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Série sur les nouveaux enjeux économiques : L'importance d'une économie de l'immatériel (LPL1-V01)

Description

Cet enregistrement d'événement porte sur l'évolution de l'économie et sur les politiques qui seront nécessaires pour soutenir une forte reprise économique et s'adapter aux tendances à long terme, telles que le passage à l'économie du numérique.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:12:54
Publié : 21 mai 2021
Type : Vidéo

Événement : Série sur les nouveaux enjeux économiques : L'importance d'une économie de l'immatériel


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Série sur les nouveaux enjeux économiques : L'importance d'une économie de l'immatériel

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Transcription : Série sur les nouveaux enjeux économiques : L'importance d'une économie de l'immatériel

[Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada apparaît sur un fond violet. Les pages du logo se tournent, ouvrant un livre. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre qui ressemble aussi à un drapeau, avec des lignes courbes en dessous, et du texte à côté.]

Webcast | Webdiffusion

[L'écran s'efface, remplacé par un appel vidéo Zoom. La vidéo d'un homme blanc à la barbe noire et grise et aux lunettes noires remplit l'écran. Derrière lui se trouve le tableau d'un paysage. L'homme sourit.]

[Remarque : Cet événement, ainsi que le texte des diapositives figurant dans ce fichier, sont traduits de l'anglais.]

Taki Sarantakis: Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à l'École de la fonction publique du Canada à notre nouvelle série qui sera lancée en partenariat avec nos amis du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale à Waterloo, en Ontario. Je m'appelle Taki Sarantakis, je suis le président de l'École. C'est le temps de participer et de penser, de parler concernant la nouvelle économie.L'historien Yuval Harari a déclaré que les pandémies et les urgences publiques font avancer l'histoire en accéléré et c'est bien ce que nous réalisons aujourd'hui. Nous pouvons constater que des phénomènes qui auraient probablement pris des années à se manifester, voire des décennies, se produisent maintenant en quelques jours, et parfois même en quelques instants. Et les conjonctures qui évoluaient lentement peuvent maintenant se retourner très vite. Même si nous en parlons beaucoup au gouvernement du Canada, le changement a toujours été un facteur à considérer. Ce qui le caractérise nettement aujourd'hui, c'est la rapidité avec laquelle il se produit, surtout dans un monde connecté. Et avec un monde connecté, que ce soit par le haut débit, les chaînes d'approvisionnement ou les mouvements de population, des occurrences qui prenaient auparavant beaucoup de temps se produisent maintenant à très grande vitesse. C'est pourquoi votre milieu de travail, comme fonctionnaires du gouvernement du Canada, se transforme autour de vous dans une mesure sans précédent pour tous vos anciens collègues. Si vous avez de la chance, croyez-le ou non, vos successeurs devront fonctionner encore plus vite que vous. Mais c'est le changement le plus lent qui se produira au cours de votre vie. Nous accueillons donc plus de 1 100 personnes en ligne aujourd'hui qui nous regardent discuter de la nouvelle économie. Je pense que cela témoigne d'une certaine soif de comprendre ce qui se passe dans le monde qui nous entoure. Que se passe-t-il autour de nous? Tellement de choses! L'un des phénomènes actuels, c'est l'apparition presque quotidiennement de nouveaux géants qui prennent le contrôle d'institutions et d'entreprises qui nous accompagnaient, nous, nos parents et nos grands-parents, depuis des générations. Tesla, qui est née en 2003 – beaucoup d'entre vous étaient déjà au gouvernement du Canada en 2003, je sais que j'y étais – a déjà une valeur marchande supérieure à celle de General Motors. Elle dépasse sa valeur au marché. En fait, elle dépasse la valeur marchande combinée des deux. Et Tesla n'est évidemment pas le seul géant du numérique. Facebook est né en 2004. Facebook compte désormais quelque chose comme trois milliards d'utilisateurs. Imaginez cela, imaginez que quelque chose qui est né en 2004 ait connecté environ un tiers de la planète et cela augmente chaque jour. Google est né en 1998. Google vend aujourd'hui plus de publicités que NBC, ABC et CBS réunis. Ce sont les trois réseaux de notre vie quand nous étions en croissance, et vous vous souvenez du Super Bowl, quand le prix de la publicité était de un million de dollars par minute? Eh bien, Google vend maintenant plus de publicités que ces trois chaînes de télévision réunies. Et Amazon! Amazon est le vieil homme de cette époque. Amazon est née en 1994, et elle gère aujourd'hui des chaînes d'approvisionnement, des liens Web et des nuages dans le monde entier, après avoir vu le jour en 1994! Et si vous pensez qu'il s'agit seulement d'un phénomène international, détrompez-vous. Shopify est maintenant la plus grande entreprise au Canada en matière de valorisation du marché, elle dépasse la valorisation du marché de la Compagnie Pétrolière Impériale, de la Banque Royale du Canada, de la Banque de Montréal, des banques et des institutions qui existent depuis plus d'un siècle. Après avoir commencé ses activités il y a très peu de temps, Shopify a déjà plus de valeur qu'eux tous. Ont-ils découvert de l'or? Ont-ils découvert le platine? Ont-ils découvert des diamants? Non. Ce qu'elles ont découvert, toutes ces entreprises, ce sont des idées. Et les idées, notre propriété intellectuelle, forment la nouvelle monnaie de l'économie moderne et quelque chose que nous, comme fonctionnaires au centre du gouvernement du Canada devons comprendre, il est de notre responsabilité d'avoir une connaissance de ces aspects de la nouvelle économie. Comme je l'ai mentionné, nous accueillons aujourd'hui nos amis du CIGI et je suis très heureux de vous présenter son président, Rohinton Medhora, qui va nous présenter le CIGI en quelques mots. Rohinton.

[Dans les commandes Zoom, la fenêtre de Taki est désépinglée, de sorte que la fenêtre de Rohinton apparaît à côté de la sienne. Rohinton est un homme à la peau brun moyen, aux cheveux blancs courts et à la chemise bleue boutonnée. Derrière lui, une armoire est remplie de papiers. Rohinton sourit.]

Rohinton Medhora : Merci beaucoup, Taki. Bonjour tout le monde. C'est un plaisir pour nous, à CIGI, de nous associer à l'École de la fonction publique du Canada et à vous tous de la fonction publique, pour traiter de ce sujet important dans une série de conférences.

[La fenêtre de Rohinton est épinglée et remplit l'écran.]

Permettez-moi donc de compléter en quelques minutes ce que Taki a dit dans ses remarques. La première, que nous connaissons tous et que Taki a soulignée, est que l'ère numérique, qu'il s'agisse de biens immatériels, de données, de propriété intellectuelle ou de numérique, soulève un éventail de questions à son égard et ne représente pas un simple mouvement, mais bien une tendance déterminante. En imprégnant absolument chaque partie de notre vie, économique et non économique, elle crée un contexte pour une action publique efficace, et c'est là que nous intervenons tous, avec la fonction publique. J'espère que cette série de conférences vous permettra de découvrir un certain nombre de choses et qu'elle fera ressortir un certain nombre d'idées, comme il y en aura déjà beaucoup dans cette conférence d'ouverture. À ce sujet, voici deux ou trois grandes généralisations. Premièrement, je pense que nous verrons disparaître la distinction que nous faisions parfois entre les instances nationales et internationales lorsqu'il est question de réglementer ou de taxer les plateformes numériques multinationales. S'agit-il de politique intérieure ou de politique internationale? Lorsque vous entendez parler de flux de données ou de leur localisation, s'agit-il de politique nationale ou internationale? Il y a donc toute une série de questions, et même si la géopolitique importe toujours, ce va-et-vient pour lequel les frontières politiques ne comptent à peu près plus est un aspect qui me semble remarquable. La deuxième généralisation est la distinction que nous faisons entre les secteurs de l'économie, de la santé, de la sécurité personnelle, des droits de l'homme, etc. Encore une fois, pensez à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous pouvez utiliser la technologie cellulaire à des fins épidémiologiques, mais elle soulève également certains problèmes de confidentialité, d'économie et autres. Pourquoi les envisager séparément alors qu'en réalité, ils doivent être considérés tous ensemble? Ainsi, tout au long de cette conférence, nous aborderons des sujets comme le commerce, les investissements, la politique de concurrence, l'importance des normes, la cybersécurité, la propriété intellectuelle, la santé mentale et une série de questions liées à la santé publique au sens large. Alors je vais rendre la parole à Taki en disant simplement que c'est une situation qui va durer un bon moment. Et il est impératif pour nous, citoyens, mais surtout en tant que fonctionnaires, de comprendre la base analytique, puisque tout cela est fondé sur des preuves, afin de pouvoir décider ensuite par nous-mêmes des éventuelles implications politiques pour le Canada. Alors merci encore, et à vous Taki.

[La fenêtre de Taki réapparaît à la gauche de celle de Rohinton. Il sourit.]

Taki : Merci Rohinton.

[La fenêtre de Taki est épinglée et remplit l'écran. Il y a un léger décalage entre la vidéo et ses paroles.]

Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas familiers avec le CIGI, c'est une très bonne occasion d'aller fouiller un peu sur leur site Web. Ils font des choses révolutionnaires dans le nouveau monde de l'économie. Et encore une fois, en tant que société de ressources, en tant que pays de ressources; historiquement, nous avons été très favorisés. Mais en 2020 et au-delà, si les ressources demeurent importantes, ce sont de plus en plus les idées qui mènent le monde. Et nous avons la chance d'avoir un groupe de réflexion canadien qui porte une attention particulière aux questions internationales. Notre premier invité s'appelle Bob Fay, et Bob est le directeur de recherche en économie numérique au CIGI.

[Une deuxième fenêtre apparaît à côté de celle de Taki. Bob est un homme blanc chauve qui porte une chemise bleue boutonnée. Sa caméra est orientée vers lui, le montrant ainsi que son plafond à plusieurs angles.]

Comme Rohinton avant lui, Bob est un ami de la fonction publique, pour y avoir travaillé à titre d'adjoint spécial du gouverneur Mark Carney, un autre grand Canadien qui a accompli des choses merveilleuses sur la scène internationale. Notre deuxième invité s'appelle Dan Ciuriak, chercheur principal au CIGI, et qui a également connu une carrière illustre au sein du gouvernement du Canada. Après environ 30 ans, il est parti à la retraite de son poste d'économiste en chef adjoint à Affaires mondiales Canada.

[La fenêtre vidéo de Dan s'affiche. C'est un homme blanc aux cheveux gris, avec des lunettes noires et une chemise blanche boutonnée. Derrière lui, une étagère pleine de livres se dresse sur un mur jaune. Dan sourit légèrement.]

Après avoir fini la présentation, nous vous invitons à nous faire part de vos questions et de vos commentaires. Je donne la parole à Bob et à Dan afin de commencer.Messieurs…

Bob Fay: OK, merci Taki. Dan, je vais juste mettre la présentation en marche.

Dan Ciuriak: Ça marche.

