouvernement, c'est par le biais d'initiatives menées par les Autochtones. Ainsi, l'argent va directement aux communautés qui veulent faire ce travail, plutôt qu'au gouvernement qui crée un nouveau groupe pour intégrer ce savoir. Donnons l'argent aux communautés et décentralisons les pouvoirs pour voir ce que les Nations peuvent faire.

[00:54:23 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Je pense que c'est une excellente réponse. Merci beaucoup. Alors, Simon, je vais revenir vers vous. Je ne vous ai pas laissé beaucoup de temps, mais je m'interroge. Vous avez parlé des données, et je pense que c'est très important de nos jours.

La collecte de données et, bien sûr, l'aspect omniprésent de l'intelligence artificielle joueront un rôle dans l'évolution de la situation. Comment les chercheurs et les décideurs politiques non Autochtones peuvent-ils se rapprocher des communautés autochtones de manière respectueuse et mutuellement bénéfique afin d'élaborer conjointement des solutions pour la gestion de l'environnement et l'adaptation au changement climatique?

[00:54:58 Simon Lambert apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Simon Lambert; Chief Science Advisor (Maori), Ministry for the Environment, New Zealand

Simon Lambert : Le paysage des données évolue réellement et rapidement. En fait, hier encore, j'ai eu des conversations à ce sujet. C'est pourquoi les peuples autochtones, dans leurs revendications de souveraineté, incluent les données dans ce processus. On parle donc de souveraineté des données. Les données qui émanent de nos communautés, de nos terres, de nos eaux, de nos ressources, nous les revendiquons. Il s'agit donc, à certains égards, d'une question litigieuse. C'est comme n'importe quelle question de propriété. Les sciences des données sont une expression technologique très naturelle de l'anxiété humaine de ne pas savoir ce qui se passe aujourd'hui et dans l'avenir. Nous voulons aussi savoir ce qui est arrivé dans le passé. Le paysage actuel des données est dominé par des modèles et des technologies de calcul à l'échelle planétaire, appartenant à des intérêts privés, qui exaltent – soyons honnêtes – des désirs instantanés et triviaux, et produisent des effets sociaux plutôt négatifs. Protéger nos jeunes des pires dangers de l'Internet, c'est 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, n'est-ce pas?

Lorsque nous examinons la manière dont les groupes, les organisations et les peuples non autochtones, y compris les gouvernements, peuvent contribuer, nous nous contentons d'examiner l'espace de données. Nous empilons les données. Il y a ce concept d'empiler les données de manière intégrée, de rendre les choses disponibles. Il y a la modularité. Les choses sont programmables, flexibles, modifiables, personnalisables en fonction de nos objectifs et de nos besoins. Équitable. Je veux dire, le matériel, les logiciels, la justice. Comment pouvons-nous avoir le dernier et le – je veux dire, nous ne pouvons même pas mettre à jour les choses pour le dernier logiciel à temps en raison des vitesses de téléchargement et des coûts, etc. Comment peut-il être réactif? Comment peut-il être durable à travers plusieurs générations? Comment pouvons-nous disposer de capteurs et de modèles dans l'espace climatique qui nous permettent de réagir en temps réel pour protéger nos communautés?

Ces dernières années, nous avons vu beaucoup avec la COVID, une réponse très axée sur les données. Le changement climatique exige le même type de réponse. Nous attendons de nos partenaires et alliés non Autochtones qu'ils comprennent cet espace de données et qu'ils travaillent avec nous.

[00:57:21 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Merci pour votre réponse, Simon. On me dit qu'il y a quelques questions qui arrivent, mais je vais poser une dernière question à chacun d'entre vous et je vais recommencer dans l'ordre inverse. Commençons avec Miguel. Nous allons demander à chacun d'entre vous, quelle est la chose – vous avez eu le temps de parler un peu, mais j'aurais aimé vous entendre un peu plus, nous n'avons posé qu'une question générale – mais quelle est la chose que vous voulez que nous fassions, tout cet auditoire, il y a plus d'un millier de personnes en ligne aujourd'hui, tous des fonctionnaires qui travaillent dans ce domaine. Quelle est la chose que vous voulez qu'ils retiennent de cette séance?

[00:58:00 Miguel Sioui apparaît en plein écran.]