Diapositive 1

[L'écran est partagé et toutes les fenêtres des conférenciers disparaissent. Une diapositive apparaît avec le logo du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI) dans le coin gauche supérieur. À côté, il y a le titre « Que sont des biens immatériels? » En dessous, il y a trois puces :

  • « Actifs qui n'ont pas d'aspect physique ou financier, y compris l'investissement dans les logiciels, la recherche et le développement, le capital humain propre à l'entreprise, le capital organisationnel
  • Associés à une activité innovante et à une source importante de croissance de la productivité
  • Étroitement liés à la propriété intellectuelle. »

Sur le côté droit de l'écran se trouve un cercle rose intitulé « Propriété intellectuelle ». Quatre plus petits cercles sont placés autour du cercle et le chevauchent légèrement. Ils sont étiquetés « Brevets », « Secrets commerciaux », « Droit d'auteur » et « Marque de commerce ».]

Dan: Très bien, alors laissez-moi intervenir maintenant. Nous voulons donc parler aujourd'hui de l'économie immatérielle, et nous commencerons avec les biens immatériels. En fait, il y a déjà longtemps que nous parlons de l'économie immatérielle en matière de services. Cependant, si les services sont des produits immatériels, nous voulons aujourd'hui nous concentrer sur les biens immatériels. Il y a déjà longtemps aussi que nous parlons d'une économie fondée sur la connaissance. Ce sont donc les atouts qui sous-tendent cette économie du savoir.

[Une diapositive rouge avec le logo du CIGI s'affiche : « Série sur la nouvelle économie : L'importance de l'économie immatérielle ». Au bas de l'écran, le texte présente Bob et Dan : « Bob Fay, directeur, Recherche et politique sur l'économie numérique, CIGI » et « Dan Ciuriak, agrégé supérieur, CIGI ». L'URL du site Web se trouve au bas de la page : www.cigionline.org. La présentation retourne à la diapositive précédente.]

Dans cette économie, le patrimoine de connaissances des entreprises comprend sa technologie, son capital humain particulier et son capital organisationnel. Ces éléments se combinent pour conférer à une entreprise l'avantage concurrentiel nécessaire pour créer des produits de qualité susceptibles d'être vendus à un prix élevé et de résister à la concurrence des économies à bas salaires qui ont fait irruption sur la scène au cours des dernières décennies, en particulier dans les économies des tigres de l'Asie de l'Est. La politique pour cette économie était donc axée sur les intrants, la recherche et le développement. Nous avons soutenu les dépenses de recherche et développement, les investissements dans les technologies de l'information, les logiciels et l'éducation, en mettant l'accent sur les compétences en STIM pour fournir les effectifs voulus et, de concert avec nos économies avancées, le Canada a étendu la portée et la rigueur des mesures de protection pour la propriété intellectuelle. Ainsi, ces dernières années, une autre forme de biens immatériels est devenue très importante : les biens productifs, à savoir les données. Et les données sont générées par la myriade de routines quotidiennes des personnes et des machines connectées numériquement. Ces dispositifs omniprésents saisissent des données, et il s'agit non seulement d'ordinateurs et de téléphones intelligents connectés à Internet et aux plateformes de médias sociaux, mais aussi de moniteurs d'activité physique, de caméras de sécurité dans les bâtiments et de satellites de surveillance, de capteurs dans les pipelines, de puces dans des équipements intelligents de toutes sortes, des voitures aux tracteurs en passant par les réfrigérateurs. Ainsi, avec la diffusion de ces dispositifs, nous regroupons fondamentalement... à peu près de tous les aspects de l'activité économique. Avec l'extraction de données omniprésente, ce n'est qu'une faible exagération de dire que tout ce qui bouge est mesuré.

[Le son de Dan est parfois perturbé.]

Et les données historiques s'accumulent en quantités vraiment astronomiques. Donc l'importance des données est maintenant... leur accumulation dans de vastes magasins, et c'est ce qui en fait la valeur. Autrefois, lorsque la terre était un bien essentiel, la richesse et la puissance d'un pays dépendaient de ses possessions de terres arables et bien arrosées, et des guerres éclataient pour faire l'acquisition de terres.

[La voix de Dan est coupée à plusieurs reprises.]

Avec la révolution industrielle... et la production de masse..., les biens essentiels, la richesse et le pouvoir de l'ère industrielle sont allés aux pays ayant accumulé du capital, c'est-à-dire de la machinerie. Mais… l'avènement de l'économie du savoir a fait rimer pouvoir et richesse avec propriété intellectuelle protégée...

Diapositive 2

[La diapositive suivante s'intitule « La propriété intellectuelle au cœur de l'économie immatérielle ». Deux colonnes en dessous s'intitulent « Économie des biens matériels traditionnels » à gauche et « Économie des idées, biens immatériels » à droite. Dans la colonne de gauche, il y a une dizaine d'éléments. Des flèches partent de ces éléments et pointent vers des éléments de la colonne de droite. En voici quelques-uns :

  • « La propriété d'une propriété matérielle est un droit positif à La propriété intellectuelle (« génératrice ») est un droit négatif
  • Production et vente de biens physiques pour générer des revenus à Accumuler des droits de PI et en restreindre l'utilisation pour percevoir des « loyers »
  • L'objectif dans les services industriels/l'économie est de déplacer les stocks à L'objectif dans l'économie de l'innovation est d'acquérir la PI
  • Les biens traditionnels ne peuvent appartenir qu'à une personne à la fois (« concurrent ») à La PI est mondialement et simultanément accessible à un nombre illimité de personnes (« non concurrente »)
  • L'infrastructure traditionnelle est nécessaire pour acheminer les marchandises au-delà des frontières jusqu'aux clients individuels à Il est impossible de déterminer d'où provient l'IP et comment elle se déplace entre les frontières »]

Dan: Alors la propriété intellectuelle, c'est-à-dire une économie qui repose sur des biens immatériels, se comporte très différemment d'une économie qui repose sur des biens matériels. L'économie immatérielle, a un caractère... qui se différencie de l'économie industrielle traditionnelle. Par exemple, la propriété. Dans le monde des biens corporels, la propriété est un droit exclusif positif. Dans le monde des biens immatériels qui ont... des caractéristiques, la propriété dépend du refus d'accès à autrui. C'est un droit négatif. La source de revenus dans le monde des biens corporels… provient de la production de masse, de l'expansion et des parts de marché. Mais... les biens corporels proviennent de la saisie... et de la vente des biens, de l'écoulement des stocks. Mais dans le monde des biens immatériels, l'objectif est d'amasser un trésor de propriété intellectuelle qui peut être... dans sa propre production, et les paiements à ces... une seule personne à la fois peut utiliser un téléphone portable. Mais la propriété intellectuelle n'est pas concurrentielle, il n'y a pas de limite au nombre de personnes qui peuvent utiliser un produit en même temps lorsqu'il est immatériel. Cela change la dynamique des… biens, qui doivent passer par l'infrastructure de base conventionnelle d'une économie, ce qui signifie que la production est enracinée, en ce sens qu'elle se fait là où se trouve l'infrastructure. C'est l'une des raisons pour lesquelles les grandes économies, qui ont une infrastructure de calibre mondial comme l'Allemagne, peuvent concurrencer les économies à bas salaires. Mais avec la propriété intellectuelle, elle peut être n'importe où. Aujourd'hui, ça pourrait être aux États-Unis, demain en Irlande. En effet, c'est là où se trouvent les avantages fiscaux. Le déplacement de la propriété intellectuelle des États-Unis vers l'Irlande à un moment donné en réponse à un changement fiscal a entraîné un bond spectaculaire du PIB de l'Irlande en un an. Non pas que les Irlandais l'aient ressenti, mais leur économie l'a certainement ressenti de façon mesurée. Donc, en ce qui concerne le... Dans le monde des biens corporels, la recherche de l'efficacité dans la production de biens génère des chaînes de valeur mondiales qui diffusent la richesse. Mais la propriété intellectuelle est basée sur l'économie du « tout au vainqueur ». Une fois la propriété intellectuelle produite, il n'y a plus de salaires à payer, seulement des loyers à percevoir. Donc, le... c'est... L'économie du savoir concentre la richesse, tandis que l'économie industrielle la répartit. Par sa nature même, l'économie industrielle de l'après-guerre était hautement concurrentielle, et la politique de la concurrence visait à empêcher la concentration et le développement des monopoles. Mais avec l'économie immatérielle, l'objectif est en fait le contraire : il s'agit de créer et d'imposer un monopole temporaire. Là encore, dans l'économie traditionnelle, les accords commerciaux accroissaient la concurrence. Ils ont en fait érodé la valeur des intérêts acquis dans cette économie. Mais dans l'économie immatérielle, les accords commerciaux visent à empêcher la concurrence, à la restreindre, à protéger la propriété intellectuelle. En ce sens, les accords commerciaux modernes sont des accords de protection de la valeur des biens qui protègent la valeur des intérêts acquis. Passons maintenant à la diapositive suivante.

Diapositive 3

[La troisième diapositive s'intitule « Les biens incorporels sont très précieux ». Un graphique à barres montre la répartition des biens corporels et incorporels de 1975 à 2019. L'étiquette en haut du graphique est « Composantes de la valeur marchande de l'indice S&P 500 ». En 1975, les biens incorporels représentaient 17 % de la valeur marchande, et les biens corporels, 83 % de la valeur, d'un total d'environ 22 billions de dollars. En 1995, les biens incorporels représentaient 68 % de la valeur marchande et les biens corporels, 32 %. En 2019, les biens incorporels représentaient 91 % de la valeur marchande, tandis que les biens corporels ne représentaient que 9 %. Sous le graphique se trouvent les mots « Apple, Amazon, Alphabet, Microsoft, Facebook, valeur totale d'environ 4 billions de dollars, avec un total de biens corporels d'environ 225 milliards de dollars (~5 %) ».]

Dan: Quelle est donc la valeur de ces biens immatériels? Eh bien, dans l'économie du savoir la plus avancée, c'est-à-dire celle des États-Unis, les biens immatériels représentent maintenant plus de 90 % de l'indice S&P 500. C'est énorme. Dans les années 1970, c'était de l'ordre de 20 ou 30 %. Cela montre l'énorme expansion de la valeur des biens. Je pense que Taki a mentionné la capitalisation boursière massive de certaines de ces entreprises. Eh bien, lorsque nous avons fait cette mesure des grandes... entreprises qui avaient une capitalisation boursière sur les biens immatériels, c'est que nous n'avons pas investi dans celles-ci.

Diapositive 4

[La diapositive suivante s'intitule « Le Canada manque d'innovation ». Un graphique linéaire intitulé « Investissement incorporel (part du PIB nominal) » présente les chiffres de zéro à six sur l'axe des ordonnées et les années 1995 à 2017 sur l'axe des abscisses. Il montre que les États-Unis sont passés de 4 à 5,5 au fil des ans, tandis que le Canada commence à environ 2,3, augmente à un peu plus de 3 et redescend à environ 2,6. Un deuxième graphique linéaire montre le nombre de demandes de brevets d'IA présentées dans divers domaines entre 1988 et 2017. La Chine est nettement la plus forte, suivie des États-Unis. Sur le graphique, on peut lire ceci : « Selon l'OMPI, le Canada est le seul pays à avoir enregistré une diminution du nombre de demandes de brevets d'IA entre 2016 et 2018. »]

Dan: Par comparaison, le Canada est un pays pauvre en biens immatériels. Et pour comprendre l'importance de cette stratégie pour nous, il est utile de penser au jeu de Monopoly. Pour faire l'analogie, c'est comme si le Canada faisait le tour du plateau de Monopoly, réclamait 200 $ en passant « Go » et payait un loyer aux propriétaires des biens.

Bob: Bonjour Dan, c'est Bob. Ici Bob. C'est comme dans Star Trek, nous perdons le signal. Je ne sais pas s'il est possible de faire quelque chose de votre côté.

Taki: Bob, pourrais-tu prendre la relève s'il te plaît? Il semble que la bande passante de Dan ne fonctionne pas.

Diapositive 5

[Une nouvelle diapositive apparaît, intitulée « Les données ont changé l'économie ».

« De puissantes économies d'échelle

  • La qualité des prévisions s'améliore avec la quantité de données
  • Coûts fixes élevés liés au maintien de l'expertise en IA

Économies de portée

  • Partager les données entre les applications des entreprises multiproduits
  • Croisement des données

Externalités du savoir

  • Externalités globales et locales

Externalités du réseau

  • Boucle de rétroaction positive

Asymétries d'information omniprésentes

  • Les modèles d'affaires exploitent l'asymétrie de l'information

Économies de réplication pour les produits incorporels

  • Le capital de connaissances des machines se développe à un coût marginal proche de zéro
  • Produits numériques reproductibles et non concurrents »

Une flèche sur la boîte pointe vers l'image de deux dizaines de personnes assises autour d'une table de conférence avec une plaque d'identification pour Mark Zuckerberg au siège principal. Sa description se lit comme suit : « Défaillance du marché : concentration du pouvoir de marché, émergence de géants technologiques. »]

Dan: D'accord, je vais donc continuer. Alors, le Canada n'a pas investi dans cette économie. Et en ce qui concerne l'intelligence artificielle, qui est maintenant l'atout le plus important, nous sommes en fait l'un des rares pays à ne pas avoir augmenté nos investissements et notre... activité dans cette sphère. Passons maintenant à l'économie axée sur les données. Il s'agit d'une économie très intéressante, car elle est très vulnérable aux défaillances du marché. Elle présente donc de puissantes économies d'échelle. Pensez ici aux banques de serveurs de... Google. C'est une chose d'avoir des données, mais pour acquérir la quantité de données dont dispose Google, qui est alors... qui détermine la qualité de ses prévisions et qui détermine la qualité de son expertise en intelligence artificielle, il lui faut beaucoup d'infrastructure. C'est donc un jeu où les gros sont gagnants. Pensez ici aux économies d'échelle. Le partage des données entre les applications dans les entreprises multiproduits et multiproductions permet de faire des recoupements entre les différentes formes de données, ce qui accroît la valeur de chacune d'entre elles. Ici, le meilleur exemple est Facebook. Cette entreprise avait déjà énormément d'information sur sa clientèle, mais elle souhaitait obtenir de l'information financière parce que celle-ci, recoupée à tout le reste, rendait toutes ses données plus puissantes. Cette économie comporte également des externalités du savoir. Et là, il est intéressant d'établir une distinction entre les externalités globales et locales. Avec les données… les acteurs mondiaux ont accès à l'externalité du savoir local. Cela permet à Google de rivaliser au niveau local pour les ventes et la publicité. Traditionnellement, les entreprises mondiales ne pouvaient exploiter que l'externalité du savoir mondial. L'économie axée sur les données est donc différente. C'est ce qui permet, par exemple, à Alphabet d'intégrer Sidewalk, le projet Sidewalk à Toronto, et d'utiliser des données très locales pour dominer cette économie. Typiquement, ce n'était pas le cas auparavant. Nous avons maintenant des externalités de réseau et ce sont des cas classiques. Si une seule personne a un téléphone, c'est inutile. Si deux personnes ont un téléphone, alors là c'est utile... Plus il y a de membres dans le réseau, mieux c'est. Il s'agit d'une énorme boucle de rétroaction positive dans les marchés typiques du monde d'Internet, qui sont des marchés bifaces où vous avez d'un côté une base d'utilisateurs qui génèrent de l'information, et de l'autre côté la vente de publicité ou autre pour cibler cette population. Ces externalités de réseau ont tendance à faire pencher le marché vers un joueur dominant, et c'est ce que nous constatons, par exemple, avec Facebook. Et puis nous avons des asymétries d'information omniprésentes. Ici, le modèle économique des entreprises axées sur les données consiste à exploiter l'asymétrie de l'information pour améliorer leurs termes d'échange, si on peut dire. Prenez-le sous cet angle : si vous savez tout d'un client, vous pouvez fixer le prix de votre produit selon votre connaissance du montant que ce client est prêt à payer. La discrimination par les prix devient donc une caractéristique importante de notre économie. Et ce qu'elle fait, c'est qu'elle déplace le surplus des consommateurs pour produire un surplus. C'est ainsi que ces entreprises axées sur les données deviennent si riches. Les données sont aussi comme un sens industriel, un sixième sens de la force qui procure à une entreprise possédant beaucoup de données un avantage évolutif pour faire concurrence à d'autres entreprises, et qui tend également à la pousser vers la domination du marché. En ce sens, j'ai tendance à considérer l'asymétrie d'information comme le péché originel de l'économie axée sur les données. Enfin, pour couronner le tout, cette économie particulière, parce qu'elle concerne des produits immatériels qui peuvent circuler sur Internet presque sans friction et sans coût, crée du capital de savoir qui, contrairement au capital humain qui est incarné ou au capital machine qui est incarné, disons, dans un robot, ce type d'intelligence artificielle a un coût marginal nul et peut circuler gratuitement dans le monde entier. Donc, si vous avez la meilleure intelligence artificielle qui soit, vous devenez une entreprise phare. Ainsi, n'importe laquelle de ces caractéristiques entraînerait une défaillance du marché. Ensemble, elles rendent l'économie axée sur les données exceptionnellement prédisposée à l'échec et à la concentration du marché, et c'est certainement ce que nous avons constaté. Passons donc à la courbe en forme de sourire.

[La diapositive suivante est intitulée « Le « sourire » à l'ère des biens incorporels. » L'axe des ordonnées est intitulé « Marges de valeur ». Sur le graphique, une ligne est courbée comme un sourire. Les coins supérieurs du « sourire » sont en haut de l'axe des ordonnées, et la partie centrale du « sourire » est en bas de l'axe des ordonnées. Le point le plus élevé du côté gauche est intitulé « Propriété, application de la loi, FTO » et le point le plus élevé du côté droit est intitulé « Monétisation : Saisie du marché axé sur les données/ 'Location' d'application, image de marque. » La partie inférieure du milieu est intitulée « Chaîne de valeur de l'IA et de l'apprentissage machine : catégorisation des données, codage, exploration (entreprises en démarrage) ». Une deuxième ligne pointillée présente une légère courbe, commençant et finissant plus haut tout en étant légèrement plus basse au milieu. Elle reste toujours dans la moitié supérieure de l'axe des Y. Cette ligne est intitulée « Chaîne de valeur traditionnelle ». Sous le graphique se trouve une ligne droite de la même longueur, avec les initiales « HQ » aux deux extrémités. Au-dessus de la ligne se trouvent les mots « Endroits à faible coût où il y a des travailleurs qualifiés (Inde/Canada, etc.) », avec trois flèches pointant vers le milieu du graphique. Sous la ligne se trouvent les mots « Distribution internationale du travail/Capture du loyer ».]

Cette courbe illustre, du moins visuellement, où se situe le Canada dans cette économie et vers où nous voudrions peut-être nous diriger. Il s'agit d'une courbe familière de l'ère de l'économie du savoir qui montre que la production traditionnelle de biens et de services et les services normalisés sont en fait au bas de la courbe. Et toute la valeur provenait de la propriété intellectuelle et de la recherche et du développement faits en amont, puis des marques de commerce et du marketing en aval. Maintenant, dans ce monde particulier, les producteurs de biens et de services tendent à tout délocaliser vers des pays à coûts de production bas, des pays à bas salaires. C'est ainsi que sont nées les chaînes de valeur mondiales, tandis que les économies du savoir, plus riches, se regroupent en haut de la courbe. Dans l'économie axée sur les données, nous avons maintenant le même genre de courbe, mais elle est probablement encore plus prononcée. Au bas de cette courbe, nous voyons le travail fastidieux de développement d'applications de données, d'intelligence artificielle, de catégorisation de données, de codage, d'exploration de ce monde. C'est le monde des entreprises en démarrage. En amont, aux deux extrémités, vous avez la propriété intellectuelle, que ce travail de production génère. Et là, le problème réside dans l'application de la propriété de l'intelligence artificielle, de la propriété intellectuelle, et c'est là qu'interviennent les stratégies de litige et la liberté d'action. À l'autre extrémité, il y a la monétisation de l'intelligence artificielle et des données, et ce sont des choses comme la vente de publicité, par exemple. Le Canada se trouve en ce moment au bas de la courbe. Nous avons la capacité de production, le capital humain pour générer l'intelligence artificielle, nous avons d'excellentes entreprises en démarrage, mais nous n'accumulons pas de droits de propriété intellectuelle ni de biens immatériels. C'est l'enjeu fondamental, ce qui est arrivé avec le projet Sidewalk Toronto. J'aimerais faire une dernière remarque sur la dynamique que nous avons observée avec le populisme et l'émergence d'une sorte de conflit politique au sein des pays. Lorsque la courbe a été appliquée à l'économie industrielle, les emplois manufacturiers étaient de bons emplois tant qu'il y avait un loyer. Aux derniers stades de l'économie industrielle, ces loyers ont disparu. Ils étaient soumis à la concurrence. Il n'y avait plus de bon travail. Les emplois ont été délocalisés en Chine et ailleurs. En fait, c'est la compression des loyers qui a érodé cette économie qui offrait de bons emplois à la classe moyenne. C'est encore vrai aujourd'hui. La richesse, le pouvoir et la prospérité se trouvent en haut de la courbe, et c'est ce que le Canada vise. Je vous cède la parole, Bob. J'espère que mon discours était suffisamment clair.