Miguel Sioui : Oui, merci, Todd. C'est une excellente question. Et vous savez, je pense qu'en guise de réflexion finale, je crois que, encore une fois, cette croyance autochtone basée sur la responsabilité dont je viens de parler depuis le début de cet événement aujourd'hui, offre des leçons et des perspectives vraiment inestimables selon moi.

Je me souviens d'un ancien Maya que j'avais interviewé dans le cadre de ma recherche doctorale et qui avait parlé du concept de « k'eexpajal », qui signifie changement en langue maya. Il s'agit d'un terme, d'un concept qui fait partie intégrante de la stratégie d'utilisation et de gestion culturelles des terres mayas. Il en est ainsi depuis probablement des milliers d'années. Cette reconnaissance, ce changement est une constante. C'est une façon normale de faire les choses. C'est tout simplement inné dans l'environnement, et il devrait en être de même dans nos pratiques de gestion et dans nos relations avec la terre.

Je pense qu'une fois que l'on reconnaît et accepte l'incertitude et le changement, ça conduit nécessairement à une façon de voir la terre selon la responsabilité et d'avoir une approche de nos relations en tant que gardiens humains dans tous nos rapports avec nos proches sur la terre, qu'ils soient humains ou non, ainsi qu'avec les générations à venir.

Je pense qu'il s'agit d'une perspective et d'une approche qui pourraient nous permettre de revoir notre relation en tant que société mondiale avec l'environnement et la manière dont nous réagissons et abordons le changement climatique ainsi que d'autres problèmes environnementaux majeurs d'aujourd'hui.

[00:59:55 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Merci beaucoup. Et Amy, je vous envoie la même question avec les mêmes milliers de personnes qui nous regardent, tous des fonctionnaires qui cherchent à travailler avec des partenaires autochtones pour s'attaquer aux enjeux du changement climatique. Quelle est la chose que vous tentez de communiquer aujourd'hui?

Amy Cardinal Christianson : Bien sûr. Je vais donc me lancer et dire « le financement ». Il y a beaucoup d'argent dans ce domaine en ce moment, mais très peu va aux communautés autochtones du Canada, si l'on considère l'ensemble de l'enveloppe. Beaucoup d'argent est aujourd'hui consacré à la recherche, aux instituts universitaires, aux chercheurs non Autochtones et aux universités. Comme je l'ai dit, les ministères augmentent le nombre d'employés et d'autres personnes dans ces domaines pour administrer les programmes. Mais encore une fois, très peu arrive sur le terrain.

Je tiens donc à saluer les efforts d'ECCC, Environnement et Changement climatique Canada, ainsi que du Réseau national des gardiens des Premières Nations. Il s'agit d'un mouvement où l'argent passe directement par ce groupe dirigé par des Autochtones, pour aller vers les communautés afin de créer des programmes de gardiens au sein des Nations.

[01:01:13 Amy Cardinal Christianson apparaît en plein écran.]

Amy Cardinal Christianson : Pour moi, c'est donc l'avenir. C'est une très bonne idée de collaboration et de financement qui va directement aux personnes qui en ont besoin. Alors, oui, j'espère qu'un jour nous aurons la même considération pour le feu. Merci, Todd.

[01:01:20 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Absolument. Merci. Simon, même question, une dernière fois, et ensuite nous passerons aux questions, et les points se complèteront vraiment.

Simon Lambert : Je dirais que si vous voulez savoir à quoi les communautés, les communautés non autochtones vont devoir faire face, regardez les communautés autochtones. Malheureusement, notre histoire nous donne un modèle de ce qui se passe lorsque les communautés perdent le contrôle de la terre, de l'eau, des territoires, sont forcées d'être nomades alors qu'elles ne le souhaitent pas, sont forcées d'être sédentaires alors qu'elles ne le souhaitent pas. Nous assistons aujourd'hui à un énorme flux, et le Canada va le subir aussi durement que n'importe quel autre pays, où des infrastructures et des communautés entières vont devoir être déplacées.

Vous savez, nous avons l'histoire pour le prouver. Nous savons que ça s'est déjà produit dans le passé. Et je pense que, malheureusement, les populations non autochtones seront confrontées aux mêmes pressions. Perte de contrôle, perte d'actifs, évaporation de leurs portefeuilles d'investissement du jour au lendemain en raison d'événements climatiques extrêmes, etc. C'est pourquoi, malheureusement, nous devons nous tourner vers nos communautés pour savoir comment réagir, comment maintenir l'unité du mieux possible et comment faire preuve de cette résilience dont nous parlons tout le temps. Mais cette résilience est le fruit de l'apprentissage de la réponse à certaines vulnérabilités imposées de l'extérieur.

Todd Kuiack : Absolument. Merci pour votre réponse. Je vais maintenant passer aux questions, et je crois que celle-ci s'adresse à vous, Amy. Quelle est la cause de ces grands feux extrêmes de l'année dernière?

Amy Cardinal Christianson : Je pense que je vais aller dans ma région, là d'où vient ma famille, c'est-à-dire le Territoire du Traité Huit, lac La Biche, à Fort McMurray. Il s'agit d'une région qui a subi une incidence industrielle énorme, comme vous le savez, du fait de l'exploitation des sables bitumineux, ainsi que des entreprises de gestion forestière,

[01:03:17 Amy Cardinal Christianson apparaît en plein écran.]

Amy Cardinal Christianson : et l'extraction des ressources de bois, puis l'exclusion des pratiques autochtones en matière de feux dans l'ensemble du paysage. Nous avons tendance à promouvoir, comme je l'ai dit, les monocultures, c'est-à-dire les forêts de conifères. Vous savez, lorsque vous allez à la montagne, que vous regardez et que vous voyez tous ces beaux paysages verdoyants? Ce n'est pas beau. Nous devons nous débarrasser de cette idée. Cette zone est sujette à des perturbations, et c'est ce que nous avons vu à Fort McMurray également.

Ensuite, en raison de la sécheresse, du manque de précipitations et des températures plus élevées que nous observons. Nous constatons également que des zones qui brûlaient une fois et ne brûlaient plus pendant 80 ou 100 ans recommencent à brûler en l'espace de trois ou cinq ans. Et puis, avec ce nouveau brûlage, les répercussions sont vraiment importantes sur le paysage, qui ont ensuite une incidence sur l'eau et d'autres choses. L'eau et le feu sont si intimement liés qu'ils influencent l'eau potable et d'autres éléments pour les Nations.

Donc, oui, je veux dire, je pourrais continuer encore et encore, mais je sais que nous essayons de répondre à un tas de questions différentes. Merci.

[01:04:27 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : En effet, merci. Et je pense que le système contient beaucoup d'informations. Je sais qu'ECCC a publié beaucoup d'informations au Canada sur les feux de forêt, mais le rôle des gaz à effet de serre dans le changement climatique est, selon moi, un sujet important dont tout le monde est conscient.

Je vais vous poser une question. En fait, elle s'adresse à tout le monde. Comment les non-Autochtones peuvent-ils apprendre à travailler avec le savoir autochtone sans s'approprier la culture? Et je me demande si Miguel ou Simon, l'un d'entre vous, peut intervenir, ou Amy, si vous voulez répondre à nouveau, mais je vais essayer de faire participer les autres conférenciers. Simon, vous semblez vouloir répondre.

Simon Lambert : C'est une chose qui revient constamment et je dirais, faites attention à ce que vous demandez. Les peuples autochtones ont demandé à être inclus, et puis tout à coup, ça devient difficile. Les non-Autochtones veulent coopérer. Je veux dire, si nous voulons tous faire partie d'un espace où le pouvoir est égal,

[01:05:19 Simon Lambert apparaît en plein écran.]

Simon Lambert : nous devons avoir un échange, une collaboration, une synthèse égaux. Toutes ces choses que nous voulons. Face à face. Nous voulons toujours travailler en face à face. Vous voulez établir une relation, vous devez regarder les gens dans les yeux. Vous obtenez cette confiance. Vous voyez? C'est un élément fondamental de toutes les cultures. C'est vraiment, vraiment délicat. Les situations ne tiennent souvent qu'à un fil. Je l'ai constaté dans les universités.

Vous avez un programme et tout va bien, puis une personne s'en va, et tout s'écroule. Ou vous perdez un aîné ou quelque chose comme ça. Et tout ça est basé sur des relations, c'est très, très vulnérable. Donc, pas de réponse. Mais il faut tenir compte de la complexité, du dynamisme et de la vulnérabilité des participants autochtones, qui ont derrière eux des communautés ayant leur propre dynamique, leur propre stratégie et tout le reste. Et personne ne contrôle tout.

Il est donc très difficile d'établir des relations durables, à long terme, lorsque les institutions, les gouvernements, la recherche universitaire, les programmes changent en raison du financement ou des gouvernements, etc. Tenez compte des complexités.