Diapositive 6

[La sixième diapositive est intitulée « La COVID-19 a soulevé un grand nombre de questions « immatérielles ». Divers enjeux sont énumérés :

  • « Diffusion numérique des mauvaises informations, désinformations, fausses nouvelles et remèdes
  • Accès numérique : travail, éducation, relations sociales, commerce de détail
  • Résilience de l'infrastructure numérique
  • Accélération et impact de l'automatisation : filet de sécurité, éducation/formation
  • PI/R&D et développement de vaccins/production d'EPI
  • Cybermenaces/attaques/rançongiciels dans les hôpitaux
  • Recherche des contacts/surveillance/collecte de données sur la vie privée/données massives
  • Guerre technologique entre la Chine et les États-Unis (IP/données); chaînes d'approvisionnement, sécurité nationale
  • Facteurs de croissance. »]

Bob: Merci, Dan. J'aimerais d'abord préciser que ce que je dis s'appuie sur des documents produits par plusieurs de nos chercheurs, y compris des personnes comme Dan, des spécialistes. Je vais aborder un éventail de sujets assez rapidement. Nous allons les approfondir ultérieurement. Premièrement, la pandémie a vraisemblablement révélé l'importance de l'économie immatérielle pour nous tous. Tout le monde dépend des technologies numériques comme Facebook, Google et Amazon pour communiquer, travailler, magasiner, étudier et, bien sûr, s'informer sur la COVID. Ces technologies touchent tous les aspects de notre vie et apportent leur lot d'avantages. Elles reposent toutes sur des éléments immatériels : la recherche et développement, les logiciels, la reconnaissance de la marque, les droits d'auteur, les marques de commerce, les brevets et les secrets commerciaux, mais surtout, les données. Nous voyons aussi comment ces technologies peuvent changer le monde du travail, même si ce n'est pas tout le monde qui sait comment les utiliser efficacement. Nous avons relevé certaines lacunes dans les filets de sécurité et avons vu une division numérique à l'œuvre; comment certains groupes étaient plus affectés que d'autres. Et nous avons observé l'arrivée de nouvelles dépendances : les chaînes d'approvisionnement, l'accès à une infrastructure numérique fiable et à une large bande, et la nécessité d'avoir des renseignements exacts. Évidemment, cela s'inscrit dans le cadre de l'augmentation à long terme de l'automatisation, du pouvoir monopolistique et des inégalités. Dans ce contexte, quelles autres questions la COVID-19 a-t-elle soulevées? Comme je viens de le dire, l'infrastructure numérique, l'accessibilité et la résilience et, surtout, l'accès à des renseignements fiables. Nous avons vu l'importance d'avoir des renseignements fiables, par exemple, l'information donnée par nos agents de santé publique, et le rôle de la technologie pour transmettre ces messages à grande échelle. Cependant, la technologie peut aussi contribuer à la désinformation à grande échelle. Nous avons vu circuler de la désinformation, des faux remèdes, des opinions présentées comme des faits, sans oublier des cyberattaques contre des hôpitaux, des rançongiciels, etc. La valeur de la propriété intellectuelle a pris toute son importance. La propriété intellectuelle est importante pour stimuler les investissements dans les technologies à risque et leur diffusion, mais peut aussi freiner la diffusion. Sur ce point, nous avons vu la nécessité de partager les données servant à développer des vaccins ou à imprimer de l'équipement de protection individuelle en 3D. Nous avons vu des appels en faveur des communautés de brevets et de l'homologation obligatoire. En fait, le Canada a créé la Loi sur les mesures d'urgence visant la COVID-19 pour permettre l'octroi de licences de brevets obligatoires nécessaires pour un vaccin. Je pense que nous avons eu un avant-goût du monde de travail de demain, et vu dans quelle mesure ces outils pourraient devenir la norme pour le travail ou l'éducation. Qu'est-ce que cela impliquerait pour l'éducation, la formation, l'organisation de notre lieu de travail, le filet de sécurité… est-il conçu pour de tels changements? Nous avons aussi vu des problèmes liés à la protection de la vie privée, à la sécurité et à la surveillance. Par exemple, savez-vous comment sont traitées vos données lorsque vous utilisez une application ou une plateforme de médias sociaux? Savez-vous ce à quoi vous avez consenti, comment vos données sont monétisées et servent à microcibler des utilisateurs pour diffuser de bons et de mauvais renseignements? Pour vous surveiller vous et divers aspects de vos vies? Et comment les employeurs, le gouvernement et les plateformes pourraient utiliser ces données? Savez-vous que votre présence sur de grandes plateformes de médias sociaux contribue à cimenter leur monopole, alors qu'elles collectent de plus en plus de données? Savez-vous qu'elles sont généralement autoréglementées (parfois pas du tout) à l'échelle nationale et mondiale? Cela nous amène à la question de la gouvernance. À ce stade, la gouvernance de l'économie numérique est incomplète, fragmentée et, dans certains domaines, inexistante. Cela a des conséquences importantes, non seulement pour les Canadiens et leur utilisation de la technologie, mais aussi pour la capacité du Canada à prospérer dans un monde dominé par la propriété intellectuelle. Tous ces changements liés à la COVID représentent-ils la nouvelle normalité ou non? Si les comportements changent fondamentalement, nos politiques, réglementations et lois existantes risquent de ne plus être adaptées.

Diapositive 7

[La diapositive suivante est intitulée « Dans un contexte mondial difficile », avec les points suivants :

  • « Pression pour démondialiser
  • Accords commerciaux utilisés pour faire valoir les droits de PI, la protection des biens
  • Nouveaux types de rivalités alimentées par les données, la PI et la technologie
  • Frictions commerciales croissantes
  • Résilience de la chaîne d'approvisionnement, sécurité nationale, dépendance de la Chine
  • Adéquation du filet de sécurité mondial. »]

Bob: Par ailleurs, tout cela se déroule dans un cadre mondial complexe. La COVID a fait ressortir certaines dépendances internationales et barrières commerciales, notamment dans les domaines de l'agriculture et de l'équipement de protection individuel, ainsi que des préoccupations concernant les chaînes d'approvisionnement et la nécessité de les réorienter. Le cas échéant, quelles sont les implications sur les prix et la protection sociale? La COVID a mis de l'avant certaines difficultés commerciales immatérielles, comme la domination et la propriété intellectuelle dans une économie fondée sur les données – la cause de différends entre la Chine et les États-Unis. Enfin, la collecte, le contrôle et l'utilisation des données outre-mer soulèvent également toute une série de questions relatives à la protection de la vie privée, à la concurrence, au commerce et à la sécurité nationale. Certains des enjeux de mondialisation de la dernière décennie sont en fait des problèmes liés au filet de sécurité et à la préparation des travailleurs aux nouvelles occasions qu'offre la mondialisation. Cela va probablement s'intensifier. Enfin, le dernier point n'a pas encore été vraiment abordé, mais il s'agit du filet de sécurité mondial. Dans cet environnement, les pays moins avancés seront mis à rude épreuve. Ils auront besoin d'aide pour faire face à la pandémie et à l'augmentation de la dette. Les données et les biens immatériels peuvent servir à renforcer le filet de sécurité grâce à des services financiers moins chers, à l'amélioration des politiques, au ciblage des services et à de nouvelles occasions de développement, mais seulement si nous misons sur une bonne gouvernance. Dans le cas contraire, l'économie immatérielle pourrait devenir un obstacle pour ces pays.

Diapositive 8

[Diapositive 8 : « Les enjeux sont présents dans l'ensemble de la fonction publique ». Une étoile à cinq pointes a une étiquette à chaque extrémité : « Économique », « Sécurité », « Personnel et social », « Géopolitique » et « Services gouvernementaux ».]

Bob: Donc, je prêche à des convertis ici parce que je sais que vous êtes bien au fait de ces questions qui concernent la fonction publique. Dans le contexte de la COVID-19, nous avons vu comment le gouvernement, en tentant d'obtenir de l'équipement de protection individuel, a dû faire face à des difficultés commerciales, à des mesures protectionnistes, à des problèmes de brevets (pour l'impression 3D par exemple) et à un approvisionnement souple. Nous avons vu comment les mesures de santé publique ont nécessité des politiques de soutien dans divers domaines : politique de santé, politique économique, politique commerciale, politiques sociales, politiques visant le marché du travail, politique industrielle, politique sur la sécurité nationale et la sécurité publique, etc.

Diapositive 9

[La diapositive 9 s'intitule « La coordination des politiques est essentielle ». Une flèche circulaire est étiquetée avec quatre points, le premier menant au suivant, et ainsi de suite. Le premier point est « Élaboration horizontale des politiques dans l'ensemble des ministères du gouvernement (et à l'extérieur, p. ex., la banque centrale, d'autres gouvernements »). Vient ensuite « Participation de multiples intervenants; société civile, communauté scientifique, milieu universitaire » et, enfin, « Politiques cohérentes, p. ex., politique sanitaire et économique, santé et vie privée ».]

Bob: C'est la nouvelle norme et, bien sûr, tout cela nécessite une coordination politique importante, possiblement d'une manière à laquelle nous ne sommes pas habitués. Ainsi, non seulement la coordination horizontale a été requise dans l'exemple que je viens de donner, mais elle l'est également en ce qui concerne la coordination avec d'autres organismes qui ont créé des politiques complémentaires dans le cadre de leur mandat, comme la Banque du Canada et la SCHL. C'est une consultation obligatoire dans tous les ordres de gouvernement. Par exemple, les provinces ont complété les efforts du gouvernement fédéral dans de nombreux domaines. Et cela a exigé une contribution importante des intervenants. Au fur et à mesure que diverses mesures ont été annoncées, les commentaires des intervenants ont permis de s'assurer que les prestations atteignent les bénéficiaires prévus et de relever les lacunes à combler.

Diapositive 10

[Diapositive suivante : « La politique après la COVID devra mettre davantage l'accent sur l'économie axée sur les données et la croissance à long terme. » Un hexagone rouge se trouve au milieu de l'écran, avec les mots « Cadres gouvernementaux » et « Données fiables pour les politiques fondées sur des données probantes ». Six autres hexagones l'entourent :

  • « Politique budgétaire et monétaire à l'appui de la reprise
  • Politiques d'investissement dans le capital humain et de réaffectation des travailleurs
  • Investissement incorporel
  • Diffusion et adoption des technologies numériques, analyse des données
  • Politiques industrielles, politiques inclusives, politiques intégrées, infrastructure
  • Possibilités qui répondent à des objectifs multiples. »]