[01:06:28 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Oh, absolument, absolument. Mais c'est un début. Je suis vraiment d'accord. Miguel, je vais vous poser la question, puis vous ramener. Quels sont les facteurs qui limitent l'intégration du savoir autochtone dans les décisions gouvernementales, et je dirais même académiques, sur les solutions aux migrations induites par le changement climatique?

Miguel Sioui : Eh bien, je donnerais essentiellement la même réponse, dans la même ligne que la question précédente que vous avez posée au sujet de certains des obstacles.

[01:07:02 Miguel Sioui apparaît en plein écran.]

Miguel Sioui : En réalité, il s'agit de deux perspectives et visions du monde fondamentalement différentes concernant le rôle des êtres humains et notre position par rapport à l'environnement et à la gestion de l'environnement, si l'on peut dire.

Je crois que pour susciter un changement à cet égard, un changement positif, il faut revenir à ce à quoi Simon faisait essentiellement référence, à savoir l'humilité. Il faut aborder les choses avec humilité, surtout en tant qu'alliés non Autochtones et en tant que personnes intéressées à collaborer, à combler ces lacunes et à surmonter ces obstacles, lorsque je parle du Canada ou des Amériques, parce que mon expertise porte sur les groupes autochtones des Amériques, où que vous soyez au Canada, aux États-Unis, en Colombie ou au Chili, il y a un peuple autochtone qui a appris à développer une relation avec son environnement, en termes familiaux. Vous savez, ces gens aiment la terre d'où ils viennent. Elle les inspire, elle les nourrit.

Alors, bien sûr, pendant des milliers d'années, ils ont développé des systèmes de savoir basés sur cet amour. L'amour de la terre, le soin de la terre. Cette façon de penser a une valeur si profonde et si immense. Et lorsqu'on s'adresse à des groupes autochtones pour des recherches ou des décisions politiques concertées, qu'il s'agisse du changement climatique ou d'autres questions environnementales, je pense qu'il faut à nouveau faire preuve d'humilité. Et reconnaître qu'on est un invité sur la terre et qu'on est celui qui cherche à savoir. C'est vous qui recherchez des informations dans ces systèmes de savoir millénaires, qui ont une valeur si profonde et si considérable pour le reste de l'humanité, et pas seulement pour les peuples autochtones eux-mêmes.

C'est l'approche que j'ai utilisée dans mes échanges avec les groupes autochtones de toutes les Amériques, du Yucatan aux Territoires du Nord-Ouest. Même si je suis Autochtone, que je viens d'une Première Nation, je suis un invité sur la terre et je suis ici pour apprendre. Ces personnes sont donc dans une position de leadership. C'est ce que nous entendons par « recherche menée par les Autochtones ». C'est la réalité, de plus en plus, pour les chercheurs et les décideurs politiques, qui consiste à reconnaître cette position particulière des personnes. Lors de vos interactions avec un certain groupe, vous êtes un invité sur la terre, et vous êtes là pour apprendre d'eux, alors agissez en conséquence. En gros, c'est mon conseil.

[01:09:41 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : C'est génial, en fait. Ça aborde de nombreuses réponses que les gens donnent, selon moi. C'est ce face-à-face, ce regard, cette prise en compte de l'approche fondée sur les distinctions. Le fait que nous soyons Autochtones ne signifie pas que nous sachions tout sur toutes les communautés autochtones. Chaque fois que nous nous déplaçons, nous sommes sur le territoire d'autres personnes et nous devons respecter les protocoles de ces personnes.

Cette question s'adresse à tout le monde et tout le monde peut y répondre, alors celui qui se mouille le premier remporte le prix. Que pouvez-vous dire des processus de consultation des communautés autochtones en matière de gestion des urgences? Qu'est-ce qui fonctionne? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré? Et nous pouvons étendre la gestion des urgences, je pense, à d'autres aspects de la discussion d'aujourd'hui sur la collecte de données, sur la mobilisation dans la lutte contre le changement climatique. Quelqu'un souhaite intervenir à ce sujet? Principalement, nous ne voulons pas faire venir Robert.

Simon Lambert : Permettez-moi de vous dire simplement que vous ne pouvez pas attendre le jour de l'urgence pour nouer ces relations. Une fois de plus, si l'on considère la réduction des risques de catastrophe, ce qui se passe avant l'événement est fondamental. Préparation et réduction. La formation, les relations, les ressources, etc. font partie de l'état de préparation. Alors, oui, vous ne voulez pas regarder par la fenêtre et voir les flammes et vous dire, oh, qui est le chef autochtone local? Parce qu'il est trop tard.

Todd Kuiack : Tout à fait. Amy, je suis sûr que vous avez un point de vue sur la question, et Miguel, il y a une question qui s'adresse directement à vous, donc je vais demander à Amy si elle a quelque chose à ajouter à ce sujet. Comme nous le savons, la gestion des urgences comporte quatre volets. Ce n'est pas uniquement la réponse et le rétablissement. C'est cette préparation, cette atténuation. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Amy Cardinal Christianson : Oui, je pense que pour les fonctionnaires, C est comme, est-ce que nous parlons de consultation avec un grand C?

Todd Kuiack : <rires>

Amy Cardinal Christianson : Vous savez, comme l'obligation légale?

Todd Kuiack : C'est certainement – c'est un petit C.

Amy Cardinal Christianson : D'accord, parfait. Donc, oui, en ce qui concerne la mobilisation, je dirais, comme Simon, qu'il est très important de le faire avant les faits.

Le gouvernement connaît aussi de nombreux changements de personnel, ce qui rend très difficile l'établissement de ces relations et la mobilisation. C'est très important d'avoir quelqu'un qui puisse se rendre dans une communauté à plusieurs reprises pour que les gens voient le même visage, pour que la confiance s'installe, je pense que c'est très important. Et ce n'est pas ce que nous constatons actuellement dans de nombreux ministères.

Je voulais juste faire un petit commentaire sur la question des alliés. En ce qui me concerne, je travaille avec un grand nombre d'alliés formidables dans le domaine des feux, avec lesquels j'adore travailler. Et la différence que j'ai remarquée, c'est qu'ils savent vraiment ce qu'ils veulent faire pour soutenir les Nations autochtones. Et ce n'est pas, vous savez, venez apprendre tout ce que nos aînés savent, alors que ce sont les jeunes qui doivent en faire une priorité pour ce domaine. Au contraire, ils se concentrent sur les institutions coloniales, les barrières systémiques, et se demandent vraiment ce qu'ils font.

[01:12:46 Amy Cardinal Christianson apparaît en plein écran.]

Amy Cardinal Christianson : Qu'est-ce qui est en place dans la colonisation, que je peux retirer grâce à ma position, en tant qu'allié. Donc, oui, c'est une chose que j'espère que les gens prendront en considération. C'est bien d'apprendre des aînés, mais il faut aussi donner la priorité à nos jeunes et à d'autres personnes.

[01:13:02 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Il y a tant, tant de choses à dévoiler. J'aime beaucoup. Miguel, cette question vous est directement posée par notre auditeur. Pouvez-vous nous en dire plus sur les récits oraux en tant que moyen de transmission du savoir écologique? Quels sont les exemples de communautés qui fonctionnent bien dans ce domaine? Existe-t-il un moyen pour les alliés de s'inspirer de ces traditions de manière respectueuse?

Miguel Sioui : Oui. C'est une question très, très intéressante. Je pense au savoir oral, aux traditions,

[01:13:35 Miguel Sioui apparaît en plein écran.]

Miguel Sioui : et comme le disait Amy quelques minutes plus tôt, je pense que tout se résume au financement de nos jours. Vraiment, je crois que c'est l'élément essentiel ici, c'est l'argent. On ne peut pas s'attendre à ce que des communautés ou des groupes autochtones qui ont dû faire face aux séquelles et aux répercussions de la colonisation, du colonialisme au cours des derniers siècles – et aujourd'hui, la nouvelle menace du changement climatique et du changement environnemental qui se produit à un rythme si rapide, en particulier dans le Nord canadien, par exemple, dans le subarctique – composent avec toutes ces pressions et ces séquelles et répercussions historiques sur leurs systèmes de savoir culturel, qu'ils soient capables de gérer ces changements à venir et, en même temps, de transmettre ces traditions orales au fil du temps. La situation devient incroyablement difficile pour de nombreuses cultures autochtones, du Yucatan aux Territoires du Nord-Ouest. De plus en plus de jeunes quittent leur communauté, que ce soit pour chercher un emploi dans des villes ou des localités situées en dehors de la communauté ou pour poursuivre des études, et certains d'entre eux ne reviennent jamais.