Bob: Dans le monde de l'après-COVID, la politique devra, sans surprise de notre point de vue, se concentrer encore plus sur l'économie fondée sur les données et la croissance à long terme, en tenant compte des questions que Dan a déjà soulevées. Nous avons pu voir pendant la pandémie que la politique a été mise sur pied rapidement et de manière flexible. Et bien que cette façon de faire était appropriée dans les circonstances, elle ne l'est évidemment pas pour atteindre les objectifs à long terme de l'augmentation de notre niveau de vie. Nous devons conserver cette agilité afin que la politique et la réglementation s'adaptent à l'économie fondée sur les données. Mais comme le souligne le Plan pour l'innovation et les compétences du Canada, nous avons un problème de productivité dans notre pays, et nous devons nous concentrer sur l'amélioration de la croissance de la productivité. À quoi cela pourrait-il ressembler? Le premier point est plus une remarque générale que j'ai faite dans d'autres commentaires, à savoir que nous devons maintenir nos mesures de relance et ne pas les retirer trop tôt, sinon nous risquons de causer des dommages permanents à notre économie, et nous pouvons revenir sur ce point dans une séance de questions et réponses si les gens ont des questions. Concentrons-nous sur les quelques points suivants – les quelques points suivants du cercle, ce que j'appelle les moteurs de la croissance : l'investissement dans le capital humain, l'investissement dans l'économie immatérielle et matérielle, et la façon dont nous les utilisons ensemble. Nous savons que certaines entreprises et certains secteurs vont changer fondamentalement et que certaines entreprises ne survivront pas. Et cela se fera dans le contexte d'un changement structurel plus large, à mesure que nous poursuivons notre évolution vers une économie fondée sur les données. Nous avons assisté à l'émergence de nouvelles industries numériques, nous avons vu des industries existantes transformées par les données et la numérisation, et nous avons vu d'autres industries perdre de leur importance. Nous avons besoin d'une meilleure diffusion de ces technologies et de nouveaux outils pour faire le travail efficacement, ce que j'appelle l'analyse des données. Les données, ainsi que la manière dont nous les gérons et les utilisons, constituent un atout stratégique essentiel et permettront de créer de nouveaux produits, services et processus. Mais, comme pour tout changement technologique, il faudra aider les gens à saisir les nouvelles occasions, en modifiant notamment nos systèmes d'éducation et de formation et en mettant en place des programmes actifs adaptés au marché du travail. Et, comme Dan l'a souligné dans certains de ses autres travaux pour le CIGI, nous devons repenser la politique industrielle. Je me souviens qu'il y a 15 ans, lorsque je travaillais à la Banque du Canada et que je parlais à mes interlocuteurs à Industrie Canada, on ne pouvait même pas mentionner ces termes. Mais l'économie axée sur les données, avec ses défaillances du marché, nous montre qu'il est nécessaire de mettre en place une politique industrielle active dans certains domaines. Et vous savez, une seule initiative du gouvernement fédéral peut représenter des supergrappes. Nous savons également que la croissance doit être inclusive. Non seulement nous avons vu ce qui se passe quand elle ne l'est pas (sentiment anti-immigration, montée du populisme), mais l'inclusion est également essentielle à la croissance. Ainsi, à mesure que nous nous adapterons à la COVID-19 et aux changements comportementaux qu'elle entraîne, les politiques fondées sur des données probantes deviendront un guide encore plus important pour l'élaboration des politiques. Nous avons vu à quel point l'expertise technique nous a aidés à reformuler la politique économique pendant la crise. Et nous avons constaté la nécessité de recueillir des données fiables en particulier, et c'est quelque chose que notre organisme statistique, Statistique Canada, est bien équipé pour faire. Il est essentiel de disposer de données exactes et compréhensibles pour pouvoir les utiliser correctement afin de concevoir la politique. Enfin, certaines occasions répondent à plusieurs objectifs. Je ne citerai qu'un exemple pour l'instant, celui des technologies propres.

Diapositive 11

[La diapositive suivante s'intitule « Et un accent sur la gouvernance ». Un diagramme de Venn est composé de trois cercles intitulés « Données personnelles vs non personnelles », « Analyse des mégadonnées/Plateformes d'IA » et « Cybersécurité de la sécurité nationale ». La section où les trois cercles se chevauchent porte la mention « Gouvernance » et comprend une liste de points : « normes », « règles de propriété intellectuelle », « accords/lois de réglementation », « national », « international ».]

Bob: Nous devons également nous concentrer sur la gouvernance, qui est quelque chose que nous tenons pour acquis, surtout au Canada, où nous avons de bonnes structures de gouvernance. La gouvernance, c'est essentiellement les cadres qui nous guident dans nos actions; elle comprend nos lois, nos règlements, nos normes, nos principes, nos normes sociales. Et elle est importante, car une gouvernance efficace favorise l'innovation et une bonne croissance. Il existe toutefois des lacunes évidentes dans l'économie axée sur les données. Nous avons besoin d'une gouvernance appropriée qui tienne compte des différences entre les données personnelles et non personnelles, de la manière dont elles peuvent être combinées avec des analyses avancées, comme celles qui se cachent derrière nos plateformes numériques, et qui n'oublie pas les considérations relatives à la sécurité nationale et à la cybersécurité. La gouvernance est essentielle pour libérer les données et leur valeur. C'est une ressource extrêmement précieuse. Il y a moins d'un an, Statistique Canada a publié des expériences qui, au bas mot, évaluent sa valeur à plus de 200 milliards de dollars canadiens, et je pense qu'on sous-estime probablement ce montant. La quantité de données va exploser avec l'Internet des objets et la 5G. Ainsi, pour profiter pleinement des avantages des mégadonnées, il nous faut une bonne gouvernance ainsi que la confiance que cette gouvernance peut apporter, et c'est le point que j'aborderai maintenant, la confiance.

Diapositive 12

[La diapositive 12 s'intitule « La gouvernance renforce la confiance ». « Dans nos institutions et nos gouvernements », « Dans nos règlements et nos politiques et dans le fait qu'ils sont adaptés aux circonstances changeantes » et « Dans nos sources d'information ».]

Bob: Je suis sûr que vous avez souvent entendu cela : la gouvernance renforce la confiance dans nos institutions, elle renforce la confiance dans le gouvernement, elle renforce la confiance dans les entreprises et la confiance de tous ceux qui utilisent les informations nous concernant. La confiance est un élément primordial de l'économie immatérielle. C'est un élément du capital social. Nous devons savoir - nous devons avoir confiance dans les entreprises et les personnes qui partagent nos données, nous devons avoir... La confiance est essentielle pour les entreprises et les personnes qui partagent nos données. Nous devons avoir confiance dans les données... Nous devons avoir confiance dans les données et dans la façon dont elles sont utilisées. Car si nous n'avons pas confiance dans la façon dont les données sont utilisées, cela peut diminuer notre confiance dans les institutions elles-mêmes, notamment dans le gouvernement ou nos plateformes de médias sociaux. Et une partie de la confiance repose sur la transparence quant à l'utilisation de la technologie.

Diapositive 13

[La diapositive 13 est intitulée « Gouvernance des données : questions transversales ». Un cercle segmenté est divisé en trois sections. La section intitulée « Responsabilités essentielles » comprend les segments « Prospérité économique », « Sécurité publique et défense nationale » et « Santé publique ». La section intitulée « Objectifs axés sur les valeurs » comporte les segments « Démocratie », « Éthique des algorithmes » et « Vie privée ». La section intitulée « Objectifs instrumentaux » comprend les segments « Souveraineté et contrôle », « Concurrence » et « Cybersécurité ». De chaque côté du cercle, il y a cinq sous-titres, chacun comportant une liste de questions. Ces sous-titres sont les suivants :

Droits de propriété des données

  • « Qui est propriétaire des données et en quoi consistent ces droits?
  • Qui est autorisé à recueillir quelles données?
  • Quelles sont les règles d'agrégation des données?
  • Quelles sont les règles de transfert de données?

Gouvernance mondiale

  • Quelles devraient être les règles internationales régissant le commerce des données?
  • Est-il trop tôt pour coder les dispositions relatives aux données dans les accords commerciaux internationaux?
  • Comment établir et appliquer de nouvelles normes mondiales en matière de cybersécurité?

Bien social

  • Quels sont les problèmes de santé mentale, en particulier chez les jeunes, attribuables au capitalisme de surveillance?
  • Comment pouvons-nous protéger les citoyens, mais surtout les groupes vulnérables?
  • Comment pouvons-nous utiliser la surveillance à des fins légitimes de sécurité publique sans en abuser pour miner les droits et libertés démocratiques?

Cybersécurité

  • Qui est propriétaire des données et en quoi consistent ces droits?
  • Qui est autorisé à recueillir quelles données?
  • Quelles sont les règles d'agrégation des données?
  • Quelles sont les règles de transfert de données?

Potentiel commercial

  • Comment les stratégies de données peuvent-elles mieux appuyer les résultats de l'innovation?
  • Quelles sont les capacités individuelles et collectives nécessaires pour en tirer parti?
  • Comment choisir les industries et les secteurs à soutenir? »]

Bob: Cette diapositive présente beaucoup d'information, et j'espère que vous avez eu la chance de pouvoir la regarder. Je n'ai pas l'intention de vous l'expliquer en détail, mais je pense que l'une des choses les plus importantes ici, c'est à quel point on peut être surpris de constater combien la gouvernance des données est transversale. Nous l'avons divisé en cinq domaines, qui ne s'excluent pas mutuellement. Par exemple, lorsque vous examinez les droits de propriété des données et la cybersécurité. Je vais vous donner un exemple très actuel : le traçage numérique des contacts. Et je vais faire trois hypothèses audacieuses concernant la technologie. Tout d'abord, qu'elle fonctionne comme prévu, qu'elle identifie avec précision les personnes présentant un risque et qu'un nombre suffisant de personnes se connecte à l'application en question, quelle qu'elle soit. Mais même dans ce cas, même si ces trois hypothèses se vérifiaient, la collecte de données personnelles soulèverait de profondes questions. Ainsi, en commençant par les droits de propriété des données : quelles sont les règles qui régissent la manière dont les données de traçage des contacts seraient collectées, stockées, nettoyées, utilisées, rendues anonymes, transférées, transformées ou détruites? Et si vous y consentez au départ, que se passerait-il si vous souhaitiez retirer votre consentement par la suite? Comment cela fonctionnerait-il? Qui devrait établir ces règles et les faire respecter? Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a publié un cadre dans ce domaine. Mais je pense que le CPVP a également reconnu que la législation relative à la protection de la vie privée n'est pas à la hauteur de l'ère numérique. La gouvernance mondiale. Qui devrait établir les règles de gouvernance internationale qui régissent les applications, en particulier si les données traversent les frontières, ce qui sera probablement le cas? Comment pourrions-nous nous assurer que les données respectent notre législation, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) par exemple? Le bien public. Qu'est-ce que le traçage des contacts pourrait révéler d'autre? Pourrait-il révéler des renseignements sur votre santé physique ou mentale, et voudriez-vous que ces renseignements soient partagés? Devrions-nous autoriser le stockage des données en fonction du sexe, de l'âge et de la race pour faciliter la recherche fondée sur des données probantes? Ou bien cela pourrait-il conduire à un profilage racial ou à d'autres types de profilage, notamment si les données ne sont pas détruites après la pandémie? Dans le cas de la cybernétique, les gens comprennent-ils tous les cyberrisques réels associés à l'utilisation d'une application? Pourraient-ils révéler, à leur insu, des renseignements importants sur eux-mêmes ou sur les autres? Enfin, il est clair que les données de traçage des contacts sont extrêmement précieuses d'un point de vue commercial et, vous savez, elles pourraient contribuer à améliorer considérablement la prestation des soins de santé et les résultats dans ce domaine. Mais, bien sûr, elles seraient encore plus précieuses pour les plateformes de médias sociaux qui pourraient s'en servir pour enrichir leurs fonds de données, et ainsi renforcer leur position sur le marché.

Diapositive 14

[La diapositive suivante s'intitule « La gouvernance des données accroît les tensions commerciales et géopolitiques. » Une carte du monde est affichée. Les États-Unis sont mis en évidence, avec un texte sur le dessus indiquant « Flux de données ouvertes » et « Champions nationaux de facto ». L'Europe est également mise en évidence, avec les textes « Réglementations stratégiques » et « Normes et réglementation, régimes de droits des données et politique de la concurrence ». La Chine est également mise en évidence, avec les mots « Pare-feu national, champions nationaux » et « Ceinture et route numériques ». Voici une citation sous cette carte : « L'IA offre de nouvelles possibilités de construction sociale… L'IA est une technologie perturbatrice qui exerce une influence généralisée et qui peut entraîner la transformation des structures d'emploi, des répercussions sur les théories juridiques et sociales, des violations de la vie privée, des défis dans les relations et les normes internationales et d'autres problèmes. Elle aura de profondes répercussions sur la gestion du gouvernement, la sécurité économique et la stabilité sociale, ainsi que sur la gouvernance mondiale. » La citation est attribuée au « Plan d'intelligence artificielle de nouvelle génération de la Chine publié en 2017 (tel que traduit) ».]

Bob: Derrière la gouvernance des données se cache en fait une multitude de questions commerciales et géopolitiques qui se jouent actuellement sur la scène mondiale. En commençant par la gauche, nous avons les États-Unis, où les flux de données ouvertes sont inscrits dans des accords commerciaux tels que l'Accord Canada–États-Unis–Mexique ou l'ACEUM, comme on l'appelle, et obligent les données à revenir à leurs champions nationaux de fait, lesquels sont peu réglementés, ce qui renforce leur pouvoir de marché. Nous avons le royaume des données de l'Union européenne, qui n'a pas de champions nationaux, mais se concentre plutôt sur des réglementations stratégiques afin de freiner le pouvoir de marché des plateformes et promouvoir les droits individuels à travers son Règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous avons la Chine, et son Grand pare-feu qui s'accompagne d'une localisation complète des données et d'une base de données massive sur ses citoyens pouvant être utilisée pour créer des champions nationaux. Cette démarche s'inscrit dans la suite logique de son initiative « Fabriqué en Chine 2020 », qui vise à faire de la Chine une économie plus novatrice. Dans ce cadre, le pays tente également de devenir un concepteur de normes de premier plan, elle peut ainsi intégrer sa technologie à une norme et diffuser ses valeurs à l'échelle mondiale par le biais de cette norme, ce qu'elle fait actuellement au moyen de l'Initiative des nouvelles routes de la soie, et de sa domination et ses normes en matière de reconnaissance faciale. Ces questions, tout comme d'autres, sont toutes devenues des points chauds, en particulier avec les États‑Unis, comme je l'ai déjà mentionné, ce sont les questions sous-jacentes à leurs différends commerciaux. Quelle est la place du Canada? En fait, nous sommes soumis à la fois aux règles des États-Unis, en vertu de notre récent accord commercial, et à celles de l'Union européenne, au titre du RGPD. Et nous subissons les conséquences des mesures prises par la Chine dans le cadre de ses propres développements technologiques, de par son influence et l'établissement de normes, les tensions géopolitiques qui découlent de son ascension mondiale, la définition implicite de normes par l'entremise de l'Initiative des nouvelles routes de la soie, etc. Alors que signifie tout cela, comment construire cette économie prospère à laquelle nous aspirons, pour nous-mêmes et pour nos enfants?

Diapositive 15

[La diapositive 15 s'intitule « Comment bâtir une économie prospère : hier et aujourd'hui ». Il y a deux colonnes, chacune avec une liste d'infrastructures nationales, coopératives et sociales. La colonne de gauche est intitulée « Ère des infrastructures traditionnelles ». Elle comporte les sous-points suivants :

« National

  • Transport
  • Énergie (barrages hydroélectriques et transport, pipelines, réacteurs nucléaires)
  • Communications (microondes de Bell TransCanada, satellites de Télésat Canada)
  • Culture (CBC, règles sur le contenu canadien)
  • Institutions mondiales (ONU, Bretton Woods, ALENA)

Coopératives

  • Agriculture
  • Services financiers (coopératives de crédit)
  • Assurance
  • Technologies énergétiques (drainage par gravité au moyen de vapeur (DGMV) d'AOSTRA, réacteur CANDU)

Social

  • Éducation universelle
  • Réglementation du travail
  • Réglementation environnementale
  • Programmes d'aide sociale
  • Soins de santé socialisés
  • Régime de pensions du Canada »

La colonne de droite est intitulée « Ère des biens incorporels (numérique, IP, données) ». Elle comporte les sous-points suivants :

« National

  • Mise à jour de l'investissement direct étranger et des stratégies commerciales
  • Mise à jour des stratégies de financement de la recherche
  • Mise à jour des règlements du Bureau de la concurrence
  • Stratégies nationales de contenu et médias
  • Stratégie nationale en matière de données, de cybersécurité et de PI
  • Approvisionnement stratégique
  • Conseil de stabilité numérique pour la gouvernance numérique internationale

Coopératives

  • Fiducies de données (énergie, mines, foresterie, agriculture, villes, soins de santé)
  • Coopératives de brevets (secteurs verticaux clés, technologies horizontales clés)
  • Normes numériques pour les données, l'IA, les plateformes

Social

  • Gouvernance des données pour protéger l'autonomie privée et personnelle
  • Réglementation sur la gouvernance des données pour protéger les élections et la démocratie
  • Utiliser le code fiscal pour traiter les externalités du numérique
  • Avenir du travail (programmes sociaux, éducation). »]

Bob: Je vais me concentrer sur la partie droite de ce graphique. En fait, de nombreuses initiatives sont en cours au Canada et dans le monde dans tous ces domaines. Je ne ferai ici que trois remarques. Si on utilise l'optique de la gouvernance des données comme point de mire, le Canada doit continuer à revoir la législation et la réglementation sur la vie privée, la cybernétique, la concurrence et la sécurité nationale, et les mettre à jour. Nous devons cerner les lacunes, définir les liens entre ces domaines et les aborder de manière intégrée. La gouvernance représente un avantage stratégique pour le Canada. Il nous faut établir des normes pour la chaîne de valeur des mégadonnées, pour les données, pour les algorithmes d'intelligence artificielle et les plateformes qui les utilisent, et nous attaquer aux problèmes connexes, comme les préjugés et l'utilisation éthique de ces technologies, la surveillance, le capitalisme entre autres. Nous devons nous appuyer sur les efforts déjà déployés, comme la Directive du gouvernement du Canada sur le traitement automatisé, et intégrer les nombreuses initiatives en cours ici et ailleurs. Nous devons mettre l'accent sur les normes, intégrer nos valeurs et notre technologie dans les normes et les exporter dans le monde entier. Il s'agit d'un élément essentiel de notre cadre concurrentiel, lequel complète la réglementation et la législation qui, en général, suivent plus tardivement. Nous devons réfléchir à différents types d'accords de gouvernance, depuis les données ouvertes, ce que le gouvernement fait déjà avec ces données publiques, jusqu'à la confiance dans les données et les collaborations, et aux principes sous-jacents et aux structures juridiques et réglementaires qui sont plus adaptés aux différents types de données. Nous avons également besoin de nouvelles règles du jeu internationales en matière de commerce des données, d'investissements directs étrangers, de propriété intellectuelle, mais aussi de règles qui ne favorisent pas les grands opérateurs historiques. Comme Dan le mentionnait dans son travail, les données ne sont pas prêtes à être commercialisées. Ainsi, lors d'une récente comparution devant la Chambre, devant le Comité du commerce international de la Chambre des communes, j'ai indiqué en quoi les engagements commerciaux pris dans le cadre de l'ACEUM, relatifs aux données et à la propriété intellectuelle, ont des répercussions très larges dans de nombreux domaines prospectifs, notamment notre capacité à exploiter les données dans les nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle, ainsi que les politiques nationales fondamentales liées à la vie privée, à la sécurité, à l'investissement dans la propriété intellectuelle, à la concurrence et à l'innovation. Le Canada pourrait donc faire pression pour qu'une véritable négociation de l'OMC soit engagée pour s'attaquer à cette question, et il pourrait également encourager la création d'une nouvelle organisation mondiale en vue d'établir une gouvernance internationale relativement à l'économie axée sur les données, ce que nous appelons un Conseil de stabilité numérique.

Diapositive 16

[Diapositive 16 : « La Charte canadienne du numérique est essentielle. » Il y a 10 points sous le titre :

  • « Accès universel
  • Sûreté et sécurité
  • Contrôle et consentement
  • Transparence, transférabilité et interopérabilité
  • Gouvernement numérique ouvert et moderne
  • Règles du jeu équitables
  • Données et numérique pour de bon
  • Une démocratie forte
  • Exempt de haine et d'extrémisme violent
  • Une application rigoureuse de la loi et une véritable responsabilisation. »]

Bob: Le Canada a mis en place un cadre appelé la Charte numérique, que vous connaissez, je l'espère. Je dirais que la gouvernance de l'économie immatérielle représente à la fois une occasion énorme et un impératif pour le Canada. Nous ne faisons pas partie des domaines de données dont je viens de parler et, en fait, la plupart des pays non plus, même si nous sommes touchés par ces domaines. Nous devons tracer notre propre voie. Et c'est une voie que d'autres pays voudront peut-être suivre également.

Diapositive 17

[La diapositive 17 est remplie de texte blanc sur fond noir. Le titre est « Lettre de mandat au ministre Bains ». Le texte se lit comme suit : « Collaborer avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada et le ministre du Patrimoine canadien pour faire progresser la Charte canadienne du numérique et renforcer les pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée afin d'établir un nouvel ensemble de droits en ligne, y compris la transférabilité des données et la capacité de retirer, supprimer et effacer les données personnelles de base d'une plateforme; la connaissance de la façon dont les données personnelles sont utilisées, y compris… la capacité de retirer son consentement au partage ou à la vente de données; la capacité d'examiner et de contester la quantité de données personnelles qu'une entreprise ou un gouvernement a recueillies; les exigences proactives en matière de sécurité des données; la capacité d'être informé en cas d'atteinte à la protection des données personnelles, moyennant une indemnisation appropriée; et la capacité d'être à l'abri de la discrimination en ligne, y compris les préjugés et le harcèlement. »]

Bob: Enfin, je me suis inspiré de la lettre de mandat adressée au ministre Bains et j'ai pensé que les lettres qui ont également été adressées au ministère de la Justice et au ministère de la Culture — Patrimoine et Culture — étaient très révélatrices, car ce qu'elles soulignent, ce qu'elles mettent en avant, c'est l'importance de mettre en place des droits au sujet d'Internet, ou de ce que nous appelons une économie fondée sur les données. La lettre reconnaît qu'il faut une coordination importante entre les ministères et j'espère qu'il est clair que les efforts et la coordination vont bien au-delà de ce qui est indiqué ici.