C'est pourquoi je suis si favorable aux programmes de gardiens autochtones, comme les gardiens Dehcho, que je connais bien dans les Territoires du Nord-Ouest, qui offrent une sorte d'incitation financière aux gens pour qu'ils restent dans leurs communautés, sur leurs terres. C'est ainsi que l'on préserve ces systèmes de savoir oral et ces traditions à travers le temps, en faisant en sorte qu'il soit attrayant, non, pas attrayant, mais possible, pour les jeunes de rester dans leurs communautés, de continuer à apprendre des aînés et de veiller à ce que ces systèmes de savoir soient transmis d'une génération à l'autre.

En ce qui concerne l'argent, réfléchissez à ceci : Les peuples autochtones représentent environ 5 % de la population mondiale et nous gérons plus de 80 %, quelque chose comme 85 % de la biodiversité mondiale. Si ce chiffre n'est pas suffisant pour réveiller la planète entière, en ce qui concerne le rôle essentiel des peuples autochtones dans la préservation de la biodiversité mondiale et la lutte contre le changement climatique, l'atténuation des répercussions, je pense que ce chiffre de 85 % de la biodiversité mondiale gérée par 5 % de la population mondiale est certainement une incitation économique au niveau mondial, pour permettre aux peuples autochtones de rester dans leurs communautés, de poursuivre leurs pratiques traditionnelles d'utilisation des terres au fil du temps, et de s'assurer que ces traditions de savoir oral sont transmises de génération en génération. C'est d'une importance capitale, et je pense qu'il y a des incitations financières ainsi qu'une foule d'autres raisons pour permettre aux peuples autochtones de se retirer et de poursuivre leurs traditions comme ils le font depuis des milliers d'années.

[01:16:47 Écran divisé : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Todd Kuiack : Merci. J'ai une question de haut niveau à poser à ce sujet. Les instruments internationaux, par exemple la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, contribuent-ils à garantir la prise en compte du savoir autochtone dans la gestion du changement climatique, des catastrophes et de l'environnement? Je vais me tourner vers Simon, vous êtes la science.

Simon Lambert : En fait, nous le sommes tous. Nous le sommes tous.

Todd Kuiack : Absolument.

Simon Lambert : Les Autochtones sont avant tout des scientifiques. La DNUDPA – et le Canada, chapeau bas – a probablement fait les plus grands progrès, je pense, au niveau international. La Nouvelle-Zélande a pris du recul à ce stade.

[01:17:32 Simon Lambert apparaît en plein écran.]

Simon Lambert : Nous avons ici un système de traité plus simple. Nous avons un seul traité. Nous avons une procédure de règlement des traités que mes deux tribus ont suivie. Vous savez, la DNUDPA, j'ai participé à un sommet mondial du Ralliement national des Métis sur les objectifs de développement durable il y a trois semaines à Ottawa. L'ancien ministre de la Justice, David Lametti, s'est exprimé sur ce rôle,

[01:18:00 Split screen : Todd Kuiack, Miguel Sioui, Amy Cardinal Christianson et Simon Lambert.]

Simon Lambert : cette évolution du rôle d'interprétation de la DNUDPA. Il a déclaré que ce qu'il voyait était une transition de la DNUDPA, qui était un bouclier pour protéger les peuples autochtones, vers une épée permettant aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, en particulier au Canada, d'aller de l'avant et de lutter pour une plus grande reconnaissance des droits inhérents, des droits issus des traités et des droits des Autochtones. J'ai trouvé que c'était une tournure de phrase intéressante.

Donc, la législation, et j'ai beaucoup de respect pour les avocats. Oui, il semble que nous ayons beaucoup d'avocats sur la planète, mais c'est le combat moderne. Il vaut mieux se battre devant les tribunaux que littéralement dans les champs, comme l'ont fait tous nos peuples. Nous sommes dans un nouveau cadre où les épées et les boucliers, pour filer la métaphore, vont et viennent. Les peuples autochtones sont très, très agiles et savent reconnaître les outils qui peuvent les aider. Et c'est presque une sorte de « laissez-nous aller ». Laissez-nous aller. Nous pouvons – oh, voici le drapeau.

Todd Kuiack : Je pense que c'est l'avertissement de deux minutes.

Simon Lambert : Oh. Je m'en tiendrai donc là.

Todd Kuiack : <rires> Je pense que c'est le bon moment pour nous. J'espère que nous ne vous avons pas interrompu, Simon, mais nous arrivons à la fin de notre temps de parole et j'attends que Robert intervienne d'une minute à l'autre pour remercier tous nos conférenciers. Amy, je voulais revenir vers vous. Malheureusement, il restait quelques questions supplémentaires. Mais si quelqu'un veut vous contacter, vous travaillez pour le gouvernement canadien, et je sais que vos coordonnées sont en ligne et que nous pouvons certainement vous contacter directement pour certaines des questions sur la manière de rassembler tout le monde, d'éliminer la division entre Autochtones et non-Autochtones, oui? Ce sont des questions importantes auxquelles je pense que vous pouvez tous répondre.

Nous n'avons pas pu répondre à toutes nos questions, mais je suis très satisfait du déroulement de la séance d'aujourd'hui. Je pense que vous êtes tous les trois d'excellents conférenciers, et nous avons beaucoup appris aujourd'hui. En fait, je crois que vous avez permis aux téléspectateurs et aux auditeurs d'aujourd'hui de commencer à réfléchir à ce qu'ils vont faire ensuite. Quelle est la prochaine étape? Que peuvent-ils faire d'autre? Vous avez assurément envoyé d'excellents messages. Je regarde les personnes présentes dans la salle, si Robert passe à l'antenne, pour les remercier?

Robert McLeman : Oui en effet. Oui.

[01:20:38 Écran divisé : Robert McLeman et Todd Kuiack.]

Robert McLeman : Todd, Merci, Todd. Je vous remercie tout particulièrement d'avoir été notre animateur pour la table ronde d'aujourd'hui. Vous avez fait un travail remarquable. Merci beaucoup.

[01:20:49 Robert McLeman apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Robert McLeman; Professor, Wilfrid Laurier University.

Robert McLeman : Ce fut un réel privilège pour moi d'être une sorte de spectateur, non seulement de la table ronde d'aujourd'hui, mais aussi de quatre événements géniaux qui ont eu lieu dans le cadre de cette série organisée par l'École de la fonction publique du Canada sur le changement climatique et les migrations humaines.

L'événement d'aujourd'hui était le quatrième. Je crois sincèrement qu'il s'agit d'un événement unique, en ce sens qu'il y a très peu de cas, à ma connaissance, où un groupe d'experts autochtones s'est exprimé sur ces questions très pressantes dans ce type d'enceinte destinée aux fonctionnaires, non seulement au Canada, mais partout ailleurs. C'est pourquoi je vous remercie tous sincèrement de votre participation.

Pour ceux qui nous rejoignent aujourd'hui, il s'agit du quatrième événement. Les trois premiers sont en ligne, ou seront bientôt disponibles sous forme d'enregistrements, sur la chaîne YouTube de l'École de la fonction publique du Canada.

[01:21:42 Texte superposé à l'écran : Parcourez le catalogue d'apprentissage! Il comprend des cours, des événements et d'autres outils d'apprentissage. Visit Canada.ca/School.

Robert McLeman : Je tiens à rappeler à ceux qui n'ont pas participé à tous les événements, que le premier était un aperçu global des déplacements liés au changement climatique dans le monde. Le deuxième événement portait sur les déplacements spécifiques au Canada, dont nous avons entendu quelques exemples aujourd'hui. Le troisième portait sur les défis de la communauté de Tuktuyaaqtuuq, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui se trouve en première ligne du changement climatique et qui, malheureusement, est l'une des premières communautés au Canada à devoir envisager directement une relocalisation en raison du changement climatique. J'encourage tout le monde, si vous en avez l'occasion, à visiter la chaîne YouTube de l'École de la fonction publique du Canada.

Encore une fois, En mon nom et au nom de l'École, ceci conclut l'événement d'aujourd'hui. Je tiens à remercier Todd, Amy, Simon et Miguel, ainsi que tous ceux qui ont participé à l'écoute et qui nous ont posé des questions, pour leur participation à la discussion d'aujourd'hui. Enfin, je vous remercie tous de vous être joints à nous. Je vous souhaite à tous une merveilleuse journée.

[01:22:46 Le logo animé de l'EFPC apparaît à l'écran.]

[01:22:52 Le mot-symbole du gouvernement du Canada apparaît, puis passe au noir.]

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