Diapositive 18

[La diapositive est intitulée « Travaux liés au CIGI et plus encore à www.cigionline.org. » Des images de quatre livres sont affichées. Il s'agit de Data Governance in the Digital Age, Governing Cyberspace during a Crisis in Trust, Models for Platform Governance et Modernizing the World Trade Organization (traduction libre : Gouvernance des données à l'ère numérique, Gouvernance du cyberespace pendant une crise de confiance, Modèles de gouvernance des plateformes et modernisation de l'Organisation mondiale du commerce).]

Bob: Voici quelques-unes de nos publications que vous pouvez trouver, nos travaux récents et le travail que nous avons fait par le passé relativement à la gouvernance des données. Alors, merci beaucoup. Je vais maintenant redonner la parole à Taki.

[La diapositive est remplacée par un écran noir.]

Taki: Donc merci bien à tout le monde. C'est donc une présentation extraordinaire, des thèmes extraordinaires de la plus haute importance pour la fonction publique du Canada et pour les gens qui nous regardent et nous écoutent aujourd'hui.

[Les fenêtres de Taki et de Bob réapparaissent.]

Et comme nous l'avons précisé, c'est la première d'une série. Je sais que nous avons abordé de nombreux sujets aujourd'hui, nous avons parlé des données, de la protection de la vie privée, de la connectivité, de la propriété intellectuelle nationale, internationale… Nous parlerons de toutes ces choses plus en détail tout au long de la série. Mais c'était une excellente introduction.

[Les fenêtres de Taki et de Bob réapparaissent, puis celle de Taki remplit l'écran.]

J'aimerais donc commencer un peu. Le premier thème que j'aimerais aborder avec vous est le suivant : Dan, vous parlez un peu de l'économie « tout au vainqueur », et c'est quelque chose que nous voyons pour la première fois dans l'histoire, si ce n'est la première fois dans l'histoire.

[Les fenêtres de Dan et de Bob apparaissent aux côtés de celle de Taki.]

Et, vous savez, dans le passé, si vous étiez en quelque sorte le deuxième plus populaire, ou le troisième ou le quatrième plus populaire dans une industrie ou un secteur particulier, vous pouviez bien gagner votre vie si vous étiez, disons, ce que représente Pepsi pour Coca-Cola ou si vous étiez Chrysler ou Ford pour General Motors ou Labatt pour Molson, vous pouviez bien gagner votre vie. Mais aujourd'hui, si vous observez le monde et les plateformes émergentes qui se sont établies de manière très soudaine et très forte, presque sans que nous nous en rendions compte, quelque chose de vraiment intéressant est en train de se produire. Facebook est donc le « numéro un » des réseaux sociaux. YouTube est le « numéro un » du partage de vidéos, en quelque sorte, mais qui est le numéro deux? Google est le « numéro un » des moteurs de recherche, mais qui est le numéro deux? Airbnb est le « numéro un » du partage de propriété, et qui est le numéro deux? Amazon est le « numéro un » des achats en ligne, et qui est le numéro deux? La réponse à toutes ces questions est la même. Qui s'en soucie? Si vous êtes le deuxième plus populaire des réseaux sociaux, c'est comme, vous savez, applaudir d'une main. Si vous vous classez au deuxième rang des moteurs de recherche les plus populaires, vous êtes comme l'arbre proverbial de la forêt qui tombe et personne n'est là pour l'entendre.

[Bob et Dan rient.]

C'est donc très différent. C'est très différent pour les gens de se faire à cette idée. Alors, en quelque sorte, quel est le rôle des entreprises canadiennes dans un monde où, si vous n'êtes pas le « numéro un », vous ne comptez probablement pas dans certaines industries? Alors, sur quoi devrions-nous nous concentrer? Je sais que c'est une grosse question par laquelle commencer, mais je suis vraiment intriguée par cette notion de « tout au vainqueur ».

Dan: Je vais donc entrer dans le vif du sujet.

[La fenêtre de Dan est épinglée et remplit l'écran.]

Tout d'abord, ce qui peut être observé, c'est que l'économie axée sur les données, l'économie fondée sur les données, est néanmoins contestable. Rappelez-vous quand Yahoo! était le moteur le plus populaire, quand, vous savez, America Online était connu de tous. Vous rappelez-vous que MySpace a précédé Facebook? Il s'agit donc d'une économie « tout au vainqueur » qui crée des monopoles temporaires où le numéro deux n'a pas vraiment d'importance, mais il s'agit néanmoins d'un espace contestable. Aujourd'hui, nous voyons de nouveaux produits comme TikTok, certains émergent de presque nulle part, puis se taillent d'énormes parts de marché. Et Shopify, comme vous l'avez mentionné, est un nouveau venu sur le bloc, et pourtant il est devenu dominant à l'échelle mondiale. C'est donc encore un espace contestable, et la clé pour le Canada est de maintenir cette cohorte d'entreprises en démarrage qui ont de brillantes idées. Mais ensuite, nous devons vraiment les soutenir et les mettre à l'échelle, et c'est là que se situent nos lacunes. Alors, je pense qu'on peut se tailler une place dans cette économie et reconnaître que…

[Le son de Dan est perturbé. Les vidéos de Taki et de Bob réapparaissent.]

Taki: Bob?

Bob: J'ai manqué la dernière partie de ce que Dan disait, mais c'était peut-être quelque chose du genre… Vous savez, Shopify est un excellent exemple parce qu'ils ont vu une niche dans le marché et ils l'ont exploitée, et ils ont procuré d'importants avantages à un grand nombre d'entreprises au Canada, que le Canada peut en fait utiliser, que les PME canadiennes peuvent utiliser pour les aider à se développer. C'est donc un très bon exemple.

[La fenêtre de Bob est épinglée.]

Je pense que l'autre question est l'importance, vous savez, nous avons parlé de l'importance de la propriété intellectuelle et du fait que ces entreprises, lorsqu'elles prennent de l'expansion, protègent également leur propriété intellectuelle et s'assurent qu'elle n'est pas cédée par inadvertance ou par d'autres moyens. Et c'est un domaine qui a toujours été assez faible au Canada. Je sais que l'Office canadien des brevets a lancé un programme d'éducation. Le CIGI l'a fait dans le passé pour essayer d'aider les entreprises à comprendre la nature et l'importance de la propriété intellectuelle et pour leur fournir des conseils techniques afin qu'elles puissent conserver cette propriété.

[Les fenêtres de Taki et de Dan réapparaissent.]

Taki: C'est super. Pour ceux qui nous regardent, vous pouvez poser des questions. Il y a un bouton en haut à droite de votre interface où la main est levée. Et si vous appuyez sur ce bouton, vous pouvez poser votre question. Elle nous sera transmise et nous répondrons à quelques questions à la fin. Deuxièmement, je voudrais parler un peu des emplois et de ces plateformes. L'une des caractéristiques de ces plateformes, c'est qu'elles n'emploient pas beaucoup de gens. Et si vous pensez aux géants du passé de l'époque industrielle ou matérielle, et que vous parlez de General Motors ou de Chrysler ou d'Imperial Oil ou d'Exxon, ces entreprises employaient des centaines et des centaines de milliers de personnes. Et vous regardez Uber qui, avec la pandémie, a mis à pied un quart de sa main-d'œuvre, et ce quart ne représentait que 3 000 personnes. Et Airbnb a aussi récemment supprimé un quart de sa main-d'œuvre, et ce quart représentait moins de 2 000 personnes. Ainsi, ces énormes entreprises évaluées à plusieurs milliards de dollars n'ont, relativement parlant, aucun effectif. Alors, où allons-nous travailler à l'avenir en tant qu'analyste des politiques publiques et en tant que personne essayant de guider le Canada dans ces eaux turbulentes? Que diriez-vous aux analystes des politiques publiques ici présents pour qu'ils conseillent leurs ministres? Parce qu'on nous a toujours enseigné, ou on nous a enseigné à l'école et au cours de nos carrières au sein du gouvernement du Canada, que la cérémonie d'inauguration est nécessaire, et qu'il faut le panneau, et un nombre X d'emplois. Mais quand Amazon, Google et Facebook arrivent en ville, parfois ils ne créent pas d'emplois et en enlèvent même aux habitants locaux. Qu'en pensez-vous?

Dan: Je peux intervenir ici avec un premier commentaire et laisser Bob terminer, mais je dirais que, tout d'abord, l'économie commerciale nous dit que les êtres humains auront leur avantage comparatif. OK, donc il y aura des emplois. Cependant, la part du revenu qui va aux humains doit diminuer parce que, à mesure que les machines prennent le dessus et que nous parlons d'intelligence artificielle ou de ce que j'appelle le capital de connaissance des machines, les loyers devront aller aux propriétaires de ces machines. Et ce que nous avons vu dans le passé, depuis le début de l'époque axée sur le savoir, c'est que là où auparavant la part du travail dans le revenu était stable, stylisée, elle était stable. Elle a ensuite commencé à s'éroder. Plus l'économie est axée sur le savoir et les données, plus la part du revenu du travail diminue. Donc, le marché finira par attribuer des emplois aux gens, mais ils ne seront pas aussi bien rémunérés et nous aurons un problème de répartition du revenu principalement plutôt qu'un problème d'emplois.

Taki: Bob?

Bob: Je peux peut-être être un peu plus optimiste que Dan.

[Dan et Taki rient.]

Vous savez, notre compétitivité… c'est notre cerveau, non? Et notre ingéniosité, notre créativité. Ce sont des choses que l'IA n'a pas. Et j'aime penser que cette nouvelle technologie nous complète, et je pense qu'il y aura toute une nouvelle série d'emplois que nous ne pouvons même pas prédire aujourd'hui. Il y a aujourd'hui des emplois dont nous ne connaissions même pas l'existence, vous savez, que nous n'aurions même pas imaginé exister il y a dix ans. Mais je pense que Dan a mis le doigt sur quelque chose de vraiment important et nous sommes d'accord, vous savez, sur le point que vous avez soulevé, Taki, que beaucoup de ces gens, eh bien, peu de gens ont été mis à pied comparativement à ce que nous aurions pu voir dans les ralentissements économiques précédents. Mais bien sûr, cela a touché certains segments de la population beaucoup plus que d'autres. Et c'est la question plus vaste, je pense que la question plus générale concerne davantage les loyers dont Dan parle et leur distribution. Et s'assurer que nous avons un filet de sécurité sur lequel les gens peuvent, sur lequel les gens peuvent compter et nous, vous savez, nous avons vu ces lacunes dans la présente pandémie. Elles ne vont pas disparaître, nous devons vraiment y réfléchir. Je sais que le gouvernement y réfléchit, et nous devons continuer à y réfléchir. Par ailleurs, pour en revenir à la créativité, les choses pour lesquelles les gens sont vraiment doués. Notre système d'éducation et de formation professionnelle est-il en mesure de le faire? C'est une question ouverte. J'ai mon opinion, mais je m'en tiendrai là.

[Dan rit.]

Taki: Oui, une des choses que je dis toujours aux gens qui me demandent, vous savez, comment avancer dans leur carrière et comment être de meilleurs collaborateurs pour le gouvernement du Canada. Je leur dis toujours : vous savez, votre seul avantage concurrentiel aujourd'hui est votre capacité à apprendre quelque chose plus rapidement que votre voisin. Lorsque j'ai commencé au gouvernement du Canada en 1997, j'étais en quelque sorte estimé pour mes connaissances. Mais maintenant, comme les enfants du monde entier peuvent se promener partout avec la totalité du savoir humain dans leur poche, la valeur relative du savoir pour ce qui est de l'endroit où il est stocké est réduite à néant. Alors, que faites-vous de cela? Comment rendez-vous vos connaissances intéressantes? Comment raconter une histoire autour de ça? Comment relier un élément disparate entre A et B pour en faire quelque chose qui ajoute une valeur, par opposition à la simple connaissance statique d'un fait. Nous avons maintenant une question du public. Et c'est une question qui aborde vraiment — je pense qu'elle va droit au cœur du sujet. Vous avez parlé un peu de la différence entre le marché national et le marché international et du fait que, d'une certaine manière, le marché national n'a plus d'importance, mais, que d'une autre manière, il a une importance considérable. Et la pandémie a illustré cela très, très bien. Il y a plus de deux mois, je ne pense pas que vous auriez, vous savez, imaginé un scénario où le président des États-Unis songe à mettre des troupes à la frontière canado-américaine ou que des pays disent en gros « Vous n'exporterez pas de masques » ou « Vous n'exporterez pas de respirateurs » Donc, nous nous rassemblions, puis nous nous sommes séparés de façon dramatique. Et la question du public va vraiment dans ce sens. Je vais la lire, car elle a une grande profondeur en ce qui concerne ce que nous allons faire, en tant qu'analystes des politiques publiques. La question est la suivante : comme puissance moyenne, comment le Canada peut-il prendre des mesures pour commencer à protéger sa propriété intellectuelle et à en tirer profit, sans nuire à ses flux commerciaux et à sa coopération avec le reste du monde? Et je vais poser la question un peu différemment à quelques égards. D'abord, nous sommes petits, n'est-ce pas? Ainsi, dans le monde d'aujourd'hui, et peut-être depuis le début des temps, ce sont les grandes personnes qui écrivent les règles et nous ne sommes pas de grandes personnes. Donc, premièrement, quel est notre rôle en tant que petite personne parmi les géants? Et deuxièmement, au Canada, nous aimons toujours dire que nous sommes une puissance moyenne, que nous nous surpassons et que nous allons œuvrer au moyen d'institutions internationales. Est-ce encore la voie à suivre pour notre petit pays au nord du 49e parallèle?

[Bob rit.]

Dan: Encore une fois, je vais me lancer en premier. Tout d'abord, en ce qui concerne la prospérité de cette économie particulière, nous représentons, quoi, 2 % ou 3 % du PIB mondial?

[La fenêtre de Dan est épinglée.]

Nous n'avons besoin d'obtenir que 2 % ou 3 %, peut-être 5 % si nous sommes gourmands, de la précieuse propriété intellectuelle. Ce qui compte, c'est que lorsque nous finançons la recherche et le développement d'un vaccin ou d'un autre produit en tant que gouvernement, nous ne cédions pas cette propriété intellectuelle à un pays étranger. Qu'elle réside ici, que les propriétaires de cette propriété intellectuelle qui accumulent les loyers...

[Le son de Dan est perturbé. Les fenêtres de Taki et de Bob réapparaissent.]

Taki: Bob, je propose que vous laissiez Dan prendre le relais en attendant que le problème soit réglé.

Dan: Est-ce que vous perdez la communication avec moi?

Taki: Oui. Si vous utilisez Rogers, vous devriez passer à Bell. Inversement si vous utilisez Bell, vous devriez passer à Rogers. Bob?

[Bob et Dan rient.]

Dan: Bob, prenez le relais.

Bob: D'accord, bien, je vais peut-être emprunter une voie différente de celle où je crois que Dan se dirigeait, et c'est la suivante : en fait le Canada a un très grand rôle à jouer.

[La vidéo de Bob remplit l'écran.]

Vous savez, si vous revenez à la diapositive sur les domaines de données que j'avais créée. Comme je l'ai mentionné, la plupart des pays du monde ne font pas partie de ces domaines de données. Nous y sommes soumis à plus d'un titre et je pense que beaucoup de ces pays qui ne sont pas dans ces domaines de données sont en fait à la recherche de leadership. Et le Canada est bien placé pour le faire, nous sommes un pays respecté, surtout pour nos cadres de travail, et s'il y a un endroit où le cadre de travail est à bout de souffle, c'est bien l'économie numérique. Et, vous savez, nous avons les cerveaux, nous avons des personnes qui développent ces technologies et qui les connaissent. Nous avons une excellente fonction publique, vous savez, à l'échelle fédérale dans tout le pays. Nous avons tout ce qu'il faut pour établir la gouvernance et exporter cette gouvernance. Et à mesure que nous exportons cette gouvernance, par exemple par le biais de normes, nous intégrons nos technologies, nous intégrons nos valeurs. Donc, le Canada a cette énorme possibilité. Par ailleurs, je pense que ce que nous essayons de faire au CIGI, c'est d'encourager le Canada à le faire, à s'engager dans cette voie.

[Les fenêtres de Dan et de Taki réapparaissent.La bouche de Taki bouge, mais aucun son ne se fait entendre.]

Bon, maintenant c'est à mon tour d'avoir des problèmes et je n'entends plus Taki.

[Taki articule « oh » en silence.]

Taki: Le problème est mon incapacité à appuyer sur le bouton d'activation du son.

[Dan et Bob rient.]

Je vais donc redevenir un fonctionnaire du gouvernement du Canada de la vieille école, un fonctionnaire traditionnel, vous savez, des années 50, 60 et 70. Et je vous dirai que tout ceci est très intéressant. Mais nous y sommes. Ce n'est pas vraiment sur ce point que le Canada devrait se concentrer. Nous sommes riches en ressources. Nous représentons 2 % de l'économie mondiale et moins de 2 % de la population mondiale, mais nous possédons un quart de l'eau douce du monde. Nous avons une part disproportionnée des forêts, des ressources et du pétrole. À titre de fonctionnaire, mon travail consiste à m'assurer que l'économie de l'extraction continue à se surpasser, car nous avons la chance d'avoir, vous savez, une abondance ou une surabondance de ressources naturelles, et en tant que fonctionnaire du gouvernement du Canada, mon travail consiste à m'assurer que l'économie des biens matériels continue de dépasser les attentes. Qu'est-ce que tu répondrais à ça?

Bob: Je vais commencer par ça : ça me rappelle une conversation que nous avons eue avec certaines personnes du gouvernement.

[La fenêtre de Bob est épinglée.]

Et je pense que la question s'est orientée vers, vous savez, nous parlions de l'économie immatérielle. Et la question était « Avec tous les problèmes, nous nous battons avec les États-Unis en ce moment pour l'acier, les voitures, au moyen de la sécurité nationale, ce sont les batailles que nous combattons en ce moment et vous parlez de biens immatériels, comme ce qui se passe ici? » Et la façon dont j'ai essayé de présenter les choses, c'est que, d'une part, nous avons besoin d'accords commerciaux comme ceux que nous avons signés pour protéger notre secteur matériel afin de l'aider à prendre de l'ampleur. Vous savez, les choses sur lesquelles nous nous sommes appuyés dans le passé. Mais nous avons besoin d'un changement de politique en faveur des biens immatériels, car c'est ce qui va stimuler la croissance. Et c'est comme ça que je vois les choses. Nous devons encourager ce qui est là et l'améliorer. Mais ce qui va stimuler la croissance, ce sont ces éléments immatériels. Prenons le secteur pétrolier ou l'agriculture comme exemples. Bien, ils deviennent axés sur les données, ils deviennent immatériels. Et, vous savez, ils utilisent les analyses de données dont j'ai parlé, et ils aident à stimuler la croissance dans ces secteurs. Ainsi, le matériel devient également immatériel, et nous devons garder cela à l'esprit lorsque nous regardons vers l'avenir. Ces mesures contribueront à améliorer la productivité de ces secteurs et, espérons-le, à réduire leur empreinte carbone, ainsi que bien d'autres choses encore.

[Les fenêtres de Taki et Dan réapparaissent.]

Dan: Oui, je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela, mais je voudrais simplement rappeler pourquoi le Canada a nommé son ministre du commerce « ministre de la diversification commerciale ». Notre économie est dépendante des ressources, mais ces ressources sont essentiellement les mêmes que celles dont disposent les Américains. Et quand les choses se gâtent, ils protègent leurs ressources. Nous devons donc nous concentrer sur la diversification, et une grande partie de celle-ci proviendra de la nouvelle économie du savoir.

Taki: Messieurs, nous en sommes à la dernière minute. Quelle merveilleuse, merveilleuse introduction à notre nouvelle série. Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup de thèmes à explorer au cours des 8, 9 ou 10 prochaines séances. Propriété intellectuelle, données, vie privée, confiance, marché national, marché international. C'est un privilège et un plaisir de vous écouter tous les deux aujourd'hui pour renforcer certaines idées qui émergent chez certains d'entre nous, et initier les autres à une nouvelle façon de penser, car une grande partie de tout cela est très nouveau pour les Canadiens et les analystes des politiques publiques. Et il est important que nous commencions à comprendre la dynamique derrière l'économie de l'ère contemporaine. Mais aussi, comme vous l'avez laissé entendre, la géopolitique et je pense que l'une des choses que nous remarquons — j'ai commencé la séance en parlant de l'historien, de la citation de Yuval, sur la façon dont la pandémie fait avancer l'histoire — c'est que nous assistons à la réémergence de considérations géopolitiques dans une mesure qu'aucun d'entre nous n'a vue de son vivant. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, la géopolitique a évolué dans un sens et nous la voyons maintenant évoluer dans un autre. Et la façon dont le Canada traverse cette époque définira notre avenir économique et autre pour une longue, longue période. Alors, sur ce, c'était un grand, grand plaisir de vous accueillir aujourd'hui pour la première de notre série. Merci encore, et nous nous réjouissons des futures séances entre l'École de la fonction publique du Canada et le CIGI. Je vous remercie encore une fois. Au revoir.

Bob: Merci à tous.

Dan: Je vous remercie. Toutes mes excuses pour la qualité du son.

[Dan, Bob et Taki rient. L'appel Zoom s'estompe. Le logo animé de l'École de la fonction publique du Canada s'affiche sur un fond violet. Ses pages se tournent, le fermant comme un livre. Une feuille d'érable s'affiche au centre du livre qui ressemble aussi à un drapeau avec des lignes courbes en dessous. Le logo du gouvernement du Canada s'affiche. Le mot « Canada » avec un petit drapeau canadien qui s'agite au-dessus du dernier « a ». L'écran s'estompe et devient noir.]

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